〔 Ce soulèvement a trop duré. Éliminez tous les survivants, l’Empire n’a que faire d'une station secondaire lui apportant plus de tracas que de ressources ▿ Gloire à l'Empire 〕
ᴅᴇʀɴɪᴇ̀ʀᴇ ᴄᴏʀʀᴇsᴘᴏɴᴅᴀɴᴄᴇ ᴛʀᴀɴsᴘᴏɴᴅᴇ́ᴇ ᴀᴠᴀɴᴛ ʟᴀ ᴘᴇʀᴛᴇ ᴅᴇ ᴍᴀʀᴀᴋᴍᴇ.
┈ ⋞ 〈 ⏣ 〉 ⋟ ┈
Eden avait cru - à tort - que la sensation d'être humilié était quelque chose à laquelle il serait habitué. Après tout, il l'avait suffisamment pratiquée lors de cette dernière année : renvoi, pseudo-mutation au mois trois (un euphémisme pour parler de déchéance), trahison de Ryk... Non, les joues cuisantes, la sueur le long de son dos, l’envie de vouloir disparaître, il pratiquait plutôt bien.
Il venait tout de même même d’atteindre un nouveau sommet.
Vêtu en tout et pour tout d’un caleçon gris, ramassé contre sa paillasse, au cœur de sa chambre médicalisée aux allures de prison grésillante, il avait la sordide impression d'être un rat de laboratoire. Face à lui, les deux rebelles le dévisageaient comme s'il était un extraterrestre (ce qui était un peu le cas, factuellement).
Il y avait d’abord la rebelle à la peau sombre, qu’on avait apostrophée sous le sobriquet d’Hécate. Grande et athlétique, son blaster avait repris place sur sa ceinture et elle affichait à présent une expression sévère, à la limite de la grimace. Rien, ni même ses tresses ornées de bijoux et son maquillage coloré n’adoucissait son expression. Pire encore, son œil aveugle, d’un blanc spectral, le scrutait comme s’il le passait aux rayons X. Eden se ratatina un peu plus.
Le colosse qui l’avait rattrapé dans le couloir était appuyé contre la porte, un sourire mutin peint sur les lèvres. Pour sa part, il semblait trouver la situation très drôle.
Massif malgré sa taille plutôt modeste, son biceps devait à lui seul faire la taille de l’une des cuisses d’Eden. Avec ses cheveux blonds platine et ses yeux si clairs qu'ils semblaient translucides, il aurait pu ressembler à l'une de ses figures angéliques dépeintes dans la petite bible impériale que possédait tout bon sujet de l’Empire (Gloire à l’Empire !), si ça n’était pour la vilaine brûlure qui vérolait tout son côté gauche.
Eden sentit sa gorge se serrer. Il savait que ça n'était pas le moment de pleurer. Et pourtant, ça n'était pas l’envie qui lui manquait.
— Qu’est-ce que vous me voulez... Il termina par croasser, la voix incertaine.
S'ils voulaient l’exécuter, qu'ils en finissent. Prolonger ce jeu cruel, bien que conforme à leur réputation de criminels sans cœur, n'arrangeait personne.
Voyant son expression dépitée, le grand blond près de la porte éclata de rire, un rire si sonore qu'il rebondit contre les murs de la chambre :
— Hécate ! Tu sais que t'es terrifiante ? On dirait une putain de vigie de l’empire !
Peu réceptive à l'invective de son camarade, Hécate resta impassible. Le blond reprit donc le cours de la conversation, apparemment décidé à dérider Eden qui, crispé, n'avait pas bougé d’un pouce.
— Hey... Eden, c'est ça ? Désolé de t’avoir attrapé comme ça, l’impérial-quatre-étoiles. Mais tu comprends bien qu'on ne peut pas te laisser te promener comme ça dans notre vaisseau de commandement.
Sa brûlure tordait légèrement son sourire enjoué. Pétrifié, Eden ne put s’empêcher de déglutir, tombant un instant dans son regard trop pâle.
— Moi, c'est Astrande. Hécate adore tirer la tronche, mais je t’assure qu'elle est adorable quand elle fait un effort...
La personne adorable en question adressa un magnifique doigt d’honneur à son camarade aux cheveux blonds, qui eut à nouveau un sourire maladroit :
— Allez, fais pas cette tête...
— Pourquoi je suis encore en vie...? Pourquoi je suis suis là... ? Souffla Eden, manquant de fondre en larmes alors que la grande main du rebelle s’abattait sur son genou.
— Pour te faire manger déjà, et te laisser prendre une bonne douche. Puis quand tu seras remis, on ira voir mon boss, Satek. Il est sympa, pas aussi beau que moi, mais sympa, ne t'inquiètes pas.
Incrédule, Eden secoua la tête. Une douche et un repas ? C'était une blague. Une putain de blague. Il allait rétorquer, mais la présence d’un ensemble confortable et d’une paire de bottes à ses côtés sur la paillasse lui fit ravaler son venin.
— Si tu te sens mal, tu n'as qu'à demander à CAT-4. Je crois qu'il t’en veut un peu mais...
A nouveau, le petit blond au corps trapu éclata d'un rire sonore. La bouche ouverte, Eden laissa son regard glisser vers la porte qu’il lui désignait : il semblait sincère. Mais cela semblait trop beau pour être vrai.
— Qu'est que ce vous voulez en échange ? Il marmonna, méfiant.
Pour avoir fréquenté bon nombre de faux-culs dans l'empire (Gloire à l’empire...) il savait reconnaître un piège quand il en voyait un. Cette fois, ce fut Hécate qui prit la parole, son ton plus tranchant et glacial qu'une lame de couteau :
— Si on voulait quelque chose, tu serais déjà en plusieurs morceaux. Alors magnes-toi, contrairement à vous autres de l’empire, on a des choses importantes à faire.
Ouch. Voici un ton qui rappelait douloureusement celui de la hiérarchie impériale.
Les lèvres pincées, Eden obéit de mauvaise grâce, attrapant les affaires que lui avait préparé Astrande (qu'il soupçonnait de pouvoir se porter volontaire pour pouvoir le laver s'il ne se bougeait pas davantage le derrière). Aussitôt, CAT-4 laissa échapper un petit vrombissement enthousiaste en lui emboîtant le pas - il ne semblait pas trop rancunier.
Le battant de la pseudo « douche » claqua derrière lui, laissant apparaître une installation à l'image de tout ce qu'il avait pu entrevoir dans le vaisseau jusqu'alors : rustique mais fonctionnel. Rien qui n’arrive à la cheville de la confortable salle d’eau qui jouxtait son appartement d’ingénieur.
Sous les bip-bip enthousiastes du petit droïde médical (il priait pour qu’il ne soit pas équipé de caméras), Eden se délesta de son dernier vêtement, puis se glissa sous la douche. Il n’y avait aucune pression, l'eau n'était pas si chaude, mais son dos se détendit presque instantanément. Les mains appuyées contre le mur de tôle, il laissa le jet tiède charrier poussière et larmes, se frottant à la hâte avec la barre de savon fournie avec son change.
A peine eut-il posé un pied hors du baquet que CAT-4 lui tendit sa serviette, sifflant joyeusement en lui préparant déjà le reste de ses affaires. De mauvaise grâce, Eden récupéra les vêtements, évitant habilement les pinces du droïde surexcité qui s’évertuait à vouloir lui faire enfiler ses bottes alors que son pantalon n’avait pas encore rejoint ses hanches.
— Ça va, je me dépêche... Il grogna, jetant un coup d'œil dans la glace rétro-éclairée qui occupait tout un pan du mur de la douche.
Bien entendu, il n'était pas au top de sa forme. Malgré les soins prodigués par Hécate, la cicatrice laissée par le retrait du traceur était encore largement visible dans le creux de son cou et ses yeux teintés par l’Étherium étaient encore un peu rouges. Ses cheveux, en bataille, avaient eux aussi connu des jours meilleurs ; mais CAT-4 avait déjà décidé qu'il en avait terminé avec sa douche. Du bout des pinces, il le poussa vers la sortie, faisant coulisser la porte avec un sifflement qui devait ressembler à quelque chose comme « Ta-daaa ! » en langue droïde.
Astrande, assis en tailleur sur le lit, eut un magnifique sourire en découvrant Eden dans autre chose que son caleçon, se permettant un sifflement totalement gratuit et qui le faisait de plus en plus ressembler à Ryk.
— Eh bah voilà un impérial présentable ! J'avais peur qu'on doive te passer au Karcher à vaisseaux.
— Très drôle. Grogna Eden pour lui-même, fourrant les mains dans les poches du pantalon molletoné qu'on lui avait confié.
Même si cela en coûtait de l'avouer, les vêtements rebelles n'étaient pas si inconfortables. Les tissus étaient doux, ses nouvelles bottes fourrées d’un matériaux moelleux amortissant à la perfection chacun de ses pas ; au-dessus du débardeur de mécanicien fourni avec le reste de la tenue, une grosse veste oversize coupée au niveau des reins lui assurait du confort sans pour autant le restreindre dans ses mouvements.
— Et il a du répondant ! Génial, j'en avais marre de jouer au méchant gardien. S’esclaffa Astrande. Suis-moi, tu vas voir, notre vaisseau est confortable !
Et avec un geste de la main, il lui fit signe de le suivre, ouvrant la fameuse porte qu’il avait déjà traversée en courant lors de sa pitoyable tentative de fuite. Les mains dans les poches, Eden resta immobile un instant, jaugeant tour à tour la silhouette trapue du blondinet, puis Hécate qui se dressait à présent derrière lui, les bras croisés- peut être que s'il courait assez vite...
— Bouge l'impérial. Siffla Hécate derrière lui.
Tentative avortée. Grimaçant, Eden se mit en mouvement. Cloutées à l'instar de celles des deux rebelles, ses bottes résonnaient sur le sol métallique à mesure qu’ils avançaient. Tout comme lui lors de sa fuite, ils tournèrent à droite - son instinct n’était donc pas à jeter - les néons devenant de plus en plus vifs, accolés à de petits panonceaux écrits dans une langue qu’il ne connaissait pas.
— Désolé, on t’a laissé dans l’ancienne infirmerie, le temps que tu te réveilles, lui fit Astrande en ralentissant le pas pour se placer à sa hauteur. On voulait pas que tu tombes sur n’importe qui, les impériaux n’ont pas très bonne presse dans le coin. Et avec ta tête...
— Ma tête ?
Qu’est-ce qu’il y avait encore avec sa tête ? On lui avait déjà retiré un traceur explosif, qu’avait-il encore ? Des diodes au sommet du crâne ? Le drapeau de l’Empire (Gloire à l’Empire) tatoué sur le postérieur ?
— Tu as les yeux de l’Empire. Saphir sur Calcédoine. C’est à ça qu’on vous reconnait ici. Personne n’a de tels yeux, on ne consomme pas assez d’Etherium pour cela.
Eden eut une légère grimace. Il était vrai que pour lui, c’était leurs yeux qui étaient étranges. Mais loin du confort de Callisto et des départements d'ingénierie, personne n’avait le privilège d’accéder si facilement à l’or bleu. Cela expliquait aussi la présence de cette affreuse brûlure sur le visage du blondinet, ainsi que la possibilité même qu’Hécate possède un œil entièrement aveugle.
— Mais ne t'inquiètes pas, moi je les aime, tes yeux. Rit Astrande en surprenant son regard. C’est toujours si sexy un impérial, surtout dans vos uniformes !
— Ast’... souffla Hécate dans leurs dos. Tu ne peux pas tenir ta queue deux secondes ?
A nouveau, le blond éclata de rire, passant son bras tout en muscles autour des épaules d’Eden qui s’était légèrement tassé.
Cet Astrande lui rappelait beaucoup trop une autre personne pour sa santé mentale. C’était comme si Ryk avait trouvé un autre corps, plus petit certes, mais pas dénué de piquant. A nouveau, il sentit son cœur se serrer dans sa poitrine, le sang lui montant au visage alors qu’il s’efforçait de ne pas sombrer à nouveau dans un désespoir au goût amer.
Ryk avait trahi. Et peu importait à quel point ces rebelles semblaient aimables, il restait un captif, en territoire ennemi.
S’efforçant d’éviter les remarques vaseuses du blondinet un peu trop tactile à son goût, il se renfrogna, reportant son attention sur la nouvelle section du vaisseau qui se dessinait au loin.
Après de longues minutes passées dans les couloirs noueux de ce qu’on lui avait présenté comme étant l’ancienne infirmerie, ils venaient de déboucher sur un nouvel embranchement large d’une vingtaine de mètres, dans lequel se pressait une foule impressionnante malgré l’espace restreint.
Ici, tout était plus lumineux, plus propre. De belles lampes chaleureuses projetaient leur lumière diffuse, illuminant les murs et leurs fresques colorées. La foule aussi était plus souriante que la mine chafouine que lui avait servie Hécate : des accents chantants, des cheveux teints, des peaux tatouées...
Même s’il était comparable avec le grand hall de Callisto, ce lieu n'avait rien de la mécanique aseptisée des ingénieurs de la station. Et pourtant, il se dégageait de ce fouillis humain une forme d’organisation chaotique, les discussions et les rires s'harmonisant comme un cœur battant.
— Bienvenue sur le Léviathan. Sourit Astrande contre l’oreille d’Eden pour se faire entendre malgré le brouhaha. Il y aura un peu de monde aujourd'hui, on vient de passer le nuage de Oort, donc forcément...
Eden frémit. Le nuage de Oort. Aux frontières du connu. L’Empire (Éternelle soit sa gloire) n’avait jamais étendu son contrôle aussi loin. Il n’avait plus de point de repère. Plus aucun moyen de revenir. Sans le traceur, il était définitivement perdu.
— ...forcément il y a du monde, mais t’inquiètes, les quartiers des permanents sont plus au calme que ça. Ici, c'est le premier pont du vaisseau. Tu as tout ce qui est restauration, il y a du choix, surtout qu’on vient de passer par Io, donc on a de la viande...
Véritable moulin à paroles, Astrande continuait de débiter à son oreille, lui attrapant plus fermement le bras pour l’aider à se frayer un chemin - pour sa part, avec sa carrure, ça n’était pas un souci. Contrairement à Hécate et son air patibulaire, il lançait à tous des sourires éclatants, saluant parfois des visages amicaux (sans lâcher Eden nonobstant).
— Je suis en mission, désolé ! On se revoit à l'entraînement ! Il lança avec un clin d’oeil à une petite jeune femme aux cheveux rasés et au visage entièrement tatoué qui lui adressait un signe de main.
Le blondinet était visiblement une vraie petite célébrité, car ils furent encore arrêtés trois ou quatre fois avant de parvenir dans une nouvelle section de ce qui devait être l'artère principale du vaisseau, un peu moins bondée.
Étourdi par tant d’agitation, Eden n’opposait plus aucune résistance à ses gardiens, contentant de marcher un pied devant l'autre, les yeux baissés ; il n’avait pas oublié la remarque sur ses yeux.
— Tu vas voir, Satek est cool. Sourit Astrande en relâchant enfin son poignet alors qu'ils parvenaient devant un grand sas fermé par un système d’identification.
Les lèvres pincées, Hécate passa devant eux pour y appuyer une petite, provoquant son ouverture sur un nouveau couloir. Plus formel que le joyeux chaos de l’artère principale, il n’en était pas moins propre et lumineux, occupé par deux hommes qui sursautèrent en croisant le regard sévère de la rebelle.
Quelle taille faisait donc ce vaisseau...? Eden avait l’impression d'avoir marché des kilomètres et pourtant, il ne semblait avoir parcouru que la face émergée de cet iceberg de verre et d’acier.
— Salut les gars ! On vient vous déposer un colis ! Lança joyeusement Astrande en poussant gentiment Eden en avant. Satek l’attend, dites lui que l’impérial est là, il saura de quoi on parle, Ryk lui a tout expliqué.
Eden grimaça. Forcément. Le traître avait dû parler.
— Ah ouais. Impérial, hein ? Fit l'un des gardes avec une drôle de moue, reprenant son poste. Je crois que Satek est occupé.
— Ouais, pas mal de taf, avec cette histoire de cryptage... Renchérit l’autre avec un soupir ennuyé. Mais si il l'attend...
Malgré leur air nonchalant, les deux hommes armés s'étaient tendus à l’approche d’Eden. Si leurs gestes étaient un peu flegmatiques, à la limite du comique pour deux personnes censées monter la garde, ils n’étaient pas moins alertes.
— Le regardez pas comme ça, il va nous faire une syncope, c'est fragile ces petites choses la. Ricanna Hécate en remarquant le dos bien trop raide d’Eden, qui s'efforçait de ne pas partir en courant.
— Dit la nana qui a failli nous le faire pleurer. Pouffa Astrande.
A nouveau, Hécate lui adressa un superbe doigt d’honneur, avant de marmonner quelque chose sur le respect dû aux aînés et sur le comportement déplorable de son camarade aux cheveux blonds.
— Allez l'impérial, time to shine ! Rit Astrande.
Eden n’eut pas le temps de réagir avant qu’une grande main ne s’abatte sur sa tête, ébouriffant ses cheveux comme s'il était un gamin. Il se crispa d’un coup, les yeux écarquillés, comme si on venait de lui asséner un coup dans le ventre. Satisfait de son petit effet, le blond éclata de rire, trop fort. Hécate soupira :
— T’es insupportable Ast’...
Raide comme un piquet (et aussi parce qu'il désirait ardemment échapper à ce type beaucoup trop tactile), Eden emboîta le pas au garde pour s'engager dans le couloir de la nouvelle section sans un regard en arrière.
— À tout à l'heure, l'Impérial ! Je t'attends ici ! lança Astrande avec de grands signes de la main.
L’impérial en question l'ignora soigneusement, feignant de ne pas entendre ni son ton enjoué ni le petit glapissement de douleur qui suivit, preuve que sa camarade venait de lui enfoncer un coup de coude bien placé.
Le sas se referma derrière lui dans un chuintement, étouffant le bruit du pont principal. Le couloir dans lequel il s'était engagé avec les gardes était plus étroit, la lumière se faisant plus froide, un peu comme celle de l’infirmerie. Des portes coulissantes constituaient la majorité de ses paroi, équipées de petits panneaux de contrôle et de vitres sans tain. Dans le reflet des écrans, Eden pouvait apercevoir à intervalles réguliers son reflet angoissé.
Il faisait peine à voir, en vérité. Rien de bien glorieux pour un ressortissant de l'Empire (Gloire à l'Empire !).
Du moins, c'était ce que devaient se dire les deux gardes à sa gauche, qui continuaient de lui jeter des regards à la dérobée malgré les consignes d’Hécate. Eden resta cependant silencieux. Figée, son expression illustrait tout le plaisir qu’il avait à être avec eux, prêt à rencontrer il-ne-savait-trop-qui.
— Nous y sommes.
Après un nouveau virage, ils venaient de déboucher dans une grande pièce entièrement vitrée. En forme de coupole, elle révélait toute l’immensité de l'espace qui les entourait, nuages cosmiques aux teintes roses et indigo piquetés d'étoiles. Mais ce qui retint l'attention d’Eden, ce fut les machines.
Disposées en îlot central, de gros ordinateurs parcourus de câbles et de boutons entremêlés. De vieux modèles à la mécanique parfaitement huilée, sur lesquels étaient penchés une poignée d’hommes et de femme qui discutaient à voix basse, comme pour ne pas troubler l’immensité du ciel spatial.
— On te laisse ici. Satek t’attend.
Le garde n'eut pas besoin de préciser qui était le fameux Satek dont on lui parlait depuis son réveil. Surplombant la salle depuis une petite volée de marche, un homme d’une cinquantaine d'années semblait diriger les équipes, les mains dans le dos. Contrairement aux autres qui semblaient bien débraillés pour des techniciens (Eden était habitué à l’uniformité des vêtements de l’Empire - Gloire à l’Empire), il était impeccablement vêtu, le pantalon et la veste parfaitement ajusté sur sa silhouette sèche, quoique athlétique.
Mais ce ne fut ni son port altier, ni la cicatrice qui barrait son visage qui figea Eden sur place.
Cet homme. Cet homme qui semblait être l’une des têtes pensantes de la résistance avec son air autoritaire et sa veste de cuir blanc un peu usée.
Cet homme. Cet homme dont les cheveux poivre et sel coupés en brosse soulignaient l’angle de sa mâchoire et son regard autoritaire. Saphir sur calcédoine avait dit Astrande.
Cet homme avait les yeux de l’Empire.