Le parquet grinçait doucement sous les pas mesurés de Monsieur Deveraux. La salle de classe, baignée d'une lumière d'or pâle par le soleil de fin d'après-midi, se vidait peu à peu. Le bourdonnement habituel des voix s’éloignait dans les couloirs, laissant derrière lui un calme presque solennel.
Élina traînait à ranger ses affaires.
Elle le savait.
Elle cherchait une excuse pour rester.
Encore quelques minutes.
À la troisième fois où ses doigts glissèrent volontairement sur ses cahiers sans vraiment les ramasser, Monsieur Deveraux leva les yeux de son bureau. Son regard sombre, légèrement voilé par la fatigue, s'attarda sur elle une fraction de seconde de trop.
— Élina… murmura-t-il d'une voix grave. Tout va bien ?
Elle releva la tête, ses grands yeux clairs brillant d’une lumière trouble.
Son cœur battait si fort qu’elle avait l’impression qu’il résonnait dans tout son corps.
— Oui… Oui, Monsieur, répondit-elle, presque dans un souffle.
Il se leva lentement, repoussant sa chaise d’un geste calme. Ses mains croisées dans le dos, il avançait avec cette prestance discrète qui avait toujours impressionné Elina. Son costume sombre, sa cravate légèrement desserrée par une journée longue et pesante, lui donnait une allure presque vulnérable et étrangement proche.
Elle sentit un frisson lui parcourir l'échine.
Chaque pas de Monsieur Deveraux semblait résonner dans le silence, égrenant le temps comme des battements de tambour sourds.
Élina savait qu’elle aurait dû partir, comme les autres.
Qu’elle aurait dû ne pas attendre ce moment, seule avec lui.
Mais il y avait quelque chose... quelque chose d’incontrôlable.
Monsieur Deveraux s’arrêta à une distance raisonnable, mais suffisante pour qu’elle sente son parfum discret, un mélange de notes boisées et d’une pointe d’agrume.
Un parfum d’interdit.
De danger.
— Tu semblais ailleurs aujourd’hui, observa-t-il, sa voix douce, mais ferme.
Elle détourna le regard, cherchant un refuge dans l'agitation de ses pensées.
Et malgré elle, ses yeux tombèrent sur la main gauche de son professeur.
Sur cette alliance en argent, fine mais visible.
Un rappel cruel de tout ce qui les séparait.
Elle n'était qu'une élève.
Il était marié.
Tout en lui criait intouchable.
Et pourtant… ce regard...
Il n’était pas celui d’un simple professeur.
Pas aujourd'hui.
— C’est juste… beaucoup de choses en ce moment, murmura-t-elle, triturant nerveusement la reliure de son cahier.
Un silence lourd s'installa, mais pas pesant.
Plutôt suspendu, comme si le monde retenait son souffle autour d’eux.
Monsieur Deveraux la regardait toujours, intensément, presque douloureusement.
Ses yeux sombres semblaient vouloir capter quelque chose qu’elle-même n’osait pas dévoiler.
Il avait cet air grave, ce masque d’homme raisonnable… mais au fond, quelque chose vibrait.
Quelque chose de fragile.
De dangereux.
— Si tu as besoin de parler, Élina… je suis là.
Ses mots, d’une banalité apparente, sonnèrent comme une promesse silencieuse.
Elle hocha la tête, incapable de répondre autrement.
Sa gorge était nouée.
Son cœur battait si vite qu’elle craignait de chanceler.
Un pas hésitant.
Un souffle plus court.
Ils n’étaient qu’à quelques centimètres désormais.
Juste assez pour que l’électricité entre leurs corps devienne palpable, tangible.
Elle leva les yeux vers lui, lentement, prise au piège de quelque chose qui la dépassait.
Elle croisa son regard et comprit.
Ce n’était pas seulement elle.
Ce n’était pas seulement son cœur.
Lui aussi luttait.
Son regard glissa brièvement sur sa bouche, puis revint à ses yeux, avec une violence à peine contenue.
Il ne bougea pas.
Il ne fit rien.
Et pourtant, dans cet immobilisme, tout était dit.
Un frémissement la traversa, de la nuque au bas du dos, brûlant, déroutant.
La sonnerie du lycée retentit soudain, brisant l’instant en mille éclats.
Elina sursauta légèrement.
Monsieur Deveraux recula d’un pas, comme s’il sortait d’un rêve, replaçant aussitôt un masque d’impassibilité sur son visage.
— Tu devrais rentrer, dit-il d'une voix plus ferme, mais rauque.
Elle hocha la tête, rassemblant précipitamment ses affaires, les mains tremblantes.
Tandis qu’elle quittait la pièce, elle sentit son regard dans son dos, lourd, intense, indéchiffrable.
Et elle sut.
Au plus profond d’elle-même.
Que quelque chose venait de naître.
Elle poussa la porte de la salle, mais s'arrêta un instant, la main posée sur la poignée froide.
Un doute, un vertige.
Elle se retourna.
Juste un regard, pensait-elle. Juste un dernier regard avant de s’effacer.
Monsieur Deveraux était toujours là, debout au milieu de la classe, immobile, le visage tourné vers la fenêtre où le soleil finissait de mourir.
Dans cette lumière déclinante, il semblait irréel, presque fragile.
Elina sentit sa gorge se serrer.
Elle aurait voulu dire quelque chose.
N'importe quoi.
Un mot simple, un merci, un au revoir… mais aucun son ne franchit ses lèvres.
Et alors, dans ce court instant, leurs regards se croisèrent à nouveau.
Pas un mot.
Pas un geste.
Seulement un aveu silencieux.
Brûlant.
Inoubliable.
Elina tourna finalement les talons et s’éloigna d’un pas incertain, le cœur lourd, mais vibrant d’une émotion qu’elle n’avait jamais ressentie auparavant.
Dans son dos, Monsieur Deveraux resta figé, les poings crispés, luttant contre un désir coupable qui ne demandait qu’à déborder.
Ce soir-là, aucun d'eux ne trouverait le sommeil.
Car quelque chose, désormais, les liait dans l’ombre.
Quelque chose d'interdit.
Quelque chose de trop fort.
Quelque chose d'inévitable.
Bonjour !
J’espère que vous allez bien ?
Voici le premier chapitre j’espère que ça va vous plaire !
N’hésitez pas à mettre un comentaire pour dire ce que je dois améliorée la prochaine fois, ou rajouter plus d’action dans l’histoire.
Rendez-vous au prochain chapitre !
bisous bisous !
Xo.Xo <3