Élina n’avait pas dormi cette nuit-là.
Elle avait fixé le plafond de sa chambre des heures durant, le corps immobile mais le cœur ravagé par une tempête silencieuse.
Le souvenir de ses doigts sur les siens.
De son souffle si proche.
De son regard blessé qui disait tout sans un mot.
Tout en elle criait son nom, le réclamait, le suppliait.
Mais tout en elle savait aussi que ce qu’elle désirait était interdit.
Inaccessible.
Lundi arriva comme une lame.
Elle s’était préparée lentement, comme si chaque geste la rapprochait d’un gouffre.
Elle s’était habillée avec soin, sans savoir pourquoi, choisissant une robe sobre, mais douce au toucher.
Comme si une part d’elle-même espérait, contre toute raison.
Quand elle entra dans la salle de cours, son souffle se bloqua.
Il était là.
Monsieur Deveraux, toujours impeccable, mais le visage pâle, fatigué, les traits tirés.
Il ne leva pas les yeux vers elle.
Pas une fois.
Elle sentit quelque chose se fissurer en elle.
Comme si, d’avoir été si proche, il l’éloignait à présent d’autant plus violemment.
L’heure de cours passa lentement, insoutenablement.
Chaque mot qu’il prononçait sonnait vide.
Chaque geste semblait mécanique.
Elle l'observait sans relâche.
Et elle le voyait.
Elle voyait sa mâchoire crispée, ses doigts qui serraient trop fort son stylo, son regard qui évitait le sien avec une précision douloureuse.
Quand la cloche sonna, les élèves se levèrent dans un tumulte.
Elle resta figée.
Incapable de bouger.
Puis, lentement, quand la salle fut presque vide, elle se leva, ramassant ses affaires d’une main tremblante.
Elle n’avait pas prévu de lui parler.
Elle n’avait pas prévu de rester.
Mais son corps décida à sa place.
Ses pas la menèrent jusqu’à son bureau.
Il releva enfin les yeux.
Un éclair de panique, de fatigue, de tristesse passa dans son regard.
Il ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit.
Elle déposa un livre sur son bureau, sans un mot.
Il le regarda longuement, comme si ce simple geste contenait tout ce qu’ils n’osaient pas dire.
Enfin, d’une voix basse, rauque :
— Élina… pourquoi es-tu là ?
Il ne la gronda pas.
Il ne la repoussa pas.
Il semblait simplement… usé.
Brisé de l’intérieur.
Elle baissa les yeux.
Sa gorge se serra douloureusement.
Elle inspira profondément avant de murmurer :
— Parce que je n’arrive plus à faire semblant…
Elle sentit ses yeux brûler.
Elle ne pleurait jamais.
Pas devant les autres.
Pas devant lui.
Mais cette fois, c’était trop.
Elle leva les yeux.
Il s’était levé, contournant lentement son bureau.
Ses gestes étaient lents, comme s’il portait un poids invisible.
Quand il arriva devant elle, son regard était si douloureux qu’elle en eut le souffle coupé.
— Ne dis pas ça, murmura-t-il.
Tu n’as pas le droit de me dire ça…
Mais sa voix se brisa.
Il leva la main, hésita, puis caressa doucement sa joue du dos de ses doigts.
Un geste d’une tendresse infinie.
Un geste qui trahissait tout.
— Je ne dors plus non plus, avoua-t-il, la voix cassée.
Je pense à toi tout le temps.
Je me hais pour ça…
Un sanglot silencieux lui échappa.
Elle ferma les yeux, sentant ses larmes glisser enfin sur sa joue.
Il les essuya du bout des doigts, très doucement, presque religieusement.
— C’est mal… tellement mal… continua-t-il, ses mains encadrant son visage.
Je suis marié. J’ai une vie. J’ai des devoirs.
Mais quand je te vois…
Quand je te vois, tout s’effondre.
Tout devient flou.
Il posa son front contre le sien.
Elle sentit ses larmes humides sur sa peau.
— J’ai l’impression d’étouffer… quand tu n’es pas là, dit-elle dans un souffle.
Il serra les dents.
Puis, lentement, il posa ses lèvres sur les siennes.
Ce n’était pas un baiser de désir.
C’était un baiser de douleur.
Un baiser qui disait pardon, qui disait adieu, qui disait je t’aime sans espoir.
Ses mains tremblaient contre son visage.
Elle s’accrocha à lui comme si sa vie en dépendait, sentant son corps contre le sien, son cœur battre contre sa poitrine.
Ils restèrent ainsi de longues minutes.
Puis il se dégagea doucement.
Il caressa ses cheveux, ses joues, ses lèvres, comme pour graver ses traits dans sa mémoire.
Ses yeux étaient brillants.
— Je ne peux pas, Élina… je ne peux pas faire ça.
Pas à toi.
Pas à ma femme.
Pas à moi-même…
Il ferma les yeux, respirant profondément, essayant de maîtriser ses émotions.
— Ma femme… murmura-t-il soudain, presque dans un souffle.
Elina sentit son cœur se contracter.
Elle savait.
Elle avait toujours su.
Mais l’entendre… c’était une claque violente.
Il rouvrit les yeux.
Ils étaient pleins de larmes contenues.
— Elle n’a rien fait pour mériter ça… Elle m’aime. Elle a confiance.
Je ne peux pas trahir ça.
Il recula d’un pas.
Puis deux.
Comme s’éloigner de son propre cœur était la seule façon de survivre.
— Pars, Élina.
Je t’en supplie… Pars avant qu’on détruise tout.
Il détourna le regard, essuyant furtivement ses yeux.
Elle ne bougea pas tout de suite.
Elle le regarda encore, longtemps.
Puis elle prit ses affaires, lentement, le cœur en miettes.
Sans un mot, elle franchit la porte.
Derrière elle, elle entendit un sanglot étouffé.
Ce fut le bruit le plus déchirant qu’elle ait jamais entendu.
salut tout le monde.
Et voilà, que ce chapitre 5 ce termine, il était riche en émotion et plein de rebondissement. Monsieur Deveraux a franchit un cap mais à renoncé à cause de sa femme..et de son devoir.
Rendez-vous au prochain chapitre
bisous bisous !
Xo.Xo <3