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leanalaloum
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Chapitre 2

Le réveil strident hurle à six heures précises, brisant le silence comme une alarme de fin du monde.
Je sursaute, le souffle court, les yeux grands ouverts, encore embués de rêves agités. Mon cœur cogne contre ma cage thoracique avec une violence presque douloureuse.

Un plafond blanc. Une chambre impersonnelle. Un lit inconnu.

Puis la mémoire revient, implacable.

Ashford.
Alisson McKenzie.
Mission.

Je me redresse lentement, chaque geste chargé de la lourdeur d’une nuit sans repos. Mes pieds effleurent le parquet glacé. Je reste là un moment, dans le silence gris du matin, à tenter de calmer la tempête en moi.

C’est aujourd’hui. Le début de tout.

Je me lève, croise mon reflet dans le miroir posé contre le mur : yeux artificiellement sombres grâce aux lentilles, peau pâle, traits tirés. Je m'observe longuement, essayant de trouver Alisson dans les contours de mon visage.

Je choisis mes vêtements avec soin. Un jean brut, un sweat-shirt gris, des baskets défraîchies. L’uniforme de la banalité. Il ne faut ni briller, ni disparaître. Il faut exister juste assez.

Dans la salle de bain, je serre l’élastique de ma queue de cheval un peu trop fort. Une fois. Deux fois. Trois.
Mon reflet me regarde avec une expression que je ne reconnais pas : trop sage, trop fragile. Le genre de fille qu’on protège... ou qu’on piétine.

Je descends à la cuisine. Le silence est pesant, presque oppressant. Mon faux père, déjà prêt, avale un café noir sans un mot.
Je grignote un coin de toast sans y croire. L’angoisse m’étrangle l’estomac.

Au moment de partir, il m’adresse un signe de tête, impersonnel.
« Tu vas gérer », murmure-t-il, presque pour lui-même.

Je hoche la tête.
Parce que l’échec n’est pas une option.

Le lycée d’Ashford se dresse devant moi, massif et austère. Un bâtiment de briques rouges rongées par le temps, flanqué de fenêtres étroites et d’un grand panneau blanc où s’affichent les annonces du jour.

Je reste un instant figée devant l’entrée, écrasée par le vacarme ambiant. Des grappes d’adolescents s’entassent dans les couloirs, bruyants, excités, parfaitement à leur place. Moi, je me tiens à l’extérieur de ce monde, invisible mais exposée.

Je prends une inspiration profonde et pousse la porte.

À l’intérieur, c’est un chaos organisé : des casiers tapissés de stickers et de photos, des voix qui montent, des pas qui claquent, des rires qui tranchent dans l’air. Chaque élève semble savoir où il va. Moi, je ne connais même pas le chemin jusqu’à ma salle.

À l’accueil, une femme au sourire trop figé me tend mon emploi du temps et un plan du lycée.
« Bienvenue à Ashford High, Alisson », dit-elle d’une voix trop douce, trop fausse.
Je réponds par un sourire poli. Mon prénom me semble encore étrange.

Première heure : anglais, salle 203.

Je traverse les couloirs comme une ombre, scrutant les numéros sur les portes, essayant de m’orienter malgré la foule compacte. Des conversations s’arrêtent parfois à mon passage. Des regards traînent un peu trop longtemps.

Un groupe de filles me frôle. Short taille haute, sourire carnassier. L’une d’elles, blonde platine, me dévisage sans dissimuler son hostilité.
Elle ricane, puis tourne les talons.

Je ravale ma fierté et continue. Je ne suis pas ici pour me faire des ennemis. Ni des amies, d’ailleurs.

Salle 203. Je pousse la porte, discrètement.

Tous les regards se tournent vers moi. Un court silence suspend le temps.

La professeure, une femme sèche au chignon sévère, me désigne une chaise d’un geste las.
« Tu dois être la nouvelle. Assieds-toi où tu veux. »

Je me faufile vers le fond de la classe, évitant les yeux trop curieux, les chuchotements. Mon sac à dos glisse contre ma hanche. Je m’assois, le dos bien droit.

À côté de moi, un garçon dessine des petits cercles au stylo sur son cahier. Il lève brièvement les yeux, me jauge, puis retourne à ses gribouillis. Je le remercie intérieurement.

Je regarde par la fenêtre. La cour est baignée d’une lumière grise, presque blafarde. Adossé à un muret, un groupe de garçons rit. L’un d’eux, grand, les bras croisés, me fixe sans détour.

Son regard me transperce. Froid. Méfiant.

Je détourne les yeux et fixe mon cahier vide. Mon estomac se contracte. Je n’ai encore rien dit, mais je sens déjà le poids du soupçon s’abattre sur moi.

Le cours s’étire. Les minutes défilent au ralenti. Des murmures naissent, se propagent comme une rumeur naissante. Je les entends sans les comprendre. Je suis déjà cataloguée.

La nouvelle fille. Celle qu’on regarde du coin de l’œil. Celle qui dérange l’équilibre.

Mais ils ne savent pas à quel point je suis différente.

La cloche sonne. Un chaos joyeux s’empare de la classe.

Je me lève rapidement, emportée par le flot d’élèves dans les couloirs. Direction la cafétéria.

L’endroit est immense, bruyant, saturé d’odeurs artificielles. Les tables sont prises d’assaut. Des frontières invisibles séparent les groupes.

Je me faufile vers le self, attrape une bouteille d’eau et cherche une table vide. Rien. Partout, des visages qui jugent, qui classent, qui rejettent.

Je m’apprête à m’installer debout dans un coin quand une voix surgit derrière moi.

— Tu comptes manger toute seule encore longtemps comme ça ?

Je sursaute.

Je me retourne lentement.

Un garçon se tient là. Haut, charismatique. Sweat noir, regard d’un bleu métallique, sourire en coin. Il a l’arrogance de ceux qui n’ont jamais connu la peur.

 Je préfère, dis-je simplement, d’un ton neutre.

Son sourire s’élargit.

— J’aime les filles mystérieuses.

Il me détaille comme un prédateur analyse une cible.
— Je suis Jayden. 

Je retiens une grimace. Il sait se rendre inoubliable.

— Ali, je réponds, serrant ma bouteille comme un talisman.

Il hoche la tête lentement.

— T’es nouvelle, hein ?

Je hoche la tête.

Il rit, mais sans joie.
— Fais attention. Ashford, c’est pas fait pour les petites nouvelles trop curieuses.

Il pivote et s’éloigne, rejoignant les garçons aperçus plus tôt. Tous m’observent. Leurs rires sont silencieux, presque complices.

Je reste immobile un instant.

Ses mots résonnent comme un avertissement.

Quand la cloche sonne à nouveau, je sors de ma torpeur et me dirige vers mon prochain cours. Je ralentis devant mon casier.

Quelque chose dépasse de la fente.

Un papier.

Je jette un coup d’œil autour de moi, discrètement. Personne ne me regarde. Du moins, en apparence.

Je saisis la feuille du bout des doigts.

Deux mots, griffonnés à l’encre noire :

« Tu n’es pas la bienvenue. »

Mon cœur rate un battement. Mes doigts se crispent.

Pas de signature. Pas de trace. Juste une menace froide, glissée dans le tissu banal de la journée.

Je range le papier dans la poche de mon jean, puis relève lentement la tête.

Jayden est toujours là. Il rit avec ses amis.

Mais ses yeux, eux, sont braqués sur moi.

Et son sourire, lent, calculé, contient une promesse.

Pas de bienvenue.

Pas de paix.

Juste un jeu. Dangereux.

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