Sierra

Il l'avait tué.
Lev avait tué un homme.
Devant moi.

Je sentis une crise d'angoisse arriver.
Non, non, pas maintenant.

Ma panique se mêlait à mon anxiété, une alliance perfide qui me faisait perdre le contrôle de mon corps.
Mon rythme cardiaque s'accéléra, et ma respiration devint saccadée.
Il l'avait tué. Devant moi. Sans remords.

Je me mis à trembler. Je ne contrôlais plus rien. Il me faisait peur. Tellement peur.
J'avalai difficilement ma salive et plantai mes ongles dans la paume de ma main dans l'espoir de me calmer. En vain.

Je pris de grandes inspirations, puis attachai mes cheveux, devenus humides à cause de mes bouffées de chaleur.

Lev se tourna, et je sentis son regard peser sur moi.
— Bon, écoute,маленький идиот, on va respirer ensemble, d'accord ? Lorsque je lève la main, tu inspires, et quand je la baisse, tu expires.

Je hochai la tête pour lui faire comprendre que j'avais compris.

Il leva la main, et j'inspirai. Il la baissa, et j'expirai.

— Oui, comme ça. C'est bien Sierra. Continue.

Ma crise se calma peu à peu. Mais les larmes, elles, coulèrent en abondance sur mes joues, faisant dégouliner mon mascara.

Mes sanglots, eux, ne se calmaient pas. J'avais peur. Très peur.

Combien de temps comptait-il me garder ici ?
Et s'il me tuait ?
Et s'il s'en prenait à ma famille ?
Ou à Laya ?

— On rentre, ordonna Lev.

Je le suivis, en gardant une distance de sécurité entre nous.

Le trajet du retour se fit dans un silence pesant.
La tête posée contre la vitre, je regardai les arbres défiler.

Brusquement, un souvenir me revint.

J'étais en voiture avec papa. Nous allions à Aquaparc, rien que tous les deux.
J'étais trop contente.
D'habitude, papa était trop occupé avec son travail pour passer du temps avec moi. Quand il était là, il restait plutôt avec Giulia ou Elio — ma sœur et mon frère.

— On pourra m'acheter un livre là-bas ?
— J'ai pas bien entendu, t'as dit quoi ?
— On pourra acheter un livre, s'il te plaît ?
— Oui ma puce, on pourra acheter un livre. C'est ton anniversaire, après tout.

Oui. C'était mon anniversaire. J'avais quinze ans.
Mais c'était un jour comme un autre, finalement.

— Dis, papa ?
— Oui ?
— Est-ce que tu peux être à la maison plus souvent ?
— Non. Je suis trop occupé, tu le sais ma puce.
— Pourquoi tu restes toujours avec Giulia et Elio quand t'es là ?
— Arrête de faire l'enfant, Sierra. Tu ne vas quand même pas être jalouse de ton frère et ta sœur ?
— Non... désolée. Je t'aime fort, papa.
— Je t'aime aussi, ma puce.

Soudain, je sentis mon corps être brusquement projeté vers l'avant.
Ma ceinture me plaqua contre le siège tandis que la voiture fit des tonneaux sur la route.

Qu'est-ce qui se passait ?
J'allais mourir ?

Le souffle coupé. Le monde éclata dans un claquement métallique.
Mon propre cri me parut étranger.

J'essayai de parler, d'appeler papa... mais aucun son ne sortit.
Je sentis la panique m'envahir, me faisant trembler de tout mon être.

Les tonneaux s'arrêtèrent enfin.
Une douleur vive explosa dans ma tête.
Un goût métallique envahit ma bouche.

Je voyais flou.
Je me sentais comme spectatrice de la scène. Ce n'était plus moi qui contrôlais mon corps.

Sans prévenir, une larme franchit la barrière de mes paupières.

C'était la dernière fois que je vis mon père.
Son corps ne fut jamais retrouvé. Il fut déclaré mort.

Je ne savais même pas pourquoi je pleurais. Cet homme avait été un enfoiré.
Mais j'avais vécu sans mon père parce qu'une voiture nous avait fauchés. Littéralement.

Après cet épisode, pendant longtemps, il m'avait été impossible de monter dans une voiture.
Même aujourd'hui, il m'arrivait encore d'avoir peur.

Cet accident m'avait laissée en vie...
tout en me tuant