Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Theinspiredsun
Share the book

Son royaume, mon monde.

Les cris du public résonnent encore dans mes tympans quand je pousse la porte du vestiaire.

Là-dedans, c'est plus calme. Plus doux.

Loin du ring. Loin du bruit. Juste nous.

Iseul est assis sur le banc, torse penché, les gants déjà posés à côté de lui.

Ses cheveux collent à son front, ses joues sont rouges.

Il halète doucement, mais il sourit.

Je m'agenouille devant lui.

Je pose mes mains sur ses genoux, doucement.

Et je le regarde.

— T'étais incroyable, mon cœur.

Il me regarde avec ses grands yeux brillants, un peu essoufflé, mais tellement fier.

— Tu crois qu'ils ont vu quand j'ai fait la feinte avec mon pied et que j'ai tapé dans ses côtes ?

— Tout le monde l'a vu. Même moi, et j'ai cligné des yeux à ce moment-là. T'es un petit démon. Élégant, mais dangereux.

Il rit. Il a encore ce petit rire essoufflé qui fait vibrer ma poitrine.

Je prends sa gourde dans le sac, lui dévisse le bouchon.

— Bois doucement.

Il s'exécute. Deux longues gorgées.

Puis je sors la petite boîte hermétique, celle que j'avais soigneusement glissée dans son sac, comme une récompense que j'étais sûre de lui donner.

Je la pose devant lui, l'ouvre.

L'odeur familière du riz tiède, du poulet, des légumes.

Ses yeux s'illuminent.

— C'est mon plat du champion ?

— Et tu l'as mérité cent fois.

Il attrape ses baguettes et commence à manger avec l'appétit d'un roi affamé.

Je le regarde faire. Chaque bouchée. Chaque petit soupir content.

Puis je lui caresse les cheveux.

— T'as gagné, Iseul. Encore. Et pas juste ce combat.

Il lève les yeux, curieux.

— Tu sais ce que ça veut dire ?

Il secoue la tête, la bouche pleine.

— Tu vas aller au championnat national. Dans deux mois. À Busan.

Il s'arrête. Fige.

Ses yeux s'ouvrent en grand.

— À Busan ? Vraiment ? Comme... les grands ?

— Comme les grands, ouais. Parce que t'en es un maintenant.

Il repose ses baguettes un instant, les yeux brillants.

— T'es fière de moi, eomma ?

Je souris. Lentement. Profondément.

— Plus que ce monde pourra jamais comprendre.

On sort du vestiaire une demi-heure plus tard.

Tout est réglé.

Papiers signés, documents remis.

Busan est officiel.

Iseul tient fièrement son petit dossier comme si c'était une ceinture de champion.

Il saute presque à chaque pas.

— Tu crois qu'à Busan ils auront des vestiaires encore plus grands ? Et des rings encore plus beaux ? Et que je pourrai avoir deux étoiles dorées d'un coup si je gagne ?

Je ris doucement en ouvrant la portière arrière.

— À ce rythme, tu vas finir ministre du Muay Thaï.

— Ça existe pas.

— Ça existera quand tu y arriveras.

Il grimpe dans son siège auto sans que j'aie à le lui demander.

Il attache sa ceinture avec la concentration d'un pilote de chasse.

Puis il pose la tête contre le côté du siège.

Je ferme la portière.

Un petit clac.

Un petit monde sécurisé.

Je monte à mon tour, attache ma ceinture.

Je lance le moteur.

Il fait nuit maintenant.

Les rues sont calmes, baignées dans l'orange des lampadaires.

Le silence dans la voiture est apaisant.

Et à travers mon rétro, je le vois.

Petit corps, bras posés le long du torse, paupières qui luttent.

Il s'endort comme un roi qui a conquis son royaume.

Sans bruit. Sans peur.

Juste le souffle régulier d'un gamin qui a tout donné.

Je souris.

Doucement.

Sans bruit.

Parce que ce moment...

c'est le genre de silence qui crie que tout va bien.

On arrive devant notre immeuble.

Je coupe le moteur, sors lentement, ouvre la portière arrière.

— Iseul... mon cœur. On est rentrés.

Il bouge à peine. Puis bâille en silence, les yeux à moitié ouverts.

— Eomma...

— Oui bébé. Viens. Je t'aide.

Il se détache à moitié, me tend la main.

Ses doigts sont chauds, mous de fatigue.

Je referme doucement la portière, le sac de sport sur l'épaule.

On entre dans le hall.

Lumière jaune, murs froids.

Ascenseur.

On monte.

Lui, adossé à ma hanche, lutte pour garder les yeux ouverts.

Je le tiens d'un bras, comme un souvenir précieux qu'on ne veut pas abîmer.

Ding.

Quatrième étage.

On sort.

Quelques pas.

Puis la clé dans la serrure.

La porte s'ouvre.

On est chez nous.

Je pousse doucement la porte avec l'épaule, sac sur l'autre, Iseul à moitié pendu à ma main.

Il se redresse d'un coup dès qu'on est dedans, comme s'il venait de recharger à 100 %.

Je referme derrière nous, et à peine les chaussures enlevées, il fonce.

— Dodo direct ! Je suis un champion fatiguéééé !

— PAS SI VITE, petit fuyard, je lance depuis l'entrée. Tu files pas au lit en mode sushi mal lavé.

Il s'arrête net, juste avant de sauter sur le matelas.

Tourne la tête. Grimace.

— Juste une sieste... genre... de deux secondes...

— Dans l'eau.

Il râle.

Un vrai petit boudeur.

Mais ses pieds obéissent.

Pendant qu'il se déshabille dans la chambre, je pose le sac de sport près de la cuisine.

J'ouvre la fermeture.

Je récupère la petite boîte vide, la gourde à moitié pleine, les couverts.

Tout dans l'évier.

Tout sera lavé demain.

Ce soir, c'est la routine. Le calme. La fin.

Je l'entends filer vers la salle de bain, pieds nus sur le parquet.

Je le suis.

Il est debout, tout nu comme un ver, à moitié gelé mais fier, ses petits bras croisés.

— Je suis prêt. Eau chaude, hein ?

Je souris.

— Toujours.

Je tourne le robinet. L'eau commence à couler dans la baignoire, dans un glouglou apaisant.

Je règle la température. Parfait. Tiède et douce, comme il aime.

Je le regarde s'approcher.

Il grimpe dans la baignoire en retenant un frisson.

— Trop bon.

Je m'assois sur le bord.

Ses petits pieds s'étendent sous l'eau, il ferme les yeux une seconde.

Et moi je respire.

Je le regarde flotter dans la mousse.

Il s'enfonce un peu plus dans l'eau, le menton à moitié plongé, les bras étendus comme s'il flottait dans un océan qui n'appartient qu'à lui.

Puis, sans ouvrir les yeux, il demande d'une voix calme :

— Et toi, eomma ? Ta journée... elle était bien ?

Je reste silencieuse une seconde.

Flash.

Le hall.

Taeyang.

Ses yeux sur moi.

Son "Yoo Minrae" prononcé comme si j'étais une étrangère.

Je ravale.

Je range ça dans la boîte.

Et je souris.

— Très bien, mon cœur. C'était une grande journée. Une première journée. Et tu sais quoi ?

Il ouvre un œil, curieux.

— Je vais devenir la meilleure médecin du pays. Pour que toi, tu n'aies jamais à t'inquiéter de rien. Et que tous les gens importants, ils sachent que la maman de Yoo Iseul, c'est pas n'importe qui.

Il sourit, large.

— Et moi je deviendrai le champion du monde. Comme ça, t'auras même pas besoin de travailler.

Je ris, un vrai petit rire du ventre.

— Marché conclu. On se soutient. Moi je te soigne, toi tu me payes les vacances.

— Deal.

On frappe nos paumes mouillées dans un bruit mou et satisfaisant.

Un pacte silencieux.

Lui et moi. Toujours.

— Allez, le roi de Busan, debout. Le bain est terminé.

Il râle un peu, comme toujours, mais se laisse faire.

Je l'aide à sortir, l'enroule dans sa serviette préférée, celle avec les petits dragons bleus.

Et pendant que je le frotte doucement...

— NON EOMMA PAS LÀAAAH ! crie-t-il en riant.

Trop tard.

J'attaque les chatouilles.

Sous les bras. Dans le dos. Derrière les genoux.

Il explose de rire, gigote comme une crevette possédée.

— C'est le prix de la victoire, monsieur ! On paie en rires ici !

— Arrêêêêteuh ! J'suis un guerrier ! Pas une peluche !

Je l'embrasse sur la joue en guise de trêve.

— Un guerrier qui pue s'il se sèche pas correctement, ouais.

Je le laisse grimper sur son petit tabouret en bois devant le miroir.

Je branche le sèche-cheveux.

Il ferme les yeux, prêt, les bras croisés comme une star qui se fait coiffer avant un tapis rouge.

Je le sèche doucement, mèche par mèche.

— Plus à gauche, eomma. Là c'est encore mouillé.

— Oui chef.

Ses cheveux chatains foncés, légèrement ondulés, dansent sous l'air chaud.

Il ouvre un œil, me regarde dans le miroir.

— J'ai une bonne tête de futur champion ?

— Tu ressembles à un drama à succès.

— C'est bien ?

— Evidemment.

Il rigole, descend, puis tend la main vers sa brosse à dents.

— Allez, les dents !

Je sors la mienne.

On se plante devant le miroir.

Et ça commence :

— En haut, en bas !

— À gauche, à droite !

— Fais voir cette langue de crapaud là !

Il tire la langue, mousse partout.

On rigole, on s'éclabousse presque, c'est le chaos du soir.

Le chaos qui rassure.

Je le rince, l'essuie, lui enfile son pyjama à rayures.

Puis je file mettre le mien à la hâte, en le surveillant du coin de l'œil pendant qu'il saute déjà sur le lit.

Je ris doucement, éteins la lumière de la salle de bain, et le rejoins.

Je me glisse sous la couette, et il vient directement se coller contre moi.

Pas un mot. Pas une demande.

C'est un réflexe.

Un besoin.

Je passe un bras autour de lui.

Il cale sa tête dans le creux de mon cou.

— Eomma ?

— Hm ?

— Je dois te dire un truc hyper important. Mais... C'est un secret.

Je souris, même sans le voir.

— Vas-y, je suis prête. Je suis tout ouïe et tout câlin.

Il inspire profondément, comme s'il allait m'avouer un braquage.

— J'ai... une amoureuse à l'école.

Je pouffe de rire sans réussir à me retenir.

— Déjà ?! Mais t'es un bébé !

— Pas vrai ! J'ai cinq ans et demi.

— Et elle s'appelle comment, ta fiancée ?

— Jiwon. Elle a des barrettes avec des étoiles, elle court plus vite que tout le monde sauf moi, et elle m'a laissé manger une fraise de son goûter.

— Ouh là là... une fraise, c'est sérieux ça.

— Et elle m'a dit que mes cheveux, "on dirait du chocolat". Tu trouves pas que c'est joli  ?

Je ris doucement.

Il est sérieux. Mais tellement doux.

— C'est très joli, mon cœur. Tu crois qu'elle serait d'accord pour que tu continues à dormir avec ta maman malgré tout ?

Il relève la tête, presque choqué.

— T'es folle ?! Jiwon c'est l'école. Toi, c'est pour toujours.

Il repose sa tête contre moi, rassuré par sa propre logique.

Et moi, j'ai la gorge un peu nouée.

Je lui caresse lentement les cheveux.

Son souffle devient plus lent. Plus lourd.

Ses bras se desserrent.

Son front contre ma clavicule.

Il dort.

Et moi, je reste là.

Le regard fixé au plafond.

Le cœur plein.

Et cette certitude au fond de moi :

Je peux tout affronter.

Tant qu'il s'endort comme ça, contre moi.

6h. Bip. Étirements. Pompes. Abdos. Tractions.

Corps réveillé.

Esprit prêt.

Iseul dort encore quand je termine mon café.

Je le réveille avec un baiser sur le front.

Il ouvre les yeux, encore à moitié dans son rêve, mais sourit immédiatement.

— T'as bien dormi mon champion du monde ?

— Ouais... J'ai rêvé que Busan c'était sur un nuage.

— Alors t'as intérêt à t'entraîner à sauter haut.

Petit-déj. Habillage. Sac. Siège auto.

Tout roule.

Je prends mes clés, mon sac.

On descend. Il grimpe dans la voiture comme un pro, s'attache sans que je dise un mot.

— Prêt pour l'école ?

— Prêt pour tout !

Premier arrêt : chez Haejin.

Elle monte avec son gobelet de café et son sac trop grand pour la réalité.

— On dirait que t'as dormi plus que d'habitude, lance-t-elle à Iseul.

— C'est parce que j'ai rêvé fort.

Deuxième arrêt : chez Somin.

Toujours impeccable, toujours en tailleur, elle monte dans la voiture comme si c'était une limousine.

— Vous sentez ? Ça sent la rentrée officielle dans l'enfer.

— On y va avec du parfum de fierté, corrige Haejin.

On rigole.

Et on roule.

On dépose Iseul à la maternelle.

Il sort de la voiture en trottinant, sac ourson sur le dos, puis revient en courant pour me faire un bisou.

— Bonne journée, eomma ! Et deviens une super médecin, ok ?

— Deal. Et toi, deviens un nuage de Busan.

Il rit.

Et file.

Nous, on remonte.

Direction Daehan.

La jungle dorée.

Et cette fois, je suis prête à y entrer le menton encore plus haut.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet