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Theinspiredsun
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Même lui.

La voiture se gare dans un crissement maîtrisé.

Pas de suspense. Pas de flottement.

C'est notre deuxième jour, mais l'allure est la même qu'un jour de gala.

Haejin ouvre la portière côté passager.

Queue de cheval haute, lunettes de soleil, sac militaire en bandoulière.

— Si y a encore un discours d'un prof qui croit qu'il est Dieu, je jure que je me lève et je pars.

— Et tu pars où ? demande Somin en descendant de l'arrière, impeccable comme toujours.

— Je sais pas. Bali. Un bar. Les urgences.

Je sors en dernière.

Ma veste tombe parfaitement sur mes épaules, jupe ajustée, talons nets.

Le campus est déjà en mouvement.

Des étudiants partout. Des conversations dans toutes les langues.

Des blouses blanches pliées sur des bras bronzés.

Des portables à la main. Des airs hautains. Des pas pressés.

Mais nous ?

On marche lentement.

Parce qu'on sait exactement où on va.

— On est en quelle salle ? demande Haejin en mâchant son chewing-gum comme une déclaration de guerre.

Somin consulte l'app sur son téléphone.

— Bloc C, salle 2-13. Anatomie générale avec Professeur Yoon. Deux heures.

Je soupire.

— Le genre à croire que disséquer un muscle, c'est une expérience spirituelle ?

— Exactement, répond Somin. Il médite avant chaque cours. Il croit que l'humérus est sacré.

Haejin roule des yeux.

— Génial. Un hippie en blouse blanche. Manquait plus que ça.

On s'engage dans l'allée principale, entre les palmiers décoratifs et les bancs design.

Des étudiants nous croisent, certains nous fixent discrètement, d'autres ouvertement.

On les ignore tous.

Bras dessus, bras dessous, trois femmes prêtes à bouffer la journée.

On grimpe les escaliers.

On passe devant des groupes de mecs qui ricanent à moitié.

Certains nous suivent du regard.

D'autres s'écartent en silence.

On entre dans le bâtiment C.

Murs blancs, odeur de désinfectant, affiches d'organes humains accrochées dans les couloirs.

Un vrai temple de la médecine... version ultra luxe.

Salle 2-13.

On entre.

Vaste amphi, baies vitrées, sièges en cuir.

Des écrans géants sur les murs, et au centre, une table en acier sur laquelle repose un buste anatomique.

Classe. Froid. Précis.

On choisit des places au centre, parfaites pour tout voir, sans être trop devant.

Je m'installe.

Je croise les jambes.

J'ouvre mon carnet.

— On joue à la bonne élève ? demande Haejin, en sortant son surligneur fluo.

— On est la bonne élève, je réponds sans le regarder.

Somin hoche la tête, l'air concentré.

Les minutes passent.

La salle se remplit.

Et soudain...

Un groupe entre.

Quatre garçons. Bruyants. Beaux.

Riches à crever, ça se sent dans leur posture.

Des rires étouffés. Des regards arrogants.

Et évidemment, au centre... lui.

Seo Taeyang.

Je relève à peine les yeux.

Il traverse la salle comme si elle lui appartenait.

Il échange une tape avec l'un de ses potes, balance une blague à un autre.

Il est en tee-shirt noir, simple, moulant.

Les tatouages dépassent du col et des manches.

Son regard se pose une demi-seconde dans notre direction...

Et rien.

Pas un tressaillement.

Pas un signe qu'il m'a vue.

Pas un souvenir dans ses yeux.

Comme si j'étais une étudiante comme les autres.

Et peut-être que c'est ça, le pire.

Je sens Haejin se tendre à côté de moi.

Somin, elle, continue de griffonner sur sa tablette, faussement calme.

— On fait quoi si on est dans le même groupe que lui ? murmure Haejin.

— On le découpe, je réponds.

Somin sourit, sans lever les yeux.

— On commence par le cerveau ? Ou on le cherche encore ?

Je retiens un rire.

Et à ce moment précis...

Le professeur entre.

Silence immédiat.

— Bonjour à tous. Je suis le Professeur Yoon Seokjun. Bienvenue dans votre premier cours d'anatomie générale.

Il parle doucement.

Avec ce genre de voix posée, presque religieuse.

— Aujourd'hui, nous allons explorer les fondations du corps humain. Ce n'est pas un simple cours. C'est une ouverture à ce que vous deviendrez : les gardiens de la vie.

Et là, je souris pour de vrai.

Pas parce que c'est beau.

Mais parce que moi, je suis déjà une gardienne.

Et rien, pas même Seo Taeyang, pourra me faire oublier pourquoi je suis ici.

Le cours commence.

Le professeur projette une modélisation 3D du corps humain sur le mur en verre au fond de la salle.

Les muscles s'affichent, un à un, en rouge vif, en rotation lente.

Et moi, j'suis là.

Concentrée. Précise. Froide.

Chaque mot, chaque détail, je le note dans mon carnet.

Pas parce que j'en ai besoin.

Mais parce que j'aime ça.

Parce que mon cerveau a appris à absorber tout ce qu'on lui donne.

Et à en faire une arme.

— Le muscle deltoïde, commence le professeur, est essentiel à la mobilité de l'épaule. Sans lui...

Mais sa voix commence à se fondre dans le fond.

Parce que mes yeux, eux, ont déjà glissé.

Là-bas.

Deux rangées devant.

Légèrement à gauche.

Lui.

Seo Taeyang.

Parfaitement immobile.

Bras croisés.

Regard perdu vers le plafond comme si même la science l'ennuyait.

Il note à peine.

Il fronce légèrement les sourcils.

Et son profil me frappe comme un souvenir mal rangé.

Et soudain...

Flash. 💥

Cour de récré. Collège. Printemps.

Je suis là, en uniforme, mes cheveux attachés en une longue tresse lâche.

Somin est assise sur le banc, en train de faire semblant de réviser.

Haejin mange une sucette, les pieds sur le sac de sport d'un pauvre type qu'elle a probablement tabassé au ping-pong.

On rigole. On crie. On vit.

Et là...

Des cris.

— MINRAE-YAAAH !

On se retourne.

Et je le vois.

Seo Taeyang, 15 ans.

Déjà trop beau, déjà trop sûr.

Ses cheveux noirs bouclés dansent au vent, sa chemise est à moitié sortie de son pantalon d'uniforme.

Et derrière lui, ses trois clowns de potes.

Rion avec une enceinte dans la main.

Jaehyuk qui tient une pancarte faite en cours de maths.

Minseok avec une paire de lunettes cœur ridicules.

Et lui, au centre, qui commence à danser.

Une chorégraphie improbable, mélange de moves débiles, de gestes dramatiques, et de mimes de cœur brisés.

Il tourne sur lui-même, se jette au sol, simule un tir à la flèche de Cupidon, se prend la tête à deux mains...

Et tout ça, pour moi.

La cour entière explose de rire.

Somin se cache derrière son livre.

Haejin crache sa sucette.

Moi ?

Je lève un sourcil.

Je le regarde jusqu'au bout de son cirque.

Il termine à genoux devant moi, bras en croix.

— Yoo Minrae... veux-tu sortir avec moi ?

Le silence se fait.

Les gens retiennent leur souffle.

Et moi...

Je souris.

Je le regarde.

Je me penche légèrement vers lui.

Et je murmure :

— Non.

Et je tourne les talons, laissant derrière moi un Taeyang hilare, qui se roule littéralement par terre de rire, et ses potes morts de honte.

C'était ça, notre début.

Un truc à la con.

Une scène digne d'un k-drama parodique.

Mais je m'en souviens comme si c'était hier.

Et pouf, retour dans l'amphi.💥

Le professeur explique le rôle des muscles extenseurs.

Somin prend des notes à ma gauche.

Haejin lutte contre le sommeil à ma droite.

Et moi, je suis revenue.

Juste un flash.

Une piqûre du passé.

Je me redresse, reprends mon stylo, recommence à écrire.

Comme si de rien n'était.

Mais au fond, ce petit rire adolescent...

il résonne encore dans un coin de ma mémoire.

Et c'est ça le pire.

Je m'en souviens trop bien.

Deux heures.

Deux heures à écouter parler de ligaments, de tendons, de tissus conjonctifs.

Deux heures à prendre des notes comme une machine, à répondre quand on m'interroge, à ne pas détourner les yeux.

Deux heures à prouver que je suis là pour régner, pas pour pleurer.

Et maintenant, pause déjeuner.

Les élèves se lèvent, certains soupirent, d'autres filent déjà vers les cafétérias.

Moi je range mes affaires calmement, en silence.

Mais y'a un pincement là. Discret. Juste sous la cage thoracique.

Ce pincement de merde.

Celui qui dit : "Tu l'as revu."

Celui qui souffle : "Il est toujours là."

Celui qui murmure : "Et toi, tu ressens encore."

Je serre les dents.

— T'as vu comme on a pas vu passer les deux heures ? dit Haejin en s'étirant.

— C'est sûrement parce qu'on est trop intelligentes, répond Somin en refermant sa tablette.

Je me lève avec elles, l'air de rien.

— Allez, on va manger. J'ai besoin de gras et de soleil.

Et j'ignore.

Je ravale le pincement.

Je me dis que Taeyang ne mérite pas une seule cellule de mon attention.

Direction la cafèt'.

Le campus est immense, mais parfaitement organisé.

Bâtiments vitrés, jardins paysagés, coins repas en terrasse.

Des distributeurs futuristes, des tables en bois verni, des étudiants beaux, riches, brillants.

Mais nous, on s'en fout.

On veut du réconfort.

On passe devant un distributeur, puis une boulangerie.

Chacune prend un truc différent.

— Croissant au beurre, c'est la base, dit Haejin.

— Salade quinoa-tofu-sésame noir. Parce que mon corps est un temple, souffle Somin.

— Triangle kimbap, je dis. Parce que mon porte-monnaie est un foyer d'accueil.

On rigole. On sort.

On s'installe dans l'herbe du campus, à l'ombre d'un arbre immense.

Juste assez de soleil pour réchauffer, pas assez pour cramer.

On s'assoit en cercle, les sacs posés derrière nous.

La robe de Somin s'étale autour d'elle comme un tapis de luxe.

Haejin croque dans son croissant comme si c'était une vengeance personnelle.

Moi, je regarde le ciel quelques secondes.

Bleu parfait. Sans tâche. Sans défaut.

Et je me dis que c'est marrant.

Même sous un ciel sans nuage, t'es pas à l'abri d'un putain d'orage intérieur.

Je mange sans parler.

Et je me concentre sur ce qui est réel.

Mon fils.

Mes amies.

Mon campus.

Mon avenir.

Pas lui.

L'herbe est fraîche.

L'air est doux.

Et mes épaules commencent enfin à se relâcher.

Autour de moi, le monde continue de tourner.

Mais dans ce petit coin de verdure, sous cet arbre, y'a que nous trois.

Et ça suffit à faire respirer mon cœur.

Somin pique dans sa salade avec une grâce presque insultante.

Haejin mange comme si elle faisait la guerre à la pâtisserie.

Moi je me contente de mon triangle kimbap, assise jambes croisées, le visage au vent.

Silence paisible.

Juste le bruit des rires autour, des feuilles qui bougent, et du papier de sandwich qui craque.

Je souris un peu.

— J'vous ai même pas dit...

— Ouh là, commence Somin en relevant la tête. Ça commence souvent comme un drama, cette phrase.

— Hier soir, Iseul a gagné son championnat régional.

Haejin s'arrête net.

— QUOI ?!

— Champion régional ??? répète Somin, les yeux grands ouverts.

Je hoche la tête, un petit sourire en coin.

— Et il est sélectionné pour les Nationaux à Busan. Dans deux mois.

Elles explosent.

— MAIS C'EST MON NEVEU ÇA !! hurle Haejin, la bouche pleine de croissant.

— Non mais attendez, il a CINQ ANS et il va à Busan ?? C'est un tueur, ajoute Somin.

Je ris.

Un vrai petit rire qui fait du bien.

— Il était tellement heureux. Il m'a parlé tout le trajet en dormant à moitié. Ce gosse me rend folle.

— Il rendrait fier un pays entier. Il devrait déjà avoir un fan club, balance Haejin en s'étalant sur l'herbe.

— Il en a un. Nous trois. Maman et les tatas du chaos.

— Et toi, t'étais comment ? demande Somin en croquant une graine trop chic pour exister.

Je la regarde.

— Fière. Épuisée. En amour. Et convaincue que j'ai pas le droit de flancher. Pas tant qu'il m'appelle "eomma" avec autant de confiance.

Silence.

Mais un de ces silences chargés, tu vois.

Ceux qui disent "on est là".

Sans avoir à le prononcer.

Haejin hoche la tête doucement.

Somin lui prend une frite dans son bento sans demander.

Et la vie continue.

— Bon, les filles... On a quoi cet aprèm ?

Somin consulte direct son agenda sur son téléphone, comme si elle attendait cette question depuis deux siècles.

— "Physiologie cardiovasculaire" avec Professeur Han. Deux heures. Puis "Bases de diagnostic clinique". Trois heures. Je veux mourir.

Haejin pousse un râle digne d'un film d'horreur.

— Je vais littéralement m'endormir sur mon stétho. Tu m'électrocutes si je ronfle, Minrae ?

— Avec plaisir. Mais j'filmerai aussi. Juste au cas où tu veux postuler dans un cirque plus tard.

Elle me jette une miette de croissant au visage.

On rigole.

Et juste là, dans ce moment volé,

je me rappelle que tant que j'ai elles,

je peux traverser n'importe quoi.

Même lui.

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