Ils marchèrent encore un moment, dérivant sans but précis, comme deux âmes perdues qui n'avaient plus besoin de destination.

Raphaël parlait peu, mais quand il le faisait, ses mots étaient choisis avec soin. Élisa se sentait bien, presque légère, pour la première fois depuis des semaines.

Elle riait même, parfois, à ses anecdotes sur les parisiens râleurs, les serveurs bougons, ou ses séances photos ratées.

— Tu sais, dit-elle en se reprenant, je crois que j'avais oublié ce que c'était de se sentir vivante.

Raphaël la regarda avec une intensité qui la troubla.

— Et moi, je crois que j'avais oublié ce que c'était de vouloir rester.

Elle baissa les yeux, gênée par l'émotion soudaine qui serrait sa gorge.

Ils arrivèrent devant une petite place cachée, bordée de platanes. Une vieille fontaine, presque abandonnée, trônait au centre.

Raphaël s'approcha, passa ses doigts sur la pierre humide. Il semblait perdu dans ses pensées, loin d'elle, loin de tout.

Élisa l'observa en silence.

Il avait cette façon de regarder autour de lui...

Comme un homme qui guette un danger.

— Tout va bien ? demanda-t-elle doucement.

Raphaël sursauta légèrement, puis sourit pour cacher son trouble.

— Oui. Juste... des souvenirs.

Elle voulut insister, mais quelque chose dans son regard la retint. Une douleur ancienne, brutale, qu'il dissimulait maladroitement.

Ils reprirent leur marche.

Mais Élisa sentit malgré elle une tension, presque imperceptible, dans l'air.

Comme si quelqu'un... les suivait.

Quand ils passèrent devant une vitrine, elle aperçut un reflet fugitif — une silhouette, dissimulée derrière une camionnette garée.

Elle s'arrêta, le cœur battant plus fort.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Raphaël, en fronçant les sourcils.

— Rien... murmura-t-elle. Juste une impression.

Raphaël posa doucement une main sur son épaule.

— Ne t'inquiète pas. Paris est pleine d'ombres. Mais elles ne mordent pas.

Il sourit.

Un sourire tendre. Un sourire qui balaya ses doutes... pour le moment.

Élisa se laissa porter.

Elle voulait croire à cette rencontre. Elle voulait croire que parfois, la vie offrait une seconde chance.

Mais derrière eux, l'ombre continuait de les suivre. Silencieuse. Patiente.

Comme un prédateur attendant son heure.