Il était presque minuit quand on frappa à sa porte.
Un coup sec. Puis deux autres, plus discrets.
Élisa se figea dans son salon plongé dans l'obscurité.
Elle tendit l'oreille, le cœur battant.
— Élisa, c'est moi, souffla une voix derrière la porte.
Raphaël.
Pendant un instant, elle resta paralysée.
Puis, lentement, elle s'approcha.
Elle regarda à travers le judas : il était là, seul, sa silhouette légèrement penchée vers la porte.
— Ouvre, s'il te plaît, dit-il doucement. Je sais que tu es là.
La clé tourna lentement dans la serrure.
Quand elle ouvrit, elle resta accrochée au battant, ne lui laissant que quelques centimètres pour parler.
Raphaël avait l'air fatigué, tendu.
Ses yeux la cherchaient, inquiets.
— Je peux entrer ? demanda-t-il.
— Pourquoi ? souffla-t-elle.
Il baissa les yeux.
Sortit lentement quelque chose de la poche de sa veste : une enveloppe identique à celle qu'elle avait reçue.
— On t'a contactée, n'est-ce pas ?
Élisa serra les dents.
— Qui sont-ils ?
— Ce ne sont pas des gens à qui tu veux parler.
Il marqua une pause, cherchant ses mots.
— Écoute, ce que je fais, ce que j'ai fait... ce n'est pas si simple. Mais je n'ai jamais voulu t'impliquer.
— Trop tard, murmura-t-elle.
Elle pensait à l'homme à l'imperméable, à la photo, au mot menaçant.
Raphaël la regarda avec une tristesse infinie.
— Je peux t'expliquer. Mais pas ici. Pas comme ça.
Il se pencha légèrement vers elle, et dans ses yeux, Élisa lut une peur sincère.
Pas la peur de perdre, non.
La peur pour elle.
— Ils vont essayer de t'utiliser pour m'atteindre, dit-il.
— Qui "ils" ? explosa-t-elle à voix basse.
Il se passa une main nerveuse dans les cheveux.
— Un groupe. Une organisation. J'ai travaillé pour eux, il y a longtemps. C'était... sale. Dangereux. Je me suis échappé. Depuis, je cours.
Élisa sentit sa gorge se nouer.
Tout ce qu'il disait ressemblait à un mauvais film d'espionnage.
Et pourtant... il était là, devant elle. Vrai. Fragile.
— Pourquoi moi ? demanda-t-elle dans un souffle.
Un sourire triste étira les lèvres de Raphaël.
— Parce que tu étais au mauvais endroit au mauvais moment. Et parce que... il hésita... parce que je tiens à toi.
Élisa sentit ses défenses vaciller.
Une partie d'elle voulait claquer la porte.
L'autre voulait le prendre dans ses bras et lui dire que tout irait bien.
— Je peux t'aider, dit Raphaël d'une voix rauque. Mais il faut me faire confiance. Il faut qu'on parte, ensemble. Maintenant.
Le silence s'étira entre eux.
Élisa regarda la nuit derrière lui, vaste et menaçante.
Et sut, au fond d'elle-même, que sa vie venait de basculer.
Qu'il y avait un "avant" Raphaël, et qu'il y aurait désormais un "après".
Restait à choisir de quel côté elle voulait tomber.