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LiiymScart
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CHAPITRE III

Lycoris

Deux semaines. Deux longues semaines sont passées, et rien d'extraordinaire. Le réveil sonne toujours trop tôt, l'école est toujours trop longue, la maison trop silencieuse, Charles est toujours en garde à vue. Les petites fuites nocturnes entre copines pour respirer un peu d'air frais, les repas avalés sans faim, le sommeil forcé. Et puis on recommence. Encore et encore. Un cycle chiant, sans fin, comme un disque rayé.

Je m'ennuie tellement ici. Assise sur cette chaise dure, à cette table bancale près de la fenêtre, je laisse mes bras s'étaler, ma tête posée dessus comme si je pouvais m'évanouir. Je fixe le vide dehors, jalouse de l'air libre, jalouse surtout de Leslie et Janne, juste à côté l'une de l'autre, en train de se chuchoter des conneries en douce.

Et moi ? Bah, moi je suis assise là, exilée volontaire de la sociabilité, punie par le prof de français qui a eu la brillante idée de me coller à côté du mec le plus insupportable de toute la classe. Reiner.

Oui, LE Reiner. Je le connais trop bien, malheureusement. Celui qui, en 5ème, m'a laissée me débrouiller toute seule comme une merde pendant le cours d'orientation. J'étais paumée dans le bois, à deux doigts de pleurer, et monsieur s'était barré en sifflotant, comme si de rien n'était. J'oublierai jamais. Ce traître.

Et comme si le sort s'acharnait, le destin a trouvé drôle de nous coller ensemble depuis le collège jusqu'à maintenant. Super.

— Eh, Lyris, regarde ! me chuchote Reiner en me tapotant discrètement le bras.

Je bouge pas d'un cil. Qu'il me foute la paix, ce crétin. Il m'énerve déjà en respirant. Et en plus, il ose m'appeler par mon surnom. Genre, on est potes ?

— S'il te plaît, juste deux secondes. Tu me connais, je vais insister jusqu'à ce que tu lèves les yeux.

Il marque un point. Je le connais, en effet. C'est un teigneux. Et quand il veut m'emmerder, il y met tout son cœur.

— Tu me fais chier, questa ?! je souffle en cédant enfin, levant les yeux avec un soupir bien appuyé.

Et là... dites-moi que je rêve.

Sa bouche est jaune fluo. Ses joues sont couvertes de petits points bleus. On dirait une tentative ratée de Picasso en plein délire.

C'est plus fort que moi et visiblement plus fort que lui aussi, on explose de rire en même temps. Un vrai fou rire, celui qui te prend à la gorge et te fait mal au ventre.

— Comment tu t'es fait ça, p'tit con ? je lui demande en tentant de reprendre mon souffle, la main sur la bouche pour pas rire trop fort.

— Bah, je voulais me maquiller comme une meuf... mais c'est parti en couille, avoue-t-il en haussant les épaules.

Il accompagne ses mots de gestes exagérés, comme s'il présentait un tuto beauté foireux.

Je suis pliée en deux. Il est con, mais drôle. Horriblement drôle. Et le pire, c'est qu'il le sait.

Forcément, la classe capte notre délire. Les regards se tournent vers nous, les rires commencent à fuser, quelques moqueries gentilles s'ajoutent au lot.

Le prof lève la tête, confus, puis pousse un soupir de lassitude. Reiner, lui, arbore son maquillage raté avec fierté.

Et moi, malgré moi, je souris encore.

— Reiner West, tu sors ! soupire le prof sans même détourner les yeux du tableau.

Bien fait pour lui, franchement. J'étouffe un petit rire discret.

— Mais monsieur, c'est Lyris aussi ! s'écrie Reiner. C'est elle qui m'a maquillé !

Je me fige. Puis je me retourne vers lui, les yeux grands ouverts, prête à l'étrangler.

— Mais QUOI ?! T'es sérieux là ?! Arrête de mentir ! J'étais en train de dormir, moi !

— Bah ça va être simple, coupe le prof en se retournant enfin vers nous. Monsieur West et Madame Assline, vous sortez tous les deux ! Personne ne fait l'andouille dans mon cours, et personne ne dort non plus !

Il nous regarde tour à tour avec un air de juge suprême, comme s'il attendait qu'on ose protester.

— Va falloir vous calmer, tous les deux, continue-t-il. On n'entend que vous, même dans la salle des profs !

Toute la classe retient un rire nerveux. Reiner me jette un regard du genre "désolé mais c'était marrant", et moi... bah j'ai une forte envie de lui en coller une.

Je me lève en traînant les pieds, sac sur l'épaule, et je murmure :

— T'es un homme mort, West.

— Ouais mais au moins t'es plus en train de dormir, me glisse-t-il avec un clin d'œil.

Je serre les dents. Cet idiot va vraiment me faire perdre la tête.

La porte claque derrière nous. Le couloir est vide, silence total, juste le bourdonnement lointain des autres cours. Je marche sans rien dire, furieuse, jusqu'à ce que je sente sa présence collée derrière moi comme un chewing-gum à une semelle.

— T'es sérieux, Reiner ? Tu m'as balancée ! Je me retourne d'un coup, les bras croisés.

Il lève les mains en l'air, l'air faussement innocent.

— Eh oh, j'ai paniqué ! Fallait bien que je dise un truc, et c'est sorti tout seul...

— "C'est elle qui m'a maquillé" ?! Je t'ai même pas touché, espèce de clown ! Je l'imite.

— Ouais mais... avoue que t'aurais pu le faire, non ? Il ricane. Tu me supportes trop pour pas avoir envie de me dessiner un petit cœur sur la joue.

— Tu veux que je t'en dessine un à la batte ? Là, maintenant ?

Je suis à deux doigts de lui en coller une, mais son regard me fait hésiter. Il sourit. Pas le sourire débile qu'il a en classe, non, un petit sourire en coin, presque mignon. Ça me déstabilise une seconde.

— Avoue que tu t'es marrée. Même toi t'as pas pu résister.

— Ferme-la, tu veux ? je lâche en me retournant brièvement, le regard noir.

Je reprends ma marche, rapide, agacée. Il me suit en silence, pour une fois. Il sait que s'il continue, je vais exploser ou pire, lui balancer mon sac dans la tête.

On avance dans le couloir encore un peu, puis on croise Dani, le surveillant. LE Dani. Celui que tout le monde adore. Le genre à couvrir tes absences avec un clin d'œil, ou à te laisser traîner cinq minutes en dehors de cours parce que "ça fait du bien de respirer, non ?".

Il nous voit arriver, lève les yeux de son téléphone et arque un sourcil en nous voyant tous les deux.

— Bah alors, les deux terreurs ? Vous jouiez au cirque dans le cours de M. Lambert ?

— C'est pas moi, monsieur, c'est elle, dit Reiner direct, avec son air de petit ange.

Je le fusille du regard. Ce mec veut vraiment mourir aujourd'hui.

Reiner esquisse un sourire, mais Dani fronce légèrement les sourcils en le dévisageant. Il plisse les yeux, puis claque la langue contre son palais.

— Attends une seconde... Reiner, c'est quoi ce carnage sur ton visage ?

Reiner, pris de court, touche sa joue sans réfléchir.

— Hein ? Bah... c'est artistique.

— Artistique, mon œil, ouais ! On dirait que t'as perdu un pari contre un arc-en-ciel, mec. T'as vu ta tronche ?

Je pouffe discrètement, mais Dani me lance un regard complice, genre "je te vois". Il secoue la tête en soupirant.

— Bon. Avant de vous autoriser à quoi que ce soit, monsieur West, vous allez me faire le plaisir d'aller vous rincer le visage. Sérieusement. On dirait que t'as été maquillé au Stabilo.

Reiner, pour une fois, ne proteste pas. Il tourne les talons et file en direction des toilettes, sans un mot.

— Et toi, tu bouges pas, me dit Dani avec un petit sourire. Je veux pas que tu disparaisses pendant qu'il va se noyer dans le savon.

Je hausse les épaules, l'air faussement blasée.

Quelques minutes plus tard, Reiner revient. Le visage un peu rouge d'avoir frotté comme un malade, mais enfin propre. Ou presque.

— C'est bon, c'est mieux ? demande-t-il, faussement vexé.

— On va dire que tu ressembles plus à un clown triste qu'à un clown radioactif, lui répond Dani en le regardant de travers.

Puis il nous fait signe de le suivre.

— Allez, venez. Je vais vous caser dans une salle vide, vous allez bosser au calme. Ou au moins faire semblant de bosser sans foutre le bordel, c'est tout ce que je demande.

On le suit dans le couloir, un peu comme deux élèves ramenés à la niche. Il pousse une porte, allume la lumière d'une petite salle avec deux tables et des chaises alignées en ligne droite. Une salle triste, mais au moins tranquille.

— Vous restez ici jusqu'à la fin du cours. Vous vous posez, vous soufflez, vous travaillez si vous pouvez, et surtout... vous restez sages. Je repasserai vous voir dans vingt minutes. Et je veux rien entendre dans le couloir, pigé ?

— Pigé, répond Reiner en entrant, les mains dans les poches.

— Oui, monsieur, je dis plus discrètement.

Dani ferme la porte derrière nous, et le silence tombe d'un coup.

On se regarde. Deux chaises. Une table. Pas d'échappatoire.

— Tu crois qu'il nous a mis là pour bosser... ou pour qu'on se tape dessus en silence ? demande Reiner en rigolant.

Je soupire et m'installe face à lui. Il s'affale aussitôt, jambes étalées sous la table, bras croisés derrière la tête, comme s'il était chez lui. Il me fixe avec ce petit sourire joueur que je commence à trop bien connaître.

— On fait un vérité vérité ? propose-t-il, l'air presque innocent.

Je lève un sourcil, méfiante.

— Pas action vérité ? Tu flippes de te prendre une gifle en plein cours, c'est ça ?

— Exactement. Et aussi parce que t'as pas besoin d'un jeu pour m'en coller une, répondit-il en souriant.

Je retiens un rire.

— T'as pas tort.

— Alors ? Tu joues ou tu fais ta lâche ?

Je lève les yeux au plafond, puis je pose les coudes sur la table, les mains croisées devant moi.

— Vas-y. Mais tu commences.

Il hésite une seconde, puis penche un peu la tête vers moi.

— Ok... Vérité : t'es amoureuse de Stefan ?

Je cligne des yeux, un peu prise au dépourvu.

— Hein ? D'où tu sors ça, toi ?

Il hausse les épaules.

— Je te vois le regarder souvent en cours. Genre... pas juste "ah tiens il est là", mais vraiment le regarder.

Je détourne les yeux, un peu piquée, Je croise les bras, mal à l'aise. Pourquoi ça me gêne autant ? Peut-être parce que j'ai jamais pris le temps d'y penser vraiment, enfin je le connais que depuis cette année c'est juste un gars blond  aux yeux bleus super charmant, et j'avoue que je l'observe des fois mais c'est pas ma faute si ces gestes sont si délicats et précis...je me perd un peu dans mes pensées avant de reprendre mon sang froid.

— Non. Je finis par répondre.

Oui peut être que j'ai développer des sentiments pour Stefan mais Reiner il est loin d'être dans le besoin de le savoir.

Reiner acquiesce lentement, son regard un peu plus sérieux qu'à l'habitude.

— Ok. C'était juste une question.

Il dit ça comme s'il rangeait mentalement une information importante. Et ça m'agace un peu, je sais pas pourquoi.

— À mon tour, je coupe, pour pas laisser ce silence s'installer. Vérité : t'as déjà chanté tout seul devant ton miroir en mode concert privé ?

Il éclate de rire, puis cache son visage dans ses mains.

— Oh purée, t'es sérieuse là ?

— Très sérieuse. J'exige même le nom de la chanson.

Il secoue la tête, mort de honte.

— Ok... mais tu te moques pas.

— Promis juré.

— Let It Go. Version dramatique. Avec chorégraphie.

Je me plie en deux de rire.

— Non, arrête !

— J'avais douze ans ! Et j'étais dans ma phase Elsa, ok ?! Y'a des témoins, malheureusement.

— T'as fait le mouvement avec les bras et tout ?

Il mime une poussée de glace ridicule, qui fait vaciller ses boucles défini d'un teint sombre, ça lui fait ressortir c'est petite tache de rousseurs.

— Évidemment. Je suis un homme de spectacle.

Je ris encore, les larmes aux yeux. Il se marre avec moi, les joues rouges mais assumant à fond.

— Ok, t'as gagné le respect éternel, je dis en essuyant mes yeux. Rien que pour ça.

— Et moi j'exige que tu m'appelles Reiner la Reine des Neiges pour le reste de la journée.

— Ça, jamais. Tu rêves, West.

On rigole encore quand la porte de la salle s'ouvre brusquement, nous faisant sursauter. Dani, le surveillant, passe la tête par l'entrebâillement avec son air à moitié blasé, à moitié complice.

— Bon les deux comiques, l'heure est finie. Vous pouvez retourner en classe... ou faire un tour chez le CPE, à vous de voir.

Reiner se lève aussitôt, les mains en l'air.

— On a été sages, j'te jure. Pas un bruit. Juste des vérités.

Dani plisse les yeux en fixant son visage encore un peu maquillé.

— J'en doute pas. Mais parcontre ta toujours quelque tache de stabilo dans la face.

— C'est un style ! proteste Reiner.

— C'est surtout un motif de renvoi. Allez, oust.

Je me lève à mon tour, ramassant mon sac en silence, et m'adresse à Dani.

—On à fini les cours de toute façon.

—La chance moi je travaille jusqu'à 18h...agonise Dani.

Reiner lui fait une petite tape sur l'épaule toujours en faisant son clown.

—Garde la pêche mon vieux ! A ces mots il se fait pousser en dehors de la salle par le concerné.

Qui lui se retourne vers moi en m'adressant un sourire chaleureux.

-Rentre bien la dormeuse ! et il me pousse à mon tour.

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