J'avais l'impression de revivre maintenant que j'étais dans les bras du traqueur, inspirant son odeur fleurie qui m'apaisa immédiatement, m'aidant à oublier un peu la douleur de mes bras. Si j'avais longtemps espéré ce moment, j'avais sous-estimé le bien-être qui en découlerait. C'était comme si je venais de récupérer une partie de moi-même qui avait été anesthésiée depuis mon enlèvement. Me calant plus confortablement contre Demetri qui me tenait fermement contre lui, j'entendis vaguement Félix appeler quelqu'un alors que je voyais Afton du coin de l'œil s'affairer sur mon membre qui tenait à peine.
- Ça va être un peu douloureux Charlie... me prévient-il en appuyant dessus pour le rattacher à mon épaule qu'il tenait fermement.
Le venin réagit aussitôt en me consumant de l'intérieur alors que mon bras se reconsolidait dans une horrible souffrance, contenant une plainte en me pinçant les lèvres. J'entendais les immortels bouger autour de moi sans savoir ce qu'il se passait, mon esprit étant rivé sur la douleur perçue, m'accrochant à Demetri avec l'angoisse qu'on nous sépare à nouveau, le sentant à peine m'étreindre en me chuchotant à l'oreille des paroles réconfortantes.
- Donne-le-moi Félix, plus on attendra et plus ça sera insoutenable, continua mon créateur en se déplaçant dans mon dos pour poser sa main au niveau de mon omoplate.
Une autre vague de souffrance m'envahissait alors que je sentais ma chair durcie se mélanger au marbre de mon épiderme, semblable à une aiguille qui recousait une plaie ouverte, avec bien plus de virulence. C'était si violent que je crus que j'allais m'évanouir encore une fois alors que les vampires étaient censés être infatigables et insensibles. Et je n'aimais vraiment pas cette idée de faiblesse alors que j'avais fait le choix d'être transformée pour ne plus avoir à craindre d'être impuissante face à quelqu'un ou quelque chose. Cela prit plusieurs minutes pour que la douleur se résorbe, percevant peu à peu la main du traqueur qui se promenait dans mes cheveux. Je m'abandonnais à lui alors que je murmurais un faible merci à Afton qui s'assurait que mes membres s'étaient bien remis en place, bien qu'ils soient toujours à vif.
- Heureux de te revoir parmi nous, fit-il alors que je sentais une force plus puissante essayer de m'étreindre par-dessus celle de Demetri, le faisant grommeler et resserrer ses bras autour de ma taille.
- Mais laisse-moi lui faire un câlin ! Ronchonna le colosse qui déclencha un rire timide de ma part, et des grognements chez Demetri qui n'était pas d'accord. Juste un, après je te la rends...
- C'est ça, et après ça va être le tour de Jane, Chelsea, Heidi... tout le monde va s'y mettre et rien que d'y penser, ça m'énerve, contesta le traqueur dont je ne voulais pas me détacher non plus. Tu peux bougonner autant que tu veux, je ne changerais pas d'avis.
Une plainte offusquée fut lâchée par Félix qui décida de nous étreindre tous les deux avec force malgré tout, ce qui fit bougonner le vampire grec qui refusait de me lâcher. Je la lui rendis tant bien que mal sans m'écarter non plus et le colosse finit par abandonner en voyant que c'était peine perdue. Après m'avoir ramené deux humains qu'ils avaient trouvés en train de randonner à plusieurs kilomètres pour que je puisse me restaurer, Demetri nous ramena vers le campement en m'aidant à marcher. Il nous installa sur une bûche près du feu de camp, pourtant j'aurais juré avoir ressenti du froid, signe que mon don demeurait en veille, pourtant j'étais persuadée de le sentir bouillonner en moi en étant proche du feu. Tant bien que mal, ignorant les autres dont la plupart s'était écarté pour nous laisser tranquille hormis les Volturi, je rampais jusqu'aux flammes pour me réchauffer, cependant je ne ressentais aucune chaleur s'en dégager. Probablement parce que j'entendis Demetri me dire qu'elles étaient d'origine surnaturelle, que c'était Benjamin qui les avaient créées. Et miraculeusement, ce que j'avais été incapable de faire pendant presque deux mois arriva enfin, mon pouvoir était en train de se manifester, comme frustré d'avoir été impuissant face à celui de ma mère. Sans que je n’aie à lui demander quoi que ce soit, les yeux rivés sur la couleur chatoyante de l'âtre, les flammes grandirent de plus en plus pour faire embraser un véritable bûcher dont la température m'atteignit immédiatement, réchauffant mon corps et mon cœur en bouillit. Je m'en rapprochais toujours plus, et si le bras de Demetri ne m'avait pas rattrapé, je me serais sûrement assise au milieu des braises ardentes qui avaient attiré l'attention de chacun. Je sentis l'odeur délicieuse du traqueur m'envahir alors que ses bras vinrent m'enlacer, s'asseyant derrière moi pour poser sa tête sur mon épaule, alors que je ne bougeais pas d'un pouce, savourant ce moment de retrouvailles bien que ce soit en public. Je savais que cet instant ne durerait pas et je voulais en profiter au maximum avant qu'Aznar n'arrive.
- Tu as eu mon cadeau ? Lui demandais-je intriguée et anxieuse de connaître sa réaction alors que j'entendais Demetri sourire, déposant un baiser sur ma joue qui enflamma mon corps tout entier.
- Je serais curieux de savoir comment tu as fait pour te le procurer, affirma le traqueur qui caressait doucement mes côtes avec ses pouces, me faisant un bien fou, réparant mes blessures internes par ce simple geste.
- Je suis une jeune femme pleine de ressources, souris-je à mon tour en allant nouer nos mains ensembles malgré la douleur que cela me procurait, faisant travailler les muscles de mes bras encore meurtris. J'aurais aimé te le donner de mes propres mains, mais l'essentiel c'est que tu l'ai eus.
- C'était une journée bien pourrie sans toi, soupira-t-il en resserrant son étreinte, serrant mon cœur mort, consciente qu'on avait tous les deux soufferts de ce kidnapping. Les roumains seront les premiers à mourir sur le champ de bataille, fit-il en une promesse alors que je tentais de le tempérer.
- Tu ne devrais pas les sous-estimer, ils ont vraiment beaucoup d'alliés, beaucoup plus que nous, je dirais au moins le double, peut-être même plus, et avec des dons effroyables...
- Didyme nous a déjà bien briefés pendant qu'on t'attendait, intervint Chelsea.
Elle était également blottie contre son compagnon autour du feu, nous regardant tous les deux avec bienveillance. Cela me fit réaliser à quel point j'avais sous-estimé le poids de leur absence, ça me faisait un bien fou de tous les retrouver.
- Je trouve que pour un nouveau-né, tu as très bien géré ce que tu as vécu là-bas.
Nous échangeâmes un sourire alors que la souveraine en question me regardait toujours avec cet instinct maternel qui avait fait défaut à ma mère. Peu importait qu'elle soit l'une des reines du clan, ces semaines de détention en sa présence avait créé entre nous un lien étroit entre nous. Elle m'avait aidé à tenir le coup et ne pas abandonner, quelque chose que je ne pourrais jamais oublier, et j'espérais que tout se terminerait bien pour elle. Cette femme si douce et maternelle méritait d'être enfin heureuse après avoir passé tant de temps seule.
Mon regard croisa enfin celui de la personne qui m'avait aidé à faire basculer notre détention. Je n'avais jamais vu Jane aussi silencieuse et mal à l'aise, jetant régulièrement une œillade vers l'ukrainien qui était détenu avec sa sœur au milieu des alliés par précaution, et je devais reconnaître que cette vision était assez comique. La petite blonde aurait sûrement rougi si elle en avait été capable, et quand elle remarqua que je la fixais, elle vint vers nous presque avec soulagement pour ne plus avoir à affronter l'attention du brun qui ne la lâchait pas des yeux. Visiblement les craintes qu'elle avait exprimées lors de la réception n'avaient pas lieu d'être, parce qu'Alexei semblait conquis par la vision angélique qu'était Jane quand on prenait le temps de la regarder. Et qui avait l'air d'agacer son jumeau qui dardait un regard vraiment sombre et peu amical sur le concerné alors qu'il était lui-même accroché à l'écossaise Beth qui semblait tout autant amusée.
- Tu ne m'en voudras pas si je te dis que j'ai accidenté Regina deuxième du nom ? Balança la vampirette alors que Demetri s'empressait de la contredire avant que je n'ai le temps de dire quoi que ce soit.
- Ce n'est pas vrai, elle a interdiction formelle de s'approcher du garage depuis qu'elle a vandalisé la voiture de Swan.
- C'était un accident ! S'offusqua Jane sans vraiment le penser alors que j'éclatais de rire en constatant que ce n'était pas vrai. J'ai voulu ralentir mais la pédale n'a pas obéit !
- Parce que ce n'était pas la bonne pédale, intervint Félix en sifflotant malgré le regard meurtrier qu'il reçut, désignant discrètement Alexei du menton pour rappeler à Jane qu'elle allait réussir à le faire fuir, ce qui calma la petite blonde.
- Moi je l'aurais torturé, dit-il pourtant avec un sourire qui pourrait presque le rendre charmant si je n'avais pas goûté à son don radioactif à plusieurs reprises.
Cela dit, il parvint à faire sourire l'anglaise et faire grimacer le colosse alors que je m'enfouissais dans les bras de Demetri en repensant à la violence de son pouvoir. J'ignorais ce qu'on ressentait avec celui de Jane mais celui de son compagnon était une horreur.
- Et moi à ta place je la bouclerais, je n'ai pas oublié que tu as reconnu ouvertement avoir fait souffrir Charlie, grogna le traqueur qui avait compris mon malaise, alors que je posais une main sur son bras pour le contenir, ne voulant pas déclencher une dispute à quelques heures de l'affrontement final.
J'entendis l'ukrainien répondre quelque chose, mais mon regard fut attiré par ma main, observant ensuite la seconde avec étonnement. Le bras que j'avais conservé n'avait presque plus de traces de vernis sur les ongles, mais celui qui m'avait été arraché était couvert d'une manucure absolument parfaite de couleur jaune, qui détonait avec l'état dans laquelle elle était avant qu'Aznar ne me le prenne. Quelqu'un avait remis une couche de couleur avec tellement de minutie que je fus touchée par le geste.
- Ça le rendait un peu moins glauque, répondit Jane en suivant mon regard.
- Je peux savoir à quel moment tu as décidé de le faire alors qu'il était sous bonne garde ? Gronda Demetri qui était tout aussi surpris.
- Quand tu étais parti te nourrir avec Félix. Le confier à ta meilleure amie n'était pas une très bonne idée vu que c'était son idée, elle voulait même écrire des trucs obscènes à l'encre indélébile, la balança Jane sans le moindre remord alors que la rouquine ajouta son grain de sel en l'insultant de traîtresse avant de déglutir en croisant le regard d'Alexei, qui était surveillé par Santiago également.
Moi tout ce que je retenais, c'était qu'ils s'étaient amusés avec une partie de mon anatomie pendant qu'elle n'était plus avec moi, dévisageant chaque garde pour voir si l'un d'eux avait quelque chose à confesser. Je remontais même vivement ma manche pour m'assurer qu'il n'y ait rien sur ma peau de marbre sous les rires de Félix et Afton, et instinctivement, je les dévisageais avec suspicion.
- Qu'est-ce que vous avez fait ? Réclamais-je immédiatement alors que la jovialité ne quitta pas leurs traits amusés, m'obligeant à remonter plus haut le vêtement.
C'est finalement au-dessus du coude que je vis leur œuvre, le haut du bras était recouvert de tatouages éphémères, du style que l'on trouvait dans les emballages des Malabars, m'interpellant sur la façon dont ils avaient découverts leurs existences. Mais surtout par l'incrédulité de Demetri qui se retenait de sauter sur les fautifs qui devenaient hilares, déclenchant même un fou rire de ma part.
- Vous avez quel âge sérieux ? Fis-je amusée et soulagée de voir que mon absence ne m'avait pas empêché de rester intégrée au clan, même si c'était à mes dépens.
- Tu nous manquais trop, se défendit le colosse alors que mon créateur recevait une œillade désapprobatrice de sa compagne, n'ayant apparemment rien vu venir non plus. On a trouvé une façon de ne pas penser à ton absence pendant quelques temps, Emmett m'a assuré que ça partirait au bout de quelques lavages... avoua mon ancêtre alors que le colosse américain se mettait à rire à son tour depuis l'opposé du campement.
- Renesmée les collectionnent, elle commençait à en avoir trop alors je l'ai aidé à faire du tri, répondit le grand brun alors que l'hybride avait l'air choqué, n'ayant apparemment pas eu son mot à dire dans cette histoire, qu’elle semblait découvrir également.
- Vous m'avez manqué aussi, leur assurais-je réellement rassurée qu'ils me l'avouent aussi ouvertement alors que la meilleure amie de Demetri râla à son tour.
- Vous lui avez collé des motifs ultra moches sur le bras, et moi je n'avais pas le droit de lui dessiner des positions du Kamasutra pour pimenter ses parties de jambes en l'air ? Pesta la rouquine en se tournant vers le traqueur qui ne savait plus où donner de la tête, désespéré par l'âge mental de la garde. Vraiment ça partait d'une bonne intention, ça aurait été quand même plus utile que du vernis alors que la deuxième main est particulièrement négligée maintenant...
- Fermez-la, tous avant que je ne perde patience, ordonna Demetri de mauvais poil alors que je me retenais de ne pas rire trop bruyamment, alors que ça me faisait un bien fou d'être aussi bien entourée, chacun faisant de son mieux pour occuper mon esprit et ne pas me laisser ressasser de mauvais souvenirs.
- Et toi tu es un véritable rabat-joie, fit Alec en se mêlant de la partie alors que le traqueur.
Le blond qui ne voulait plus entendre personne parler, avait préparé une grosse boule de neige qu'il lança en plein sur le visage du brun. Ce dernier l'observa alors avec le plus grand des mépris sous les éclats de rire de la garde et des maîtres qui n'en perdaient pas une miette.
- Tu vas le payer cher, Demetri, jura-t-il en bondissant sur ses pieds pour fabriquer à son tour des munitions, aidé par Beth et son don pour les retourner à l'envoyeur.
Le traqueur qui l'avait vu venir, avait préparé d'autres boules pour répliquer, et instinctivement, je fis de même en les jetant sur Félix et Afton pour leur faire payer cette histoire de tatouages, les voyant d'ailleurs bondirent sur leurs pieds à leur tour. Alors chacun se leva pour faire de même et en quelques secondes, le campement si paisible se transforma en champ de bataille où les clans avaient disparu, chacun visant le vampire ou le loup-garou de son choix. Même si le jeu devint rapidement déloyal, chaque vampire disposant d'un don qui était à son avantage en profitait pour malmener les autres. Sans savoir exactement quand nous étions, je savais que l'année touchait à sa fin. Et moi qui étais une grande fan de Noël et son esprit festif, j'étais sous le charme de cet instant qui permettait à chacun de se détendre et d'éviter d'angoisser pour le conflit à venir. Si l'on devait mourir demain, nous aurions pu partager un dernier moment de convivialité ensembles.