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Carazachiel
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Chapitre 5

Ça y est. Je sature. Quand je rentrerai en France, je ne veux plus JAMAIS entendre parler de KPOP. 

J'ai acceptĂ© d'Ă©couter la gamine radoter pendant des heures ; j'ai supportĂ© les mĂȘmes chansons en boucles (cette peste n'a rien trouvĂ© de mieux que de coupler MON casque Ă  sa tablette, encore et encore, jusqu'Ă  ce que je cĂšde et arrĂȘte de le dĂ©connecter) ; j'ai rĂ©pondu Ă  des questionnaires « photocard » (je sais reconnaĂźtre Yoonie Ă  prĂ©sent, youpi) ; j'ai rĂ©visĂ© (de force) les noms des chansons en prĂ©vision du concert, tout ça dans l'espoir de gagner un peu de tranquillitĂ© et de repos Ă  l'hĂŽtel.

Alors, pourquoi, POURQUOI je poireaute depuis 45 minutes au milieu d'une foule trĂ©pignante ?

Lorsque l'avion s'est posĂ© Ă  l'aĂ©roport international d'Incheon, je ne m'attendais pas Ă  tomber sur une foule de journalistes et des hordes de fans Ă  peine le hall d'arrivĂ©e quittĂ©. Bien Ă©videmment, la vipĂšre s'est moquĂ© de moi et m'a rabaissĂ© parce que « tout le monde sait qu'il y a tout le temps des groupes d'idols dans les aĂ©roports ! » avant de dĂ©crĂ©ter que « On va attendre pour voir qui c'est ! En plus, j'vais avoir trop de vue sur tiktok si j'arrive Ă  les filmer pour poster !". 

Je n'ai pas su quoi répondre et à cause de ça, je suis là. Au milieu d'un essaim impatient de pouvoir capturer le moindre geste de leurs idoles, à me sentir comme un stalker. 

Et puis soudain, c'est le chaos. Les hurlements. Les bousculades. On m'Ă©crase les pieds. On m'enfonce les coudes dans les cĂŽtĂ©s. J'ai toutes les peines du monde Ă  garder un Ɠil sur Kamilla. Nous sommes sĂ©parĂ©s une premiĂšre fois. Puis une seconde. ExcĂ©dĂ©, j'attrape la poignĂ©e de son sac Ă  dos afin de ne plus la perdre et me retrouve entraĂźnĂ© Ă  sa suite alors que la foule suit la troupe de six jeunes hommes qui marchent dans l'aĂ©roport.

Les pauvres, ils n'ont mĂȘme pas l'air Ă  l'aise ! Ils saluent les journalistes, envoient des cƓurs aux fans qui hurlent leur nom le plus fort, mais leurs mĂąchoires restent crispĂ©es. Les groupies les plus tĂ©mĂ©raires vont jusqu'Ă  se prĂ©cipiter devant eux pour les toucher avant de se faire refouler par la sĂ©curitĂ©.

C'est du grand n'importe quoi. Une soupe immonde comportement inapproprié et malsain. Et je suis au milieu.

— Kamilla, ça suffit, on y va !

Mon cri se perd dans le brouhaha ambiant et sans que je ne sache comment, nous nous retrouvons en premiĂšre ligne, Ă  mĂȘme pas un mĂštre des chanteurs. De prĂšs, ils paraissent encore plus tendus. Si celui qui ouvre la marche arbore un sourire figĂ©, les autres regardent leurs pieds ou le vague. 

Soudain, une fille pousse Kamilla. Ma demi-sƓur tombe vers l'avant en battant des bras. L'idol devant elle Ă©carquille les yeux, tend dĂ©jĂ  les bras pour la rattraper en mĂȘme temps qu'un agent de sĂ©curitĂ© amorce un mouvement. Je suis plus rapide qu'eux. D'un geste ferme, je tire sur la poignĂ©e du sac Ă  dos pour la ramener en arriĂšre.

Elle piaille. Hoquette.

La main sur le cƓur, le jeune homme Ă©bouriffe ses cheveux roses, tire sur le bas de son T-shirt rayĂ©, puis nous dĂ©visage tour Ă  tour avant de se parer d'un sourire mĂ©canique.

â€”Â êŽœì°źì•„ ?

Les mots caressent mes oreilles, chantant quelque chose comme « Kentchana »... dont la signification m'Ă©chappe complĂštement.

— Hein ?

Il n'a pas le temps de répondre, chassé vers l'avant par un homme qui le suit de prÚs.

— 전혞, go !

Le temps que je prenne conscience de ce qu'il vient de se passer, la foule s'est éloignée et Kamilla s'est déjà désintéressée du reste du monde, absorbée par son smarpthone.

— Je ne savais pas que tu suivais aussi des groupes de garçons... c'Ă©tait qui ?

— Eux ? Je les suis pas, t'es malade, ils sont complùtement nuls !

SidĂ©rĂ©, je secoue la tĂȘte.

— Attends, attends... tu nous as fait poireauter et subir tout ça pour un groupe que t'aimes pas ? 

— Bah quoi, j'vois pas l'problĂšme ! J'vais pouvoir les poster sur tiktok pour me moquer d'eux et pour faire rager les French Stormies ! Non, mais t'as vu la tĂȘte de Jeonho ? Cette tronche d'ahuri, il t'a regardĂ© comme s'il avait jamais vu un blond de sa vie. Et franchement, il est dĂ©bile de te parler en corĂ©en, c'Ă©tait Ă©vident que t'allais pas comprendre !

— Sinon, si tu les aimes pas, tu peux juste les ignorer, non ? 

— Bah non, renifle-t-elle en tĂ©lĂ©chargeant la vidĂ©o.

— Bah si, repliquĂ©-je, agacĂ©, avant de lui prendre son tĂ©lĂ©phone.

— Hey ! T'as pas le droit ! J'vais prĂ©venir papa et il te paiera pas !

— J'ai dĂ©jĂ  Ă©tĂ© payĂ©.

Sans état d'ùme, je supprime toute trace de notre passage à l'aéroport avant de lui rendre son téléphone. Elle m'insulte. Me donne des coups de poing. M'insulte encore. J'essaie bien de lui expliquer pourquoi ce qu'elle prévoyait de faire n'est pas correct, mais elle ne m'écoute pas.

Normal : la vipĂšre n'Ă©coute jamais rien ni personne. Elle avait dĂ©jĂ  un fort caractĂšre enfant, mais depuis qu'elle a son propre smartphone (cadeau de NoĂ«l des grands-parents pour ses dix ans. Dix ans !), son comportement s'est dĂ©tĂ©riorĂ©. Écumer les rĂ©seaux sociaux sans surveillance et bien avant l'Ăąge n'a pas aidĂ©. Ma belle-mĂšre a bien essayĂ© de mettre des contrĂŽles parentaux (je le sais puisqu'elle m'avait demandĂ© de le faire), mais mon pĂšre a tout retirĂ©. C'Ă©tait trop pĂ©nible de devoir tout accepter manuellement et puis « ça lui donne de l'autonomie, c'est bien ! »

Tellement bien qu'à 14 ans, elle poste des vidéos haineuses juste pour avoir des vues et des likes. 

C'est pas ton problÚme, Stan. T'es sa baby-sitter temporaire, pas son pÚre. 

De tout le trajet en taxi (heureusement que le chauffeur parle un anglais impeccable, la communication a Ă©tĂ© aisĂ© et agrĂ©able), la vipĂšre ne desserre les crocs que pour me cracher son venin Ă  la figure : elle ne me pardonnera jamais la perte de sa vidĂ©o. Elle me dĂ©testera jusqu'Ă  la fin des temps et si elle en a l'occasion, elle me maudira. Elle fera de mon sĂ©jour un enfer !

De quoi me faire douter de ma dĂ©cision... mais si c'est le sort qu'elle rĂ©servait aux fameux Stormies en commentaires, ce n'est peut-ĂȘtre pas plus mal que je prenne le rĂŽle de la victime. 

Définitivement... le monde de la KPOP n'est pas fait pour moi. 

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