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Carazachiel
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Chapitre 7

Je me roule dans les draps propres, les cheveux encore humides. Ce que ça fait du bien ! De se doucher. De sentir bon. De s'Ă©tirer. De s'allonger. Je ne rĂȘve que d'une chose, fermer les yeux et dormir pour les dix prochaines heures. 

ÉtalĂ© en Ă©toile, je ferme les yeux en soupirant d'aise... et reçois presque aussitĂŽt quelque chose de dur sur la tĂȘte.

— Debout la faignasse, on sort !

— Hein ?

— Quoi, tu comprends plus l'français ? On soir ! T'as cru quoi, là ? Il est onze heures et demie ici, on va pas passer notre premiĂšre journĂ©e au pieu ! Bouge !

— DĂ©calage horaire, tu connais ? J'suis sĂ»r que c'est encore l'heure de dormir, en France, bougonnĂ©-je en cherchant ce que cette vipĂšre m'a jetĂ© dessus.

— Il est exactement quatre heure et demie du matin en France, fanfaronne-t-elle. Fallait dormir dans l'avion au lieu d'Ă©crire tes trucs que personne lit. Y a mĂȘme pas de scĂšne de smut dans tes trucs ! 

Ma salive prend le mauvais chemin. Je toussote, crachote, larmoie tout en dévisageant Kamilla comme si elle était une vipÚre extraterrestre.

— Tu n'as clairement pas l'ñge pour lire du smut de toute façon !

Heureusement qu'elle n'est pas tombée sur le seul livre érotique que j'ai publié. Celui-là n'est pas disponible gratuitement, en partie pour limiter le nombre de mineures qui pourraient tomber dessus.

— Oh, ça va, t'as eu quatorze ans toi aussi ! Me fais pas croire que t'as jamais essayĂ© de regarder des pornos ou de lire des trucs spicy ! HA, et tu devrais Ă©crire des fanfictions, t'aurais plus de lecteurs. Genre, Yoonie x Dream !

— Ouais, non. J'Ă©cris pas de fanfictions, affirmĂ©-je en secouant le drap, toujours Ă  la recherche de l'objet du dĂ©lit.

Pas que j'ai quelque chose contre, j'en ai mĂȘme lu des gĂ©niales. Je ne sais juste pas rĂ©utiliser un monde inventĂ© par d'autres, et mettre en scĂšne de vraies personnes me met mal Ă  l'aise.

— Bah tu devrais, t'aurais des tas de lectrices ! Si tu mets du smut, je t'envoie mĂȘme toutes mes copines !

— Parce que tu crois que j'ai envie d'attirer une bande de lectrices mineures avec des scĂšnes Ă©rotiques ? En Ă©crivant une fanfiction sur des personnes que je connais pas et qui ne m'intĂ©ressent pas ? Y a rien qui va dans tes idĂ©es !

Elle se retourne d'un seul bloc vers moi, rejette en arriĂšre sa longue chevelure (sur laquelle elle a dĂ» appliquer des tonnes de produits ; elle n'Ă©tait pas si chatoyante tout Ă  l'heure).

— RĂ©pĂšte, là ? Tu oses dire que tu connais pas Yoonie ? Tu veux mourir ? T'as rien retenu de tout ce que je t'ai dit ?

Enfin, je mets la main sur la babiole coupable : une pop artisanale en pùte polymÚre pas assez cuite. La chose est molle et ne ressemble pas à rien de connu. Ni d'inconnu.

— Yoonie, ta prĂ©fĂ©rĂ©e dans le groupe Pop-cycle... j'imagine que ce truc est censĂ© la reprĂ©senter, non ? 

La figurine s'en retourne Ă  son envoyeuse dans une magnifique trajectoire. Elle heurte son front avec un « pop » de circonstance avant de s'Ă©chouer entre les mains en coupe de la gamine.

— Elle est... je dois juste m'amĂ©liorer encore un peu ! Et d'abord, tu critiques pas si t'es pas capable de faire mieux !

— T'as critiquĂ© mes livres alors que tu sais pas aligner deux phrases comprĂ©hensibles.

Elle cajole sa création comme s'il s'agissait d'un poupon avant de la cùliner en s'excusant de l'avoir jeté sur moi. Son visage se pare de cette moue dédaigneuse qu'elle arbore 23 h/24.

— Oui, bah si je dĂ©cide d'Ă©crire un truc sur Yoonie, en deux semaines j'ai plus de succĂšs que tous tes romans rĂ©unis, me jette-t-elle avec suffisance.

Pendant plusieurs annĂ©es, j'ai souffert de ce constat. À prĂ©sent, j'ai compris Ă  quel point la gloire sur les sites de publication en ligne est Ă©phĂ©mĂšre et versatile. 

Et surtout...

— Si cĂ©lĂ©britĂ© Ă©tait synonyme de qualitĂ©, ça se saurait. 

Kamilla range la fausse pop dans son sac en bandouliĂšre ornĂ©e d'une photo de Yoonie (pour changer), puis elle claque la langue et me montre impĂ©rieusement la porte de l'index. Le pire ? Je me lĂšve, attrape au passage mon hoodie le plus chaud, mon smartphone et mon portable avant d'obtempĂ©rer.

Y a rien d'autre Ă  faire, cette peste va s'enfuir dĂšs que je dormirais, sinon...

L'air vif et frais nous cingle le visage dÚs que nous franchissons la porte extérieure. Je rabats ma capuche, tire sur les cordons pour me couper du vent pendant que Kamilla ressert son écharpe. Au moins, le ciel est bleu et dégagé. Tant mieux, si j'avais dû renoncer à une sieste pour crapahuter sous une pluie glaciale, jamais la vipÚre n'aurait survécu jusqu'à son concert.

Nous dĂ©bouchons sur un parking bordĂ© par une petite riviĂšre que nous longeons jusqu'Ă  arriver Ă  un pont menant au parc. Kamilla a entendu dire que des Ă©vĂ©nements y sont rĂ©guliĂšrement organisĂ©s, et elle veut les voir de ses yeux. Pas de chance pour elle (moi, je suis ravi !), le parc est presque dĂ©sert, seuls quelques promeneurs bravent les basses tempĂ©ratures ici et lĂ . Un groupe de femmes d'Ăąge mĂ»r qui rient entre elles. Des Ă©tudiants en uniformes. Des hommes et femmes d'affaires en costume ou tailleur. 

La vipÚre souffle par les narines. Tape du pied. Tire son téléphone de sa poche pour tapoter furieusement dessus avant de le porter à son oreille. Il ne lui faut que quelques secondes avant de commencer à brailler.

— Kloéééé ! Devine qui est Ă  SĂ©oul et prĂȘte Ă  stalker toutes les idoles qui passeront ! [...] He ouaiiiis, meuf ! C'est moi, Kamilla ! [...]  Mais ouais, j'ai trop hĂąte pour le concert, putain ! On va tout dĂ©chirer ! [...]  Ha ouais ! On est juste devant l'hĂŽtel, dans le grand parc, là ! [...]  Trop cool ! Tu viens avec ta daronne ? [...]  Quoi ? [...] Elle veut nous emmener au pop-up Store ? Celui qu'est rĂ©servĂ© aux V I P du concert ? Oh putain, c'est une bonne ta mĂšre ! [...]  Ouais, ouais, on est Ă  l'Olympic park, là ! [...]  OK, on vous attends lĂ -bas ! À toute, meuf ! 

Son enthousiasme s'évapore sitÎt qu'elle pose les yeux sur moi. Ses lÚvres se scellent. Sa bouche retrouve son expression favorite et elle m'indique une direction de l'index.

A-t-elle dĂ©cidĂ© que c'Ă©tait notre nouveau mode de communication ? MĂȘme si moins je l'entends, mieux je me porte, je ne suis pas sĂ»r d'apprĂ©cier pour autant. Pourtant, je reste Ă  ses cĂŽtĂ©s, attentifs aux mouvements des badauds autour de nous.

Je ne connais rien de la culture coréenne pas plus que je ne connais le pays (je ne m'y suis jamais intéressé), mais je sais une chose : quelle que soit sa nationalité, la gent masculine n'est pas fiable. 

Nous dĂ©ambulons jusqu'au pont, restons un moment Ă  regarder l'eau paresseuse avant que Kamilla ne rejoue les cheffes intransigeantes en agitant son index. Nos pas martĂšlent des pavĂ©s rose gris qui suivent le lit de la riviĂšre. La promenade nous mĂšne jusqu'Ă  une aire de jeu devant laquelle ma demi-sƓur s'immobilise.

— Wah... c'est comme dans les Kdramas ! 

— Les quoi ?

— Les Kdramas ! c'est des sĂ©ries corĂ©ennes, des romances. Mais tu connais vraiment rien Ă  la vie, toi !

Cette gamine me sort par les trous de nez. Dire qu'une riviÚre coule à deux pas de nous. Un accident est si vite arrivé... ce serait si simple...

— On va dire ça, ouais. C'est encore loin ?

Mon self-contrĂŽle m'impressionne moi-mĂȘme !

— Si t'es dĂ©jĂ  crevĂ©, c'est que tu passes trop de temps sur ton PC ! Papa dit toujours que tu fais pas assez de sport et que tu sors pas assez. On dirait un vampire, mais pas ceux qui sont sexy, hein, plutĂŽt les vieux vampires moisis dont personne veut, lĂ . 

— C'Ă©tait mieux quand tu parlais pas. Tu sais quoi ? On va s'assoir dans ce parc et tu vas dire Ă  ta copine qu'on en bougera pas.

Le self-contrÎle, c'est surfait de toute façon. Nonchalant, je me dirige vers une balançoire.

— Toi, t'as qu'Ă  attendre, moi je continue ! Ça se trouve, je vais tomber sur un beau CorĂ©en comme dans les...

— Kdrama, ouais, la coupĂ©-je en m'asseyant. Ou alors tu vas tomber sur un de ceux qui mettent des camĂ©ras dans les hĂŽtels et t'auras du drama sans K. 

Son assurance s'écroule sous mes yeux. Elle jette des regards inquiets aux alentours et se court vers moi lorsqu'un homme d'une cinquantaine d'années la regarde d'une maniÚre un peu trop appuyée. 

— OK, t'façon, mes chaussures me font mal aux pieds, fanfaronne-t-elle en s'installant sur une des barres jaunes qui entourent le coin balançoire. J'vais lui dire qu'on est vers les drapeaux, elles trouveront facilement !

Un sourire en coin aux lĂšvres, je savoure cette premiĂšre victoire. Je n'ai gagnĂ© qu'une escarmouche, mais vu l'ennemi Ă  abattre, chaque avancĂ©e se doit d'ĂȘtre fĂȘtĂ©e !

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