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Sethir Ravakan – Bas Travyar – Dralmar – Niv 1
Le vent soufflait avec une force inhabituelle ce jour-là, balayant les cendres des volcans en activité du Bas Travyar. Des volutes sombres dérivaient en spirales erratiques, griffant l'air d'une odeur âcre de soufre et de roche brûlée. Les rafales chargées de particules abrasives venaient fouetter le visage de Sethir, soulevant son manteau ajusté, dont le tissu ignifugé crissait légèrement sous la pression.
Sous ses pieds, la terre se faisait traîtresse. Sèche, fissurée, instable. Par instants, le sol vibrait brièvement, un frisson tellurique à peine perceptible, mais régulier, comme un battement profond remonté des entrailles de Varhen. Ces micro-séismes étaient le premier signe que les flux s'éveillaient. Ainsi, l'Eclosion avait commencé... Décidément, il perdait la notion du temps... D'un pas lent mais assuré, il avançait sur la terre sèche et rocailleuse. Chaque mouvement faisait claquer ses bottes contre le sol, laissant derrière lui des empreintes marquées. Le cuir sombre de ses bottines, renforcé de plaques métalliques autour des chevilles, absorbait les irrégularités du terrain, tandis que leurs semelles épaisses adhéraient aux surfaces.
Il s'arrêta un instant, observant les alentours. Une faille mince s'ouvrait non loin, parcourue d'une lueur pâle, verdâtre et intermittente. Des filaments de vapeur s'en échappaient par à-coups, porteurs d'une chaleur inattendue dans cet enfer gelé. Un souffle, tiède mais chargé d'ions, lui frôla le visage. Un des cristaux de Vrith, émergeant partiellement, palpitait lentement au fond de la brèche, comme une braise persistante.
Il reprit sa marche, ajustant la capuche qui dissimulait en partie ses traits burinés, suffisamment abaissée pour le protéger du vent mordant sans obstruer sa vision. Il vérifia dans un vieux réflexe son masque filtrant, replié sur le côté, qui pendait, prêt à être déployé. Ses vêtements - sombres comme la pierre volcanique - se fondaient dans le décor, réduisant sa silhouette à une ombre mouvante sur les reliefs déchiquetés. Tandis que des cendres s'accrochaient aux ourlets de son manteau, formant une fine pellicule grisâtre sur le tissu.
Il poursuivit sa progression, imperturbable, sa vision claire comme en plein jour grâce aux lentilles qu'il portait. Une secousse plus vive se fit sentir, brève, mais accompagnée d'un claquement sec dans l'air. Sethir tourna la tête. Un arc d'énergie venait de jaillir entre deux rochers couverts de mousse. L'électricité atmosphérique, accrue par l'agitation des flux, laissait des traînées bleutées dans l'air froid. Il n'aimait définitivement pas ce niveau. L'Éclosion n'était pas synonyme de paix ici. Juste d'un changement de rythme. D'un réveil... parfois brutal.
Chaque détail de son équipement témoignait d'une préparation minutieuse pour affronter cet environnement hostile, où le moindre faux pas pouvait se payer au prix fort.
Depuis des cycles, Sethir avait parcouru « les cieux » nivelés de Varhen, glissant d'un îlot suspendu à un autre, à la recherche de réponses enfouies, d'échos anciens, de vérités à demi effacées. Il marchait encore, inlassablement, comme s'il pouvait recoller les morceaux du monde à force de pas. Autour de lui, le paysage semblait retenir son souffle : le froid, les falaises et les vents secs qui ne portaient plus que le parfum poussiéreux de la cendre. Des cycles, qu'il arpentait cette planète dans l'espoir de corriger ce gâchis. Les yeux perdus dans le paysage désolé qui s'offrait à lui, il visualisait d'autres terres, d'autres panoramas. C'était il y avait si longtemps, qu'il aurait aussi bien pu les avoir rêvés...
Il s'arrêta au bord d'un promontoire. Sous ses pieds, la croûte vibrante de l'îlot monopolisa quelques oscillations son attention. Il leva ensuite les yeux vers l'horizon. Rien que des escarbilles en suspension et des nuées rouges. Pourtant, dans ce gris sale, il revoyait le bleu profond d'anciens océans. Il les sentait presque, ces brises salées qui s'engouffraient entre les montagnes pour venir mourir sur les rives. Il entendait encore, parfois, le cri des oiseaux migrateurs fendant les courants ascendants, leurs ailes tendues vers des terres lointaines. Il se remémorait les deux soleils, qui jadis, éclairaient toutes les terres de leurs rayons et peignaient les eaux de reflets chatoyants. C'était un monde vaste, vibrant, plein. Aujourd'hui, ce n'était plus qu'un souvenir effiloché.
Sethir ferma les yeux un instant, laissant le vent frais - malgré l'activité volcanique - flatter son visage marqué par la fatigue. Une douceur venue d'un autre temps, mêlée à la morsure âcre du soufre. Il inspira longuement et ses paupières frémirent. Ce n'était pas la première fois que la mélancolie le prenait à la gorge. Mais aujourd'hui, il y avait autre chose. Un frémissement sous la surface. Une tension diffuse, presque organique. L'air semblait chargé d'une énergie étrange, palpable, comme si la planète elle-même était fébrile.
Varhen s'agitait. Il le sentait.
Pas comme une impression, mais comme une onde qui résonnait dans ses os. Dans ce lien tissé entre lui et elle. Il était littéralement connecté à son dernier Cœur et son noyau, ressentait chaque soubresaut comme une pulsation ancienne, vibrante et familière. Il les percevait dans sa chair. C'était son héritage : un patrimoine morcelé qu'il avait pris le temps de comprendre et maîtriser avec les rotations.
Du sommet de cette colline, son manteau battait derrière lui comme une bannière déchirée, tandis que de la condensation se formait autour de son visage à chaque respiration. Ce niveau était vraiment désagréable à vivre. Levant les yeux vers « le ciel », il s'imaginait la silhouette des îlots plus élevés - bien plus imposants - qui cachaient la lumière aussi efficacement que s'il s'était trouvé dans une boîte. La superposition des différentes couches gravitationnelles ne laissait entrapercevoir que subrepticement des raies de lumière astrale à certains moments de la journée, dessinant les contours des terres en suspension, lointaines, au-dessus de sa tête. Une bénédiction dérisoire en ces terres sauvages et désœuvrées.
Devant lui s'étendait une vallée encaissée, remplie de ruines anciennes, dévorées par le temps, les coulées de lave et le Grand Renversement. Peut-être ces lieux avaient-ils connu la guerre, qui pouvait le dire ? Ces structures, autrefois majestueuses, étaient maintenant recouvertes de végétaux uniques en leur genre, bioluminescents - pour la plupart - et qui ne poussaient qu'ici-bas. Mais ce n'étaient pas les ruines qui attirèrent son attention. Au centre de la vallée, une lumière - discrète et pulsante - émanait d'un bâtiment partiellement effondré. Une lueur vacillante qu'il connaissait bien. Il en avait trouvé une ?!
Sethir plissa les yeux, essayant de discerner la source de cette dernière. Son cœur battit plus fort : il en avait vraiment trouvé une autre ! Il descendit la colline avec précaution, accélérant le pas. Lorsqu'il atteignit les décombres, il s'arrêta devant une arche brisée. La lumière provenait de l'intérieur, pulsant comme un cœur. Il hésita un instant, sentant une vague de méfiance l'envahir. Il était déjà tombé dans des pièges et ça n'avait pas bien fini pour lui... Mais sa curiosité était plus forte, il franchit l'arcade et entra dans ce qu'il restait du bâtiment.
À l'intérieur, l'air était encore plus frais et chargé d'une énergie électrique qui piqueta son épiderme, dressant ses poils vers le haut. Les murs étaient couverts de gravures anciennes, des symboles qu'il reconnaissait vaguement, mais dont il ne pouvait se rappeler la signification. Au centre de la pièce - parfaitement restaurée du sol au plafond - siégeait un bouquet de cristaux énergétiques au moins aussi haut et large que lui. Autour d'eux s'érigeait une installation massive : un monstre de métal et de câbles qui semblait avoir été construit avec une technologie très avancée. Des tubes et des conduits serpentaient à travers la pièce, s'enfonçant dans le sol comme des racines métalliques. Il était au bon endroit, c'était la patte de Zytheor !
Des câbles épais reliaient matière naturelle et mécanique, tandis que d'autres accompagnaient la tuyauterie profondément enfoncée dans le sol : probablement pour rejoindre les réseaux énergétiques annexes de Volkyn. Étaient-ils au courant de l'exploitation de leurs ressources ? Il en doutait fortement.
L'appareillage collectait l'énergie des Flux, celle de Varhen. Ces machines étaient en partie responsables de la dégradation progressive de la planète, pompant la ressource la plus vitale entre toutes, dans le seul but d'ajouter au confort déjà bien installé des Zytheoriens. Et celle-ci était dissimulée ici, dans ces ruines oubliées. L'emplacement était parfait : un endroit désert et hostile, où personne ne s'aventurait, le plus proche possible du noyau, un bouquet de cristaux suffisamment imposant pour supporter le drainage. En cet endroit, à quelques lieues de son noyau, Varhen saignait en silence.
Ses poings se fermèrent lentement. Ses jointures blêmirent. Zytheor n'apprendrait jamais... avait toujours été un empire avide ! Chaque fois qu'il détruisait une de ces horreurs, une autre apparaissait ailleurs. Mieux camouflée. Plus profonde. Plus gloutonne. Comme s'ils pressentaient ses mouvements. Comme si quelque part, dans leurs tours d'argent, les ingénieurs de la dynastie traquaient ses gestes, guettaient l'instant où il couperait une ligne, pour en relancer dix autres. Il sentait la colère monter, non pas brûlante, mais froide, tranchante, acérée comme les arêtes d'un Vor'kaal. Une colère d'anciens. De témoin. Ils ne comprenaient pas. Ils ne voulaient pas comprendre !
Il aurait peut-être dû accepter et renoncer au fil de tous ces cycles, mais rien n'y faisait ! Il était là, écumant de rage, prêt à détruire, espérant un miracle, encore, toujours... À force de siphonner les Flux, ces arrivistes sappaient l'essence même de Varhen et tout ce qui engendrait cette magie qu'ils pensaient être l'Inhérence. Ce n'était pas une ressource ! Ce n'était pas un combustible ! C'était une respiration ! Une mémoire ! La vie !
Il examina l'appareillage de plus près, relevant les détails de sa construction ; des panneaux de contrôle complexes, des écrans affichant des données incompréhensibles et des systèmes de refroidissement qui semblaient fonctionner en silence. Les cristaux énergétiques au centre en étaient le cœur, pulsant faiblement mais régulièrement. Il resta un moment immobile, contemplant l'installation. Une onde semblait se déplacer en rythme, engendrant les spasmes de la luminosité naturelle des cristaux qu'il avait aperçue de l'extérieur. Puis, avec une détermination renouvelée, il sortit un carnet de notes de sa poche et commença à esquisser des croquis, notant chaque détail, chaque connexion. Ils avaient amélioré leurs installations, les matériaux étaient plus qualitatifs, les câblages plus résistants et certaines interfaces dont il ignorait tout, avaient fait leur apparition.
***
Le moment était venu... Rangeant son carnet dans son sac, il canalisa l'Éther pour manipuler les Flux qui traversaient la machine. Ses mains se tendirent, il les sentait répondre à son appel. Les cristaux, initialement stables, commencèrent à vibrer, leurs lumières crépitèrent, trahissant leur déséquilibre croissant. Avec une concentration intense, Sethir désolidarisa les cristaux des Flux de Varhen, puis un par un les arracha à la terre. Chaque spath déterré provoqua une secousse dans l'installation, les câbles - une fois libérés - se tordirent et se débattirent. Il termina de les extraire avec sa force brute, ses mains gantées protégées des décharges énergétiques qui jaillissaient des connexions brisées. La machine - maintenant privée de sa source d'énergie - commença à s'effondrer. Les panneaux métalliques se déformèrent, les engrenages grincèrent et les lumières s'éteignirent une à une.
Impassible, il récupéra les cartes mères qui lui rapporteraient quelques fluxions - celles garantes de la mémoire et les interfaces qu'il ne reconnaissait pas - les examinant rapidement avant de les glisser dans son sac. Ces artefacts technologiques, bien qu'étrangers à ses connaissances, pourraient contenir des informations cruciales. Il n'avait toujours pas trouvé le moyen de stabiliser Varhen, mais les fabricants de ces installations avaient certainement collecté des données qui pourraient lui être utiles.
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Lexique
Bas Travyar : Tout îlot se trouvant sur le premier et le second niveau gravitationnel et qui ne soit pas indexé à Volkyn. Il s'agit de Terres Sauvages, souvent inhabitables, dépourvues de gouvernement.
Cycles = Siècles.
La bioluminescence : Inspiré de Pandora dans Avatar de James Cameron.
Zytheor = Grande Puissance sur Varhen / Se trouve sur le troisième niveau.
1 Lieue (Lg) = 1000 Gravitons = 50 000 mètres (50 km).
Vor'kaal = Prédateurs aquatiques redoutables, évoluant dans les étendues d'eau glacée du second niveau gravitationnel de Varhen. Bien qu'ils ne soient pas gigantesques, leur apparence est tout de même saisissante. Leur corps est long et élancé, recouvert d'une peau lisse et translucide qui leur permet de se fondre dans leur environnement gelé. Leurs arêtes peuvent se déployer ou se rétracter en fonction de leur besoin. Leurs yeux, larges et brillants, sont adaptés à l'obscurité permanente qui règne sous la glace. Leurs pupilles, horizontales, captent toute la lumière disponible, même dans les eaux les plus sombres, leur offrant une vision acérée des mouvements autour d'eux. Tandis que leurs dents, également ajustées à l'environnement, sont petites mais extrêmement tranchantes, leur permettant de déchirer la chair de leurs proies en une fraction de seconde.
L'Ether = Aspect de la magie qui permet de percevoir, manipuler et stabiliser les Flux d'énergie traversant Varhen.