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Chapitre VII - Part I - Dévoilé(e)s

Projet en cours, toute remarque ou retour est bienvenu.e !

Vous trouverez un lexique en fin de chapitre.

Nyssa Erelith – Le Sanctuaire – Lunaris – Niv 3

Le Patriarche s'écarta d'un pas, laissant apparaître derrière sa haute silhouette, incrustée dans le sol, une volée de marches - faites de la même pierre et des mêmes carreaux de mosaïque que le reste de la cour - qui menaient sous la terre, comme si le sanctuaire lui-même avait été bâti autour de cette brèche. La dalle n'avait émis ni crissement, ni heurt : un silence parfait. Elle ne l'aurait jamais trouvée sans lui. Aucun relief, aucun signe apparent ne trahissait la présence de ce passage scellé.

Le bruit de leurs pas se fondait dans le silence de l'escalier. Plus ils s'enfonçaient, plus l'air se faisait lourd, comme une étreinte qui se resserrait. La pierre sous ses pieds semblait absorbée par l'ombre croissante, chaque marche devenant plus incertaine, comme si la lumière elle-même hésitait à les accompagner. Un frisson piqua sa peau tandis que les démangeaisons qui l'assaillaient se transformèrent en un véritable malaise qui envahissait tout son corps.

Et le noir fut total. Elle n'aurait jamais dû le suivre !

Un claquement suffit à illuminer l'espace. Quelque chose - comme des fissures argentées mouchetées d'or - incrustée dans les parois avait réagi à l'onde sonore. Le Patriarche dut répéter une douzaine de fois l'opération, claquant ses paumes entre elles pour raviver la luminosité. Elle avait l'impression d'arpenter des tunnels depuis au moins une pulsation. Ses pas étaient lourds, son corps lui donnait l'impression d'être trop petit pour elle, comme un vêtement qui aurait rétréci... Sa vision se troubla, elle était au bord de l'évanouissement.

Sous ses pieds, elle nota distraitement que le sol était aussi lisse que celui à la surface et que la luminosité ambiante lui permettait de distinguer les dessins formés par la mosaïque savamment disposée. Elle racontait l'histoire de Nharos, du Grand Renversement et de la fracture de la croûte terrestre avec une précision et une beauté saisissante. Chaque carreau formait une fresque vivante et vibrante, capturant les moments clés de cette époque tumultueuse. Elle l'aurait sans doute davantage appréciée si sa vision n'avait pas été de plus en plus floue.

Quelque chose n'allait pas, elle n'était pas censée aller si mal aussi rapidement.

— Lâchez prise, Nyssa Erelith, ou vous perdrez conscience.

— Je ne sais pas de quoi vous...

— C'est peut-être votre seule chance de ressentir pleinement alors faites-le.

— Vous ne savez pas de quoi vous parlez.

— Vous croyez ?

Elle choisit de se taire, c'était suffisamment difficile pour elle, sans qu'elle argumente avec le cliché du vieillard qui parle à demi-mot. Il lui manquait les cheveux blancs et la longue barbe cela dit, les côtés frêle et gâteux aussi.

Encore quelques pas et ils débouchèrent sur large ouverture, puis une immense « salle » en croissant, ouverte sur le vide sous Lunaris. L'énorme trou dans la paroi semblait être dissimulé par un amas de terre tombant du dessus, en amont du bord, à quelques pas de là. Nyssa était certaine que de l'extérieur, n'importe qui ne verrait ici que les flancs de falaise propres à tout envers d'îlot sur Varhen. La légère brume qui entourait Lunaris devait suffire à en gommer les contours pour les Crystalisiens, qui pouvaient parfois apercevoir Lunaris du dessous, depuis Zythéor.

Qu'est-ce que c'était que ça ?

La salle s'étendait à perte de vue sur la droite comme la gauche. Elle épousait la courbe du précipice béant. Aucune barrière ne protégeait du vide ; un seul faux pas et l'on plongeait dans l'abîme. Les murs, irréguliers, fissurés et érodés, révélaient l'étrange pierre luminescente, argentée et parsemée de reflets dorés, qui les avait guidés jusqu'ici. Les parties dénuées de brisures, en revanche, absorbaient la lumière, d'un noir si profond et brillant qu'il semblait presque liquide. Chaque pas résonnait dans ce lieu mystérieux, comme si la salle entière retenait son souffle, attendant que quelqu'un en dévoile les secrets.

Elle donna l'impression à Nyssa, d'être entrée dans une de ces pâtisseries qu'elle affectionnait tant quand elle était enfant ; ces biscuits noirs, en forme de couronne, avec un trou au milieu, bourrés de sucre. Elle entendait les chants qui lui parvenaient par la droite, mais Le Khel'ra avait réamorcé sa marche dans la direction opposée. Il lui sembla qu'il lui parlait, mais ses paupières vacillèrent.

Le seuil passé, la magie la saisit comme une brume lourde, coupant sa respiration. Ses pensées, plus ou moins claires l'oscillation d'avant, se fondaient dans un tourbillon opaque. Elle sentit son corps se dérober sous elle, se perdre dans la spirale de l'invisible. Le Voile, implacable, engloutissait tout sur son passage, la plongeant dans un état de suspension où ni le temps ni l'espace ne semblaient exister.

Dans un sursaut de conscience, elle parvint à murmurer ;

— Vous ne devez pas voir...

— Je vous vois depuis votre arrivée sur Varhen, Nyssa Erelith.

Qu'est-ce que ça signifiait ? Elle se sentit soulever dans des bras forts, puis balloter tandis que son porteur accélérait le pas. C'était vraiment une très mauvaise journée. Et comment un vieillard parvenait-il à la porter avec autant de facilité ?

Deux pulsations plus tard :

Nyssa reprit conscience dans un état de confusion totale. Ses membres étaient lourds, comme si elle avait été plongée dans de la vase. Elle cligna des yeux, essayant de percer l'obscurité qui l'entourait. La lumière argentée des parois de la salle avait disparu, remplacée par une faible lueur dorée plus diffuse, presque comme de la poussière en suspension dans l'air. Elle était allongée sur une surface froide, dure, légèrement incurvée et pourvue d'un oreiller qui mériterait d'être rembourré, probablement une sorte de couchette mais... en pierre ? Où avait-elle atterri, par les Flux ?!

Elle tenta de bouger, mais une douleur aiguë lui traversa le crâne, l'obligeant à fermer les yeux. Les souvenirs lui revinrent par fragments : le Patriarche, la descente interminable, la salle ouverte sur le vide, et puis... rien. Elle avait perdu le contrôle et Le Voile avait repris ses droits, comme il le faisait toujours sur elle.

Elle sentait cette vibration caractéristique qui courait sur sa peau, ce léger tiraillement au coin des yeux ou des lèvres, ce poids sur le bout du nez et ce picotement sous le scalp... Elle avait merdé !

— Vous êtes enfin réveillée.

La voix du Patriarche résonna dans l'espace, calme et mesurée, mais avec une pointe de gravité qui fit frissonner Nyssa. Elle tourna la tête avec difficulté et l'aperçut, assis à même le sol, non loin d'elle. Ses yeux gris la fixaient avec une intensité qui la transperçait. Il n'était visiblement pas étonné de voir sa physionomie s'affoler sans jamais se décider.

— Où... où suis-je ? Murmura-t-elle, sa voix rauque et faible.

— Vous êtes toujours dans les profondeurs de Lunaris, répondit-il. Mais vous avez franchi une de vos limites. Votre tempérament obtus vous coûtera la vie un jour saï.

Nyssa tenta de s'asseoir, mais une main ferme l'en empêcha. Elle réalisa alors qu'elle n'était plus seule avec le vieil homme. Une silhouette se tenait à ses côtés, une femme vêtue d'une robe sombre, aux traits sévères et aux yeux perçants : La Zar'ka.

— Vous avez pris un grand risque, Nyssa Erelith, dit-elle d'une voix froide. Le Voile est une magie puissante, mais elle exige un équilibre que vous ne possédez visiblement pas. Manquer de contrôle est une chose, risquer votre vie en est une autre.

Nyssa sentit un frisson la parcourir. Elle avait été découverte sous sa véritable nature, par les deux codirigeants de l'endroit le plus sacré entre tous... Et maintenant, elle était à leurs mercis et supposée s'assurer de leur silence... L'idée de chercher à connaître ses nouveaux traits ne lui traversa même pas l'esprit. La femme qui la regarda semblait contrariée et soucieuse, mais étrangement pas à son encontre. C'était pourtant bien elle qui avait perdu connaissance...

— Pourquoi m'avoir amenée ici ? Demanda-t-elle, essayant de masquer son désarroi. Pourquoi tout ça ? Quel est cet endroit ?

Le Khel'ra échangea un regard avec sa comparse avant de répondre.

— Parce que vous n'êtes pas comme les autres, dit-il. Vous cherchez l'Accyum Pur comme le reste du monde, mais vous portez en vous une quête bien plus profonde. Une quête que nous comprenons.

Nyssa fronça les sourcils, perplexe.

— Que voulez-vous dire ?

La Zar'ka s'avança, envahissant son espace, ses yeux scrutant chaque détail de son visage (qu'elle sentait fluctuer au rythme de ses émotions). Le spectacle devait être saisissant.

— Vous luttez, dit-elle. Vous cherchez à prouver votre valeur, à échapper à l'ombre de vos méfaits et de vos échecs. Mais vous ne pouvez pas y parvenir en portant un masque, ni en répondant aux attentes d'un autre. Le Voile n'est pas qu'une simple part de votre magie, c'est aussi une part de vous. Vous vous cachez de vous-même.

Nyssa sentit une boule se former dans sa gorge. Les mots résonnaient en elle, touchant une corde sensible qu'elle avait longtemps ignorée.

— Et alors ? Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Demanda-t-elle, sa voix vacillante.

Elle se sentait l'âme d'une gamine, devant ces vieux croûtons qui parlaient comme dans les livres. Mais étrangement, appliquer le protocole ici lui sembla impossible, alors elle faisait traîner, glanant au passage autant d'informations qu'elle le pouvait. Le Patriarche se leva et s'approcha d'elle, son regard empreint d'une étrange compassion. Il écarta sa collègue doucement et s'agenouilla à son tour face à elle.

— L'Accyum Pur n'est pas ce que vous croyez. En revanche, il peut vous aider.

Nyssa sentit son cœur battre plus vite. Elle avait toujours cru que l'Accyum Pur était une chose qu'elle pouvait saisir et ramener, utiliser pour prouver sa valeur. Qu'est-ce que ça signifiait qu'il n'était pas ce qu'elle croyait ?

— Je vous le redemande, pourquoi ma petite personne intéresse-t-elle les codirigeants de Lunaris ?

— Parce que vous ne maniez pas seulement l'Inhérence.

— C'est ridicule.

— Cessez de me contredire ! Nous connaissons votre identité parce que vous êtes ma petite-fille, Nyssa Erelith. Pensez-vous sincèrement que j'en aurais dit autant au premier venu ?! Je ne suis pas vraiment réputé pour ma volubilité.

Elle n'aurait pas déjà été à moitié allongée, qu'elle aurait fini par terre. Le pauvre homme délirait maintenant ? Exaspérée elle se redressa, il était temps qu'elle obtienne ce qu'elle était venue chercher et qu'elle quitte cet asile de fous. Trop de lumière avait dû leur taper sur le crâne !

— Où est l'Accyum ?! Vous aviez dit que je pourrais le voir.

***

Lexique :

Pulsation = Heure.

Khel'ra = Patriarche.

Zar'ka = Matriarche. 

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