PDV Laura
Le soleil s'effaçait lentement derrière les cimes, étirant les ombres autour de nous. Le silence de la forêt, parfois troublé par le bruissement des feuilles mortes ou le craquement d'une branche, me berçait presque. Lou, fidèle à elle-même, marchait à mes côtés, le regard dans le vide et les épaules rentrées comme une enfant prise en faute.
— Lou... soupirai-je. Tu vas finir par te dissoudre à force de traîner la tête aussi bas.
Elle releva les yeux vers moi, comme une gamine prise sur le fait. C'en était presque pathétique.
— Désolée, Laura... Je fais de mon mieux, murmura-t-elle.
Toujours à s'excuser. Toujours à vouloir bien faire. Et toujours aussi inutile.
PDV Lou
J'avais le cœur lourd. Cette forêt, cette atmosphère... tout me donnait envie de pleurer. Mais je tenais bon, pour Laura. Elle avait cette force, ce charisme, cette assurance que j'enviais profondément. Elle n'avait pas peur, elle. Elle savait où aller, quoi faire.
Je l'admirais. Elle était mon repère dans ce chaos.
— Tu crois qu'on va trouver d'autres survivants ? demandai-je timidement.
Elle ne répondit pas tout de suite, se contentant d'un haussement d'épaules. J'avais appris à ne pas m'attendre à des mots doux de sa part. Elle n'était pas comme ça. Mais je restais avec elle, parce qu'avec elle, j'avais l'impression d'exister. C'est ma meilleure amie.
PDV Laura
On arriva à la clairière sans dire un mot de plus. Et là, suspendu à une branche comme une vulgaire marionnette, il y avait Tom.
Sa silhouette pendait mollement au bout de sa cravate nouée à une branche. Ses pieds nus balayaient le vide, et son visage gonflé avait viré au bleuâtre.
— Pff... soufflai-je.
— Oh mon dieu ! s'écria Lou.
Elle s'effondra à genoux, choquée, les mains sur la bouche, les larmes perlant déjà à ses yeux.
PDV Lou
Mon estomac se retourna. Tom. Il s'était pendu. Il avait abandonné. Il n'avait pas tenu le coup. Et moi... je me sentais tellement coupable de ne pas avoir été là, de ne pas avoir vu sa détresse.
— Il n'a pas supporté... il... il était si gentil, bafouillai-je.
Laura, elle, restait droite, le regard dur.
— Gentil ou pas, il était faible, dit-elle sèchement. Et ici, les faibles meurent. C'est aussi simple que ça.
PDV Laura
Son hystérie commençait sérieusement à me taper sur les nerfs. Ce n'était pas la première fois qu'elle craquait, mais là... ça devenait dangereux. Elle attirait l'attention. Elle pleurnichait. Elle ralentissait tout.
Elle allait finir par me foutre dans la merde.
Et une idée germa dans mon esprit. Furtive. Viscérale. Évidente.
Je n'avais plus besoin d'elle.
PDV Lou
La nuit tomba vite. On s'abrita sous un vieux kiosque effondré, entouré de feuillages épais. Laura alluma un petit feu avec ce qu'elle avait récupéré dans les ruines d'une vieille maison. Je la regardais faire, fascinée. Elle savait tout faire. Elle avait ce truc que je n'aurais jamais.
— Merci, Laura. D'être là. De rester avec moi.
Elle me lança un regard vague, puis se détourna vers son sac. Elle fouilla quelques instants et en sortit... le tire-bouchon.
Je le reconnus immédiatement. Je l'avais vu le jour où on avait tous reçu nos "cadeaux" au début du jeu. Laura n'avait pas eu un couteau, ni une arme à feu, non. Elle avait eu ce truc ridicule, presque ironique : un tire-bouchon. Mais elle l'avait gardé, sans jamais s'en séparer.
— Toujours ton arme du début ? demandai-je, essayant de sourire malgré ma fatigue.
— Ouais, répondit-elle simplement. Faut bien faire avec ce qu'on a.
Je hochai la tête. Bien sûr. Elle rendait tout dangereux, même un objet aussi anodin. C'était ça, sa force.
PDV Laura
Le tire-bouchon. Un objet si banal, presque ridicule. Mais ses spirales métalliques étaient solides, bien aiguisées. Suffisamment longues pour perforer. Suffisamment fines pour être précises.
Je le fis tourner entre mes doigts, observant la flamme se refléter dessus.
Lou était roulée en boule près du feu, les yeux fermés, épuisée. Tellement vulnérable. Tellement... facile.
Je me levai lentement, le cœur étrangement calme. C'était le bon moment. Il fallait que ce soit rapide. Propre. Mais surtout, nécessaire.
Je m'approchai sans un bruit. Le feu crépitait, masquant le frottement de mes semelles sur le sol. Elle respira profondément, paisiblement. Elle n'avait aucune idée de ce qui allait arriver.
PDV Lou
Un frisson me réveilla. Il faisait froid, et j'eus un mouvement pour tirer mon pull vers moi. Et puis... un bruit. Un souffle proche de moi.
— Laura ? chuchotai-je.
Aucune réponse.
J'ouvris les yeux, lentement.
Et je vis son ombre, penchée au-dessus de moi. Une seconde plus tard, une douleur fulgurante me transperça le cou.
— Hhhgnn— ! balbutiai-je en portant mes mains à ma gorge.
Elle me fixait. Immobile. Impassible.
— Laura... ?
PDV Laura
La première enfoncée fut propre. Rapide. Elle n'eut même pas le temps de comprendre. Mais elle ne mourut pas immédiatement. Alors je recommençai. Encore. Et encore. Le tire-bouchon perfora la chair avec un bruit humide, chaque coup suivi d'un gargouillis de sang.
Son regard était empli d'horreur. De douleur. Et surtout, de trahison.
Je penchai la tête.
— Tu pleures encore, Lou. Même maintenant. C'est ça ton problème. T'as jamais su te battre.
Je plantai une dernière fois, profondément, dans la base de sa gorge. Son corps tressaillit une ultime fois, puis s'affaissa.
PDV Lou
Elle me tue.
Elle me tue et je ne comprends pas pourquoi.
Le sang coule, chaud, poisseux. Ma gorge me brûle. Je suffoque. Mon regard se brouille.
Je voulais juste rester avec elle. C'est tout. Être utile. Être aimée.
Pourquoi ?
Pourquoi... moi... ?
PDV Laura
Quand elle cessa enfin de bouger, je me relevai lentement. Je sortis le tire-bouchon de sa gorge, l'essuyai sur son pull taché de sang et le remis dans ma poche.
Le feu crépitait encore. Le silence, cette fois, était parfait.
Je n'avais plus de poids à porter. Plus de plaintes. Plus de fragilité.
Juste moi. Enfin libre.
Je laissai le corps là, recroquevillé, la tête tournée vers moi comme si elle espérait encore une réponse.
— Repose en paix, Lou. Ou pas. Honnêtement, je m'en fous.
Je tournai les talons et disparus dans la nuit, sans un regard en arrière.
Mort : 19 | Survivants : 11