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| 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟎 |

‱ Un ami en or, faut me croire ‱

𝐃𝐀𝐏𝐇𝐍𝐄











— J'ai hñte !

Je ne tiens plus en place.

Assise dans la voiture, je fais couiner le cuir du siĂšge Ă  force de gigoter. Je trĂ©pigne d'impatience. Depuis que Kian est venu chez moi ce matin, mon esprit est en Ă©bullition. Je n'arrĂȘte pas de penser Ă  cette fille que lui a offert son frĂšre.

Pendant toute la journée, j'ai eu envie d'aller faire une petite visite à Lug pour l'exorciser de tout ce machisme dont il fait preuve puis je me suis dit que j'allais perdre mon temps pour rien, alors je suis restée assise dans mon canapé, aux cÎtés de Zeynep.

Et au lieu d'imaginer mille et une maniÚres de tuer le frÚre aßné de mon meilleur ami, je me suis mise à penser vraiment à cette fille.

Zeynep, non plus, n'a pas pu regarder notre L'Odyssée de Pi sereinement.

Mais alors qu'elle Ă©tait plus inquiĂšte pour cette inconnue et qu'elle se demandait comment le monde pouvait ĂȘtre aussi mauvais envers les femmes, je me plaisais Ă  dessiner le portrait de la nouvelle colocataire de Kian.

Je suis certaine qu'elle est jolie.

Et qu'elle lui plait.

Sinon, il s'en serait débarrassé dÚs la premiÚre seconde.

Je connais assez Kian pour savoir que si une personne ne l'intéresse pas un tant soit peu, il ne prendra pas la peine de lui témoigner de l'attention ou de penser ne serait-ce qu'une seule minute à elle.

Et pourtant, mĂȘme s'il la considĂšre comme un parasite, il est venu toquer chez moi parce qu'il se soucie du bien-ĂȘtre de cette fille, ou du moins, il n'a pas envie de jouer aux bourreaux et a fait appel Ă  moi pour que je la rassure.

Décision avisée.

Mais ça ne m'étonne pas de Kian. Il sait faire preuve de bonté quand il le veut. Il ne gaspille pas sa prévenance, c'est tout.

Alors, cette fille a dû, d'une façon ou d'une autre, titiller son ùme de solitaire.

Et il le sait. Il évite juste de le montrer devant les autres.

Mais on ne me la fait pas Ă  moi. Je ne suis pas aveugle.

Ce petit ingrat n'a mĂȘme pas daignĂ© nous faire une description de la jeune femme qui vit maintenant avec lui. J'ai dĂ» me dĂ©brouiller pour imaginer son visage, son physique et sa personnalitĂ©. Et je suis impatiente de voir Ă  quoi elle ressemble.

— J'ai hñte ! Tu sais que j'ai hñte ?

Zeynep rigole et me sourit avec tendresse alors que nous arrivons aux abords de la forteresse Kelman.

— Oui, je sais, tu l'as dit au moins une dizaine de fois.

— Et toi ? Tu as hñte ?

— Je n'ai pas hñte d'aller chez Kian, m'avoue-t-elle, mais je suis contente de voir que tu es contente. C'est le principal, non ?

Je rigole Ă  mon tour en roulant des yeux.

À mon plus grand malheur, Zeynep a du mal avec mes amis. Je peux la comprendre mais avec le temps, je pensais qu'elle s'habituerait. Il s'avĂšre que non. Elle est toujours aussi mĂ©fiante en prĂ©sence d'eux, et surtout de Kian.

Bon, il est vrai que la premiÚre impression n'a pas été trÚs bonne mais Zeynep sait donner des secondes chances aux gens. Je pensais qu'elle en offrirait une à Kian... je crois bien qu'elle mettra du temps avant de lui octroyer ce privilÚge.

MĂȘme si son animositĂ© ne semble pas dĂ©ranger Kian le moins du monde.

— On est bientĂŽt arrivĂ©, soupire Zeynep, ne pouvant cacher son dĂ©pit.

— Allez, babe, Kian n'est pas si terrible !

— Ce n'est pas toi qu'il a failli assommer avec son marteau.

— Tu lui en veux toujours pour ça ? je fais la moue.

— Comment pourrais-je ne pas lui en vouloir ? s'offusque-t-elle. Kian est... il est...

— Adorable ? À croquer ? Attachant ?

— Effrayant, dit-elle, perplexe face à mes propositions.

Je rigole.

Ça, c'est parce qu'elle ne se fie qu'aux « on dit » et non Ă  « ce que DaphnĂ© dit ».

Si j'affirme que Kian est adorable, c'est qu'il l'est. Il faut me croire. Ce morveux me donne envie de lui faire des cùlins à tout bout de champs quand je vois son regard brisé.

Et c'est d'ailleurs la premiĂšre chose que je ferai quand je le verrai.

— Tu sais pourquoi j'ai hñte aussi ?

— Non mais tu vas me le dire.

— Je vais voir Tundra ! je m'exclame, des Ă©toiles plein les yeux. Ma petite boule de poils adorĂ©e !

— Petite, je ne crois pas que ce soit l'adjectif adaptĂ©, pouffe Zeynep.

— Ça restera toujours mon petit bĂ©bĂ© mĂȘme si elle fait 170 kg, je marmonne. Et elle va ĂȘtre si contente quand elle verra ce que je lui ai apportĂ©.

Je sors la peluche de mon énorme sac et la brandis devant moi, fiÚre.

— C'est moi ou elle ressemble à Lug Byrne ?

— Exact ! Elle va adorer planter ses griffes dedans et lui dĂ©chiqueter le crĂąne, je souris.

J'ai décidé qu'il fallait qu'elle déteste autant que moi ce fils de pute de macho. Et quoi de mieux qu'une peluche personnalisée faite à l'effigie de ce vieux mafieux à l'ego surdimensionné pour initier Tundra à la haine et au dégoût que je voue à cet homme.

J'aurais dû avoir cette idée de génie beaucoup plus tÎt !

AprĂšs quelques minutes de route, nous arrivons enfin devant la forteresse Kelman. Je souris comme une idiote et me mets Ă  danser de joie quand le portail s'ouvre pour nous laisser entrer. Zeynep fait rouler notre petite Twingo rouge sur les graviers de l'allĂ©e alors que j'aperçois dĂ©jĂ  Kian, debout, sur le seuil de sa demeure, les mains dans les poches. Il nous observe nous garer et je secoue la tĂȘte...

Kian ne dérogera jamais à ses habitudes qui ressemblent plutÎt à des manies ou des tocs.

S'il sait que vous allez venir chez lui, il vous attendra à sa porte, droit comme un piquet et vous observera venir jusqu'à lui. Pas une fois, il ne m'a attendue à l'intérieur. Il est toujours sur son pallier, peu importe la température et examine votre arrivée comme à l'affût du moindre détail ou imprévu désagréable.

D'ailleurs, il doit savoir que vous venez.

Sinon il serait prĂȘt Ă  vous blesser gravement pour avoir pensĂ© que vous pouviez entrer chez lui sans y avoir Ă©tĂ© invitĂ© au prĂ©alable. Je n'ai fait l'erreur qu'une seule fois de venir dans sa forteresse sans l'avoir prĂ©venu.

Ça nous a servi de leçon à toutes les deux, Zeynep et moi.

Si nous étions venus, aujourd'hui, avec une personne en plus dans la voiture alors qu'il était prévu que nous ne soyons que deux, Kian aurait menacé l'indésirable d'une carabine ou alors il lui aurait trÚs probablement fracassé le crùne avec le marteau qu'il utilise pour sculpter ses somptueuses statues qui poussent dans son jardin comme de véritables fleurs de pierre.

Il peut paraßtre étrange ou « effrayant » comme le dit Zeynep au premier abord mais une fois que vous avez intégré toutes ses rÚgles, son amitié vaut tout l'or du monde.

— KIAAAAAAN !

Je cours vers lui, sous son regard vif et lui saute dessus pour le serrer dans mes bras. Nous nous sommes dĂ©jĂ  vus mais j'ai besoin de lui faire un cĂąlin au moins une fois quand je le vois et Ă©tant donnĂ© que ce matin, il s'est prĂ©sentĂ© sans prĂ©venir, je n'y ai mĂȘme pas pensĂ©.

Son corps dur comme de la roche ne bouge pas. Je le serre, sourire aux lÚvres et ne démords pas parce que je sais trÚs bien qu'il va me rendre mon étreinte. Je fais partie des privilégiées qui ont l'honneur de pouvoir toucher Kian Kelman sans risquer leur vie.

Ses bras ballants finissent par passer dans mon dos et me pressent contre lui. Je ricane.

Gagné.

Le grand et l'impassible Kelman a succombĂ©. Il pose sa tĂȘte sur mon Ă©paule et attend patiemment que j'aie rechargĂ© ma batterie de tendresse qui le concerne exclusivement.

C'est ma façon Ă  moi de lui partager l'amour que je lui porte. Il est comme mon frĂšre et, parfois ou mĂȘme trĂšs souvent, il a besoin de cette dose de douceur plus qu'il ne veut l'admettre.

Je me recule et l'agresse de mon sourire.

— Alors, alors ? Quel est son prĂ©nom ? Tu l'as eu rapidement !

— Sol, rĂ©pond-il.

— Sol ? s'Ă©tonne Zeynep. Il n'y a qu'une seule syllabe et tu n'as mĂȘme pas pu le retenir ?

Je coule un regard rĂ©probateur Ă  Zeynep pour qu'elle Ă©vite d'enclencher les hostilitĂ©s mĂȘme si je sais trĂšs bien que Kian ne lui fera rien et qu'il se fiche bien de ses remarques.

— Je prĂ©fĂšre A rĂșn, rĂ©torque-t-il.

Hum, hum.

A rĂșn... ce surnom en dit long sur ce que peut ressentir Kian Ă  l'Ă©gard de cette fameuse Sol.

— Elle est toujours vivante depuis ce matin ? continue Zeynep, accusatrice.

Pour la peine, Kian ne lui répond pas.

— Tu vois, ce n'Ă©tait pas si dur de le lui demander, je lĂąche en lui donnant un coup de poing amical Ă  l'Ă©paule.

Il hoche la tĂȘte pour me le concĂ©der. Je souris encore puis balaye les lieux des yeux.

— Bon, avant tout, il faut que je voie ma fille !

— Elle est derriĂšre, m'indique Kian en fermant la porte d'entrĂ©e.

Il passe devant moi et m'indique de le suivre, ce que je fais, excitĂ©e comme une puce. Je contemple ma peluche une Ă©niĂšme fois et la prĂ©sente Ă  Kian qui lui jette Ă  peine un coup d'oeil. Je ne m'offusque pas de son manque d'intĂ©rĂȘt car je vois l'aube d'un sourire amusĂ© apparaĂźtre un bref instant.

Kian n'est pas un grand amateur des effusions d'Ă©motions contrairement Ă  moi et Ă©tonnement, ça ne m'a jamais troublĂ©e parce qu'il me permet de me canaliser. Son calme est reposant. C'est agrĂ©able d'ĂȘtre Ă  ses cĂŽtĂ©s et c'est ce qu'il faudra que je dise Ă  cette Sol pour qu'elle comprenne que mon meilleur ami n'est pas mauvais.

Il est mĂȘme trÚÚÚÚÚÚÚÚs loin de l'ĂȘtre.

Quand j'aperçois Tundra couchĂ©e devant le ponton qui mĂšne au kiosque en pierre, je siffle. Cette derniĂšre bouge ses oreilles, lĂšve la tĂȘte puis me voit.

Sa réaction est immédiate : elle me rejoint si vite que j'en ai les larmes aux yeux, comme à chaque fois.

Sa tĂȘte percute mon ventre pour s'y frotter en se mettant Ă  ronronner comme un gros chat. Je gratouille sa tĂȘte puis m'accroupis quand Tundra se laisse tomber par terre et roule sur le dos pour que je la caresse.

— Oh mon gros bĂ©bĂ© ! Tu sais que t'es belle ? Magnifique mĂȘme !

ComplÚtement gaga, je lui fais des papouilles qu'elle adore sous le regard admiratif de Zeynep qui est toujours surprise en voyant ma relation avec cette énorme tigresse qui a grandi avec moi.

Quant Ă  Kian, son expression est aussi indĂ©chiffrable que d'habitude. Pas moyen de savoir s'il est Ă©merveillĂ©, blasĂ© ou mĂȘme perplexe. Son visage est moins expressif que celui de ses sculptures.

— Elle a failli se noyer, lñche-t-il de but-en-blanc.

— Quoi ? nous exclamons-nous Zeynep et moi.

— Qui ? demande ensuite Zeynep peu sĂ»re de comprendre.

Ce n'est certainement pas Tundra. C'est une excellente nageuse. Mais alors... parle-t-il de...

— Sol ?

Il hoche la tĂȘte.

— Tundra lui a fait peur, m'explique-t-il.

— Mais elle ne lui aurait pas fait de mal ! je m'exclame, incrĂ©dule.

— Pas sĂ»r, rĂ©plique-t-il.

Mon dieu... comment a-t-elle pu manquer de se noyer ? Que s'est-il passé ? Je ne suis pas étonnée de comprendre que Kian n'a pas vu la nécessité de l'informer de la présence d'un tigre dans son terrain et je suis quasiment certaine qu'il ne lui a pas expliqué qui était Tundra.

Il va falloir que je demande à Sol comment cet idiot s'est comporté avec elle.

Kian a cette fùcheuse manie de rester silencieux quand il n'a pas envie de répondre à l'une de vos questions.

Enfin, ce n'est pas forcément qu'il n'a pas envie, parfois, il pense que ce n'est pas son rÎle de vous rassurer, de satisfaire votre curiosité et il vous laisse dans un flou qui peut vite devenir agaçant.

Kian économise ses mots et sa salive.

Il ne vous répondra que s'il trouve cela important ou que cela le concerne directement. Enfin, tout dépend de son humeur.

— OĂč est-elle, d'ailleurs ? Toujours enfermĂ©e dans sa chambre ? s'inquiĂšte Zeynep.

Kian laisse le silence s'installer un instant avant de lĂącher sans le moindre rictus :

— Elle est dans mon atelier, les membres dĂ©coupĂ©s Ă  la scie. Tu veux voir ?

Zeynep est Ă  deux doigts de vomir et elle me regarde pour s'assurer qu'il ne s'agit que d'une trĂšs mauvaise blague.

Je me retiens de rire pour ne pas la choquer un peu plus et hoche la tĂȘte pour la rassurer. Elle finit par assassiner mon ami du regard mais il la fixe avec la mĂȘme expression indĂ©chiffrable qui me fait presque douter de son trait d'humour.

Il plaisante, oui, il plaisante.

— Elle dort, nous dit-il par la suite. Peut-ĂȘtre.

— Comment elle va ? je demande, me mĂ©fiant de mon meilleur ami et de sa capacitĂ© Ă  compatir.

Il hausse des épaules et nous tourne le dos pour retourner à l'intérieur de la maison.

À contrecoeur, je cesse de caresser Tundra car mes doigts commencent à hurler de douleur à cause du froid qui les mordille vicieusement mais avant de partir, je lui donne mon cadeau du jour.

— Tiens. Amuse-toi, ma belle.

Elle renifle la peluche puis finit par jouer avec ses grosses pattes, toujours couchée sur la pelouse gelée. Je trottine vers Zeynep qui se tenait à l'écart et qui n'a pas voulu emboiter le pas à Kian sans moi.

Je l'attrape par le bras et l'entraßne vers le jardin de l'entrée. Je regarde briÚvement les statues que Kian a posées par-ci par-là et je souris en me rendant compte que ça fait longtemps qu'elles ne m'intimident plus autant.

En revanche, il m'a quand mĂȘme fallu du temps pour ne plus me sentir bizarre entre tous ses regards atterrĂ©s ou tristes.

Il faut dire que quand on sait ce que je sais, il est dur de ne plus ĂȘtre perturbĂ© par ces ĂȘtres de pierre et de marbre.

Sol doit sans doute trouver ce jardin flippant Ă  souhait.

Nous retrouvons la chaleur de l'intérieur, pressées. Kian s'est déjà avachi dans son canapé, devant l'écran éteint de sa télévision mais mon attention est attirée par Antonia qui sort des gùteaux du four. Des cookies ! Cette femme est un don du ciel.

— Antonia ! je m'exclame.

Elle relĂšve la tĂȘte aprĂšs avoir posĂ© la plaque de cuisson brĂ»lante. Mon sourire doit ĂȘtre contagieux car ses lĂšvres s'Ă©tirent et me communiquent toute sa joie quand j'arrive Ă  sa hauteur pour poser un baiser sur sa tempe.

— Comment tu vas ?

Elle hoche la tĂȘte pour me signifier que tout va bien avant de plisser les yeux et de sortir son calepin de sa poche.

| Dis-moi que tu es lĂ  pour la petite... |

Je ris face Ă  son air inquiet. Visiblement, Kian n'a pas dĂ» ĂȘtre trĂšs sympathique avec sa colocataire. Ça ne m'Ă©tonne que trĂšs peu de mon ermite de meilleur ami mais j'espĂšre qu'il ne lui a pas fait du mal car sa prĂ©sence n'est pas de son ressort Ă  elle.

Je suis certaine qu'elle prĂ©fĂšrerait ĂȘtre ailleurs plutĂŽt que piĂ©gĂ©e dans cette maison dont les piĂšces pourraient servir de salles tĂ©moins pour un magazine si nous n'Ă©tions pas lĂ  pour leur donner un peu de vie.

— T'inquiĂštes, DaphnĂ© est lĂ  pour rattraper les pots cassĂ©s ! souris-je.

— Si tu sais rĂ©parer les pots cassĂ©s, tu pourrais peut-ĂȘtre t'intĂ©resser Ă  une fenĂȘtre brisĂ©e, lĂąche soudain Kian depuis son canapĂ©.

Je me retourne et arque un sourcil.

Quoi ?






















𝐒𝐎𝐋











J'ai l'impression de respirer un peu.

AprĂšs mon bain revigorant, j'ai pu ouvrir les volets. Une petite victoire aprĂšs un Ă©chec dĂ©sespĂ©rant. Je regarde donc l'immense propriĂ©tĂ© de Kian Kelman par la fenĂȘtre depuis environ vingt minutes, sans trouver le courage de descendre et de le croiser Ă  nouveau.

Cet homme me met terriblement hors de moi Ă  cause de ses silences intrusifs, de son air impassible qui me donne pourtant l'impression d'ĂȘtre jugĂ©e sans arrĂȘt et de sa prĂ©sence Ă©crasante.

Je n'arrive pas Ă  le cerner.

D'un cÎté, son attitude et sa façon de s'adresser aux autres lui donnent l'aura du monstre le plus insensible de ceux que j'ai pu rencontrer.

Et d'un autre, aprĂšs ce qu'il m'a dit hier, il est... dĂ©concertant et semble pouvoir faire preuve de... prĂ©venance ? Peut-ĂȘtre possĂšde-t-il ce genre de qualitĂ©, aprĂšs tout. Peut-ĂȘtre l'ai-je trop vite jugĂ© ?

Attends, Sol, ne sois pas trop naĂŻve.

Méfie-toi.

Toujours.

Je me pince les lÚvres et laisse sa demande incompréhensible résonner dans mon esprit.

« Ne plus t'enfuir et ne plus te mettre en danger. C'est tout ce que je te demande.

Je ne suis pas le monstre que tu imagines. »

Se soucie-t-il de moi ? Ça me paraĂźt... inconcevable. Pourquoi se prĂ©occuperait-il de ma sĂ©curitĂ© et de mon bien-ĂȘtre ? Ça n'a aucun sens. Je suis un simple parasite dans sa grande demeure, rien de plus. Ses regards, son mutisme, son agacement me l'ont bien fait comprendre.

Et pourtant, il me garde pour une raison qui n'est connue que de lui.

Je soupire, assaillie par une légÚre migraine en plus de la nouvelle douleur qui vibre dans ma cheville. Essayer de comprendre si vite mon hÎte me donne le tournis.

Je crois bien que je vais mettre du temps avant de connaßtre une seule de ses préférences car il sait comment se montrer hermétique. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi mystérieux avant.

Mais d'une certaine maniĂšre, il... m'effraie sans m'effrayer.

Il me terrifie parce que je suis incapable de lire en lui et de prédire ses réactions pour m'y préparer mentalement. Je pensais sincÚrement qu'il allait me frapper, me hurler dessus, me priver de plus de libertés que je n'en ai réellement.

Et puis... et puis il y a ce qu'il m'a demandé en échange d'un coup de fil.

Argh, mon dieu... je ne le comprends pas.

Mais c'est pour cet aperçu de « gentillesse » et aprÚs ma fuite désastreuse que j'ai décidé que m'enfuir n'était pour l'instant pas une option envisageable.

De toute façon, je n'aurais sans doute jamais pu escalader ni le portail ni les murs d'enceinte.

Alors j'ai dĂ©cidĂ© de me reposer avant de tenter quoique ce soit et peut-ĂȘtre que si je suis les rĂšgles et les directives de Kian Kelman, sans lui ĂȘtre une gĂȘne, il m'autorisera Ă  sortir d'ici. Ce n'est qu'Ă  ce moment-lĂ  que je m'enfuirai.

Oui, je dois attendre.

Je dois ĂȘtre patiente.

Et de la patience, j'en ai.

Alors que je m'apprĂȘte Ă  me dĂ©tourner de la fenĂȘtre, j'aperçois le fameux tigre sortir du kiosque en pierre. Je n'arrive toujours pas Ă  croire Ă  la prĂ©sence d'un tel animal ici.

Personne n'est censé posséder un félin de cette espÚce chez soi, c'est dangereux et sans doute trÚs peu légal d'ailleurs.

Cependant, Kian Kelman semble ĂȘtre quelqu'un de trĂšs... surprenant : entre les statues, les volets en permanence baissĂ©s, la dĂ©coration lugubre, les rĂšgles Ă©tranges, je ne devrais mĂȘme pas ĂȘtre choquĂ©e de ce tigre qui se balade librement sur sa propriĂ©tĂ©.

Mais tout de mĂȘme !

Pourquoi ne pas avoir jetĂ© son dĂ©volu sur un chat ? C'est quand mĂȘme moins... imposant et terrorisant.

Quelques secondes plus tard, j'aperçois deux silhouettes. Deux femmes. Et le tigre trottine gaiment vers l'une d'elles. Je crois rĂȘver quand l'inconnue se met Ă  le cĂąliner comme s'il ne s'agissait que d'un chat, justement.

Mais oĂč suis-je tombĂ©e ?

Et qui sont ces femmes ?

Celle qui caresse le tigre me dit vaguement quelque chose.

Elle parle. Elle parle avec quelqu'un que je ne vois pas, certainement Kian Kelman qui doit ĂȘtre collĂ© Ă  la façade.

Les deux silhouettes finissent par s'éloigner et disparaßtre de mon champ de vision et c'est trÚs vite que j'entends des voix qui viennent du rez-de-chaussée. Je me tourne vers ma porte et hésite à quitter ma chambre pour aller à la rencontre de ces femmes mais je ne suis pas trÚs rassurée.

Une femme qui fait ami-ami avec un tigre ne peut ĂȘtre une fille de mon monde. Encore moins s'il s'agit d'une proche de Kian Kelman. C'est ce qui m'inquiĂšte.

Pourtant, je prends la décision de sortir et de descendre doucement les marches de l'escalier pour ne pas faire de bruit. Je n'ai pas l'intention d'attirer tout de suite leur attention. Je veux les examiner, évaluer leur taux de dangerosité dans la plus grande discrétion avant de sortir de l'ombre.

Main contre le mur, je traverse le couloir avec prĂ©caution et m'arrĂȘte avant d'atteindre le sĂ©jour.

— Comment ça, une fenĂȘtre brisĂ©e ? entends-je.

Ce n'est pas la voix de Kelman. C'est une voix douce mais forte qui en impose.

— Je vais commencer à croire que tu lui as fait du mal, Kian.

— Pourquoi tu n'y crois pas dĂ©jĂ  ? marmonne une autre voix.

— Est-ce que tu peux m'expliquer au lieu de n'en faire qu'Ă  ta tĂȘte ? Antonia, explique-moi, toi.

Visiblement, le comportement de Kelman l'agace tout autant que moi. Je me sens moins seule, surtout aprÚs l'intervention de la seconde femme qui ne semble pas apprécier mon hÎte le moins du monde.

Je me penche un peu et jette un coup d'oeil Ă  la cuisine. Les deux femmes sont assises au bar, juste devant Antonia qui tend un cookie Ă  l'une d'entre elles.

Je les dĂ©taille mĂȘme si elles me tournent le dos : l'une a une magnifique coupe afro sertie de barrettes d'or en forme de papillons et porte toute une panoplie de bijoux dorĂ©s qui s'accordent Ă  la perfection avec sa peau noire.

L'autre est vĂȘtue d'une Ă©paisse robe pull rouge qui dĂ©voile ses jambes protĂ©gĂ©es par un collant noir et des cuissardes de la mĂȘme couleur mais je suis plus subjuguĂ©e par la longueur de sa tresse noir de jais. 

Je vois Antonia griffonner sur son calepin, intrigant alors les deux femmes qui se penchent d'un commun mouvement vers la vieille dame.

Elle est sûrement en train de leur rédiger le récit de la catastrophe que je suis...

Je n'ai aucune envie de paraĂźtre idiote et ridicule alors je fais un pas un arriĂšre.

Mais mon dos percute quelque chose de dur. Je sursaute et fais volte-face, apeurée et ouvre grand la bouche quand je me rends compte que Kian Kelman se tenait derriÚre moi. Depuis combien de temps ?!

Il me toise avec indifférence. Enfin, presque. Son visage paraßt détendu, plus que les autres fois comme si c'était ça, la manifestation d'un quelconque amusement chez lui.

— Tu te caches, a rĂșn ? On parlait justement de toi, dit-il... fort.

— À force de surgir comme ça, je vais vraiment finir par croire que vous ĂȘtes un vampire...

Je grimace quand j'entends les chaises racler le carrelage et des pas se rapprocher. Je recule et fais un pas sur le coté pour ne pas tourner le dos à cet énergumÚne qui me regarde toujours fixement.

Ne jamais baisser sa garde en présence d'un prédateur.

Je me tourne ensuite, bras croisés sous ma poitrine, vers les deux femmes qui se sont approchées, intriguées par l'intervention de Kelman.

Intimidée, je souris à ces inconnues qui me dévisagent avec des expressions diamétralement opposées.

La femme aux papillons a les yeux qui brillent d'émerveillement et son sourire est immense, presque déconcertant tandis que celle à la tresse est à la recherche de je-ne-sais-quoi, les sourcils froncés d'inquiétude.

— Putain ! J'avais raison ! Je t'avais dit que c'Ă©tait une mĂ©tisse, s'exclame la premiĂšre.

— C'est faux, tu m'as d'abord dit qu'elle Ă©tait blonde aux yeux verts, conteste la seconde.

— Argh, tu ne retiens que ce que tu veux. Bon sang, Kian ! T'aurais pu me dire qu'elle Ă©tait vraiment jolie ! Je le savais dĂ©jĂ  mais putain, elle est Ă  croquer.

Et aprÚs, il se sent importuné par mes élucubrations alors que ces filles sont tout aussi bruyantes que moi...

J'ai du mal à contenir le sourire amusé que leur discussion engendre et accueille avec joie leurs compliments inattendus.

J'ai cependant la terrible idĂ©e de jeter un coup d'oeil Ă  Kian Kelman pour voir s'il affiche ce mĂȘme air blasĂ© face aux divagations de ses amies mais je dĂ©couvre qu'il ne m'a pas quittĂ© des yeux, si immobile qu'on pourrait le prendre pour l'une de ses statues.

Pour dissiper la tension qui naßt en moi, je lui offre mon plus beau sourire. Sa réaction est immédiate et incontrÎlable : il tique.

Visiblement, mes sourires le perturbent. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée mais il ne semble pas les apprécier car son expression se fait plus sombre.

Je n'ai pas le temps de m'attarder plus longtemps sur cette lueur irritée qui fait vibrer son regard si singulier que deux bras m'encerclent et un corps percute le mien.

J'écarquille les yeux, stupéfaite.

Qu'est-ce que...

— Oh chĂ©rie ! Tu peux te dĂ©tendre maintenant, ta marraine la fĂ©e est lĂ  !

Je cligne des yeux et ne bouge pas pendant quelques secondes, déconcertée par ce cùlin mais sa chaleur se propage dans mon corps et sa ténacité touchante me pousse à lui rendre son étreinte.

Sans mĂȘme me contrĂŽler, je la serre fort et je me rends compte que j'en avais besoin. Je pose ma tĂȘte dans son cou et hume son odeur.

Elle sent bon. MĂȘme son parfum est rassurant !

— Le grand mĂ©chant Kian ne te fera plus rien.

Je ris.

Je croise le regard de l'autre femme qui me sourit avec tendresse et c'est magique : je me sens entourĂ©e. Je suis d'un seul coup rassurĂ©e. Ça me fait presque peur l'effet qu'elles ont toutes les deux sur moi en un instant.

Elles soulagent un peu la douleur que je refoule de toutes mes forces depuis que j'ai été enfermée au Bacchus.

— Je m'appelle DaphnĂ©, m'annonce Madame CĂąlin en se reculant, le sourire toujours aux lĂšvres. Ravie de te protĂ©ger, Sol !

Je lÚve les sourcils, surprise qu'elle connaisse déjà mon prénom mais un seul coup d'oeil en direction de Kian Kelman qui se tient toujours à ma droite me fait comprendre que c'est lui qui leur a communiqué mon identité.

Peut-ĂȘtre que DaphnĂ© est la fameuse personne qui voulait connaĂźtre mon prĂ©nom ?

— Merci mais je n'ai besoin de personne pour me protĂ©ger.

Ma réponse la fait sourire. Encore plus. Si c'est possible.

Ses yeux ressemblent à deux morceaux de chocolat plongés dans l'or. Ils sont magnifiques et ça lui donne un air tendre qui réchauffe les lieux.

Et ça y est ! Ça me revient ! Je sais oĂč je l'ai vue !

C'est la fille de la photo, celle qui était aux cÎtés de Kian et des jumeaux.

Il me semblait bien que son sourire m'était vaguement familier.

— Oh, bon sang ! Je crois que je vais t'adorer, Sol ! Je te prĂ©sente ma copine, Zeynep, lĂąche DaphnĂ© en me montrant la jeune femme qui me sourit toujours.

Mais son regard Ă  elle me transmet en permanence ses tracas.

— Il ne t'a rien fait, pas vrai ?

Sa voix laisse transparaßtre une certaine tension qui, je suppose, provient de la présence de Kian Kelman à qui elle n'a de cesse de lancer des regards méfiants et réprobateurs.

Est-ce que je leur dis qu'il m'a laissée crever de froid dans son bassin ? Je me demande quelle serait leur réaction.

Mais je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit car Zeynep accuse tout de suite Kian suite à mon silence qu'elle analyse comme étant une conséquence d'un traumatisme créé par mon voisin.

— Tu lui as fait peur, l'accuse Zeynep. Elle est trop silencieuse pour quelqu'un qui n'a rien subi !

Le silence de mon hÎte lui répond avec une insolence qui l'agace. D'ailleurs, je ne sens plus son regard sur moi, signe qu'il est sans doute en train de communiquer son ennui à la belle brune.

— DaphnĂ©, elle devrait venir chez nous.

Quoi ? Oh mon dieu, je ne dirais pas non !

Ce serait bien plus facile de me confier Ă  elles concernant ma soeur et contrairement Ă  Kian Kelman, elles comprendraient l'urgence de ma situation et accepteraient sans doute de m'aider.

Je doute que el bichito se soucie d'une parfaite inconnue...

Mais j'ai Ă  peine le temps d'accepter cette suggestion car Kian Kelman fait tout Ă  coup vibrer sa voix, me faisant frissonner. Son timbre est vraiment grave quand l'agacement le submerge et c'est assez intimidant.

— Non. Elle reste ici.

— Pourquoi ? Ça se voit qu'elle a peur de toi ! Elle ne peut pas vivre ici dans un tel Ă©tat de stress !

— Je ne t'ai pas demandĂ© ton avis, Zeynep, gronde Kian.

Mon coeur a un loupĂ©e. Je fronce les sourcils et tourne la tĂȘte vers mon hĂŽte qui est plus menaçant que jamais. La colĂšre qui luit dans ses yeux bleus me cloue sur place et rigidifie mes muscles.

Je pourrais fuir, là maintenant, partir en courant, juste pour me soustraire à l'atmosphÚre écrasante qui vient de s'installer.

Zeynep ne joue pas à la plus maligne. On dirait mon reflet. Elle a fait un pas en arriÚre et sa grimace trahit son embarras et sa peur qui lui font détourner les yeux. Ma sérénité précédente disparaßt quand je vois à quel point Zeynep me ressemble face à Kian Kelman.

Si elle-mĂȘme le craint, comment pourrais-je lui faire confiance ?

Impossible.

Heureusement, Daphné met fin à la domination de Kelman en se plaçant devant Zeynep et en écartant les bras, rictus aux lÚvres. Pourtant, son regard est dur et désapprobateur. Elle n'est plus si rassurante, d'un coup.

— Sois gentil, Kian. Ce n'Ă©tait qu'une suggestion.

Une, deux, trois minutes passent pendant lesquelles Kelman bouge les lĂšvres de maniĂšre presque imperceptible, comme s'il disait quelque chose puis il roule des yeux et part s'exiler dans le salon.

Nous le regardons toutes s'installer dans le canapé et sortir sa cigarette électronique pour nous embaumer d'un parfum de barbe à papa.

— Oups. Ne fais pas attention Ă  lui, c'est un faux grand mĂ©chant loup, rigole DaphnĂ© pour dĂ©tendre l'atmosphĂšre.

— Je ne te crois pas du tout, je rĂ©torque.

Et Zeynep non plus, si j'en crois son air exaspéré. Daphné balaye mes propos d'un vague geste de la main avant de changer de sujet.

— Bon, dis-moi, tu veux un cookie ? Ceux d'Antonia sont les meilleurs du monde entier !

Un cookie ? Comment refuser un cookie !

Un large sourire prend place sur mon visage et j'accepte avec joie l'offre. Je me laisse entraßner dans la cuisine par Daphné. Zeynep nous suit. Je croque dans le cookie qu'Antonia me donne et essaye de ne me focaliser que sur la saveur incroyable de la pùtisserie pour ne pas penser aux émanations inquiétantes qui se dégageaient de Kelman.

J'ai cru qu'il allait s'en prendre Ă  Zeynep.

Pas le méchant ? Laisse-moi en douter, Daphné.

— Alors ? Qu'est-ce que tu veux faire aujourd'hui ?

Ça, c'est une excellente question.

J'ai une liste immense de ce que j'aimerais faire. Je l'ai commencée quand je me suis retrouvée piégée par Sullivan Brown mais cette liste se trouve avec le reste de mes souvenirs.

Mais je la connais par coeur.

Malheureusement, je ne crois pas pouvoir réaliser le quart de mes souhaits.

Ce que j'aimerais faire, lĂ , tout de suite, c'est appeler Dolores pour lui assurer que je vais bien et que je suis encore de ce monde. Elle doit ĂȘtre morte d'inquiĂ©tude, surtout aprĂšs les coups de feu qui ont fait trembler son immeuble. Je veux aussi vĂ©rifier qu'elle aussi va bien. On ne sait jamais...

Mon regard se braque alors automatiquement sur les mĂšches blanches comme la neige qui dĂ©passent du canapĂ© noir. Peut-ĂȘtre qu'avec la prĂ©sence de ses amies, il ne pourra pas me refuser cette faveur qui ne devrait pas en ĂȘtre une.

— Appeler quelqu'un, je lĂąche assez fort pour qu'il l'entende mais il n'a aucune rĂ©action.

C'est DaphnĂ© qui se redresse brusquement. Elle roule si fort ses yeux que j'ai peur pendant un instant qu'ils continuent de tourner dans leurs orbites sans jamais s'arrĂȘter.

— Tu ne l'as pas laissĂ© appeler ses proches ?!

— J'ignorais qu'elle en avait, se dĂ©fend Kelman. Elle appartenait Ă  cet enculĂ© possessif de Sullivan Brown.

Je roule des yeux. Qué mentiroso...

Je suis cependant surprise de l'insulte proférée envers Sullivan. Surtout venant de lui. Il le détestait vraiment. Pourquoi ? Je n'en sais rien. En revanche, il n'a pas tort. Je n'ai pas de proches à proprement parlé puisque je n'avais pas le droit de sortir non plus comme je l'entendais avec Sullivan.

Mais heureusement que notre société a fait en sorte que nous puissions avoir des voisins.

— Mon dieu. Tiens, mon tĂ©lĂ©phone. Appelle qui tu veux.

Avant qu'elle change d'avis, je m'empresse de m'emparer du tĂ©lĂ©phone qu'elle me tend et fourre tout le cookie dans ma bouche pour composer le numĂ©ro de Dolores que je connais par coeur. Au cas oĂč.

Et le au cas oĂč est arrivĂ©.

— Mets le haut-parleur.

Chinga !

Comment peut-il apparaßtre comme ça ? C'est définitivement un vampire !

Je le regarde, interdite le temps de reprendre ma respiration qui se coupe dĂšs qu'il ouvre la bouche. Ses yeux bleus sont rivĂ©s au tĂ©lĂ©phone cette fois, fixant le numĂ©ro que je viens d'Ă©crire et sans prĂ©venir, il vient appuyer sur le bouton vert pour lancer l'appel puis il dĂ©clenche lui-mĂȘme le haut-parleur sous mon air hĂ©bĂ©tĂ©.

Il est sans gĂȘne !

— Tu peux pas lui laisser un peu d'intimitĂ© ?

— Non.

Au moins, c'est clair.

La tonalitĂ© sonne deux puis trois fois. Je dĂ©sespĂšre mais finalement la voix de Dolores rĂ©sonne dans le combinĂ©. Je suis Ă  deux doigts de sauter de joie mais je me retiens : de un, parce que si je saute, je rentrerai dans Kelman et bon, Ă©vitons, de deux parce que je ne peux pas ĂȘtre aussi expressive que d'habitude.

Ne rien montrer ou on... Il te bouffera toute crue.

— ¿ Holá ?

— ÂĄ Dolores, soy yo, Sol ! ne puis-je m'empĂȘcher de m'exclamer, les larmes aux yeux. (Dolores, c'est moi, Sol !)

Entendre sa voix me fait du bien.

— Sol ? ¿¥ De verdad ?! ÂĄ Por Dios, Sol ! Âż DĂłnde estĂĄs ? Âż EstĂĄs bien ? (Sol ? Pour de vrai ? Mon dieu, Sol ! OĂč es-tu ? Tu vas bien ?)

— Si. Oh quería tanto escuchar tu voz. (Oui. Oh je voulais tellement entendre ta voix)

— Âż DĂłnde estĂĄs, cariño ? ÂĄ Pensaba que estaba muerta ! Por dios... ÂĄ estoy tan aliviada de oĂ­rte ! (OĂč es-tu, chĂ©rie ? Je pensais que tu Ă©tais morte ! Mon dieu... je suis tellement soulagĂ©e de t'entendre !)

Je souris.

Son soulagement est réciproque. En face de moi, Daphné sourit aussi, tout comme Zeynep, ravies de me voir moins crispée mais elles finissent toutes deux par discuter ensemble en allant dans le salon pour me laisser de l'espace.

En revanche, ce n'est pas le cas de Kelman qui s'assoit mĂȘme sur une chaise, juste Ă  cĂŽtĂ© de moi. Nos genoux se touchent presque. Et il Ă©coute.

D'ailleurs, j'ai embrayé naturellement en espagnol et il n'a rien dit. Il m'oblige à mettre le haut-parleur pour écouter la conversation mais il ne dit rien quand je parle une autre langue que l'anglais. Est-ce qu'il comprend ? Non, non... sinon il m'aurait déjà menacée aprÚs toutes les insultes désespérées que j'ai proférées à son intention et à celle de son frÚre.

Je continue en espagnol.

— Je... je ne sais pas vraiment oĂč je suis. Je suis chez un homme.

— Mon dieu, je suis tellement dĂ©solĂ©e, ma chĂ©rie... on aurait dĂ»... j'aurais dĂ»... dis-moi que tu vas bien malgrĂ© tout.

— Ça peut aller. Et arrĂȘte de t'excuser, ce n'est pas de ta...

Je tousse. Je tousse Ă  cause de la fumĂ©e de l'homme qui me fait face. Pourtant ce n'est pas agressif mais je ne m'y attendais pas. La barbe Ă  papa est entĂȘtante.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Rien, rien. Ne t'inquiùte pas. Je vais bien. Je voulais juste te rassurer. Et...

Je croise le regard intrusif de Kelman et me demande vraiment s'il me comprend ou non. Mais il est difficile de savoir s'il est perdu ou au contraire, tout Ă  fait conscient de ce que je raconte.

Il est... illisible.

Notre contact visuel est dĂ©routant mais ça n'a pas l'air de le dĂ©ranger plus que ça. On dirait mĂȘme qu'il me dĂ©fie de tenir plus longtemps, mon Ăąme plongĂ©e dans la sienne.

— Est-ce que tu pourrais chercher dans le quartier si tu trouves mon sac ? Je l'ai perdu à cause de ses enflures.

— Je vais voir ce que je peux faire ! Ne t'inquiĂšte pas, tes affaires ne sont pas perdues, j'en suis sĂ»re !

J'hoche la tĂȘte dans le vide, relĂąchant la tension qui tĂ©tanisait mes muscles.

— Merci. Merci beaucoup.

— Est-ce que... est-ce que tu peux m'appeler ou m'envoyer des messages pour me dire que tu vas bien ? Mon vieux coeur ne supporte que trùs peu les silences radio.

Ah, ça, ça ne dépend pas de moi.

Je grimace. Je n'ai rien Ă  perdre. Autant le lui demander.

Une chose me rassure cependant : il ne réagit pas. Signe qu'il n'a pas compris ce que vient de me dire Dolores. Il n'a donc absolument pas suivi ma conversation.

— Est-ce que je pourrais l'appeler ou lui envoyer des messages ?

Il s'apprĂȘte Ă  ouvrir la bouche mais DaphnĂ©, depuis le salon, le devance.

— Evidemment. Quelle question.

— Merci, je rĂ©ponds, touchĂ©e par le comportement de la belle afro-amĂ©ricaine mais pourtant, j'attends l'aval de Kelman qui a scellĂ© Ă  nouveau ses lĂšvres.

Voyant que je ne dis rien Ă  Dolores, il se contente d'hocher la tĂȘte de mauvaise grĂące, coinçant sa cigarette Ă©lectronique dans sa bouche. Je ne peux rĂ©frĂ©ner le sourire reconnaissant qui surgit sur mon visage Ă  son intention, ce qui attire son regard sur mes lĂšvres. Un frisson me secoue toute entiĂšre mais je l'ignore.

Décidément, mes sourires ont le don de le perturber.

— Oui, je le ferai. Je te le promets.

— Je suis tellement heureuse de savoir que tu vas bien.

— Je vais devoir te laisser, je finis par lĂącher, Ă  contrecoeur quand je vois les doigts tatouĂ©s de Kelman tapoter sa gorge.

J'ai remarqué ce tic dÚs notre premiÚre rencontre. Il le fait si souvent qu'il n'est pas difficile de comprendre l'origine de ce geste. Il touche sa libellule lorsqu'il est agacé. C'est l'une des choses que je me dois de mémoriser. C'est important. Et avec le temps et l'habitude, je suis assez douée pour détecter ce genre de détails.

— D'accord, d'accord. Prends soin de toi, d'accord, Sol ? Et n'oublie pas, la lune veille sur toi.

Je me frotte les yeux avant qu'une larme ne s'en Ă©chappe et raccroche, le coeur serrĂ©. Étrangement, appeler Dolores m'a fait autant de bien que de mal. Je ne suis pas seule mais elle me paraĂźt si loin, si hors de portĂ©e.

Je ne pourrais plus recevoir ses cùlins, la voir entrer dans mon appartement à l'improviste quand Sullivan n'était pas là, manger ses pùtisseries et accepter ses cadeaux qui étaient toujours en accord avec mes goûts.

Dolores va me manquer.

Je ne sais mĂȘme pas quand je la reverrai. Mais je la reverrai.

— T'as fini ?

Je relĂšve la tĂȘte et cesse de fixer le tĂ©lĂ©phone, les yeux dans le vague. Je ne sais pas s'il me parle de l'appel ou alors de la pointe de dĂ©sespoir que je n'arrive pas bien Ă  cacher. J'ai l'impression d'ĂȘtre une idiote Ă  ses yeux et c'est assez dĂ©sagrĂ©able.

Je me contente de lui rendre le tĂ©lĂ©phone qui ne lui appartient mĂȘme pas.

— Excuse-moi mon indiscrĂ©tion mais qui c'Ă©tait ?

Je me tourne vers Daphné qui est à genoux sur le sofa et qui a les bras croisés sur le dossier pour pouvoir me regarder.

— Ta mùre ?

— Presque, je rĂ©ponds.

— Presque ?

Je ne dis rien de plus, un air énigmatique plaqué sur le visage et ça semble l'amuser. Elle hausse des épaules puis s'adresse à Kian.

— Bon, qu'est-ce qu'on mange ? Je prĂ©fĂšre papoter autour d'un bon repas, moi, se rĂ©jouit DaphnĂ©. On doit fĂȘter le rĂ©veillon comme il se doit !

Elle me fait un clin d'oeil mais je ne sais pas vraiment comment l'interpréter et ça a tendance à me rendre nerveuse.

Et puis, je me rends soudain compte de quel jour nous sommes et j'en suis décontenancée.

C'est dĂ©jĂ  NoĂ«l... et c'est la premiĂšre fois que je le fĂȘte sans ma famille.

























Assise entre Zeynep et Daphné, je me noie dans les informations que me donne la jeune femme au sourire immense qui me découpe ma viande comme si j'avais cinq ans.

En rĂ©alitĂ©, si elle le fait, c'est parce que je suis la seule Ă  table Ă  ne pas avoir de couteau, mĂȘme ceux avec les bouts ronds. Ordre de Kian Kelman. Il m'interdit d'y toucher sans avoir prononcĂ© le moindre mot.

Quand je me suis rendue compte que je n'avais qu'une cuillÚre prÚs de mon assiette, j'ai cru à une blague puis Daphné m'a dit :

— Ne lui en veux pas. Il se mĂ©fie de toi. Simple prĂ©vention.

— PrĂ©caution dans ce cas-lĂ , soupire Zeynep.

De précaution de quoi ? A-t-il peur que j'utilise une fourchette comme arme ?

J'aurais dĂ» prendre un couteau quand j'en avais l'occasion.

Kelman est d'ailleurs resté cinq minutes à peine avec nous à table avant de disparaßtre quelque part dans sa maison, me laissant seule avec les deux femmes. Ce qui n'est pas plus mal.

J'ai l'impression que le noeud qui noue ma gorge quand il est lĂ  est un peu moins dĂ©sagrĂ©able maintenant mais je trouve cela quand mĂȘme Ă©trange qu'il ne profite pas de la prĂ©sence de son amie pour le rĂ©veillon.

FĂȘter NoĂ«l avec ma famille au complet fait partie de ma liste de souhaits.

— Maintenant qu'il est parti, dis-nous la vĂ©ritĂ©, chuchote soudain Zeynep. C'est lui qui t'a noyĂ©e, n'est-ce pas ?

Je la regarde, incrédule.

— Non. Je suis tombĂ©e toute seule et lui, s'est contentĂ© de me regarder.

— Comment ça ? s'Ă©tonne DaphnĂ©.

Je leur explique ce qu'il s'est passé ce matin, à la limite de laisser échapper un rire nerveux en comprenant à quel point ma tentative d'évasion était absurde. C'est fou, maintenant que je le dis à voix haute, je me rends compte que j'étais bien naïve de penser que je pouvais sortir de cette prison lugubre.

L'espoir rend naĂŻf mais il fait vivre.

Alors que Daphné m'assure que Tundra ne m'aurait jamais fait de mal, Zeynep s'offusque du comportement de Kian, me montrant à quel point elle déteste l'homme aux cheveux de givre. Nous sommes deux, comme ça. J'ai décidé que je ne devais pas me laisser attendrir par sa pseudo-gentillesse. Il reste et restera celui qui me maintient prisonniÚre.

Je pense que je crois plus en la haine de Zeynep qu'en l'amour de Daphné qui défend bec et ongle son ami.

Si tant est que ce soit possible de tisser des liens d'amitiĂ© avec un homme aussi hermĂ©tique aux ressentis des autres. Mais je vais quand mĂȘme essayer pour survivre et le convaincre de me laisser partir.

— Tu dois savoir deux trois choses si tu veux vivre ici sans que Kian ne te menace, m'informe DaphnĂ© en piquant un bout de viande de sa fourchette.

J'arque un sourcil, prĂȘte Ă  l'Ă©couter mais elle lĂšve sa fourchette pour le mener jusqu'Ă  mon visage. Je n'ouvre la bouche, amusĂ©e, que lorsqu'elle se met Ă  me maquiller les lĂšvres de gras et de sauce pour me faire comprendre qu'elle va me donner la becquĂ©e. Je ne refuse jamais de la nourriture si gentiment offerte.

— Kian est gentil, faut juste le lui rĂ©pĂ©ter pour qu'il s'en souvienne.

— S'il a besoin de s'en souvenir, c'est que c'est mauvais signe, je marmonne ce qui la fait Ă©clater de rire.

Être gentil n'est pas quelque chose qu'on oublie.

Enfin, normalement.

— Respecte ses rùgles et tout ira bien, me sourit-elle ensuite.

Je mĂąche ma viande, attentive.

— Si tu ne les suis pas, prĂ©pare-toi Ă  te prendre un coup de marteau en pleine tĂȘte, marmonne Zeynep.

Je cesse de mastiquer. Je frissonne d'horreur et la dĂ©visage avec stupĂ©faction. Quoi ? DaphnĂ© tchipe en levant les yeux au ciel puis secoue la tĂȘte d'exaspĂ©ration, rĂ©futant d'un simple geste l'affirmation de sa petite-amie.

— Ne l'Ă©coute pas. Elle ressasse de vieux moments.

— Ce n'est pas quelque chose de normal, ça, DaphnĂ©. Normal que je le ressasse ! se dĂ©fend Zeynep. Kian peut ĂȘtre violent et tu ne peux pas le nier. On ne peut pas lui mentir en affirmant que c'est un bisounours.

Je me mords les lĂšvres, partagĂ©e entre l'envie d'en savoir plus et celle de leur demander de m'Ă©pargner la vĂ©ritĂ© mais je suis touchĂ©e par leur volontĂ© de me protĂ©ger et de m'aider Ă  survivre Ă  cette cohabitation forcĂ©e. C'est surprenant, d'ailleurs qu'elles se soucient autant du bien-ĂȘtre d'une inconnue.

Mais je suis reconnaissante.

La luna vela por mĂ­.

— Trùs bien, d'accord, grogne ma voisine. La chose la plus importante que tu dois savoir, c'est que Kian est un solitaire. Plus tu resteras loin de lui, mieux il te supportera.

— Compte sur moi.

Pour le moment, j'applique plutĂŽt bien cette rĂšgle et les seules fois oĂč j'ai Ă©tĂ© en sa compagnie, c'est parce que lui Ă©tait venu Ă  moi.

Je vois Daphné réfléchir un instant à la recherche des détails concernant Kian Kelman envers lesquels elle veut me mettre en garde et je ne dis rien car tout ce qu'elle peut me dire va m'aider à appréhender un peu plus le personnage qu'est mon hÎte.

Je ne pensais pas apprendre des choses aussi facilement et aussi rapidement.

— Oh, il n'aime pas les contacts physiques ! Mais peut-ĂȘtre que tu vas trĂšs vite rentrer dans la team "privilĂ©giĂ©s" ! s'exclame DaphnĂ©, des Ă©toiles plein les yeux.

— Comment ça ?

— Rien, rien, dit-elle, Ă©nigmatique.

Ça m'inquiùte, tout ça.

Par la suite, elle m'annonce qu'il faut que je me tienne Ă©loigner de son atelier et des statues, comme me l'a lui-mĂȘme indiquĂ© Kelman. DaphnĂ© montre le couloir du doigt et m'informe que l'atelier en question se trouve au bout de ce dernier, juste avant les escaliers qui mĂšnent Ă  l'Ă©tage. La fameuse porte fermĂ©e.

Je dĂ©cide alors de lui faire part de la liste donnĂ©e par son... ami et toutes deux hochent la tĂȘte Ă  chaque interdiction que je rĂ©cite Ă  voix-haute. Elles ne paraissent mĂȘme pas surprises, ce qui me donne l'impression d'ĂȘtre idiote.

Pourquoi est-ce que ces rÚgles leur paraissent si évidentes ?

Sans doute parce qu'elles le connaissent depuis plus longtemps que toi.

Pas faux.

Puis elles abordent l'un des points qui m'a le plus perturbée lorsque je suis rentrée ici : les volets clos.

— Kian est albinos.

J'hoche la tĂȘte.

— Ça, j'avais rĂ©ussi Ă  le remarquer, je rĂ©ponds, un peu amusĂ©e.

— Il doit se protĂ©ger des UV car il est plus susceptible d'avoir des cancers de la peau et tout le bordel, m'explique DaphnĂ©. Tu ne le verras pratiquement jamais en bermuda/t-shirt en Ă©tĂ©. D'ailleurs, il n'aime pas l'Ă©tĂ© et reste souvent cloitrĂ© chez lui pendant cette pĂ©riode de l'annĂ©e.

— Comme la plupart du temps, dĂ©clare Zeynep en haussant des Ă©paules. Il n'est pas trĂšs sociable. Et je peux le comprendre, sur ce coup-lĂ .

Daphné confirme les propos de sa copine sans donner plus d'éclaircissements sur l'empathie soudaine de Zeynep à l'égard de Kelman. C'est surprenant de la voir afficher une telle expression défaite et désolée alors que quelques minutes auparavant la colÚre et la méfiance déformaient ses traits.

Je n'ose pas poser de questions, laissant les deux femmes Ă©claircir le mystĂšre qu'est mon hĂŽte d'elles-mĂȘmes.

— Il ne supporte pas non plus la lumiĂšre vive, ajoute Zeynep. Il souffre de photophobie, d'oĂč les lunettes et les volets.

— Enfin, je lui ai dĂ©jĂ  dit qu'il abusait. Rester dans le noir, comme ça, tout le temps, c'est pas bon pour le moral, grimace DaphnĂ©, inquiĂšte.

— Il ne peut vraiment pas les ouvrir, mĂȘme en hiver ? La lumiĂšre est moins forte, non ? je demande, perplexe.

— Autant parler à un muet.

— À un sourd, c'est mieux, la corrige Zeynep, amusĂ©e.

— Ouais, si tu veux. Il ne m'a jamais Ă©coutĂ©e quand je lui ai dit qu'il n'allait pas brĂ»ler vif si un tout petit peu de lumiĂšre du jour rentrait chez lui. Il se prend pour un vampire, ce morveux.

Oh, je ne suis pas la seule Ă  le penser, alors !

— T'as le mĂȘme Ăąge que lui, rigole Zeynep.

— C'est quand mĂȘme un morveux ! Bref, n'essaie pas de lui faire des suggestions, il n'aime pas ça et il ne t'Ă©coutera mĂȘme pas.

Oui, ça, je l'ai bien vu tout à l'heure quand Zeynep a eu le malheur de proposer de m'héberger. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi il désire tant m'avoir à ses cÎtés alors qu'il m'évite et me traite comme si j'étais un parasite. Il n'a pas l'air particuliÚrement ravi de m'avoir sous son toit.

Incompréhensible et contradictoire.

— Oh et derniĂšre chose, attends-toi Ă  rencontrer du monde aprĂšs-demain. On fĂȘte NoĂ«l le 26 avec tout le monde, au grand damne de Kian qui n'aime pas les cĂ©lĂ©brations de ce genre.

— Pourquoi ?

Il n'y a rien de mieux que Noël.

Quand je veux évincer les pensées sombres et tristes qui m'assaillent, je pense souvent à ces soirées lumineuses décorées de rouge et de vert que je passais avec ma famille. On riait tous. On aimait aussi chanter les chansons de Noël, enfin, plus ma mÚre. J'adorais le moment des cadeaux, comme tout le monde je suppose.

Mais surtout, j'attendais toujours avec impatience l'échange de présents entre ma soeur et moi car je vivais pour voir le visage de Nora s'éclairer et elle vivait pour voir le mien s'illuminer.

Je sens des larmes brûler mes yeux mais je colle ma langue contre mon palais pour retenir cette nostalgie douloureuse d'inonder mes joues et souris aux descriptions détaillées de Daphné concernant ce futur repas chaleureux.

Mais elle hausse des Ă©paules, comme si elle ne savait pas pourquoi Kelman dĂ©teste autant les fĂȘtes et embraye tout de suite sur autre chose que la hantise de son ami pour les rĂ©unions de famille.

— Tu resteras prĂšs de DaphnĂ© et moi, m'annonce Zeynep, l'air prĂ©occupĂ©. Plus de moi, comme ça tu seras loin des jumeaux.

— Pas sĂ»r vu comment Jaejoong aime t'embĂȘter.

— Mais au moins, Saejin ne s'amusera pas à lui faire peur.

— Ça non plus, ce n'est pas certain, pouffe DaphnĂ©. Tu oublies facilement que tu es le principal divertissement des jumeaux.

— Ils se sont calmĂ©s, rĂ©torque Zeynep.

— Si tu le dis.

— Pourquoi est-ce que je ne suis pas rassurĂ©e ? je lĂąche, ce qui les fait grimacer toutes les deux en mĂȘme temps.

Jae est particulier, son attitude je-m'en-foutiste m'avait troublée, je le concÚde mais il n'avait pas l'air bien méchant... sauf avec un flingue dans les mains et un rictus sadique aux lÚvres. En revanche, sa jumelle m'inquiÚte plus.

Mais je me sens soulagĂ©e en comprenant que dans peu de temps, cette maison lugubre prendra des couleurs et m'oppressera un peu moins avec tout ce monde qui viendra fĂȘter NoĂ«l.

Et j'ai hĂąte.

Car cĂ©lĂ©brer cette fĂȘte me replongera dans une nostalgie agrĂ©able et peut-ĂȘtre que je pourrai me faire des alliĂ©s, qui sait ?













~ ☟☌☜ ~

Hello !

J'espĂšre que ce chapitre long vous a plu !
Sol a presque rencontrĂ© toute la bande de Kian ! Je me demande quel sera votre personnage prĂ©fĂ©rĂ© parmi les amis de Kian 👀

Vous avez quelques petites informations sur notre petit Kianou 😌

En tout cas, j'adore le couple DaphnĂ©/Zeynep đŸ„° et vous ?

Bon je vous laisse, j'ai rien d'autre Ă  dire !

AyĂ©lĂ© 🌾

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