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Aayele
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| 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟕 |

‱ La colùre nourrit les envies de meurtres ‱




𝐊𝐈𝐀𝐍








▶ 𝐌𝐼𝐬𝐱đȘ𝐼𝐞 : Acid Wash, Call Me Karizma





Elle a été étonnamment silencieuse pendant toute la nuit.

Enfin... pas au début.

J'ai passé une bonne partie de la nuit, adossé contre le mur de sa chambre à écouter ses injures. J'ai été surpris de son inventivité en termes d'insultes, me traitant principalement de menteur car je n'ai pas tenu ma part du marché que nous avons passé au Bacchus.

Elle passait de l'anglais Ă  l'espagnol sans ciller tout en agressant le battant clos de ses petits poings inoffensifs.

Puis le silence a envahi le couloir et quelques secondes plus tard, je l'ai entendue chanter une chanson, d'une voix éteinte.

Je me suis demandé ce qui lui prenait et pourquoi elle se mettait à entonner une mélodie. Sa voix était douce, quoiqu'un peu fausse mais son chant m'a percuté parce que je connaissais la chanson et qu'elle faisait ressurgir de douloureux souvenirs en moi.

Elle a sans doute chanté la chanson jusqu'à la fin, sans se tromper une seule fois de parole, sans hésitation aucune, comme si elle l'avait chanté toute sa vie.

J'ai décidé que j'en avais assez entendu.

Je suis descendu au rez-de-chaussée, loin de moi l'idée de me sentir coupable de sa situation et de subir cette chanson.

Putain, j'ai rien demandé.

Je n'ai pas arrĂȘtĂ© de ruminer mon irritation toute la nuit.

Ma colÚre a eu le temps de prendre de l'ampleur jusqu'à ce fichu rendez-vous imposé par mon frÚre aßné. D'ordinaire, je ne m'y rends jamais. Je n'aime pas aller en ville, je ne m'y rends que lorsque c'est nécessaire. Je préfÚre rester cloßtrer chez moi, avec pour seule compagnie ma gouvernante que je ne croise pratiquement jamais.

C'est pour cette raison que je l'apprécie.

Elle est discrĂšte, silencieuse et trĂšs peu emmerdante.

Ce qui n'est visiblement pas le cas de ma nouvelle colocataire.

MĂȘme s'il donne l'impression de ne rien connaĂźtre sur mes habitudes, Lug sait trĂšs bien les choses que je ne peux supporter et s'il brise chacune des rĂšgles que je me suis imposĂ©es pour vivre paisiblement et sans le moindre problĂšme, c'est parce qu'il s'est mis en tĂȘte de me sortir de ma zone de confort depuis que j'ai Ă©tĂ© recueilli chez les Byrne.

Je ne suis pas quelqu'un de sociable.

Je suis l'introverti que tout le monde fuit Ă  cause de mes problĂšmes de gestion de colĂšre que j'ai depuis tout petit.

Je n'ai jamais été un enfant facile et je le regrette depuis qu'elle est morte. Je me torture parfois l'esprit inutilement en me disant qu'elle aurait vécu plus longtemps si elle n'avait pas eu une boule de nerfs difficile à apaiser comme fils.

Gamin, j'étais toujours seul.

Non pas à cause d'un harcÚlement quelconque qui m'aurait isolé des autres morveux mais parce que je ne comprenais pas le concept de sociabilité : je trouvais cela d'une nécessité mensongÚre.

Je n'avais besoin de personne, et encore moins d'amis qui m'auraient confié l'emmerdant devoir de faire des efforts pour bien m'entendre avec eux.

Alors, quand j'avais le malheur d'ĂȘtre invitĂ© Ă  un anniversaire, j'Ă©tais le seul chieur Ă  faire des pieds et des mains pour ne pas y aller mais comme toutes les mĂšres, la mienne mettait un point d'honneur Ă  me pousser dans les bras de la sociĂ©tĂ©.

Parce qu'apparemment, « l'homme est un animal politique ». Enfin, selon Aristote.

Je n'aimais pas aller chez les autres, je savais que j'allais m'ennuyer et que chacun de leurs gestes ou mots allaient titiller mon agacement qui n'était jamais totalement apaisé.

Quelque chose bouillonnait en moi en permanence.

Certaines personnes affirmaient que j'étais en colÚre contre le monde.

Mais c'était un mensonge.

Je savais contre qui j'étais en colÚre et comme je ne pouvais pas la lui cracher au visage au risque de mettre en danger ma mÚre, je me défoulais sur ceux qui avaient le malheur de me regarder de haut, de me considérer avec perplexité à cause de mon... anomalie ou juste de vivre un peu trop fort.

Quand ma mÚre s'est rendue compte que les anniversaires et autres regroupements ridicules me rendaient fou, elle a préféré m'éloigner des autres à la suite de mes innombrables demandes.

Ainsi, ai-je instauré trÚs vite trois rÚgles que tous mes proches connaissent :

1/ Quiconque veut venir me voir doit me prévenir à l'avance. Je déteste les imprévus.

2/ Je n'accepte pas la présence des inconnus chez moi. Ma propriété est la forteresse dont je contrÎle les entrées et les sorties.

3/ Personne, absolument personne ne peut rester dormir chez moi. Je considĂšre ma maison comme mon repaire personnel et intime.

Si ces rÚgles ne sont pas respectées, pour une raison X ou Y, il y a des chances pour que l'attitude calme que je suis parvenu à façonner au fil des années vienne à se fissurer pour laisser surgir cette exaspération innée qui m'accompagne depuis que je suis petit.

Et Lug vient de briser les trois d'un seul coup.

Il a envoyé Dagda chez moi sans m'annoncer sa venue, il a amené une gamine que je ne connais pas dans ma maison et il m'a obligé à la garder à cause d'une putain de marque.

Une marque au fer rouge qui reprĂ©sente le symbole qui me tient Ă  cƓur.

Autrement dit, une marque de possession Ă  la con.

Alors, c'est pressé de péter la gueule à mon abruti de frÚre, que je marche dans les rues de Santa Faclino pour rejoindre le café dans lequel Lug et Dagda m'attendent.

Je suis en retard.

J'aurais pu ĂȘtre Ă  l'heure Ă©tant donnĂ© que j'Ă©tais debout depuis dĂ©jĂ  quatre heures mais je n'avais aucune envie d'y aller, alors j'ai traĂźnĂ©. Je sais trĂšs bien ce que va me dire Lug et ça me casse dĂ©jĂ  les couilles.

Quand je me suis rendu compte que j'hésitais à emmener mon marteau avec moi pour accomplir le fantasme meurtrier de la veille, j'ai compris que Lug avait dépassé mes limites.

Arrivé devant le café, je pousse la porte qui fait tinter une petite cloche, annonçant mon entrée. Une serveuse me souhaite la bienvenue mais je l'ignore car mon attention est braquée sur l'expression ravie de mon frÚre aßné qui me fait signe depuis sa table.

— Kian ! Enfin !

Je m'installe Ă  cĂŽtĂ© de Dagda qui dĂ©guste encore sa fameuse glace, le nez presque plongĂ© dans son assiette, et m'enfonce contre le dossier capitonnĂ© de la chaise. Je ne retire ni mes lunettes, mĂȘme si la luminositĂ© de la piĂšce est sans doute supportable, ni ma casquette car je n'ai aucune envie de rester plus de quelques minutes ici.

J'ai quelqu'un Ă  aller voir.

— T'Ă©tais passĂ© oĂč ? 8h05 n'est pas 10h30, dĂ©clare Lug avec un sourire.

Je lui envoie un regard noir qui le fait rire. Il rira moins quand je perdrai patience. Il se remet tranquillement à boire son café.

— Coquin, t'as fini par apprĂ©cier mon cadeau, me sourit-il en sirotant son cafĂ©.

Raison pour laquelle il a toujours des rendez-vous en clinique pour faire disparaĂźtre la couleur jaunĂątre de sa dentition.

Je pense que le jour oĂč il devra porter un dentier, Lug va chialer toutes les larmes de son corps.

Mes poings se crispent. Je ne rigole pas. L'air se charge d'électricité alors que je baisse mes lunettes et je scrute mon frÚre avec un air meurtrier qui le met mal à l'aise. Il continue de sourire idiotement et gigote sur son siÚge, son café entre les mains.

— ArrĂȘte de faire cette tĂȘte. Elle Ă©tait bonne ?

Je ne tiens plus.

Pourtant, la voix de ma mĂšre rĂ©sonne dans ma tĂȘte et je sais qu'il ne faut pas que je me laisse contrĂŽler par ma colĂšre alors, comme lorsque je le faisais enfant, je compte dans ma tĂȘte pour forcer ma rage Ă  rester tranquille et Ă  ne pourrir que mon estomac.




One Mississippi.




Two Mississippi.




Three Mississippi.




Four Mississippi.




Five Mississippi.




Mon calme revient. Plus ou moins.

— Ferme ta gueule, Lug. J'ai rien demandĂ©. Je ne la toucherai pas, je t'ai dit. Je ne suis pas comme les habituĂ©s du Bacchus, je ne fais pas dans les mineures.

Mon ton est tranchant, agressif mais je reste enfoncé dans mon siÚge, ne laissant transparaßtre qu'une insupportable nonchalance. Un dangereux contraste qui fait frissonner mon voisin ; Dagda me jette un regard préoccupé.

L'une des raisons pour lesquelles je m'entends mieux avec lui qu'avec Lug est sans doute notre ressemblance psychologique. Nous sommes tous les deux colĂ©riques. Dagda comprend trĂšs bien ce que je dois gĂ©rer et sait Ă  quel point il est dĂ©sagrĂ©able d'empĂȘcher notre colĂšre de s'exprimer.

Ma mÚre m'a toujours dit, quand je brûlais de l'intérieur, que mon crùne n'était pas ravagé par les flammes, que c'était une simple impression et que je pouvais la remplacer par une autre si je pensais à quelque chose d'agréable.

Compter les Mississippi m'aident, mĂȘme si c'est stupide.

Imaginer son sourire apaisant me guĂ©rit, mĂȘme si c'est enfantin.

Lug se foutrait sans doute de ma gueule s'il savait que je pense à ma mÚre pour ne pas le tuer devant témoin.

Il me toise avec un rictus qui ressemble plus Ă  une grimace et ses yeux jettent des coups d'Ɠil anxieux en direction des tables qui nous entourent, inquiet de l'image qu'il renvoie aux clients qui ont Ă©tĂ© interpellĂ©s par mon ton mauvais.

— Calme-toi, petit frùre ou ça va mal se passer, grince-t-il.

— C'est dĂ©jĂ  en train de mal se passer. Je suis Ă  deux doigts de t'Ă©trangler, je fulmine.

— Tu devrais ĂȘtre ravi, bordel ! Tout le monde serait ravi !

— Tu serais ravi, je le corrige. Le but des cadeaux, Lug, c'est de faire plaisir aux autres, pas de se faire plaisir Ă  soi-mĂȘme. Alors la prochaine fois, rĂ©flĂ©chis.

Lug roule des yeux, exaspĂ©rĂ© par mon attitude revĂȘche, boit une autre gorgĂ©e de son cafĂ© avant de sourire Ă  nouveau, comme si rien de tout ce que je venais de lui dire ne l'incommodait.

— En plus, elle n'est mĂȘme pas mineure. Elle a vingt-et-un ans, j'ai vĂ©rifiĂ©, m'informe-t-il, fier de lui. De toute façon, tu ne peux pas t'en dĂ©barrasser. J'y veillerai. Personne ne reprend une femme marquĂ©e par le symbole d'un autre homme, pas mĂȘme nous, fait-il en haussant des Ă©paules, dĂ©sinvolte.

Mais je sais trÚs bien que c'est pour cette unique raison qu'il a ordonné à ses hommes de la brûler au fer rouge. Lug peut paraßtre idiot mais il a toujours un coup d'avance pour toujours finir gagnant car il déteste perdre et ne pas avoir le dernier mot.

Oh, je pourrais laisser cette afro-mexicaine partir mais ce serait la condamner Ă  mort : Lug la traquerait, me la ramĂšnerait et la tuerait, ne voulant pas voir sa possession traĂźner quelque part dans le monde.

Il faut savoir que mĂȘme s'il vous offre quelque chose, ce cadeau lui appartient avant tout et si vous ne lui tĂ©moignez aucune reconnaissance, il dĂ©crĂštera que le prĂ©sent lui revient de droit.

Alors il vaut mieux que je la garde avec moi.

MĂȘme si ça ne m'enchante pas.

— T'as autre chose Ă  me dire ? Je suis pressĂ©.

— Qu'est-ce que t'as Ă  faire de mieux ? Tu passes tes journĂ©es dans ton atelier.

Je ne réponds pas.

— Bon, trĂšs bien. Tu es invitĂ© Ă  une rĂ©ception qui aura lieu dans huit jours.

— En quel honneur ?

— En l'honneur de... du premier jour de la nouvelle annĂ©e.

— Hum. Riordan sera là, hein ?

— Papa. Papa sera là, me corrige Lug.

J'arque un sourcil. Je ne l'ai jamais appelé de la sorte, je ne vais pas commencer maintenant. Lug le sait trÚs bien et pourtant, à chaque fois, il se sent obligé de me corriger, comme s'il avait l'espoir que je change d'avis et que je me prenne d'affection pour notre géniteur.

Il peut toujours rĂȘver.

— Pourquoi m'inviter ? Riordan ne peut pas me voir en peinture et c'est rĂ©ciproque.

— Parce que je veux que mon petit frùre soit là, c'est tout.

— C'est pour renforcer nos liens avec nos... associĂ©s et autres connards, marmonne Dagda ce qui lui vaut un regard rĂ©probateur de la part de Lug.

— Il y aura du beau monde. Papa ne prĂȘtera presque pas attention Ă  toi.

Presque.

Presque est d'une importance capitale.

Mais pas pour Lug. Seulement pour moi.

Presque, c'est déjà trop.

Je ne veux pas qu'il s'attarde sur ma personne car je n'ai pas envie d'affronter son air suffisant et supérieur, de me taper ses commentaires puérils et méprisants. J'ai mieux à faire.

Comme tout préparer pour atteindre mes objectifs.

— AmĂšne qui tu veux mais Ă©vite de venir avec l'autre chinois.

— CorĂ©en, le corrige. Mais Jaejoong est avant tout amĂ©ricain.

Triple idiot, je rajoute mentalement.

— Bref, ne viens pas avec lui. Il est... il est un peu trop...

— Agaçant, finit Dagda.

— Je verrai, je dĂ©clare en me levant.

— Tu pars dĂ©jĂ  ? Bon sang, tu t'en vas toujours avant que la discussion ne soit terminĂ©e.

— La discussion est terminĂ©e, je lĂąche, narquois. VoilĂ , je peux m'en aller ?

Il s'apprĂȘte Ă  me rĂ©primander comme si j'avais douze ans mais je suis dĂ©jĂ  parti en direction de la sortie. Je l'entends grommeler un « quel ingrat, ce morveux » mais je m'en contrefous. Ce n'est pas comme si l'opinion qu'il a de moi avait un quelconque impact sur ma conscience.

Elle n'en a plus depuis quelques temps.










Quand la porte s'ouvre, ce n'est pas le visage souriant et plus ou moins agrĂ©able de ma meilleure amie qui m'apparaĂźt mais celui doux et dĂ©sobligeant de sa copine, plan cul ou autre — je me fiche pas mal de son statut.

Surprise d'abord, son expression se déforme bien vite pour exprimer une méfiance méprisante à laquelle j'ai l'habitude de me confronter.

Je reste neutre mĂȘme si voir son visage m'agace dĂ©jĂ .

Zeynep me considÚre en silence, bras croisés sur sa petite poitrine pour se donner contenance avant de se donner la peine d'informer Daphné que je suis là.

— DaphnĂ©, c'est pour toi.

— C'est qui ? entends-je hurler.

— Kian Kelman, maugrĂ©e Zeynep.

Elle ne se dĂ©cale pas mĂȘme si son esprit poli lutte contre l'aversion qu'elle me porte. Ce qui est pratique entre nous, c'est que chacun de nos sentiments est rĂ©ciproque : je ne l'aime pas, elle ne m'aime pas.

Aucun malentendu possible.

Ce qui a tendance à attrister Daphné qui aimerait que nous nous entendions bien.

Daphné fait un vacarme de tous les diables en déboulant dans l'entrée. Le bruit qu'elle fait pourrait s'apparenter à un troupeau de bisons effrayés.

Je n'en suis pas surpris et ne suis pas plus stupéfait de la voir arriver en brassiÚre et string sur le seuil de la porte, ayant déjà assassiné la pudeur depuis longtemps.

— Mais qu'est-ce que tu fais là ?

Comme toujours, elle est heureuse de me voir. Son sourire fait presque des kilomĂštres, dĂ©voilant une dentition presque trop blanche pour ĂȘtre rĂ©elle et il atteint ses yeux chocolat qui me dĂ©visagent avec curiositĂ© et intelligence.

J'observe pendant un court instant sa courte coupe afro qui lui va toujours aussi bien et qu'elle aime sertir de bijoux quand elle sort.

Daphné est magnifique mais d'une beauté... létale.

Je ne dis rien. Daphné comprend alors que si elle veut obtenir une réponse, elle devra me laisser entrer chez elle. Elle pousse gentiment Zeynep qui est toujours en train de me toiser avec un air mauvais et méfiant et s'efface pour me laisser passer. Je me dirige vers son salon.

— J'ai un souci, je lĂąche en m'affalant dans son canapĂ©.

Ses yeux s'ouvrent comme des soucoupes. Elle se précipite vers l'une de ses chaises recouvertes d'une couverture à motif léopard et me regarde avec des étoiles plein les yeux tandis que Zeynep referme la porte d'entrée en soupirant.

— T'entends ça, babe ! Kian a un souci et il est venu ME voir !

— Super...

Un rictus moqueur étire légÚrement mes lÚvres face à sa consternation.

MĂȘme si je ne l'apprĂ©cie pas, Zeynep m'amuse car elle ne parvient jamais Ă  cacher les Ă©motions qui l'envahissent quand elle se retrouve en ma prĂ©sence... ou celle des autres.

— Et c'est quoi, ce souci ? Ça doit ĂȘtre trĂšs important pour que tu viennes me voir ! D'habitude, le grand Kian Kelman n'a besoin de personne pour rĂ©gler ses problĂšmes, se moque-t-elle.

Je grimace.

— Je ne te propose pas quelque chose à boire ou à manger, Kian ? me demande Zeynep de mauvaise grñce.

D'ordinaire, je ne prends jamais rien quand je vais chez des gens mais parce qu'elle n'a clairement pas envie de m'offrir quoi que ce soit, je décide de changer mes habitudes. Avec un large sourire qui ne parvient pas à éclairer mon visage, je lui dis :

— Un verre d'eau.

Sachant trĂšs bien que je le fais exprĂšs, elle me fusille du regard.

Je la fixe jusqu'Ă  ce qu'elle se dĂ©cide Ă  bouger en direction de la cuisine, me maudissant sans doute dans sa tĂȘte puisqu'elle est incapable de dire du mal des autres Ă  voix haute, par principe ou stupiditĂ©.

Sa longue tresse noir de jais tombe de son épaule pour pendre dans son dos alors qu'elle disparaßt derriÚre la cloison, les talons claquant contre le parquet.

— Kian, me rĂ©primande DaphnĂ©. Sois gentil.

— Je suis gentil, je rĂ©torque sans en penser un mot.

Daphné roule des yeux.

— Alors ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je soupire en passant mes doigts sur ma gorge. Daphné suit mon mouvement et se pince les lÚvres. Elle arrive déjà à percevoir mes troubles. Alors elle se lÚve, contourne le canapé pour se poster dans mon dos et pose ses mains sur mes épaules. Je me tends.

— Je n'ai pas besoin d'un massage.

— Tututu... Tu n'as jamais su ce dont tu avais besoin.

Je jette un coup d'Ɠil mĂ©fiant Ă  ses ongles et grince des dents quand ses doigts se mettent Ă  masser mes muscles perclus de tension.

— Qu'est-ce qui te tracasse, l'ami ?

— Mon cadeau d'anniversaire.

— Ah ? Qu'est-ce que ce connard de Riordan a encore foutu ?

DaphnĂ©, comme la totalitĂ© de mes amis, ne supporte pas Riordan. Et c'est peut-ĂȘtre de ma faute mais au moins, ils sont tous sur la mĂȘme longueur d'onde.

— Ce n'est pas Riordan le problùme, c'est Lug. Il m'a offert l'une des filles du Bacchus.

— L'une des quoi ?

Je me redresse et fais face à l'expression choquée de Zeynep qui vient de poser mon verre sur la table basse. Ses yeux verts dégoulinent tellement d'innocence et d'insouciance que ça mettrait presque mal à l'aise les plus pervertis.

Quelle réaction inutile...

Mais justifiée.

Daphné a rencontré Zeynep dans une association pour la protection des animaux, ce qui fait d'elles deux passionnées par la faune.

Cependant, contrairement Ă  ma meilleure amie qui est bien plus dangereuse que sa copine ne doit l'imaginer, Zeynep est raisonnable — trop —, douce et gĂ©nĂ©reuse — avec les animaux et les ĂȘtres humains qu'ils soient mauvais ou bons, ce qui est idiot — et trĂšs Ă  cheval sur les lois.

Ce qui est étonnant lorsqu'on sait qu'elle couche avec une femme qui a des relations compliquées avec les forces de l'ordre du pays. TrÚs compliquées.

— Quel trou du cul. La misogynie de son pĂšre lui dĂ©teint un peu trop dessus. Une femme n'est pas un objet que l'on peut offrir, t'es au courant ? gronde DaphnĂ© en me plantant presque ses ongles dans mes clavicules.

— Je n'y suis pour rien. Ne me fais pas la morale, protestĂ©-je. J'ai mĂȘme essayĂ© de la faire sortir de cet hĂŽtel minable.

— Vraiment ? Mais comment s'est-elle retrouvĂ©e chez toi ?

— Jae n'a pas Ă©tĂ© assez performant. C'est lui qui devrait se recevoir les insultes de ce parasite bruyant.

— Elle est oĂč maintenant ? Tu as refusĂ©, n'est-ce pas ?

Elle cesse de me masser pour rejoindre Zeynep, assise maintenant en face de moi, pendue à mes lÚvres avec cet air idiot plaqué sur son visage. On dirait qu'elle imagine déjà la Mexicaine découpée en morceau dans mon garage, ce qui a tendance à m'irriter parce que je ne vois pas pourquoi je m'en prendrais à cette fille sachant que je ne la connais pas et qu'elle ne m'a rien fait.

On tue une ou dix fois dans sa vie et ça y est, cela suffit à vous placer dans la pire catégorie.

Il est vrai, nous sommes loin d'appartenir aux citoyens sans histoires qui peuplent le monde mais ça ne fait pas de moi un monstre.

En réalité, je ne le suis que pour ceux qui le méritent.

Et dire qu'elle ne m'aime pas parce que j'ai fait de la prison et qu'elle a eu le malheur de tomber sur les quelques rares articles qui parlaient de moi... alors que ma meilleure amie, ici présente, n'est pas plus innocente que moi d'un point de vue... criminel.

— Je l'ai enfermĂ©e dans une chambre, je rĂ©ponds.

— Quoi ?! s'exclame Zeynep.

— Bonne dĂ©cision, dĂ©clare DaphnĂ©.

Zeynep la regarde, outrée. Daphné hausse les épaules. Je me fiche des réactions de Zeynep, les plus importantes à prendre en compte actuellement, ce sont celles de Daphné qui a toutes les données en sa possession.

Elle sait trĂšs bien que je ne l'ai pas enfermĂ©e pour le plaisir mĂȘme si j'ai dĂ» donner cette impression Ă  la principale concernĂ©e.

C'était juste de l'intimidation.

Et une maniĂšre de ne pas retrouver son cadavre sur mon terrain, ce matin...

— C'est ça, ta rĂ©action ?

— Qu'est-ce que tu vas faire alors ? Et pourquoi tu es venu ici ?

Ce que j'aime chez Daphné, c'est son ambivalence.

Elle peut ĂȘtre tout aussi dispersĂ©e que concentrĂ©e. Elle est intelligente et cerne tout de suite tous les dĂ©tails qui poseraient problĂšme, dans n'importe quelle situation.

DaphnĂ© Nkosi est redoutable et c'est bien pour ça que j'ai rĂ©ussi Ă  lui faire confiance : elle serait prĂȘte Ă  dĂ©fendre ma vie au dĂ©triment de la sienne et elle est aussi loyale que peut l'ĂȘtre un soldat auprĂšs de sa patrie.

Ce qu'elle était, avant.

Elle sait réagir avec sérieux et calme quand il le faut avant de redevenir cette femme délurée aussi attentionnée et inoffensive qu'une chatte domestique.

— Tu veux que je vienne pour m'occuper d'elle ?

— Entre autres.

— Je ne suis pas baby-sitter, rĂ©torque-t-elle.

— Moi non plus. Et je ne compte pas le devenir.

— Pourquoi vous ne la laissez pas partir ? s'exclame Zeynep, abasourdie par notre discussion.

— Elle doit ĂȘtre terrifiĂ©e, s'inquiĂšte DaphnĂ©, sans se soucier des Ă©tats d'Ăąme de sa copine. Tu veux que je vienne pour la rassurer, c'est ça ?

Je hoche la tĂȘte et fouille mes poches pour en sortir ma cigarette Ă©lectronique. La rassurer l'empĂȘchera de faire des conneries qui auront le don de m'agacer.

En face de moi, Zeynep fulmine face à notre désinvolture qu'elle ou n'importe quel insouciant ne peut comprendre. Je suis certain qu'elle meurt d'envie de m'ordonner de ranger ma vapote vu le regard qu'elle me lance mais elle comme moi savons que ce que je fume n'a presque rien de nocif.

Ma fumée n'est constituée que de trÚs peu de nicotine et ne sent que la barbe à papa.

Et ce n'est pas désagréable, cette odeur, n'est-ce pas ?

— T'as qu'à venir, toi aussi.

Leur rĂ©action est identique. Ça me ferait presque rire.

— Pardon ?

— Oh mon dieu ! T'invites Zeynep chez toi ?!

Je vois à quel point cela rend Daphné heureuse et ça me satisfait. Je n'en montre rien pour autant et souffle ma fumée aromatisée.

Si j'autorise Zeynep Ă  venir, c'est parce qu'elle est la plus apte Ă  se rapprocher de mon nouveau parasite sans lui faire peur.

DaphnĂ© oublie parfois Ă  quel point elle peut ĂȘtre intimidante et moi, moi je n'ai pas envie de me forcer Ă  passer du temps avec elle. Elle restera chez moi jusqu'Ă  ce que le moment soit venu.

Et ne m'étant pas approchée d'elle, son départ ne me fera rien du tout.

De toute façon, elle me fuira comme la peste. J'en mets ma main à couper.

Alors il est inutile pour moi de faire des efforts.

Je n'en ai jamais fait avec personne.

— Vous n'avez qu'à venir aujourd'hui, en fin d'aprùs-midi. Au moins, avant mardi.

— Ouais. Il ne faudrait pas qu'elle rencontre Saejin avant moi ou alors, elle sera traumatisĂ©e Ă  vie. Hein, Zeynep ? plaisante DaphnĂ© en lui donnant un coup de coude.

— Comment elle s'appelle ? me demande Zeynep, plus prĂ©occupĂ©e par ma colocataire indĂ©sirable que touchĂ©e par la moquerie de ma meilleure amie.

Je me passe une main pensive sur le menton et contemple le plafond Ă  la recherche du nom de cette fille. J'ai du mal Ă  m'en souvenir.

À vrai dire, la revoir n'Ă©tait pas dans l'ordre de mes prioritĂ©s. Ça n'y figurait pas du tout d'ailleurs, alors je n'ai pas pris la peine de mĂ©moriser son prĂ©nom.

Malgré sa colÚre ou sa peur, cette fille est bien trop lumineuse pour moi. C'est un mystÚre que j'ai du mal à comprendre.

— A rĂșn, je finis par lancer.

— A rĂșn ? Ce n'est pas un prĂ©nom, rĂ©plique Zeynep.

— Tout peut ĂȘtre un prĂ©nom, maintenant. Il y a bien des gens qui s'appellent X Æ A-12 ou Diezel, lui fais-je remarquer, dĂ©sinvolte.

— Tu ne te souviens pas de son prĂ©nom, comprend DaphnĂ©, exaspĂ©rĂ©e. SĂ©rieusement ?

— Appelle-la comme tu veux, peu m'importe.

— Oui mais ça lui importe à elle, s'indigne Zeynep.

Je hausse les épaules et me lÚve. Je lisse mon pantalon et remets mon sweat en place. Daphné m'imite et m'annonce que si je veux qu'elles viennent demain dans l'aprÚs-midi, je dois lui demander son nom pour le leur donner.

Je la sonde un moment pour savoir si elle plaisante mais elle est d'un sérieux qui me fait grimacer.

— TrĂšs bien. Je lui demanderai son nom, je capitule en me dirigeant vers l'entrĂ©e.

— Super ! Hñte de la rencontrer !

— En espĂ©rant qu'il ne l'aura pas tuĂ©e d'ici demain, marmonne Zeynep.

— DaphnĂ©. J'allais oublier. Sois disponible pour le 1er janvier.

J'ouvre le battant et enfonce ma casquette sur ma tĂȘte avant de fermer la fermeture Ă©claire pour empĂȘcher le vent de s'engouffrer dans les pans ouverts de mon blouson.

— Pourquoi ?

— Rassemblement de racistes, je rĂ©ponds.

Elle éclate de rire et me sourit en me montrant son pouce.

— Je serai dispo ! J'ai hñte de revoir ton patriarche, Kian.

Je laisse échapper un léger ricanement presque imperceptible puis quitte son appartement. Daphné habitant au rez-de-chaussée de son immeuble, je n'ai que quelques pas à faire pour rejoindre l'hiver.

Je lui demanderai son nom, si ça lui chante... mais je ne vois pas en quoi c'est nécessaire.

A rĂșn lui va bien.










~ ☟☌☜ ~

Helloooooo ! Comment ça va, vous ? 🩋

Moi, je rage contre Tiktok dont je ne comprends toujours pas le fonctionnement mdr mais on persĂ©vĂšre đŸ’ȘđŸŒ

Qu'est-ce que vous dĂźtes de ce petit pdv Kian ? Oui, il a pas l'air commode pour le moment mais je vous promets, il est mimi !

De nouveaux perso font leur apparition d'ailleurs ! DaphnĂ© et Zeynep, le couple trop mimi, elles sont choux ! Oui, pour une fois, le protagoniste masculin a un groupe plus fĂ©minin que masculin ! Je voulais changer un peu ! Ici, c'est girl power ! đŸ’…đŸŒ

Il manque plus qu'une queen et vous connaĂźtrez toute la bande ! Trop hĂąte !

En tout cas, j'espĂšre que vous kiffez toujours votre lecture !

¥ Adiós mis libélulas !

AyĂ©lĂ© 🌾

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