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Aayele
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| 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒 |

‱ HĂ©siter, c'est mourir ‱

𝐒𝐎𝐋





đ€đ„đ đźđ§đšđŹ 𝐩𝐱𝐧𝐼𝐭𝐹𝐬 𝐚𝐧𝐭𝐞𝐬...










▶ 𝐌𝐼𝐬𝐱đȘ𝐼𝐞 : LOUD - Sofia Carson




Le stress monte.

Pourtant, je reste droite, la tĂȘte haute. Mes doigts jouent avec la chaĂźne en or qui pend autour de mon cou. Mon regard observe avec dĂ©fiance l'homme qui se tient derriĂšre son bureau et me fixe avec irritation, sans aucune raison.

Je plisse les yeux et tente une expression bienveillante pour calmer son propre courroux avant d'ouvrir la bouche et de lui demander ce qu'il se passe.

J'ai à peine eu le temps de retourner derriÚre mon bar qu'il est arrivé en trombe vers moi, m'a attrapée le bras et m'a emmenée dans son bureau sans me donner la moindre explication.

Des centaines d'hypothĂšses se bousculent dans ma tĂȘte mais aucune d'entre elles ne s'avĂšrent justes...

— Tu le connais ?

J'arque un sourcil, perdue. De qui parle-t-il ?

— Qui ?

— Kian Kelman, gronde-t-il en tapant du poing sur la table.

Je ne sais pas de qui il parle. Kian Kelman... ce nom devrait me dire quelque chose ? Je réfléchis et cherche dans mes souvenirs ce nom qui semble mettre Sullivan en rogne. Puis... lentement, le prénom résonne dans ma mémoire.

Kian... l'homme aux cheveux et aux yeux de glace.

L'inconnu de tout Ă  l'heure.

— Quoi ? Non, bien sĂ»r que non ! C'est la premiĂšre fois que je le vois !

Je mets quelques secondes à comprendre l'origine de sa colÚre. Sullivan est jaloux. Jaloux d'un homme que je n'ai vu que pendant quelques minutes, à qui je n'ai pas adressé le moindre mot...

Mais tu as fait plus que ça... tu as eu le plus troublant des contacts visuels et ça n'a pas échappé à la possessivité de Sullivan.

Je grimace. C'est pour cette raison qu'il m'a isolĂ©e ? Parce qu'il est jaloux ? J'Ă©tais tellement perturbĂ©e par ce... Kian que je n'ai mĂȘme pas fait attention au comportement de Sullivan dont le corps hurlait tous les signes d'une jalousie abusive.

Ce que je ne comprends pas... c'est son attitude : il Ă©tait prĂȘt Ă  me partager avec cet inconnu alors qu'il Ă©tait vert de jalousie pour une relation inexistante entre ce Kian et moi ? Ça n'a aucun sens !

Sullivan serre les poings et fait onduler ses mandibules. Il ne me croit pas. Et ça m'enrage. Ça m'enrage et ça m'inquiĂšte parce que je sais trĂšs bien que sa jalousie ne le rendra jamais violent Ă  l'Ă©gard des hommes qui me regardent trop longtemps.

Je serai la seule victime de la tempĂȘte qui fait rage dans ses veines.

Je serai toujours la fautive.

Les femmes le sont toujours.

Je serre les dents, agacée.

— Je ne le connais pas. C'est toi qui m'as appelĂ©e. Tu aurais dĂ» me laisser travailler au lieu de me brandir devant eux comme un vulgaire trophĂ©e.

Son regard s'assombrit. Ses veines palpitent sur ses bras. Je me fiche pas mal de sa colĂšre mĂȘme si mes muscles se bandent dĂ©jĂ  dans l'attente d'un coup futur.

Je n'ai strictement rien fait pour mériter sa colÚre ! Je me suis contentée de suivre ses ordres et ses demandes et on me reproche quelque chose que je n'ai pas fait.

On me reproche un contact visuel trop prolongé !

Ça aurait Ă©tĂ© plus logique s'il m'avait appelĂ©e pour me sermonner quant Ă  la phrase en espagnol que j'ai dite Ă  son supĂ©rieur et Ă  mon mensonge effrontĂ©.

Je sais qu'il est trĂšs malpoli de me jouer des autres quand ces derniers ne comprennent pas ma langue natale mais eux, ne se gĂȘnent pas pour me rabaisser et me menacer sans tiquer.

Pourquoi moi, je me gĂȘnerais ?

Je n'ai pas le temps de faire le moindre geste que la main de Sullivan se retrouve autour de ma gorge. Je me saisis de son poignet, sourcils froncés et rage au fond des yeux. Mon dos percute avec violence la porte close, me faisant grimacer de douleur mais je ne montrerai pas la peur que Sullivan m'inspire en cet instant précis.

Ne rien montrer... sinon il te bouffera, Sol.

— Ne rejette pas la faute sur moi, espĂšce d'idiote ! Et arrĂȘte de mentir ! J'ai vu comment tu le regardais ! Tu veux qu'il te baise ?! Hein ?! Ma bite ne te suffit pas ?

J'ai envie de lui cracher Ă  la figure. De lui vomir ma haine et le dĂ©goĂ»t que m'inspirent ses paroles. Comme si me faire dĂ©possĂ©der continuellement Ă©tait une partie de plaisir ! Comme si vivre comme une esclave sexuelle Ă©tait mon rĂȘve ! Je ne suis pas venue aux Etats-Unis pour revivre un Ă©niĂšme cauchemar !

— Lñ...Che...moi, j'ahane.

L'air vient à me manquer. Sa poigne me fait mal. J'ai l'impression que ses doigts écrasent ma trachée. J'ai du mal à respirer. Les larmes montent mais je les retiens de toutes mes forces.

No llores. (Ne pleure pas.)

NO LLORES ! (NE PLEURE PAS !)

Ne montre rien, Sol.

— Si t'Ă©tais en manque, t'avais qu'Ă  me le dire. Tu m'appartiens, t'entends ?

Sa colÚre me torture l'estomac. Son souffle pourtant insignifiant s'amplifie et se transforme en un murmure menaçant qui pourrait me clouer sur place.

Pourtant, je me débats. Je me débats du mieux que je peux.

Soudain, Sullivan me fait brutalement quitter la porte pour m'envoyer valser contre son bureau. Je lĂąche un cri de stupeur alors que je me rattrape in extremis Ă  la table qui cogne contre mes hanches.

Je grimace et fais volte-face au moment oĂč Sullivan s'approche de moi et me pousse contre le rebord de son bureau. Je me retiens de mes deux mains et lui communique toute ma rĂ©pugnance.

— Ne me regarde pas comme ça. Ça m'excite.

— Traga mierda, crachĂ©-je. (Va te faire foutre)

Il pose sa main sur mon ventre et me force à m'allonger sur la surface en bois. Je résiste mais il est trop fort et trop en colÚre. Trop déterminé à... je le vois baisser sa braguette, l'expression déformée par un désir bestial. Il cherche à asseoir sa supériorité et son autorité mais je ne me laisserai pas faire.

Quand je sens le métal froid d'un stylo, une idée germe d'un seul coup dans mon esprit.

L'adrĂ©naline me rend fĂ©brile. À la minute oĂč je pense Ă  cette perspective sanglante, mon cƓur s'affole dans ma poitrine et surpasse la voix de Sullivan. Je n'entends plus que les battements frĂ©nĂ©tiques de mon organe vital et les pensĂ©es folles que mon instinct de survie me murmure.

Prends-le.

Défends-toi.

N'hésite pas.

Alors qu'il attrape la fente de ma jupe et tire avec hargne dessus, je me saisis du stylo. Le cuir se déchire jusqu'à ma hanche et Sullivan regarde ma cuisse dénudée avec une gourmandise qui me révulse tellement que je n'hésite pas. Je lÚve la main et l'abats sur son visage.

La pointe du stylo perfore son globe oculaire et s'y enfonce. J'y mets toute ma force, toute ma rancoeur, ignorant les hurlements qui s'échappent de ma gorge et de la sienne.

— Espùce de... putain !

Je ne lĂąche pas ce stylo. La douleur qui submerge Sullivan l'empĂȘche de se dĂ©fendre. Il tente de repousser ma main en enserrant mon poignet mais il est faible, terriblement faible.

Poussée par l'adrénaline et cette satisfaction vengeresse, je retire le stylo avant de le planter à nouveau. Le sang m'éclabousse mais j'ignore ce liquide poisseux qui tache ma peau, focalisée sur la souffrance de celui qui nous a fait endurer les pires tortures. Il m'insulte de tous les noms. Qu'il goûte un peu à cette violence que je subis depuis quatre mois !

Et bientĂŽt, je sais que c'est le moment de quitter ce maudit bureau et de tenter le tout pour le tout.

Je vais sortir de cet horrible hĂŽtel.

Alors, je me penche vers lui alors qu'il sanglote de douleur et lui crache :

— ¡ Sufre, pinche pendejo ! (Souffre, sale connard !)

Je retire le stylo une deuxiÚme fois et le laisse tomber par terre. Sullivan plaque ses deux mains grasses sur son visage pour endiguer l'hémorragie tout en me lançant des insultes que je n'écoute que d'une oreille. Je n'hésite pas.

Non, je n'hésite plus.

Je me jette sur la porte que j'ouvre à la volée pour débouler dans le couloir, escarpins à la main.

Je ne peux pas rester ici.

Il me le fera payer. Plus que d'habitude. Je viens de lui crever l'oeil avec un putain de stylo bille !

Je regarde derriÚre moi et le vois se relever, le visage défiguré par une fureur décuplée par mes actes.

— Reviens-lĂ  ! Si tu crois que tu vas pouvoir t'en sortir comme ça ! Aaaargh ! Reviens ici, espĂšce de salope ! Ă©ructe-t-il.

Je fais claquer la porte derriĂšre moi, ce qui Ă©touffe ses hurlements. Ma peur se distille dans mes veines et chaque recoin de mon corps se voit infectĂ© par la panique. Je cours Ă  en perdre haleine, avec une seule pensĂ©e en tĂȘte : fuir.

Fuir loin. TrĂšs loin.

Loin de Sullivan, loin de cet hĂŽtel, loin de cette ville et ne plus jamais revenir.

Mais le monde semble s'ĂȘtre liguĂ© contre moi.

Je cesse de regarder derriÚre moi, certaine que Sullivan mettra un peu de temps avant de trouver la poignée de sa porte mais lorsque je me retourne, je percute avec violence un corps robuste.

Le choc est tel que je suis sonnée et que je me sens tomber en arriÚre. Mes fesses se heurtent à la dureté de cette moquette rouge et noire affreuse. Je cligne des yeux, stupéfaite mais je reprends vite mes esprits quand je me rappelle que la colÚre de Sullivan peut me faire tuer.

Et que je ne l'ai pas totalement rendu aveugle.

Il finira bien par ouvrir la porte de son bureau et beugler dans le couloir.

Je relĂšve la tĂȘte et prends appui sur mes mains pour me redresser mais un frisson effroyable remonte le long de ma colonne vertĂ©brale et me paralyse toute entiĂšre quand je remarque la tenue Ă©lĂ©gante et austĂšre de l'homme qui se tient devant moi.

Il porte un costume noir, entiÚrement noir et je prie pour qu'il y ait plus d'une personne qui s'interdit le port de couleur à ce point-là mais arrivée à sa gorge, il n'y a plus aucun doute.

Une énorme libellule encre ma rétine.

Et c'est la premiÚre fois que cet insecte me paraßt aussi menaçant.

Je regarde un instant les doigts qui tapotent la libellule et sur lesquels je discerne les lettres HOPE.

Est-ce un message auquel je peux me raccrocher ou l'humour noir de la vie ?

Je serre les dents et m'oblige à m'aventurer au niveau de son visage. Ses lunettes teintées me font frémir tout autant que son aura écrasante qui m'assiÚge. Sa bouche est toujours immobile, dans une absence effrayante de rictus et ses traits sont parfaitement détendus, ne trahissant aucune émotion.

Comme un dragon, il expire sa fumée qui l'enveloppe dans un nuage qui ne me dérange pourtant pas. Il est... sucré. Qu'est-ce que c'est que cette odeur ?

Ce n'est pas important, Sol !

Que fait cet homme ici ?!

Pourquoi maintenant ?!

Je jette un bref coup d'Ɠil en direction de la sortie qui me paraĂźt si loin... j'allais y arriver. J'allais rĂ©ussir Ă  fuir Sullivan mais il a fallu que este bicho aterrador (cette bestiole terrifiante) fasse son apparition juste devant moi et brise mes espoirs.

Soudain, il relÚve ses lunettes sur son crùne, ramenant ses mÚches ondulées en arriÚre et dévoilant son regard de glace. J'en frémis.

Bon sang... comment est-il possible d'avoir un tel regard ? J'ai l'impression qu'on me lacĂšre, qu'on me mord, qu'on me... dĂ©vore. Car mĂȘme si ses iris sont d'une clartĂ© perturbante, je discerne des flammes inquiĂ©tantes au fond de ses prunelles.

Celles de la curiosité.

Et ce n'est jamais bon d'attiser la curiosité des hommes comme lui.

Contrairement à tous les hommes que j'ai rencontrés jusque là qui respiraient le danger, lui, lui transpire la perdition.

Je me reprends vite. Impossible qu'il puisse lire en moi. Alors je redeviens cette fille qu'il a rencontrée dans le bar et enfouis ma rage quelques instants au fond de ma poitrine pour laisser une certaine bienveillance polie assouplir mes traits. Je lui souris, courtoise et me redresse, comme si de rien n'était, comme si je ne venais pas d'éborgner le directeur de cet hÎtel. Je lisse ma jupe déchirée sans détourner le regard.

Si je baisse les yeux, il pensera qu'il m'intimide ou que je me sens coupable de quelque chose.

Et dans cet endroit, la peur excite plus que l'audace.

— D'oĂč tu sors ? gronde une voix grave, mĂ©fiante.

J'entends à peine la question, trop concentrée sur l'homme qui me fait face et qui m'étudie en silence. Je n'aime pas son regard, je le trouve trop intrusif, trop... Trop. Je décide de simplement le saluer et me focalise à nouveau sur mon objectif, à savoir dégager le plus vite possible de cet endroit mais c'est sans compter sur Sullivan qui est enfin parvenu à sortir de son bureau.

Son cri me fige sur place. Je me tourne et le vois, lui et sa main ensanglantĂ©e, en train d'aboyer, prĂȘt Ă  me faire la peau.

— Cette garce vient de m'attaquer ! Attrapez-la, cette sale sauvage !

Je profite de l'effet de surprise glauque que vient de créer ce culero pour m'esquiver mais sans prévenir, une main chaude se referme sur mon bras et me fait perdre l'équilibre.

J'ouvre de grands yeux surpris et me rattrape au corps musclĂ© de Kian Kelman qui ne me regarde mĂȘme pas. Il fixe Sullivan qui continue de vomir sa furie alors que je baisse les yeux sur ces doigts puissants qui viennent de me piĂ©ger sans que je ne m'y attende. Je tente de me libĂ©rer de cette maudite poigne mais rien n'y fait.

El bichito n'a pas l'intention de me lĂącher.

Les dents serrées, je lui siffle, pressée :

— Laissez-moi.

Sullivan se rapproche de plus en plus. S'il m'atteint, ce sera pour m'arracher les yeux. Et je n'ai pas l'intention de lui ressembler, ni de me transformer en cadavre. Alors je mets plus d'ardeur dans ma lutte pour me défaire de cette menotte de chair.

— Cette connasse m'a attaquĂ©e et vient de me rendre borgne ! Je vais la corriger, M. Byrne, ne vous en faites pas, ajoute Sullivan. Elle ne se rebellera pas plus que ça...

Bon sang, mais il est fait de pierre ou quoi ?

Et pourquoi m'a-t-il attrapée comme ça ? Quel est son but ? Va-t-il me punir pour ce que j'ai infligé à Sullivan ?

Mes questionnements et mon affolement se stoppent d'un coup quand je le vois mouvoir son bras droit. Il cesse de fumer sa cigarette électronique, la range et passe sa main dans son dos. Les coups de feu qui retentissent dans le couloir me font bondir d'épouvante.

Tout rĂ©sonne dans ma tĂȘte et je crois halluciner quand je me tourne et aperçois Sullivan, couchĂ© sur le sol, deux trous dans le crĂąne. Je me fige. Une sensation horrible me prend aux tripes.

L'un de mes souhaits les plus vils vient de se réaliser...

De la main de cet inconnu au regard de glace.

StupĂ©faite, je reste immobile, mon attention rivĂ©e Ă  ce corps sans vie qui, il y a quelques secondes, Ă©tait tendu par la colĂšre. Le sang se rĂ©pand sous la tĂȘte de Sullivan qui vient de quitter notre monde en Ă  peine cinq secondes.

Je réalise lentement ce qu'il vient de se passer. Est-il... est-il vraiment mort ?

Tout à coup, je sens qu'on m'entraßne dans la direction opposée à celle que je visais. Je reviens à moi et laisse ma panique parler à ma place.

Grandes, calleuses, brûlantes, ses mains agrippent mes bras et me collent contre un corps robuste, créant une avalanche de frissons le long de ma peau.

— Que... Lñchez-moi ! Laissez-moi ! LÂCHEZ-MOI !

Que fait-il ? OĂč m'emmĂšne-t-il ? Que va-t-il faire de moi ?

La rage et l'horreur me font imaginer un tas de choses. Je me rappelle la discussion de tout Ă  l'heure, dans le bar.

Pourquoi a-t-il tué Sullivan ?

Me voulait-il ?

A-t-il simplement Ă©liminĂ© ce qui le gĂȘnait ?

Que va-t-il me faire ?

Affolée, je bouge dans tous les sens pour échapper à sa poigne mais rien n'y fait. Il arrive à me maintenir contre lui et je sens mes espoirs revivre face à ce cadavre. Il ne me traquera pas. Je peux m'enfuir. Je peux dégager d'ici sans craindre que Sullivan revienne pour moi. Mais j'oublie Dagda Byrne qui a vu toute la scÚne et l'homme qui me traßne vers l'une des chambres.

— Occupe-toi de Sullivan, gronde sa voix grave.

— Je vais devoir trouver un autre sous-directeur, dĂ©clare Dagda Byrne, qu'est-ce que tu vas faire d'elle ?

Il ne va rien faire du tout !

Je ne vais certainement pas le laisser disposer de moi comme il l'entend. Hors de question que je sois piĂ©gĂ©e par un homme alors que je viens juste d'ĂȘtre libĂ©rĂ©e du joug d'un autre.

— ÂĄ SuĂ©lteme, maldito bicho ! ÂĄ DĂ©jeme ! (LĂąchez-moi, satanĂ©e bestiole ! Laissez-moi !)

Je hurle avec le violent espoir qu'on entende mes appels Ă  l'aide mais je sais trĂšs bien que personne ne viendra car ici, les cris des femmes font office de bruits de fond. Personne ne s'y attarde. C'est une chose Ă  laquelle on s'habitue et qu'on vient mĂȘme Ă  apprĂ©cier.

Les hommes me dégoûtent.

— Je l'emmùne dans ma chambre.

Je cesse de me débattre, abasourdie par la nouvelle. Il en est hors de question ! Dans sa chambre ?! Pas moyen ! Pas moyen que je me retrouve seule avec cet homme qui pue le danger à plein nez !

— Perdona ?! (Pardon?!) hoquetĂ©-je. LĂąchez-moi ! Ne me touchez pas ! SuĂ©lteme, maldito bicho ! (LĂąchez-moi, satanĂ©e bestiole !)

Il ne m'écoute pas. Cet enfoiré n'est pas plus humain que les autres.

Nous nous éloignons de la scÚne de crime, nous enfonçant de plus en plus dans le couloir, loin, trÚs loin de ma porte de sortie.

Peut-ĂȘtre qu'il va me tuer... peut-ĂȘtre qu'il va me torturer... je frissonne et continue de hurler mĂȘme si je sens ma voix se casser petit Ă  petit.

Je ne m'arrĂȘterai pas de crier ni de me dĂ©battre. Ça ne sert Ă  rien mais c'est une question de principe.

Je m'apprĂȘte Ă  l'insulter Ă  nouveau dans ma langue natale quand son souffle vient s'Ă©chouer prĂšs de mon oreille, faisant vibrer mon satanĂ© corps.

— Il ne fallait pas me montrer cet insidieux sourire, a rĂșn, me susurre-t-il.

Mon cƓur cesse de battre.

Ma respiration se coupe. Encore.

À croire que cet homme a le pouvoir de me priver de mon oxygùne quand il le souhaite.

Parce que c'est de ma faute si je me fais traĂźner dans une chambre ?

Le choc et l'indignation me statufient un instant si bien qu'il parvient à ouvrir une porte et à nous faire entrer dans l'une des nombreuses chambres de l'hÎtel mais je reprends bien vite mes esprits et j'essaie de me libérer avant qu'il ne referme le battant. Je tends mes bras vers la porte et m'y accroche fermement tandis que ses bras s'enroulent autour de ma taille et me tirent en arriÚre.

— LĂąchez-moi ! Mais lĂąchez-moi enfin ! ÂĄ SuĂ©lteme ! ÂĄ Por dios, dĂ©jeme ! (LĂąchez-moi ! Par pitiĂ©, laissez-moi !)

— Cesse de gigoter ou je t'attache au lit avec ma ceinture.

Malgré moi, ma prise sur le battant finit par se fragiliser car mes mains deviennent moites si bien qu'il m'échappe et je percute son torse. D'un coup de pied, il fait claquer la porte devant mes yeux. Je serre les poings et me retourne pour darder un regard noir sur sa misérable personne...

Misérable... tu mens, il t'intimide bien trop.

— Laissez-moi partir ! Je n'ai plus rien à faire ici !

Le silence me répond. Et j'ai la sensation qu'il ne fait pas plus d'effort que ça pour me retenir contre lui. Il décortique mon expression comme s'il cherchait quelque chose sur mon visage. Je fronce les sourcils.

— Je me suis posĂ© la question... comment une fille comme toi a pu se retrouver ici ?

— Ça ne vous concerne pas !

— Ça ne me concerne pas mais ça m'intĂ©resse.

— Eh bien, d'abord, lñchez-moi.

— Pour que tu te prĂ©cipites sur la porte ?

— Hum... plus ou moins, je rĂ©ponds avec un air dĂ©fiant.

Je lÚve les yeux au ciel en constatant qu'il ne veut toujours pas me lùcher. Nous sommes trop proches. Ma poitrine touche son torse. Je sens chacune de ses respirations calmes et je meurs de chaud à cause de la chaleur qui se dégage de son corps rigide comme de la pierre.

Ce contact me met mal Ă  l'aise. Et il doit le savoir. Pourtant, il ne fait rien. Il se contente de me percer le visage de ses iris troublants.

— Qu'est-ce que vous entendez par une fille comme moi ? finis-je par demander.

— Un soleil ambulant, rĂ©pond-il de but-en-blanc.

— C'est une technique de drague ? Parce que je dois vous le dire tout de suite, c'est vraiment à revoir, je ricane pour cacher le fait que cette situation m'inquiùte de plus en plus.

Il reste silencieux. Visiblement, il n'aime pas trop ma plaisanterie si j'en crois son indiffĂ©rence. Est-ce qu'il sait rire au moins ? Peut-il ĂȘtre embobinĂ© par mes sourires s'il n'est mĂȘme pas capable de faire fonctionner ses zygomatiques ?

Il ne doit pas ĂȘtre idiot : il doit savoir que j'ai Ă©tĂ© piĂ©gĂ©e par Sullivan comme toutes les autres filles, tout ça parce que je cherchais du travail afin de dormir dans un endroit plus confortable et sĂ»r que les bancs du parc public de Santa Faclino.

AprÚs avoir passé la frontiÚre mexicaine, je ne pensais pas que notre vie pouvait empirer à ce point-là.

Nous avons été trop... naïves.

Je ne ferai pas cette erreur deux fois.

— Qu'est-ce que vous me voulez ? je demande, mĂ©fiante.

Il ne répond rien à croire que le silence est sa réponse préférée.

Je suis surprise de sentir ses bras quitter mon dos et me libérer totalement. Il fait un pas en arriÚre puis s'éloigne vers la commode, proche de la porte qui mÚne à la salle de bain.

Je l'observe, sur mes gardes.

Je n'hĂ©site mĂȘme pas avant de pivoter pour me diriger vers la porte mais sa voix rĂ©sonne Ă  nouveau, me faisant grimacer.

— Tu ne penses pas que tu devrais me remercier ?

Je me tends et fais volte-face. Il se fiche de moi ?

— Pour quelles raisons ?

Sous mon regard ahuri, il se dĂ©vĂȘt de sa veste de costume, la plie et la pose soigneusement sur la commode. J'aperçois alors son arme, coincĂ©e dans son dos, derriĂšre l'Ă©lastique de son pantalon. Je dĂ©glutis. Il pourrait s'en servir pour me tirer dessus.

Mais je reste persuadée que s'il m'a amenée ici, c'est pour une bonne raison. S'il avait voulu me tuer, il l'aurait fait dans ce couloir.

— Il allait te tuer, me fait-il remarquer.

— Vous ĂȘtes vraiment un fin observateur.

Je laisse Ă©chapper un lĂ©ger rire moqueur. Évidemment qu'il allait me tuer. Il n'allait pas se contenter de me battre comme toutes les autres fois.

— Mais ça ne me dit toujours pas pourquoi je devrais vous re...

— Tu n'allais pas pouvoir sortir du Bacchus, me coupe-t-il en attrapant la crosse de son arme. Car cet idiot n'allait pas ĂȘtre le seul Ă  vouloir te tuer.

Il fait passer son flingue devant lui et ce n'est qu'à ce moment-là qu'il braque son attention sur moi. Mes muscles se bandent, par pur réflexe. Il n'a pas tort.

J'ai quand mĂȘme attaquĂ© le directeur du Bacchus et on ne peut pas me laisser impunie au risque de laisser penser qu'il est possible de se rebeller impunĂ©ment. La mort m'attend au tournant.

Et je me demande bien comment je vais faire pour sortir d'ici... peut-ĂȘtre mĂȘme qu'on va insinuer que c'est moi qui ai mis fin Ă  la vie de Sullivan, qui sait ?

Car j'aurais pu en ĂȘtre capable.

— Tu as juste à rester cette nuit, ici. Je ne te toucherai pas.

Son air sĂ©rieux, son ton sans appel, son expression impassible... tout me pousse Ă  croire qu'il ne me ment pas et pourtant, je ne peux cesser de me mĂ©fier. Cet homme... cet homme est le diable en personne. Si tout Ă  l'heure, je n'ai pas fait attention Ă  ce que disait Sullivan, mon cerveau a tout de mĂȘme recueilli certaines informations... capitales.

Cet homme n'est personne d'autre que celui que tout le monde surnomme l'Albinos quand ses oreilles ne traĂźnent pas dans les parages.

Je n'ai pas fait le lien quand je l'ai vu dans le bar tout à l'heure parce qu'ils ne l'ont appelé que par son prénom. Kian. Et je ne connaissais aucun Kian. En revanche, l'Albinos... j'avais déjà entendu ce surnom dans la bouche d'un bon nombre de clients, dont celle de Sullivan.

C'est l'unique personne que j'espérais ne jamais croiser dans toute ma vie et le voilà, juste devant moi et je suis seule avec lui, dans une piÚce fermée.

Lorsque Sullivan m'en a parlé la premiÚre fois, il m'a montré la seule photographie que l'on pouvait avoir de lui, à savoir celle de son identité judiciaire.

L'absence de sourire ne faisait que renforcer son regard d'une clarté hypnotique et dangereuse, aux reflets violacés particuliers.

J'en ai eu des sueurs froides pendant plusieurs jours.

J'ai seulement vu qu'il avait Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ© pendant six ans avant d'ĂȘtre relĂąchĂ© pour une raison obscure puisqu'il aurait dĂ» y rester bien plus longtemps. On ne sort pas aussi vite aprĂšs avoir assassinĂ© une dizaine de personnes normalement.

Combien en a-t-il vraiment tué ? Aucune idée mais tout le monde sait que dix n'est pas son record.

De ce que j'ai entendu, Kian Kelman est d'une cruauté sans pareille et les corps de ses victimes n'ont jamais été retrouvés, sauf en de rares occasions.

Ce qu'il fait des cadavres ? Personne ne le sait. Et je n'irai certainement pas le lui demander.

Je ne suis pas atteinte de curiosité morbide.

— Vous pensez vraiment que je vais vous croire ? Vous m'avez amenĂ©e ici juste pour que je dorme dans votre lit ? Je ne suis pas idiote, je souffle, les bras croisĂ©s pour cacher mes tremblements.

Un rire nerveux m'échappe.

Son silence me terrifie.

Il me fixe. Encore et encore.

Et moi, je jette des coups d'Ɠil inquiets en direction de la porte. Je peux fuir. Je peux y arriver. Cet homme ne parviendra pas Ă  me tuer. Je peux bouger... et pourtant, mes pieds sont comme ancrĂ©s dans le sol et mon corps refuse de faire le moindre mouvement. J'ai la sensation de jouer Ă  « un deux trois soleil » : je ne pourrai courir qu'une fois qu'il dĂ©tournera les yeux.

Mais ce n'est pas prĂšs d'arriver.

— Tu me connais.

C'est moins une question qu'une affirmation.

Je me mords la lĂšvre et m'apprĂȘte Ă  secouer la tĂȘte pour nier cette certitude mais ses yeux qui convergent vers ma bouche me font oublier tous mes mots. Je relĂąche ma lĂšvre immĂ©diatement et serre les dents.

— Quelles rumeurs as-tu entendues sur moi ?

Ses doigts s'affairent à déboutonner sa chemise dans des mouvements lents mais assurés. Il attend ma réponse mais je suis bien trop occupée à me demander pourquoi il est en train de se déshabiller s'il m'a affirmé qu'il ne me toucherait pas.

Il est comme les autres : il ment pour mieux m'amadouer. Mais ça ne fonctionnera pas.

Mon regard est attiré par les lettres qui noircissent ses phalanges et je remarque que ses deux mains sont tatouées.

J'aurais dĂ» y faire plus attention tout Ă  l'heure.

Car il n'y a pas seulement écrit HOPE... on peut voir sur l'autre main, les lettres L-E-S-S qui détruisent mon optimisme. Ce n'est définitivement pas un message auquel je peux me raccrocher.

C'est un message clair qui m'indique de fuir cet homme le plus vite possible.

HOPELESS.

Sans espoir.

Si je reste trop longtemps en sa compagnie, je risque de ne plus revoir la lumiĂšre du jour.

— Si tu pouvais rĂ©pondre quand je te pose une question, gronde-t-il.

No te mordiste la lengua... (C'est l'hÎpital qui se fout de la charité...)

— Vous ĂȘtes l'Albinos, je lĂąche sans rĂ©flĂ©chir.

Les traits de son visage se tendent et le bleu de ses yeux devient houleux. Il cesse tout mouvement puis se met à tapoter lentement sa gorge. Il ne bouge pas et pourtant j'ai l'impression de sentir son envie de m'étrangler pour avoir prononcé ce surnom qu'il semble détester au plus haut point.

— Je te conseille de ne plus utiliser ce surnom ou tu risques bien de terminer comme ton agresseur.

J'ai du mal à avaler ma salive. Je n'ose plus plaisanter pour cacher ma peur. L'air est lourd, presque irrespirable. J'ai chaud. Trop chaud. Parce que la panique ne m'a pas quittée et que la prestance de cet homme électrifie l'atmosphÚre.

Je ne me sens pas bien. J'ai besoin de m'asseoir mais je n'ai pas l'intention de bouger parce que j'ai peur qu'il prenne ça pour une invitation.

AprÚs un long moment de silence tendu, il se remet à déboutonner sa chemise.

— Qu'est-ce que vous faütes ? Vous avez dit que...

— J'ai dit que je ne te toucherai pas. En revanche... j'ai besoin de ton aide. Vois ça comme ton remerciement.

— Rester dans votre lit faisait dĂ©jĂ  partie de ce remerciement idiot ! m'emportĂ©-je, incapable de me maĂźtriser en sa prĂ©sence.

Sourd à mes exclamations, il retire sa chemise et la plie tandis que je me détourne de lui, les joues rouges, mal à l'aise.

J'ai l'habitude de voir des hommes nus mais pour une raison étrange, le voir, lui, sans rien sur le dos me perturbe mais je suis bien obligée de me tourner vers lui quand je l'entends bouger pour aller s'installer sur le bord du lit.

Interdite, je ne sais pas quoi faire et je ne comprends pas ce qu'il attend de plus.

— Ce n'est pas grand-chose, lñche-t-il.

— De quoi parlez-vous ?

Pour toute réponse, il pose ses mains derriÚre lui, faisant saillir ses veines qui sinuent le long de ses avant-bras musclés. Ma gorge se noue. Il pourrait me briser s'il le voulait, me tuer en cinq secondes, je ne ferai pas le poids face à son évidente force.

Ses bras aussi sont tatoués : je parviens à apercevoir une énorme représentation de la Vénus de Milo sur son avant-bras gauche tandis que le biceps droit est décoré d'un nombre incalculable de dessins et d'une phrase dans une langue que je ne connais pas : Audaces fortuna juvat.

— Avance ou je vais perdre patience, grogne-t-il tout Ă  coup. N'as-tu rien entendu Ă  propos de mes limites, a rĂșn ?

— Et vous ? Qu'est-ce que vous faĂźtes lĂ  ? Vous n'avez pas l'air plus emballĂ© que moi par cet endroit, je lĂąche en ignorant son air irritĂ©.

Je le scrute avec un léger sourire et un sourcil arqué pour le pousser à répondre à ma question. Je ne vois pas pourquoi je devrais me plier à chacune de ses demandes alors que j'ai décidé que je n'appartiendrai plus à personne.

PlutĂŽt mourir que de faire ce qu'il m'ordonne sans rechigner mĂȘme si le provoquer ne me paraĂźt pas non plus ĂȘtre une bonne idĂ©e.

Mais j'ai l'impression que mon air rĂ©ticent et dĂ©fiant ne l'agace pas plus que ça car il aurait trĂšs bien pu me tirer une balle dans la tĂȘte depuis mon premier commentaire si ça avait Ă©tĂ© le cas.

Son attitude me prouve que j'ai raison : son irritation laisse la place à un fugace rictus moqueur mais il disparaßt vite. J'en suis un instant désarçonnée. J'ai dû l'imaginer.

Il n'est visiblement pas capable de sourire, contrairement Ă  moi, mais pour la premiĂšre fois, je ne suis pas d'humeur Ă  lui servir mon air jovial pour l'apaiser ou paraĂźtre bienveillante. Mon sourire est simplement tranchant et provocateur car cet homme m'agace et m'effraie.

Nous nous dĂ©fions en chien de faĂŻence et je remarque Ă  quel point mon sourire lui dĂ©plaĂźt car il n'arrĂȘte pas de s'Ă©garer vers ma bouche. MĂȘme s'il n'affiche rien, j'ai la sensation qu'il essaye de me dĂ©chiffrer mais je ne lui donnerai pas cette opportunitĂ©. Qu'il devienne fou face Ă  mon sourire parfait.

— Quel est votre marchĂ©, je lĂąche au bout d'interminables secondes de silence.

Qui ne tente rien n'a rien, non ?

MĂȘme si je me montre confiante et dĂ©fiante, je n'en mĂšne pas large parce que la maniĂšre qu'il a de m'observer, les lĂšvres scellĂ©es et l'impassibilitĂ© peinte sur son visage d'albĂątre, met Ă  mal mon assurance. Je me sens brĂ»lĂ©e de gĂȘne sous son regard inquisiteur qui Ă©corche ma peau.

— Tu m'aides et je te fais sortir du Bacchus et de cette ville.

Je dĂ©glutis. Vraiment ? Est-il en train de me mentir, de me faire miroiter des rĂȘves ou est-il sĂ©rieux ?

J'Ă©tudie sa proposition en silence mĂȘme si je dĂ©teste ces blancs qui s'instaurent Ă  chaque fois entre nous. Il attend, patient, que je prenne une dĂ©cision mĂȘme si je me demande quelle serait sa rĂ©action si je venais Ă  refuser son offre.

Mais ce serait bĂȘte de le faire, non ?

Je n'ai pas d'autres options pour quitter l'hĂŽtel que d'accepter son aide. Ça m'agace profondĂ©ment de dĂ©pendre de cet homme qui est l'allĂ©gorie mĂȘme de l'assurance.

— Qu'est-ce que je dois faire ?

Je jure que ma question le fait presque sourire.

— Assis-toi sur moi.

HorrifiĂ©e, j'effectue un pas en arriĂšre. Il se paye ma tĂȘte ?!

— Quoi ?

— Il va falloir que tu laisses des traces de ta prĂ©sence, que tu me fasses des suçons.

Je rĂȘve ?!

— Je... Non ! Hors de question !

— Comme preuve, continue-t-il. Comme ça, il arrĂȘtera de me faire chier avec son cadeau ridicule.

Je ne comprends pas bien de quoi il parle et il le lit sans doute sur mon expression car, sans la moindre émotion, il m'explique plus clairement sa situation.

— Il faut que je fasse croire Ă  mon frĂšre que j'ai profitĂ© de leur cadeau au final. Alors assis-toi sur moi et laisse ta trace sur ma peau, a rĂșn.

Il n'a de cesse de m'appeler aroun et ça m'agace de ne pas comprendre cette espÚce de surnom qui, j'en suis sûre, est aussi péjoratif que celui que je lui donne. Je ne m'étais pas trompée : Lug voulait m'offrir comme cadeau à son... frÚre.

Pourquoi ? Est-ce son anniversaire ? N'est-ce pas le présent le plus bizarre et pervers que l'on peut donner à quelqu'un ? Lug Byrne a vraiment un grain et je me demande si c'est le cas pour toute la famille Byrne...

Mon estomac se soulĂšve quand je m'imagine m'asseoir Ă  califourchon sur lui.

Des frissons d'horreur hĂ©rissent mes poils et je ne peux m'empĂȘcher de tressaillir face Ă  la nausĂ©e que me provoque un possible contact physique avec cet homme.

J'observe son corps détendu, ses muscles qui pourraient - je le concÚde malheureusement - faire trembler de désir n'importe quelle femme... ce meurtrier est horriblement beau.

Et ça me rend folle. Folle de rage.

Car il peut berner n'importe qui avec ce physique angélique mais je sais que sa personnalité est sans doute aussi pourrie que celle des habitués de cet hÎtel.

— Je ne ferai pas ça, je m'indigne.

— Alors tu prĂ©fĂšres peut-ĂȘtre que je m'occupe moi-mĂȘme de ta mort, me propose-t-il avec une nonchalance qui me fait frĂ©mir. Ce sera rapide et sans douleur.

Quand je le vois se relever, je comprends qu'il ne plaisante pas et qu'il s'apprĂȘte Ă  aller s'emparer de son arme.

PaniquĂ©e, je me poste dans sa trajectoire Ă  la vitesse de la lumiĂšre. Il s'arrĂȘte face Ă  moi et baisse la tĂȘte pour me dĂ©visager, neutre. Je dĂ©glutis face Ă  son impassibilitĂ© glaciale. La perspective de me tirer une balle entre les deux yeux n'a pas l'air de le dĂ©ranger.

Tuer n'est qu'une formalitĂ© pour lui et j'ai mĂȘme la sensation qu'il est sur le point de me faire une faveur.

Sans réfléchir, je pose mes mains sur son torse dénudé en ignorant la chaleur qui se dégage de sa peau et qui vient s'enrouler autour de mes doigts et le pousse pour qu'il retourne s'asseoir sur le lit. Je suis rassurée en voyant qu'il ne fait aucun geste violent pour me repousser face à mon acte irréfléchi. Il se laisse faire, attentif au moindre de mes mouvements.

Je prends une grande inspiration. Je peux faire ça vite.

D'un geste faussement assuré, je lÚve mes mains et sous son regard bien trop curieux, je les pose sur ses épaules musclées pour prendre appui. Des fourmillements troublent mes sens alors que je m'installe sur lui en me mordant le plus fort possible les joues. Un goût métallique froisse mes papilles.

Mon cƓur me dĂ©truit la poitrine et je prie pour qu'il n'entende pas ses battements paniquĂ©s qui ne se calment pas.

Mes jambes autour de sa taille, je ne bouge pas. J'ai besoin de m'habituer Ă  ce contact que je voulais fuir pour ne pas perdre mon sang froid et faire ce qu'il me demande.

J'espĂšre pour lui qu'il ne m'a pas menti.

Son visage n'affiche toujours pas la moindre émotion. Aucune trace de désir. Rien. Et ça me rassure. Je me dis qu'il ne profitera pas plus de la situation.

Comme il me l'a dit, il garde ses mains à plat sur le matelas et laisse seulement ses yeux me toucher. Il attend. Il attend que j'obéisse et semble à l'affût de mes réactions dans l'espoir de parvenir à capter mes micro-expressions mais je le défie sans un bruit.

Son corps est fort sous mes doigts. Il est chaud. Un peu trop. J'en ai presque les mains moites.

Allez, finis ça vite.

— Je vous prĂ©viens, si vous prenez du plaisir, je vous arrache la jugulaire, je siffle quand mĂȘme entre mes dents.

— J'aimerais bien te voir essayer, a rĂșn.

Je m'empĂȘche de grimacer face Ă  sa rĂ©partie intarissable.

Sans plus tarder, je pose mes mains sur son cou et l'incite Ă  pencher la tĂȘte sur le cĂŽtĂ©. Il se laisse faire, presque ennuyĂ© par la situation. Ça me va. Je m'avance et pose mes lĂšvres sur sa peau. Je ferme les yeux et fredonne dans ma tĂȘte la chanson qui me permet de prendre de la distance avec mes actions. Je me transforme en robot et suce sa peau qui rougit facilement sous les assauts de ma langue.

Et sans y réfléchir, je le mords.

Un peu trop fort.

Simple vengeance.

Je le sens se crisper sous mes doigts mais étonnement, il ne dit rien.

Enfin... presque.

— Mords-moi encore.

Je me redresse, surprise.

Est-ce qu'il plaisante ?

Ne me dßtes pas que je suis tombée sur quelqu'un qui... aime la douleur ?

Mais alors que je m'attends Ă  voir ses yeux briller d'excitation ou de dĂ©sir, son visage est d'une neutralitĂ© perturbante. Il n'affiche toujours rien. Ses prunelles ne me montrent qu'un vide abyssal qui me subjugue. Est-il possible d'ĂȘtre aussi insensible ?

— Excusez-moi ? je m'exclame.

— Mords-moi et griffe-moi, si tu en as envie. Tu es la premiĂšre personne que j'autorise Ă  me blesser. Alors profite. Punis-moi comme ceux que tu aimerais dĂ©truire.

Est-il cinglé ? Qu'est-ce qu'il raconte ?

Il me fixe et sans rien dire, il penche Ă  nouveau sa tĂȘte sur la droite, m'incitant Ă  planter mes dents dans son cou ou son Ă©paule.

Troublée, je regarde le suçon qui apparaßt prÚs de son tatouage qui m'intrigue plus que je ne veux l'admettre et tout en surveillant ses gestes, craignant que ce ne soit un piÚge, je réitÚre mes précédentes actions.

Il ne laisse rien transparaĂźtre quand je le mords.

En revanche, ses poings se serrent sur les draps et ses veines ressortent quand je plante mes ongles dans ses muscles qui roulent sous mes doigts. J'écarquille les yeux quand je sens son désir se réveiller sous moi.

Quelle enflure !

Répugnée, je me relÚve brutalement et m'essuie la bouche sous son impassibilité étrange. Je l'ai pourtant bel et bien senti sous moi, contre moi.

— VoilĂ . C'est fait. J'espĂšre au moins que vous ĂȘtes satisfait car je ne vous toucherai pas une autre fois.

Il se lĂšve et se dirige vers le miroir sans m'adresser la moindre attention. Il n'a pas l'air gĂȘnĂ© plus que ça par la rĂ©action de son corps contre le mien alors que j'ai du mal Ă  ne pas lui hurler le dĂ©goĂ»t et la haine qu'il m'inspire tout Ă  coup ; mes joues brĂ»lent de rage.

Je le maudis du plus profond de mon cƓur tandis que, lui, observe le rĂ©sultat de mon acharnement sur sa peau d'albĂątre.

— Ça fera parfaitement l'affaire. Tu peux te coucher. Le lit est Ă  toi. Je resterai sur le fauteuil, m'informe-t-il comme s'il ne s'Ă©tait rien passĂ©.

— Vous croyez vraiment que je vais rĂ©ussir Ă  dormir en votre prĂ©sence ?!

— Ce n'est pas mon problĂšme, dit-il, ennuyĂ© avant de disparaĂźtre dans la salle de bain.

Je le foudroie du regard. Enfin... je dirige toute mon indignation vers la porte derriĂšre laquelle il vient de disparaĂźtre.

Mes yeux Ă©tincellent d'une lueur intense que je tente de contrĂŽler en serrant mes poings, tels des Ă©taux et en enfonçant mes ongles dans mes paumes car je refuse d'ĂȘtre ainsi Ă©crasĂ©e par sa foutue prĂ©sence intimidante.

Mon souffle s'accélÚre lorsque je m'imagine faire résonner ma voix dans cette affreuse piÚce et lui exprimer ma frustration pour le remettre à sa place, lui, son arrogance et son apathie.

— Maldito bicho, crachĂ©-je en me laissant tomber sur le matelas. (Maudite bestiole)

Mes jambes flageolent, fĂ©briles tandis que mon cƓur s'Ă©vertue Ă  s'apaiser dans ma cage thoracique, au grĂ© des respirations lentes et profondes que je prends.

Une main posée sur ma poitrine, je bascule sur le dos et m'abandonne dans la contemplation du reflet que m'impose l'énorme miroir fixé au plafond.

Il y en a partout. Ça m'angoisse.

Je ferme les yeux pour ne pas m'infliger cette vue affolante de moi-mĂȘme, celle d'une femme en colĂšre qui met de cĂŽtĂ© ses sensations et ses Ă©motions pour survivre. Mais je jure qu'un jour, j'Ă©craserai cette bestiole aux airs suffisants. Si je le revois...

EspĂ©rons quand mĂȘme que ce ne soit jamais le cas.

J'aurais dĂ» le mordre et le griffer plus fort.












~ ☟☌☜ ~

Hello ! 🩋

Je vous souhaite avant tout une bonne annĂ©e ! J'espĂšre que 2025 sera meilleure que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes et je vous souhaite le meilleur ! ✹

Et oui, ce chapitre était long ! J'espÚre que vous l'avez savouré !

Qu'avez-vous pensĂ© de ce premier Ă©change entre mes deux bĂ©bĂ©s ? Un peu hot, non ? MĂȘme si Sol a plutĂŽt envie de tuer Kian pour le moment 😅

En tout cas, cette rencontre marque le dĂ©but des emmerdes pour nos deux cƓurs meurtris... Êtes-vous prĂȘts ?

AyĂ©lĂ© 🌾

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