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Aayele
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| 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓 |

‱ Dis-moi maman, la Lune veille-t-elle rĂ©ellement sur moi ? ‱

𝐒𝐎𝐋








▶ 𝐌𝐼𝐬𝐱đȘ𝐼𝐞 : Runaway - AURORA







Je me réveille en sursaut.

Je me redresse violemment, le coeur affolé et balaye la piÚce des yeux.

Tout est plongé dans le noir : les lumiÚres ont été éteintes. Seules quelques leds rouges colorent l'obscurité et m'aident à m'habituer à cette noirceur que je n'ai jamais appréciée.

Je n'ai pas besoin de beaucoup de temps pour me rendre compte que je suis seule dans la chambre.

Kian Kelman a quittĂ© la piĂšce. Et peut-ĂȘtre depuis un moment.

Tant mieux.

Puis je me souviens qu'il avait promis de me faire sortir du Bacchus.

Mais comment compte-t-il le faire s'il n'est mĂȘme pas lĂ  ? J'aurais dĂ» me mĂ©fier. Je suis certaine que je n'aurais jamais ma part du marchĂ© et que je vais devoir me dĂ©brouiller toute seule. J'Ă©tais sĂ»re que ses promesses n'Ă©taient que des paroles en l'air.

Je ne sais mĂȘme pas quelle heure il est. Je ne sais mĂȘme pas si je vais pouvoir sortir de l'hĂŽtel sans que personne ne me voie.

Je quitte le lit et me jette sur mes escarpins pour les enfiler à nouveau, déterminée à quitter enfin cet endroit.

Je me dirige vers la porte et ouvre trĂšs doucement le battant pour vĂ©rifier si la voie est libre mais au moment oĂč je l'entrebĂąille, je fais face Ă  un homme, adossĂ© au mur d'en face, en train de fredonner, la tĂȘte tournĂ©e vers la droite.

Je referme aussi vite la porte, les yeux écarquillés.

Por el amor de dios, pourquoi ai-je si peu de chance ?

Je soupire en me passant une main exaspérée sur le front.

Qu'est-ce que je fais maintenant ? Je ne peux décemment pas sortir par ici sachant qu'un homme, sans doute un subalterne de cet homme terrifiant aux cheveux blancs, se trouve devant la porte.

Je suis certaine qu'il est là pour me faire payer le comportement que j'ai eu hier. On ne peut pas faire confiance aux hommes qui fréquentent le Bacchus.

Il me faut quelques minutes pour comprendre que la porte est la seule issue possible. Nous sommes en sous-sol, aucune des chambres n'a de fenĂȘtre. Pourquoi ? Pour Ă©viter que les filles du Bacchus n'aient la fabuleuse idĂ©e de s'enfuir ou de se jeter du haut d'un Ă©tage pour mettre fin Ă  leur cauchemar.

Les Byrne sont prévoyants.

Je soupire et me laisse choir le long du battant clos. Je n'ai vraiment pas de chance. Peut-ĂȘtre que si j'attends un peu, il partira, qui sait ? Je prends mon visage entre mes mains et soupire de frustration. J'ai l'impression que je ne sortirai jamais du Bacchus.

Nous sommes sans doute le matin d'une nouvelle journée et pourtant, ma soirée ne s'est pas encore terminée.

Tout Ă  coup, un bruit retentit dans le silence de la piĂšce. Je le reconnais aussitĂŽt si bien que mon cƓur fait une embardĂ©e. J'ai Ă  peine le temps de me retourner que la porte s'ouvre aprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©verrouillĂ©e.

Dans un Ă©lan de dĂ©sespoir, je plaque mon dos contre le battant et y mets toute ma force pour l'empĂȘcher de s'ouvrir plus, mes paumes enfoncĂ©es dans la moquette.

Non, tu ne rentreras pas !

Les muscles de mes jambes sont si contractĂ©s que j'ai peur d'avoir une crampe. De l'autre cĂŽtĂ©, l'homme s'efforce de contrer mes efforts pour lui empĂȘcher l'accĂšs Ă  la chambre.

Je serre les dents et sens mon corps céder sous la volonté de l'inconnu.

D'un seul coup, je capitule et me projette loin de la porte qui s'ouvre violemment avant de claquer tout aussi vite, l'inconnu debout devant moi. Je rampe sur le sol pour m'éloigner de lui et dans un geste idiot, je retire l'un de mes escarpins pour le brandir devant moi.

C'est la seule chose que je peux potentiellement utiliser comme arme pour me défendre.

Essoufflée, je maudis l'homme qui grimace, surpris par l'effort qu'il a dû faire pour rentrer puis il me considÚre avec un air étrangement désolé qui me rend encore plus méfiante.

Ne puis-je pas avoir un seul moment de répit ?!

— Je vous prĂ©viens, je suis prĂȘte Ă  vous crever les yeux Ă  coups de talons, je grogne dans une tentative vaine de dissuasion.

Il me dévisage un moment avant d'éclater de rire.

Qu'est-ce que... pendant qu'il se moque de ma menace, je le détaille.

Il n'a rien à voir avec Bichito : de un, parce qu'il se laisse complÚtement submerger par l'hilarité et de deux parce qu'il n'a pas l'air si menaçant que ça, si on oublie la présence de cet énorme serpent qui lui mange le visage.

Je considÚre ce reptile avec méfiance : le choix de sa posture est assez étrange. Son corps plein d'écailles s'enroule tellement autour du cou de l'homme qu'il est difficile de discerner un bout de peau épargnée par l'encre.

En ce qui concerne la tĂȘte du serpent, elle remonte sur une joue hĂąlĂ©e pour venir lĂ©cher le coin d'un Ɠil d'un noir profond. Ce dessin imposant attire l'attention et occulte presque le sourire amusĂ© de l'inconnu qui se paye encore ma tĂȘte.

— Bon sang, il m'avait prĂ©venu mais tu es hilarante, gongjunim !

— Que... mais qui ĂȘtes-vous ?

— Eh ! Me vouvoie pas, chĂ©rie ou j'aurai l'impression d'avoir dĂ©jĂ  un pied dans la tombe !

Ses dents blanches me font plisser les yeux. Son sourire est aussi éblouissant que le mien quand je m'évertue à dissiper la colÚre de ceux qui me regardent avec mes rictus. Ses cheveux corbeau encadrent le haut de son visage et retombent sur ses pommettes saillantes.

Avec son regard sombre, son nez droit, sa bouche pulpeuse et sa mùchoire carrée, il ressemble à un mannequin.

Je me fais la réflexion qu'il est le parfait opposé de Kian Kelman.

Sous mon air suspicieux, il ajuste son perfecto noir et plonge ses mains dans les poches de son jean troué pour s'incliner vers moi, tout sourire.

— Fais pas cette tĂȘte, je ne suis pas lĂ  pour te buter !

J'en doute...

Pour cette raison, je ne baisse pas mon arme de fortune et ne détends pas les traits de mon visage.

Mes craintes semblent l'amuser car son expression se fait un peu plus moqueuse et les lumiÚres rouges de la chambre n'arrangent rien à cette aura inquiétante qui l'enveloppe. Il s'avance et me tend sa main avec un air moqueur.

— C'est l'abominable homme des glaces qui m'envoie, m'informe-t-il en me faisant un clin d'oeil.

L'abominable homme des... oh ! Étrange surnom.

Alors il a tenu sa promesse ? Vraiment ? J'y crois à peine et ça se ressent dans ma maniÚre de considérer la main tendue de l'inconnu qui continue de s'amuser de mon attitude. Je finis par accepter cette aide pour me relever.

Je suis surprise par la force de sa poigne et frissonne en l'imaginant aisément tuer quelqu'un par cette robustesse. Il pourrait me briser les doigts.

Une fois debout face Ă  lui, il m'observe un moment comme s'il cherchait quelque chose puis il me lĂąche :

— Je m'appelle Jae ! Ravie de pouvoir t'aider, gongjunim. J'adore sauver des demoiselles en dĂ©tresse !

— Je ne suis pas une demoiselle en dĂ©tresse, je rĂ©torque. Les princesses ne passent pas de marchĂ© avec les monstres.

— T'as raison, rit-il. J'ai toujours prĂ©fĂ©rĂ© les mĂ©chantes, ce sont des personnages carrĂ©ment plus intĂ©ressants ! Allez, viens, on doit se casser d'ici.

Je suis bien d'accord avec cette idée et bien que je reste un petit peu méfiante vis-à-vis de cet homme surprenant, je le suis, la main coincée dans sa poigne de titan et nous sortons de la chambre.

Nous regagnons le couloir qui est étrangement silencieux. Habituellement, on peut toujours percevoir la rumeur de quelques conversations ou les murmures glaçants des clients mais aujourd'hui, rien.

— Quelle heure est-il ?

— Six heures, m'informe Jae. L'heure à laquelle les bites ramollissent visiblement.

Il ricane, fier de sa blague. Il n'a pas tort car à cette heure-là, les derniers clients sont partis. Le bar va fermer pour quelques heures afin de permettre aux employées de nettoyer les chambres avant qu'il ne réouvre et que les horreurs recommencent.

Le Bacchus est presque ouvert 24h/24h, 7j/7j, ce qui entraßne l'invention de slogans tous plus épouvantables les uns que les autres.

Pour nous, les hommes, le plaisir n'attend pas.

Tant que les femmes sont vivantes, il n'y a pas de raisons pour que le palais du plaisir ferme.

Je grimace et accélÚre le pas, pressée de sortir de cet endroit avant qu'on ne remarque mon absence et surtout qu'on me punisse pour ce que j'ai infligé à Sullivan. Je suis encore véritablement étonnée que Kian Kelman ait tenu sa promesse. J'ai été mauvaise langue.

Mais je reste sur mes gardes car, aprĂšs tout, une fois Ă  l'extĂ©rieur du Bacchus, je ne suis pas sĂ»re de retrouver la libertĂ© qu'il m'a promise mĂȘme si ce Jae semble dĂ©terminĂ© Ă  mener Ă  bien sa mission.

Nous nous retrouvons trÚs vite dans la rue. Il fait nuit et bien trop froid. Ma tenue légÚre ne m'aide pas à me réchauffer. La ville des péchés commencent à se réveiller, en plein décalage avec la vie qui vient de s'éteindre au sein du Bacchus. Jae m'entraßne vers une vieille bécane qui ne m'inspire pas du tout confiance.

Alors qu'il ouvre le top case de sa moto, je contemple l'éveil du cÎté plus ou moins pur de Santa Faclino. Les volets s'ouvrent, les lumiÚres s'allument derriÚre les rideaux, les chiens sortent avec leur maßtre, les petits commerces du centre-ville s'animent déjà...

Tout se fait en douceur alors que mon coeur s'excite dans ma poitrine car bientÎt, je me plongerai à nouveau dans cette existence sans aléas macabres et cruels.

J'y crois.

Et ma soeur sera avec moi.

— Tiens, me dit Jae en me tendant un casque.

Malgré les frissons qui me secouent à cause du froid, je cesse de me frictionner les bras pour m'emparer du casque et l'enfiler. Le moteur de la moto se met à gronder et attire les regards qui n'étaient pas déjà posés sur moi.

Ma tenue osée semble importuner certaines femmes et troubler les esprits masculins mais j'ignore leurs pensées bruyantes pour monter derriÚre Jae, priant pour que cette évasion ne soit pas qu'une vaste plaisanterie visant à briser mes espoirs une fois de plus. Jae démarre sans plus tarder et m'incite à le serrer plus fort pour ne pas tomber.

Je suis surprise par la vitesse que nous prenons et surtout par toutes les rĂšglementations que mon conducteur ne suit pas. Il a l'air de se foutre complĂštement des voitures qui le klaxonnent quand il dĂ©boule entre les voies Ă  toute allure ou des feux rouges qui Ă©clairent la route quand il les grille sans mĂȘme se soucier du danger qu'il nous fait encourir.

Je me plaque contre son dos, grisée par ce sentiment de liberté périlleuse à laquelle il me fait goûter.

Et je ne rĂȘve que d'une chose : rĂ©cupĂ©rer mes affaires et fuir cette ville qui a pris l'apparence d'une immense et infinie prison.










— Eh bien, ça paye pas beaucoup directeur d'un bordel ou quoi ?

Cette réflexion de Jae me stoppe dans ma hùte. Je cesse d'enfoncer mes affaires dans un vieux sac à dos multicolore pour regarder autour de moi.

C'est bizarre de voir à quel point je n'avais jamais remarqué l'absurdité de l'existence de Sullivan.

Il devait certainement gagner pas mal d'argent en travaillant pour les Byrne et pourtant, son appartement est étroit, perdu dans l'un des secteurs les plus défavorisés au nord de Santa Faclino.

Pourquoi vivait-il lĂ  s'il avait les moyens de s'acheter un meilleur lieu de vie ?

Puis je me souviens qu'il avait la mauvaise manie de perdre son temps dans un autre lieu de perversion qui fait de la concurrence au Bacchus pour une toute autre raison.

Le casino de Natale Mancuso.

Je n'y ai jamais mis les pieds mais je sais que vous ressortez rarement millionaire de ce genre d'endroits. Je crois mĂȘme que Sullivan en sortait pauvre...

Je cesse d'observer ce piteux logement qui m'a accueillie pendant une semaine et remplis mon sac.

Tous mes plus précieux souvenirs disparaissent derriÚre la toile colorée de mon Eastpack : ma vieille salopette porte-bonheur, mes cadres photos, un vieux CD ayant appartenu à ma mÚre et la boßte de macarons.

Impossible de les gùcher. Je les mangerai sur le chemin de ma liberté.

Alors que je tire sur le curseur de la fermeture éclaire, quelqu'un se met à toquer à la porte comme un forcené.

Je me redresse d'un coup tandis que Jae se tourne avec un calme qui a tendance à me perturber vu la situation. Il observe la porte fermée avec un air détaché puis voyant que je ne bouge pas, il ricane et se dirige vers le battant pour regarder par le judas.

Mon coeur s'accorde aux coups portĂ©s Ă  la porte. Mes battements sont assourdissants et respirer devient difficile. Je vois dĂ©jĂ  les hommes des Byrne dans la cage d'escaliers, prĂȘts Ă  me sauter dessus pour me remettre les chaines que Sullivan a emportĂ©es avec lui en mourant.

Mais quand Jae ouvre la porte, je comprends qu'il n'y a aucun danger.

Sauf si une voisine plus que soucieuse peut en ĂȘtre un.

Dolores entre comme une tornade et se jette sur moi, attrapant mes épaules de ses mains dodues.

— Mon dieu, cariño ! Je me suis inquiĂ©tĂ©e ! Tu n'es pas revenue cette nuit !

Elle me serre d'un coup dans ses bras, si fort que je peux presque sentir mes os s'entrechoquer les uns contre les autres. Pourtant, je ne dis rien. Je ne dis rien parce que l'étreinte de Dolores est réconfortante.

Mes angoisses s'amenuisent et je laisse échapper un soupir amusé face à l'inquiétude de Dolores.

Depuis une semaine, elle a pris l'habitude d'attendre que je rentre pour aller se coucher. Elle a pourtant l'habitude de se coucher tÎt mais à cause de l'affection qu'elle me porte, elle écoute avec attention les voix qui résonnent dans l'escalier et reconnais toujours la mienne avec facilité.

Une fois qu'elle est sûre que je suis bien là, en vie, elle peut enfin rejoindre son lit.

Comment je le sais ? C'est elle qui m'a dit sur le ton de la plaisanterie que j'étais la cause de ses insomnies.

Et vu les cernes qui ternissent son visage, je crois qu'elle n'a pas pu dormir de toute la nuit.

— Je suis dĂ©solĂ©e, Dolores ! Je vais t'expliquer trĂšs vite ce qu'il s'est passĂ© parce que je ne peux pas rester ici plus longtemps.

Ses sourcils fournis se froncent face à mon annonce. Elle me fait signe de commencer mes explications, ses mains toujours fermement accrochées à mes épaules.

Pendant que je lui fais un rapide résumé des évÚnements de la veille, Jae se déplace dans les 30m2 et touche à tout ce qui passe dans son champ de vision.

Je le vois observer avec dĂ©goĂ»t les vĂȘtements sales de Sullivan que j'Ă©tais la seule Ă  laver, je le vois tester le confort du matelas puis marmonner une note, je le vois ouvrir la fenĂȘtre et se pencher un peu trop de sorte que pendant quelques secondes, je crois qu'il va passer par-dessus et tomber dans le vide...

Tout expliquer à Dolores et surveiller cet homme que je viens juste de rencontrer me volent toute l'énergie qu'il me restait.

— Si je pouvais, je leur couperais Ă  tous les cojones ! s'exclame Dolores Ă  la fin de mon rĂ©cit.

Je laisse échapper un petit rire face à la vulgarité de Dolores qui me serre à nouveau dans ses bras.

Elle me rassure et sa douceur contraste Ă©normĂ©ment avec tous les autres contacts physiques que j'ai subis pendant les derniĂšres vingt-quatre heures... ou peut-ĂȘtre devrais-je mĂȘme dire pendant les quatre derniers mois.

Je pose mon front contre son épaule et me contente de garder les bras le long de mon corps car il m'est impossible de bouger ; Dolores me serre bien trop fort.

Mais j'aimerais rester ainsi pour l'éternité.

Dans les bras d'une femme qui me rappelle ma mÚre à cause de son odeur de lavande mélangée à celles des épices, à cause de son corps bien en chair qui me tient chaud, à cause de ses mots rassurants qu'elle déblatÚre et qui me font sourire.

— Tu es chanceuse, intervient tout Ă  coup Jae qui ne sait pas tenir en place. T'as dĂ» vachement intriguer mon boss pour qu'il accepte de t'aider.

Dolores et moi le regardons avec circonspection.

Quel genre de personne est Jae, au juste ?

L'ami de Kian Kelman ?

Un subalterne qui obéit aveuglément aux ordres de son supérieur ?

Mais j'ignorais que cet homme avait des gens Ă  sa disposition car selon les rumeurs, ce n'est que le sicaire solitaire de la mafia irlandaise.

Dolores, quant Ă  elle, ne fait pas confiance Ă  l'homme-serpent qui lui sourit avec mesquinerie, assis sur le rebord de la fenĂȘtre.

— Chanceuse ? De quel genre de chance il s'agit, marmonne-t-elle, agacĂ©e.

— J'aurai prĂ©fĂ©rĂ© son ignorance, je dĂ©clare, ce qui le fait rire une fois de plus.

MĂȘme si je dois avouer que son aide m'est prĂ©cieuse pour quitter Santa Faclino.

— Tout le monde prĂ©fĂšre son ignorance. Il fait peur avec sa tĂȘte de dĂ©terrĂ©, hein ? ricane Jae.

— No me cae bien ese chico, me murmure Dolores. Âż EstĂĄs segura de que te ayudarĂĄ ? (Je n'aime  pas ce garçon. Es-tu sĂ»re qu'il t'aidera?)

— Espero, je lui rĂ©ponds. (J'espĂšre.)

Parce que j'ai un mauvais pressentiment.

Sortir du Bacchus Ă©tait trop facile... J'ai toujours dĂ» affronter les pires obstacles jusque lĂ  et je sens que me dĂ©faire complĂštement de l'influence des Byrne va ĂȘtre compliquĂ©. Mon regard tombe d'ailleurs sur la marque qui encre mon poignet.

Cette marque indĂ©lĂ©bile qui crie au monde que je ne suis pas libre, qui se moque de moi et m'empĂȘche d'oublier que je ne suis qu'un objet.

Un code barre.

C'est simple mais parfaitement déshumanisant.

Comme un jouet, j'ai un code barre sur mon corps.

Comme une poupĂ©e, on peut m'acheter, me vendre, me prĂȘter, me jeter, me... dĂ©truire.

Je grimace et tire sur le pull en laine jaune que j'ai enfilĂ© aprĂšs m'ĂȘtre dĂ©barrassĂ© du cadeau abĂźmĂ© de Dolores.

— No te ha hecho daño, verdad ? s'enquiert Dolores, soupçonneuse. (Il ne t'a pas fait de mal, n'est-ce pas?)

— QuiĂ©n ? (Qui?)

— El tipo este con el pelo de nieve... (Le gars avec les cheveux de neige...)

Je secoue la tĂȘte.

— Non, ese bicho ne m'a Ă©tonnement pas fait de mal, je dĂ©clare, toujours perplexe quant Ă  l'attitude de cet homme.

— J'espĂšre que vous avez dit que je suis un beau gosse sĂ©duisant dans votre langue, lĂ , sinon je risque d'ĂȘtre blessĂ©, se plaint Jae.

Il n'a pas l'air du tout vexé.

Son air mutin dit presque le contraire. La situation l'amuse plus qu'elle ne l'angoisse depuis le dĂ©but et il donne l'impression d'ĂȘtre le genre de personne qui se fiche Ă©perdument de ce que pensent les autres de son attitude.

Dolores se détourne de lui, les sourcils toujours froncés pour me demander :

— OĂč est-ce que tu vas aller, ma belle ?

Je grimace.

Ça, c'est la question que je me pose depuis nous sommes arrivĂ©s dans notre quartier. Je me tourne vers Jae.

— OĂč est-ce que tu peux m'emmener ?

— OĂč tu veux, gongjunim. Tu es ma mission du moment, s'exclame-t-il, rĂ©joui.

— Le plus loin possible, alors.

— Parfait ! Bon, t'as fini ?

— Bientît.

— Mmm, fait-il en regardant la rue, les bras croisĂ©s sur son torse. Il faudrait que ce soit maintenant.

Je me fige, alerte et l'interroge du regard. Son rictus narquois ne me dit rien qui vaille alors qu'il suit quelque chose des yeux, une fesse toujours posĂ©e sur le rebord de la fenĂȘtre. Mon sac Ă  la main, j'attends qu'il m'explique la situation, ce qu'il fait de la pire des maniĂšres.

Avec flegme, il passe sa main dans son dos et sort un flingue et un masque de sa poche qu'il enfile pour cacher son visage. Dolores se tend à cÎté de moi et nous nous échangeons un regard alarmé.

— Mon divertissement prĂ©fĂ©rĂ© vient d'arriver.

Il saute du rebord et se dirige vers la porte d'entrĂ©e pour surveiller le pallier Ă  travers le judas. De son index, il m'indique ensuite la fenĂȘtre qu'il a quittĂ©e.

— Je crois que tu vas devoir prendre les escaliers de secours, gongjunim.

Mes mains tremblent. Mon coeur cesse de battre. Ma respiration se coupe.

Je ne rĂ©flĂ©chis pas et incite Dolores Ă  retourner chez elle en lui assurant que tout ira bien. Avant que les hommes que je suppose ĂȘtre ceux des Byrne n'arrivent, Dolores dĂ©pose un baiser sur mon front puis se dĂ©pĂȘche de quitter l'appartement. Jae referme la porte derriĂšre elle en me pressant pour que je m'enfuis le plus vite possible par la fenĂȘtre.

— Et qu'est-ce que je fais une fois en bas ?!

— Je te rejoindrai.

Je ne vois pas comment il va me retrouver si je m'éloigne de l'immeuble mais je ne lui pose pas plus de questions car j'entends déjà du bruit derriÚre la porte. Ce que j'entends ensuite me glace le sang.

Ils sont beaucoup. Leurs voix graves s'élÚvent comme des grognements de prédateurs.

Puis ils tambourinent contre une porte.

Ma porte.

MĂȘme s'ils savent trĂšs bien que personne ne leur ouvrira, ils font semblant de faire preuve de politesse alors qu'ils ont dĂ©jĂ  en tĂȘte de dĂ©foncer le battant.

Jae me fait signe encore une fois de dĂ©guerpir, ce que je m'empresse de faire, sac Ă  dos au bras quand je le vois poser sa main sur la poignĂ©e. Il ne va quand mĂȘme pas ouvrir, si ?!

Sans plus tarder, j'enjambe la fenĂȘtre et sors dans l'air glacial de dĂ©cembre qui me cingle le visage. La pluie tombe en de fines gouttes glacĂ©es et dĂ©sagrĂ©ables qui se dĂ©posent sur mes bras nus.

Je dĂ©vale les escaliers, l'estomac retournĂ©. Mes pieds font grincer le vieux mĂ©tal rouillĂ© alors que je perds ma respiration et vois dĂ©jĂ  ma vie s'arrĂȘter Ă  nouveau si je tombe sur l'un des hommes des Byrne. Le bruit de l'acier malmenĂ© rĂ©sonne dans le tumulte du quartier.

Je glisse plusieurs fois. Je me rattrape à la main courante en fer. Mais en aucun cas je ne ralentis. J'évite les pots de fleurs, les chaises pliables, les barbecues et toutes ces choses qui décorent ces issues de secours.

Ralentir est dangereux.

M'arrĂȘter est suicidaire.

Il faut que je trouve une cachette.

C'est le seul moyen pour moi d'éviter ce que les Byrne me réservent s'ils me tombent dessus.

Arrivée à la derniÚre plateforme, je débloque l'échelle escamotable qui fait un bruit inquiétant. Elle n'a sûrement pas été utilisée depuis longtemps. Je pousse de toutes mes forces puis pieds nus, je descends le long des marches qui gémissent sous mon poids. L'acier martyrise ma voûte plantaire mais je m'en fous.

Pas le temps de jouer aux princesses.

Plus maintenant, les Disney sont loin derriĂšre moi...

Je finis par sauter et atterrir sur le trottoir mouillé. Je balaye la rue des yeux pour vérifier qu'aucun Irlandais ne se trouve dans les parages.

Je me mets à marcher, accélérant le pas pour contourner le bùtiment et trouver un endroit sur l'avenue principale pour me cacher ; un commerce, une laverie, un bar, n'importe quoi pour attendre que Jae revienne me chercher.

Je peux le faire.

Je me contrains de garder une allure respectable pour ne pas attirer l'attention mĂȘme si je suis pieds nus sous la pluie. J'ai si froid mais l'adrĂ©naline me servirait presque de chauffage interne. Mes tresses dĂ©tachĂ©es fouettent mon dos et mes bras Ă  chacun de mes pas.

Quand j'aperçois le Wallmart, je me dis que c'est la meilleure cachette que j'aurai pu trouver car je vais pouvoir m'enfoncer dans les rayons, loin des vitres qui donnent une bonne vue sur l'entrée du supermarché.

Le soulagement m'envahit. Je n'aurai plus qu'Ă  attendre Jae.

Je vais réussir à fuir les Byrne.

Mais mon euphorie est de trÚs courte durée.

Mes pieds butent contre l'asphalte trempée quand un homme au corps large et puissant surgit au tournant. Je bloque ma respiration et serre les poings.

Dagda Byrne se tient devant moi.

Pourtant le Wallmart était si proche.

Pourtant ma liberté était à portée de main.

Mon espoir s'envole comme un oiseau effrayĂ©. L'eau me dĂ©gouline sur le visage et quelques gouttes restent accrochĂ©es Ă  mes cils. Mes vĂȘtements me collent Ă  la peau.

Je hais l'hiver.

Et je hais cette pluie qui montre au monde les sanglots de désespoir qui me nouent tout à coup la gorge.

Le vent se fait plus fort. Il me siffle dans les oreilles et me rend partiellement sourde. Au loin, des pneus crissent sur le béton détrempé et des klaxons s'agacent. Le ciel s'est bien assombri en quelques minutes et me donne l'impression de pouvoir s'effondrer sur le monde.

Je pivote sur moi-mĂȘme pour prendre le chemin inverse mais sa voix caverneuse se mĂȘle au chant de l'averse.

— Pas bouger.

Je m'immobilise.

Pour qui il me prend ? Un chien ?

Mes ongles se plantent dans mes paumes, si fort que je pourrais presque sentir du sang glisser dans les lignes de mes mains. Comme un vilain présage.

— Retourne-toi.

Que des ordres.

Toujours des ordres.

Lentement, alors que le vent fait virevolter mes tresses, j'obéis et darde un regard mauvais en sa direction.

— PlutĂŽt crever ! je lance avant de faire demi-tour et de m'Ă©lancer dans le jour noir.

Je ne peux pas abandonner.

Je cours à m'en brûler les poumons. Et je sais qu'on me suit. Que plusieurs hommes sont à ma poursuite.

OĂč est Jae, bordel ?! A-t-il Ă©tĂ© tuĂ© ?!

Encore des promesses en l'air.

Note Ă  moi-mĂȘme : ne jamais croire les paroles d'un homme tatouĂ© d'une bestiole.

Tout Ă  coup, des pneus crissent, plus fort, plus proche.

Sans crier gare, une voiture vire Ă  gauche et monte sur le trottoir sur lequel je courrais. Je m'arrĂȘte Ă  temps, les yeux Ă©carquillĂ©s et me rattrape sur le capot. Mon sac glisse de mon Ă©paule et tombe dans une flaque d'eau.

DerriÚre le pare-brise, des regards hostiles et vicieux se cramponnent à mon ùme et me promettent déjà des horreurs.

Je me retourne pour la contourner mais deux mains énormes m'attrapent par les épaules, s'enfoncent dans ma chair et m'obligent à m'incliner contre le capot de la voiture. Ma poitrine percute la tÎle métallique et ma joue la suit, écrasée par le poids de la paume du mafieux.

Dans cette position, j'ai l'impression qu'on m'arrĂȘte pour le seul crime de vouloir vivre.

— Laissez-moi ! Au secours ! Laissez-moi, cabrones ! À l'aide!

Je hurle. Encore et encore, comme à chaque fois. Mais je cesse d'épuiser ma voix quand celle de Dagda Byrne m'irrite les tympans.

— Je buterai le premier qui jouera les super-hĂ©ros. Alors continue de crier si tu veux avoir le sang d'un innocent sur tes mains.

Je ferme les yeux et serre les dents, submergĂ©e par une haine qui enflamme mon regard sous la pluie battante. Je les hais, ces hommes qui utilisent votre morale, vos principes, votre statut de citoyenne responsable contre vous pour vous empĂȘcher de vous rebeller.

J'aimerais faire preuve d'égoïsme et ne pas me soucier de la sécurité des autres alors que ma vie est en péril.

Mais c'est impossible.

Je ne pourrais pas vivre avec une erreur de plus dans mon palmarĂšs.

Tandis qu'eux se fichent Ă©perdument de tuer un ou deux ou mĂȘme une dizaine d'inconnus dans leur vie... Ça leur est Ă©gal.

Ils considÚrent sans doute ces morts comme des dommages collatéraux qui n'auront aucun impact sur leur conscience, leur existence. Ils ont déjà du sang sur les mains... le sang de centaine de personnes, coupables ou non à cause de leur soif de pouvoir insatiable.

Alors que nous, petits ĂȘtres insignifiants, nous ne voulons que vivre une vie sans accroc. Sans... trop de malheurs.

Enfin, c'est ce que je voudrais.

J'ai déjà tellement perdu.

Je grimace et ne peux retenir les larmes de rage qui dévalent mes joues les unes aprÚs les autres sous la pluie qui se fait de plus en plus battante, illustrant la colÚre impuissante qui gronde au fond de moi.

Mes dents grincent entre elles quand je sens quelque chose s'enfoncer dans ma nuque, certainement de quoi me droguer et me maintenir tranquille, comme on le ferait pour un animal sauvage que l'on aimerait mettre en cage et une nausée soulÚve mon estomac lorsque Dagda me murmure :

— Bonne fille.

Et avant que l'obscurité ne m'engloutisse, je crache en anglais :

— Sale enfoirĂ©.













~ ☟☌☜ ~

Hello ! Comment allez-vous ? đŸ«¶đŸœ

J'espĂšre que ce chapitre vous a plu !

Eh non... Sol n'allait pas pouvoir s'enfuir aussi facilement. Les problĂšmes commencent et Sol n'est pas au bout de ses peines, la pauvre ! Mais ce personnage est dĂ©terminĂ© et ce n'est pas ça qui va la dĂ©courager ! đŸ’ȘđŸŒ

Nouveau personnage introduit d'ailleurs !

Qu'est-ce que vous pensez de notre playboy Jaejoong ? 😏 DĂ©jĂ  in love ou pas ? (MĂȘme s'il a pas trop assurĂ©, lĂ ...)

ÂĄ AdiĂłs !

AyĂ©lĂ© 🌾

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