Les rayons du soleil filtraient doucement à travers l’entrée de la grotte, tirant lentement Kaylee de son sommeil. Elle ouvrit les yeux, encore engourdie, et laissa échapper un bâillement. Ses prières n’avaient pas été exaucées. Elle était toujours là, dans cette grotte.

Elle se redressa péniblement et constata que Hayden n’était plus à ses côtés. Une vague de panique l’envahit. Elle bondit sur ses pieds et se précipita à l’extérieur, le cœur battant à tout rompre. Et si l’un de ces monstres les avait trouvés ? Et s’il s’en était pris à Hayden ?

— Ah, tu es réveillée ? demanda une voix masculine derrière elle.

Elle fit volte-face, sursautant légèrement.

— Tu n’étais plus dans la grotte… J’ai paniqué, avoua-t-elle en détournant les yeux, encore sous le coup de l’émotion.

Hayden était simplement parti chercher de quoi manger. Elle s’était affolée pour rien. Il ralluma le feu et s’approcha d’elle, sortant plusieurs produits qu’elle ne connaissait pas. Il lui tendit quelque chose. La voyant hésiter, il expliqua :

— C’est du krajou. C’est une plante qui, une fois bien mûrie, produit de petits fruits à l’intérieur.

Il accompagna ses paroles de gestes, montrant des petites boules orange. Le jus de ces fruits était apparemment délicieux et rempli de vitamines. Il lui indiqua la meilleure façon de le manger. Kaylee observa attentivement ses gestes et les reproduisit. Il prit les grandes feuilles qui s’étaient ouvertes et les referma autour du fruit, avant de croquer dedans. C’était aussi simple que cela.

— Les feuilles se mangent aussi. Elles sont très nutritives et remplissent bien l’estomac.

Kaylee croqua à son tour, étonnée par le goût sucré et frais du fruit. C’était délicieux. Bien que difficile à comparer à quelque chose qu’elle connaissait chez elle, elle dut bien admettre que c’était agréable. Elle en mangea un autre.

Quelques minutes plus tard, une fois qu’ils eurent terminé, Hayden éteignit le feu.

— Bon, ne traînons pas.

— Quand comptes-tu me ramener chez moi ? demanda Kaylee, ne dissimulant pas son impatience.

Elle avait bien compris que ce n’était pas un rêve. Ce ne pouvait pas durer aussi longtemps. Peu à peu, les souvenirs refirent surface. Elle se rappela la scène où il était apparu. Elle était dehors, à prendre l’air, fêtant son anniversaire. Elle se souvenait avoir parlé à sa meilleure amie, puis s’être réveillée dans cette grotte, en sa compagnie.

Elle n’avait pas eu le temps de réfléchir avant d’être emportée. Tout le monde devait être en train de se poser des questions maintenant. Elle devait rentrer. Mais Hayden ne répondit pas à sa question.

— Tu m’écoutes quand je parle ? s’énerva-t-elle. Il faut que je rentre chez moi !

— Je regrette, mais c’est impossible.

Il se moquait d’elle, elle ne voyait pas d’autre explication.

— Ça a assez duré. D’accord, c’est joli ici, j’ai bien profité de toutes ces nouvelles choses, toutes plus étranges les unes que les autres, mais j’aimerais retourner auprès de ma famille !

Hayden s’approcha d’elle et se planta en face d’elle. Elle recula d’un pas, troublée.

— Je répète, c’est impossible.

— Pourquoi ? répondit-elle, les yeux écarquillés.

Pas de réponse. Il poursuivit sa marche. Kaylee commença à perdre patience. Elle s’apprêtait à répliquer lorsqu’il la coupa immédiatement.

— Pour le moment, avance. Tu auras toutes les réponses une fois que nous serons arrivés à destination.

Avance. Il n’avait que ce mot à la bouche, cela agaçait profondément Kaylee. Elle lui demanda si, après cela, il la ramènerait chez elle, mais encore une fois, il ne répondit pas. Kaylee décida de ne pas insister et le suivit en silence.

Ils marchèrent à travers la forêt, où la chaleur aurait presque été étouffante si les arbres géants ne leur offraient pas une protection bienveillante. La forêt était calme. Parfois, Kaylee apercevait des animaux traversant leur chemin, mais ils ne semblaient pas les remarquer. Ils ne les craignaient pas.

Elle n’avait encore rien croisé qui ressemblait à ce qu’elle connaissait. Dès qu’elle croyait apercevoir un oiseau ou un écureuil « normal », elle se rendait rapidement compte qu’il y avait quelque chose de différent chez eux. 

Les écureuils, par exemple, avaient des oreilles démesurément longues, comme si elles avaient été croisées avec celles d’un lapin. Elles leur servaient de parachute pour descendre plus rapidement des arbres. 

C’était à la fois surprenant et amusant. Ils bondissaient de branche en branche, leurs queues touffues laissant derrière elles une traînée de poussière. Quant aux oiseaux, ils émettaient des sons étranges, certains chantaient même.

Cette découverte de nouveaux horizons rendait la marche un peu plus agréable. De temps en temps, Hayden lui ordonnait de marcher plus vite, ce à quoi Kaylee répondait par un soupir. Il ne comprenait pas que tout cela fût nouveau pour elle.

— Et donc, commença-t-elle, le silence devenant insupportable, où allons-nous exactement ? Tu pourrais au moins me le dire. Et pas de « tu le sauras bien assez tôt, maintenant avance », termina-t-elle en imitant le ton habituel de Hayden.

— C’était pour te moquer de moi, ça ? demanda-t-il.

— Mh… Oui ? répondit-elle en souriant.

Finalement, Hayden répondit à sa question. Ils se rendaient dans la caverne d’Astrite. Bien que cela ne lui apportait pas plus de précisions, Kaylee commença à se faire une idée de l’endroit où ils allaient.

***

En réalité, elle n’avait aucune idée de ce qui l’attendait. Ils s’arrêtèrent devant une grande étendue d’eau.

— Combien de temps peux-tu tenir sous l’eau ? demanda Hayden.

— Je te demande pardon ? répondit-elle, incrédule.

Elle le regarda, puis jeta un coup d’œil au lac. Non, il n'allait tout de même pas lui demander de plonger ! Soudain, elle entendit son rire.

— Détends-toi, ce n’était pas du tout pour plonger là-dedans. L’entrée est par ici, suis-moi.

Ils se dirigèrent alors vers un vieux puits un peu plus loin. Kaylee haussait un sourcil, perplexe.

— Ne pense à rien et saute.

— Tu plaisantes ?! s’exclama-t-elle, choquée.

Il secoua la tête. Hayden semblait plus que sérieux. Pour lui prouver qu’il ne rigolait pas, il prit une grande inspiration et, sans hésiter, plongea la tête la première dans le puits. Kaylee s’empressa de se pencher et entendit un « plouf » lointain quelques secondes plus tard.

D’accord. C’était à son tour maintenant. Le cœur battant, elle ressentait une étrange combinaison de peur et d’excitation. Elle prit une grande inspiration, grimpa sur le rebord du puits et s’y assit. Ses mains tremblaient légèrement. C’était sans danger. S’il l’avait fait, elle ne risquait rien. Il fallait bien se rassurer comme elle le pouvait. De toute façon, encore une fois, elle n’avait pas le choix.

Elle ferma un instant les yeux et tenta d’apaiser les battements de son cœur trop rapide. Une dernière inspiration, puis elle se laissa glisser. La chute semblait interminable, chaque seconde s’étirant à l’infini. Finalement, elle heurta la surface de l’eau avec force, le choc lui coupant le souffle. L’eau froide l’engloutit, et elle se débattit un instant avant de remonter à la surface, haletante.

Ses yeux s’adaptèrent à la pénombre et elle aperçut Hayden qui nageait vers elle, un sourire rassurant aux lèvres.

— Tu as été plus rapide que ce que je pensais, lui dit-il en l’aidant à se stabiliser.

Elle cligna des yeux, essayant de reprendre son souffle. Hayden la conduisit jusqu’au bord du lac en nageant. Elle grelottait à cause du froid, ses dents claquant légèrement.

Lorsqu’ils atteignirent enfin le bord, Kaylee leva les yeux, émerveillée par la beauté du lieu. Les parois de la caverne s’élevaient majestueusement autour d’eux, formant une voûte naturelle. Comment une telle merveille pouvait-elle se trouver sous terre ? C’était tout simplement incroyable.

Les rayons du soleil ne pouvaient pas pénétrer ici, mais cela n’était pas nécessaire. À la différence de la surface, où des milliers d’arbres géants se dressaient, la caverne était remplie de champignons luminescents, dont certains mesuraient jusqu’à cinq mètres de haut. Leur lueur douce baignait l’endroit d’une lumière irréelle, créant des ombres dansantes sur les parois rocheuses.

Les plantes qui les entouraient étaient toutes dans des nuances de bleu, de rose et de violet, formant des dégradés magnifiques. C’était comme si elle pénétrait dans un autre monde, un sanctuaire secret où la nature s’exprimait dans des formes et des couleurs inimaginables. Le sentier qu’ils suivaient était tapissé de fleurs et d’herbes, chaque pas révélant de nouvelles merveilles.

Soudain, un champignon s’ouvrit et… un œil apparut ? Kaylee écarquilla les yeux. Elle s’approcha prudemment, croyant avoir rêvé. Mais non. Le champignon semblait bel et bien l’observer. En croisant son regard, l’œil se referma aussitôt.

— Il m’a… regardée ? chuchota-t-elle.

— Oui. Ce sont des champignons protecteurs. Ils surveillent l’entrée de la caverne. Tant que tu restes calme et respectueuse, ils ne bougeront pas.

— Et si je ne le suis pas ? demanda-t-elle, inquiète.

Hayden s’arrêta, se tourna vers elle, et répondit d’un ton grave :

— Tu ne veux pas savoir.

Kaylee déglutit, frissonnante. Elle garda ses distances avec les champignons-yeux, marchant sur la pointe des pieds comme si elle avait peur de les réveiller. Tout ici semblait vivant. Même les pierres sur lesquelles elle marchait dégageaient une sorte de chaleur étrange.

Dans quel endroit étrange avait-elle bien pu atterrir ?

Ils s’arrêtèrent. Le sentier semblait se terminer là. Kaylee se pencha légèrement en avant, le cœur battant. Ce qu’elle découvrit en bas la coupa le souffle. Elle écarquilla les yeux.

Elle aperçut diverses habitations, de petites maisons disséminées un peu partout, certaines même perchées sur les champignons lumineux. Les toits étaient recouverts de mousse et de fleurs, se fondant parfaitement dans le paysage.

— Comment allons-nous descendre ? lui demanda-t-elle, l’appréhension dans la voix.

Elle sentait une légère brise remonter du fond de la caverne. Kaylee se redressa, de peur de tomber dans le vide, et recula d’un pas. Elle n’avait pas le temps d’attendre sa réponse. Une plateforme en bois remontait jusqu’à eux, reliée par une corde afin de pouvoir monter et descendre.

Ils étaient accueillis par deux femmes. Celles-ci saluaient Hayden avant de se tourner vers elle. L’une d’elles s’exclamait avec enthousiasme.

— Tu es vraiment belle !

— Tu es telle que l’on t’a imaginée ! répliquait l’autre.

En les observant, elle constatait qu’il s’agissait de deux sœurs jumelles. Elles faisaient approximativement sa taille et possédaient de magnifiques cheveux bruns ondulés.

— Je te présente Ellyn et Iris, lui disait Hayden, tandis que la plateforme en bois commençait sa descente.

Arrivés en bas, les yeux de la plupart des habitants se tournaient vers eux, plus particulièrement vers Kaylee. Tout ceci la perturbait. Les regards étaient bienveillants, mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir observée.

Les habitations étaient construites sur la même base qu’à Silva, de ce qu’elle constatait. Certaines maisons étaient même bâties sur ses champignons lumineux gigantesques. Elle apprenait par Ellyn que ceux-ci s’appelaient les astrites, d’où le nom de la caverne. Leur lumière douce et apaisante créait une atmosphère presque magique, comme s'ils étaient dans un rêve éveillé.

Ils gravissaient un petit escalier de pierre, encadré de chaque côté par une végétation luxuriante. Les diverses variétés de plantes offraient un spectacle de couleurs, passant des verts tendres aux bleus profonds. Les effluves qui s'en dégageaient enveloppaient Kaylee d’une douceur envoûtante.

Ils entrèrent dans une maison, longeaient un couloir, éclairés par la douce lueur des astrites et arrivèrent dans le salon.

Ils furent reçus par un homme nettement plus âgé qu’eux. Ses cheveux, d’un noir de jais, formaient de petites bouclettes au-dessus de sa tête. Il possédait une petite barbe de deux jours ainsi qu’une peau mate. Celui-ci la salua.

— Ravi d’enfin te rencontrer, lui disait-il. Je m’appelle Raphaël.

— Kaylee, prononça-elle, intimidée.

Il répondit qu’il connaissait déjà son prénom. C’était une sensation vraiment perturbante de débarquer dans un endroit inconnu où tout le monde avait l’air de la connaître.

Une jeune rousse qu’elle n’avait pas remarquée dans la pièce s’avançait jusqu’à eux. Elle s’arrêta et se planta à quelques centimètres d’elle, ses yeux verts la scrutant avec une intensité déconcertante.

— Tu sembles si banale, lâcha-t-elle sans détour.

Ça, c’était fait. Une manière originale de saluer quelqu’un que l’on ne connaissait pas. Comment pouvait-elle la juger de cette manière sans savoir qui elle était ?

— Athelleen, soupira Iris. Ce n’est pas sympa de ta part de dire ça.

Cette dernière haussa simplement les épaules, comme si ses paroles n'avaient pas d'importance.

— Vous n’êtes que tous les deux ? les questionna-elle. Le plan n’était pas d’arriver à Silva et de faire le chemin ensemble ?

— Si, débutait Hayden, mais il y a eu un léger contre-temps. Nous avons été attaqués à Silva.

Il raconta les derniers évènements aux personnes présentes. Entre-temps, ils s’étaient installés sur des chaises, autour d’une table en bois massif. Raphaël lui serva un verre d’un jus qu’elle ne connaissait pas (du jus de golia l’informait-il ensuite). Celui-ci avait une teinte rosée et un goût très agréable, sucré comme il fallait. Elle le savoura, le sourire aux lèvres.

— Tu ne veux pas te changer ? lui demanda Ellyn, la tirant de ses pensées.

Elle avait complètement oublié ce léger détail. Elle était toujours trempée, ses vêtements collaient à sa peau. Elle hocha alors la tête.

— Suis-moi ! lui dit-elle avec enthousiasme.

Elles montèrent un petit escalier en colimaçon. Ellyn la conduisit à une pièce, une salle de bain plus précisément. Au centre trônait une gigantesque baignoire en pierre polie. Ceci n’avait absolument rien à voir avec celles que l’on trouvait chez elle (elle croyait qu’à force, elle ne devait plus espérer tomber sur quelque chose de semblable à sa planète).

— L’eau provient directement de la mer dans laquelle tu as atterri, lui expliqua Ellyn. Nous avons un système qui la filtre et qui la chauffe.

Elle se dirigea vers celle-ci et tourna un bouton, faisant couler de l’eau. Elle lui montra ensuite les diverses étagères.

— Nous fabriquons nos savons à partir de plantes et de fruits, poursuivait-elle en sortant un savon solide d’une boîte en bois sculpté. Celui-ci est fait à base de phyllis, une plante reconnue pour ses propriétés médicinales et qui sent incroyablement bon.

Quelqu’un toqua soudain à la porte. Ellyn se dirigea vers celle-ci et ouvrit à sa sœur, Iris. Elle lui apporta de nouveaux vêtements, soigneusement pliés et les posa sur une petite table en bois.

— Prends tout le temps qu’il te faut.

Elle sortit ensuite, la laissant savourer ce moment tranquillement.

Kaylee enleva les vêtements trempés et sales et plongea dans la baignoire, avec un soupir de soulagement. C’était si agréable ! L'eau chaude détendit instantanément ses muscles, et elle se laissa aller, savourant ce moment de détente.

Elle craignait qu’ils n’aient rien pour se laver, constatant l’état de Hayden ainsi les vêtements qu’il lui avait donnés.

Après un bon quart d’heure à se prélasser, Kaylee se lava avec le savon qu’Ellyn lui avait donné. L’odeur était tout simplement divine. Elle sortit de la baignoire et se sécha avec une serviette.

Soit Hayden n’avait absolument rien d’autre sous la main lorsqu’il lui avait donné ses vieux vêtements à son arrivée, soit il n’y connaissait absolument rien en mode vestimentaire, constata Kaylee en observant sa nouvelle tenue.

Elle enfila une combinaison-short noire et blanche. Le haut blanc présentait un décolleté ainsi qu’une ouverture sur les côtés. Des bordures dorées étaient cousues sur les coutures. Une manche, de la même couleur que le bas de la tenue, présentait de petits détails dorés rendant la tenue sublime. Elle retrouvait les mêmes sur le short.

En plus d’être ravissante, la tenue était également très confortable. Elle revêtit une paire de bottines assorties puis coiffa ses longs cheveux de jais. Ils ondulaient légèrement une fois mouillés. La sensation de propreté était réellement agréable.

Après avoir tout rangé et nettoyé, elle sortit de la pièce. Elle sursauta légèrement à la vue de Hayden, qui semblait l'attendre dans le couloir.

— C’est libre, tu peux y aller, prononça-t-elle en se dirigeant vers les escaliers.

— Merci, répondit-il en fermant la porte de la salle de bain derrière lui.

Elle se dirigea vers l’escalier afin de rejoindre les autres en bas.