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1 Raphael

Raphael

Boom Boom dans la poitrine. Boom Boom dans les oreilles. Les couleurs suivent le mouvement. Elles glissent entre les silhouettes qui se dandinent sur la piste de danse, rampent sur les murs et le plafond. Je les suis un instant. Pâles copies. Elles ne rivalisent en rien avec celles qui entourent les corps. Moi seul peux les voir. Le rouge, le bleu, le jaune... Qu'importe les nuances, elles trahissent les émotions les plus enfouies. Les sentiments les plus dissimulés. Ce que les visages cachent et les lèvres mentent.

— Eh voilà pour vous.

Je tends un billet froissé au serveur, attrape mon verre et envoie son contenu cul sec dans ma gorge déjà anesthésiée par les shots précédents. Combien ? Je n'en sais rien. J'ai arrêté de compter, de m'en soucier. Je veux juste éteindre mon cerveau qui fonctionne à mille à l'heure. Petit à petit, l'alcool fait son effet. La musique assourdissante et l'odeur de sueur deviennent plus supportables. Puis les couleurs se ternissent jusqu'à disparaitre complétement. Je lève mon verre pour porter un toast à un public imaginaire.

Adieu émotions parasites.

Bonjour apathie salvatrice.

Le serveur se retourne déjà concentré sur une nouvelle commande. Son dos se contracte sous le tissu tendu de son t-shirt noir. Je suis la ligne de sa colonne vertébrale, m'arrête sur son postérieur rebondi que son jean moule parfaitement. Appétissant. Je me demande si j'aurais le privilège d'y gouter si je le lui demandais la permission. Après tout, je suis venu pour ça. Trouver un corps avec lequel jouer le temps d'une nuit. Hier, c'était avec une femme. C'était doux. Tendre. J'ai aimé ça et cette fille me plaisait sincèrement. Pourtant, nous ne nous reverrons jamais. C'est le deal. Une fois. Pas une de plus. Des rencontres occasionnelles, même pour un plan cul, c'est prendre le risque de s'attacher. C'est l'illusion d'un "nous". Et ça, je ne le veux pas. Je dois garder le contrôle à tout prix.

Je me redresse sur mon tabouret. Ce soir, J'aimerais échanger les rôles, être celui qui prend plutôt que celui qui donne, avoir mal, me punir. Hélas, je comprends très vite en regardant autour de moi que je ne suis pas dans la bonne boîte. Hommes et femmes se frottent les uns aux autres. Si certaines demoiselles restent entre elles, aucun homme se risque à les imiter. Et ce serveur, aussi séduisant soit-il, n'a d'yeux que pour la sublime rouquine attablée cinq mètres plus loin. Sans doute me casserait-il la gueule pour avoir oser penser une telle chose de lui, pour l'avoir déshabiller du regard, alors, qu'il est — j'en suis sûr — lui-même en train de s'imaginer avec cette rousse.

Je lèche la dernière goutte de mon verre, puis le repose dans un clac sourd. Le Sphinx n'a rien à m'offrir ce soir. Peut-être trouverai-je mon bonheur au Flamingo, l'unique bar gay de Juneau.

Je me dirige vers la sortie, quand je la vois.

Belle.

Souriante.

Hypnotique.

Elle brille plus que quiconque dans cette salle.

Ses longs cheveux noirs virevoltent au gré de ses mouvements. Elle danse sans se soucier des autres, sans se soucier d'être en total désynchronisation avec la musique. Rien ne va. Dans un autre monde, elle balance ses bras dans tous les sens, se dandine comme si elle avait une araignée dans le dos et bouscule sans s’en rendre compte les fêtards qui l'entourent. Je souris en examinant son étrange chorégraphie. Captif de sa lumière, j'en oublie le temps et mes projets de nuit torride. Une blonde me bouche un instant la vue. Celle-ci enroule ses bras fins autour du cou de son amie et toutes les deux chantent à tue-tête, comme des casseroles, mais heureuses.

Puis le monde s’obscurcit.

Une ombre imposante apparait dans leur dos, chargée d'une intention crasse. Elles ne l'ont pas vue, trop occupées à s'amuser, à vivre tout simplement. Moi, je l'ai tout de suite remarqué. Pas besoin de couleur pour le sentir : le Mal. Je connais ce regard. Ce n'est pas celui d'un pauvre mec en rut. C'est celui d'un prédateur qui vient de jeter son dévolu sur ses proies. Il se rapproche à pas de loup et colle son immonde entre-jambe sur les fesses de la brune.

Sans prévenir.

Sans un mot.

Juste ce geste dégueulasse qui me file la nausée.

Surprise par ce contact non désiré, la brune se retourne. Elle ne semble pas comprendre les intentions de l'homme. Sans doute, pense-t-elle qu'il ne l'a pas fait exprès. La piste de danse est bondée. Une maladresse peut arrivé. Elle tourne le dos au prédateur pour se réfugier dans les bras de son amie tandis que je ne quitte pas la scène des yeux. Personne d'autre que moi ne voit ce qui se trame sous leur nez à tous. Je la sens venir : cette colère acide du fond de mes entrailles. L'envie de lui bondir dessus et de lui exploser le crâne contre le sol démange mes poings. Pourtant, je ne bouge pas, paralysé par la peur. Par son image, bien plus forte encore.

Le loup repose ses sales pattes autour des hanches de la jeune femme et plante sa bouche dans le creux de sa nuque. Il respire sa peur, son trouble. Finie la courtoisie. Elle se dégage avec plus de véhémence et attrape la main de son amie en lançant des regards inquiets autour d'elle, à la recherche d'un témoin, d'un allié pour la sauver de cette bête. Je parcours moi aussi la salle, mais dans le noir, avec ces jeux de projecteurs, impossible de déceler quoique ce soit. Il n'y a que nous. Il n'y a que moi. Je hèle le serveur. Celui-ci me toise d'un air dédaigneux, la main levée en l'air pour me demander de patienter. Mais le temps file et le prédateur tente une nouvelle attaque, rapprochant ses babines dans un baiser forcé.

Mon cœur s'emballe. L'adrénaline explose dans mes veines. J'abandonne le comptoir et me dirige droit sur lui.

— Eh ! L'abruti, l'interpellé-je, elle t'a dit non.

L'autre me toise avec mépris.

— Occupe-toi de tes affaires, grogne-t-il en raffermissant sa prise autour du bras de sa proie.

Bien que le type me dépasse de deux bonnes tête, je n'abandonne pas. Je lui bouscule l'épaule, bien décidé à mettre fin à sa partie de chasse.

— T'es sourd ? Je t'ai demandé de la laisser tranquille.

Le prédateur lâche sa proie et les deux femmes en profitent aussitôt pour se faire la malle entre les corps moites. Il les regarde s'éloigner, la mâchoire serrée.

— Putain, c'est quoi ton problème ? Tu viens de faire foirer mon coup.

Je ricane en le jugeant de haut en bas. Son col V et son jean moulant aux niveaux de ses chevilles suffisent à eux tous seuls.

— T'inquiète pas, avec une dégaine pareille, t'étais pas prêt de la ramener à la maison.

Le loup serre les poings.

— Va te faire foutre.

— Avec plaisir, on peut aller aux toilettes si tu veux. J'ai tout ce qu'il faut.

— Tu me cherches, crache-t-il en me poussant, tu veux qu'on aille régler ça dehors, sale taré ?

Je lui attrape le poignet et insiste.

— Allez, viens. Je vais te faire du bien. Tu verras. Tu vas t'en souvenir toute ta vie de cette soirée, tu vas même en redemander.

Le loup se dégage et me regarde d'un air ahuri. Ce type est tellement con qu'il ne remarque même pas que j'utilise son propre jeu pervers contre lui. Cette invitation à aller s'envoyer en l'air ne lui plait pas. Son bras part en arrière avant de revenir rapidement vers mon visage. J'évite le coup de justesse, puis plonge dans son abdomen. Lourdement alcoolisé, l'homme vacille et tombe à la renverse. Conscient que je ne gagnerais pas un face à face contre un gabarit pareil, je profite de sa chute pour disparaître dans la foule.

Je glisse comme une anguille entre les danseurs, le menton levé à la recherche du panneau sortie. Je finis par le trouver et me dirige vers la porte quand j'aperçois deux silhouettes familières. Les jeunes femmes que le lourdaud importunait plus tôt. Je jette un œil par-dessus son épaule. Celui-ci fonce droit sur moi, bousculant les danseurs sur son passage qui, cette fois, commencent à se plaindre du dérangement. Sachant qu'en poursuivant sa route, le prédateur les trouvera, je rejoins les deux copines.

— Suivez-moi. Je connais un endroit où vous serez plus tranquilles.

Ni une ni deux, je les attrape par la main et les entraîne dehors. Je vérifie derrière nous et tends le bras en direction du loup.

— Ce type importune ces demoiselles, annoncé-je, au videur, resté en faction devant la porte.

Mes mains toujours dans les leurs, je m'éloigne du Sphinx sans demander notre reste. Un vent froid s'infiltre à travers mon haut en résille. Contrairement aux deux jeunes femmes qui grelottent sous leurs manteaux, l'air frais de cette nuit d'été me fait du bien. Il atténue légèrement les effets de l'alcool sur ma conscience dont j'ai bien besoin pour emmener mes amies du soir à bon port. Aucun loup ne viendra leur tourner autour au Flamingo. Autour de moi, peut-être, mais après tout c'est ce que je recherche.

Nous déambulons maladroitement depuis plusieurs minutes quand je ressens une légère résistance. La blonde est tendue. Elle s'arrête, hésite, lance des regards inquiets autour d'elle. Devant son malaise évident, je libère leurs mains, tandis qu'elle s'empresse d'enrouler son bras autour de celui de son amie.

— On devrait y aller. Merci pour tout à l'heure.

La brune lit l'heure sur la montre dorée qui entoure son poignet.

— Quoi, déjà ? Il est à peine une heure, Loren !

Loren jette un regard par dessus son épaule. Personne. Juste leurs ombres que les lampadaires étirent.

— Ce mec est complètement bourré.

— Eh... m'exclamé-je.

— Quoi ? Ce n'est pas vrai, peut-être ?

— Si, mais...

Aucun argument ne sort de ma bouche. C'est vrai. Je suis complètement torché.

— Il marche à peine droit. On va quand même pas le suivre.

— Arrête. Il nous a aidées tout à l'heure avec l'autre lourd.

— Ça peut quand même être un taré.

— Taré, j'sais pas. Mais vous avez rien à craindre avec moi. Vous pensez sérieusement qu'un mec avec cette coupe de cheveux et des fringues pareilles est hétéro. Allez, vous n'allez pas le regretter

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