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7. Raphael

Raphael

Le son lourd des percussions pulse jusque dans ma poitrine. Les projecteurs clignotent en rythme. Finalement, j’ai décidé de ne pas me rendre sur Kensington ce soir, mais plutôt de venir m’amuser au Flamingo. Ça m’a pris comme ça, sur un coup de tête. La salle déborde de monde en ce vendredi soir. Je ne cherche pas à ramener quelqu’un dans mon lit. Bien sûr, si l’occasion se présente, je ne cracherai pas dessus, mais je ne courrai pas après un homme ou une femme pour me retrouver dans leurs draps. Dans leurs bras. Ce soir, je veux me noyer. Pas dans un corps, mais dans le bruit, la chaleur et l’alcool. Vaut mieux picoler en compagnie que seul chez soi. C’est moins déprimant. Moins culpabilisant. En venant ici, j’ai l’impression d’appartenir au groupe, d’être normal le temps d’une soirée.

Une femme titube dans sa robe avant d’éclater de rire en se rattrapant à son amie. Deux hommes se caressent, front contre front. Des cris résonnent. Des bras se lèvent et des silhouettes se frôlent. Verre en main, j’ondule au milieu de la piste. Les lumières colorées frappent les visages moites. Dans leurs éclats furtifs, je capte des clins d’oeil et des sourires chargés de sous-entendus. Mes pensées se brouillent et mes problèmes s’envolent à mesure que je me laisse aller. Le monde adopte des allures fantomatiques sous les flashs intermittents des stroboscopes. Le sol vibre sous les sauts des fêtards. L’air est chaud, chargé de sueur, de parfums forts et d’alcools. Quelqu’un me bouscule par mégarde, puis s’excuse d’une tape dans mon dos avant de disparaître dans la masse. Je m’en moque. En temps normal, cette foule et le maelström d’émotions qu’elle dégage me rendraient malade, mais tous ces verres que j’ai ingurgités m’ont rendu insensible et m’ont complètement désinhibé. Je ris sans raison apparente, secoue la tête et flotte en parfaite harmonie avec la musique.

Les chansons s’enchainent les unes après les autres. Je perds la notion du temps, change de partenaire. Une fois. Deux fois. Trois fois. Des mains baladeuses se promènent sur mes reins. Des langues étrangères franchissent la barrière de mes lèvres, tantôt douces, tantôt possessives. Aucune ne s’attarde. Un serveur au visage couvert de paillettes me frôle, un plateau de shooters fluos tenant en équilibre sur sa paume. La vue de ces boissons multicolores et la chaleur étouffante me donne soif. Je porte mon verre à ma bouche, sens la brûlure familière descendre le long de mon œsophage. Je ferme les yeux une seconde, le front luisant et les muscles détendus. Je divague. Je m’envole.

Les percussions cessent et la musique devient plus lascive. Je recoiffe mes cheveux trempés puis agite le col de mon crop-top pour m’éventer, quand deux mains m’agrippent les hanches.

— Salut, Alex, susurre une voix chaude dans ma nuque.

Je me retourne. Dans la fumée artificielle, je distingue l’apollon, vêtu d’une chemise noire entrouverte sur son torse. Sa peau exquise scintille de sueur sous les lumières tamisées. Ses cheveux humide de transpiration sont coiffés en arrière. J’enroule mes bras autour de son cou, manquant de renverser mon cocktail dans son dos, et lui réponds sur le même ton suave.

— Salut, Riley.

— Ruben, rectifie-t-il, un sourire en coin.

— Oups.

— Je dois te le faire jouir une seconde fois pour que tu t’en souviennes, murmure-t-il, d’ailleurs, en parlant de seconde fois... Tu ne m’as pas rappelé. Je suis très déçu.

D’un mouvement fluide, sa main s’infiltre sous mon t-shirt avant de s’aventurer à la lisière de mes fesses. Sa paume est chaude, possessive.

— On ne s’est rien promis, lui rappellé-je.

Les doigts de Ruben se font plus pressants. Nos bas-ventres se heurtent doucement quand il m’attire à lui. Autour de nous, d’autres couples se sont formés. Les souffles sont courts, les regards chargés de tensions.

— C’est vrai, admet l’apollon, en berçant nos corps au rythme lent de la musique. Mais j’espérais que tu le fasses.

— Ah oui ? Pourquoi ?

Ruben plonge dans mon cou pour le mordiller, me provoquant un soupir de satisfaction.

— On s’est bien amusé la dernière fois. Tu n’es pas d’accord ?

Sa bouche rampe le long de ma gorge avant de glisser de l’autre côté. Je l’accueille en inclinant la tête en arrière. La chaleur de ses lèvres est une brûlure délicieuse. Je tresseille et mes muscles se tendent sous l’effet du désir qui déferle dans mes veines. Ce mec m’embrouille complètement.

— Tu ne comptes toujours pas me donner ton vrai nom, Alex ? s’enquiert-il en s’attardant comme un serpent sur la dernière lettre.

Mon crop-top me colle à la peau. Une mèche me tombe devant les yeux, je l’écarte en soufflant dessus.

— Je t’obsède, on dirait.

— Je te l’ai dit. Je n’aime pas baiser avec des inconnus. Tu fais quoi plus tard ?

Notre nuit agitée m’a plutôt prouvé le contraire. Il a adoré ça quand je l’ai pris sans retenu, et qu’il m’a pris en retour tandis que j’en réclamais toujours plus.

Sa barbe me chatouille. Le tracé de sa langue sur ma peau me procure des frissons insoupçonnés. Elle descend sur mes clavicules, grimpe sur mon épaule et trouve ma mâchoire. Je me retrouve prisonnier entre envie et doute. Chaque caresse me désarme un peu plus. Je repense à nos corps collés l’un contre l’autre, l’un dans l’autre. Nos souffles mêlés. Nos râles. Sa bouche se plaque sans crier gare sur la mienne. Merde, que c’est dur de devoir lui résister. Au moment où je pense m’asphyxier sous son baiser vorace, Ruben s’écarte.

— Hum… Je n’ai rien de prévu, minaudé-je.

L’apollon me prend la main pour la poser sur son entrejambe tendue, puis désigne la sortie.

— On pourrait aller faire un tour. Ma voiture n’est pas loin.

— Déjà ? demandé-je, en sentant son sexe durcir contre sa paume. On ne fait que danser.

Ruben se met à rire, d’un rire terriblement séduisant, puis dévore de nouveau mes lèvres.

— C’est l’effet que tu me fais. T’es un vrai pro en la matière. Alors, qu’est-ce que t’en dis ?

Ce que j’en dit ? Si je m’écoutais, j’emmènerais ce mec directement dans les toilettes du fond, le plaquerais contre la porte d’une cabine et le ferais gémir jusqu’au bout de la nuit. Il gémirait mon prénom. Le vrai, cette fois. Cette nuit. Demain et après-demain. Et tous les jours jusqu’à ce que nos corps n’en puissent plus. Je m’endormirais collé à son torse et me réveillerais dans ses bras puissants. Puis la magie des premiers instants disparaitrait et je me retrouverais plus brisé encore. Retour à la réalité. Une nuit. C’est la règle. Quand Ruben m’empoigne les fesses pour me plaquer davantage contre sa virilité, je me dérobe.

— Ecoute…, soufflé-je, nous deux c’était sympa. Très sympa même. Mais je ne cherche pas de relation sérieuse.

Il ricane, sans aucune moquerie mais avec une profonde sensualité.

— Qui a parlé de relation sérieuse ? Ce n’est pas une demande en mariage que je te fais.

— Et t’aurais bien du mal, puisque le mariage gay est illégal.

— Alors, insiste-t-il, en me caressant l’aine.

J’ai envie de l’embrasser, de le repousser.

— C’est non.

— Tu ne veux pas de relation sérieuse. Je te propose une simple baise, tu refuses quand même. C’est quoi le problème si notre nuit était super ? m’interroge Ruben.

J’hésite avant de répondre. Mon corps le réclame, mais ma raison proteste. Le problème, c’est mon putain de cœur fragile comme du cristal.

— Tu finiras par me faire du mal, même sans le vouloir, me contenté-je de répondre.

— Hein ?

— Ou c’est moi qui le ferais à un moment ou un autre.

Un silence s’installe entre nous. Ruben me fixe, perplexe.

— Je crois que je suis bourré parce que je ne comprends rien à ce que tu racontes.

Je lui tapote le torse. Sa peau m’électrilise.

— Oublie-moi, ça vaut mieux. Mais crois-moi… t’es un vrai dieu au lit.

Le compliment lui arrache un sourire à tomber. J’aurais tellement aimé revoir ce sourire s’enrouler autour de mon membre. L’apollon hausse ses épaules avec désinvolture. Son souffle chaud me caresse l’oreille.

— Comme tu voudras, Alex. Tu ne sais pas ce que tu rates. Ce soir, je t’aurais brisé en deux.

Après un dernier regard de haut en bas, Ruben s’éloigne à la recherche, sans doute, d’un nouvel amuse-gueule. Je le regarde se fondre dans la foule, le goût de sa peau encore sur mes lèvres et des images brûlantes plein la tête. “Ce soir, je t’aurais brisé en deux.” Je n’en doute pas une seule seconde. Après notre échange torride, j’ai dû endurer d’atroces courbatures durant plusieurs jours avant qu’elles ne disparaissent complètement.

Je porte mon verre à la bouche, m’aperçois qu’il est vide et décide qu’il est l’heure pour une nouvelle tournée. Direction le bar. Difficile de le manquer, même dans la pénombre, grâce à ces néons qui l’éclaire comme un phare lors d’une tempête en mer. Quelques mains m’effleurent ou tentent de me retenir quand je me fraye un chemin vers le comptoir, attiré vers sa lumière comme un papillon de nuit. Deux femmes s’embrassent avec passion à ma droite, mais ce ne sont pas elles qui emprisonnent mon regard. Plus loin, assise sur une banquette en cuir, se trouve ma danseuse maladroite.

Mon attention oscille du bar à la jolie brune, tandis que je pèse le pour et le contre. L’appel de l’alcool contre celui d’un nouveau frisson. C’est ridicule, mais j’ai l’impression d’étouffer, que si je ne vais pas lui parler maintenant, le monde va imploser. Quand le serveur repasse non loin de moi, j’abandonne mon verre vide sur le plateau puis me détourne du comptoir. L’air ailleurs, mon inconnue fixe un point indéfini dans la masse mouvante tandis que ses doigts fins jouent avec la paille de son verre. Je lui tapote l’épaule. Elle sursaute, rappelée brutalement à la réalité. Un sourire remplace rapidement sa surprise quand elle me reconnait.

— Hey, salut ! s’écrie-t-elle par-dessus la musique.

— Je peux m’asseoir ? demandé-je, en désignant la place vacante à côté d’elle.

— Bien sûr !

Elle se décale et je m’installe, acceuilli par son parfum fleuri.

— Ton amie n’est pas là ? demandé-je, en étudiant les alentours.

Elle se penche vers moi, l’oreille tendue. Un frisson me parcourt de toutes parts quand ses cheveux me chatouillent le bras.

— Quoi ?

— Ton amie, répété-je, elle n’est pas là ?

— Ah ! Non. C’est leur anniversaire avec son mec. Ils fêtent leur un an !

Je hoche la tête, plus par politesse que par intérêt pour la relation amoureuse de cette fille. Ma danseuse rapproche son verre de sa bouche et glisse la paille entre ses lèvres. Celles-ci aussi, j’aimerais les voir s’égarer sur mon corps.

— Piña colada ? m’enquiers-je, pour éloigner ces images provocantes de mon esprit. 

— Version soft.

Elle dépose son cocktail sur la table et le regard qu’elle me lance me déstabilise. Jamais je n’ai vu des yeux aussi noirs. Profonds. Insondables. Dans les haut-parleurs, la musique s’intensifie. Les projecteurs envoient des faisceaux de lumières dans tous les sens. Du rouge, du bleu, du vert. Autant de couleurs qui scintillent dans ses iris comme des étoiles dans le ciel.

— Au fait, bredouillé-je, je m’appelle Raphael.

Je grimace aussitôt. Je viens de rompre la règle numéro un. Celle de ne jamais divulguer mon vrai prénom. Alex est une façade, une protection. Là où Je suis sensible, Alex est calculateur. Là où j’ai peur, Alex est sûr de lui.

Elle me tend la main, ignorant mon malaise intérieur.

— Enchantée, Raphael. Moi, c’est Sofia.

J’entremêle mes doigts au sien. Merde à mes principes.

— Tu danses ?

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