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Lunamariposa
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Chapitre 8

When the party's over B.E - Ambiance

    Je passais de plus en plus de temps sur Discord. Pour moi, c'était un refuge, une échappatoire à la réalité sordide qui m'entourait. Derrière l'écran de mon téléphone ou de l'ordinateur , je devenais quelqu'un d'autre : une fille drôle, pleine de répartie, qui savait captiver l'attention des autres. Chaque notification, chaque nouveau message était une dose d'adrénaline, une validation que je n'obtenais jamais dans ma vie réelle.

Pourtant, cette fuite dans le virtuel ne faisait qu'aggraver la situation. Ma mère, Steffy, me surveillait de loin, toujours à l'affût du moindre faux pas. Et quand je m'oubliais trop dans mes discussions interminables – à raconter des anecdotes que j'inventais parfois pour paraître intéressante – j'en oubliais souvent mes tâches quotidiennes. Ranger ma chambre, descendre les poubelles, réviser mes leçons... tout cela devenait secondaire. Mes notes scolaires avaient chuté, et chaque convocation au collège alimentait un peu plus la colère de ma mère.

« Tu ne fais rien de ta vie ! » me hurlait-elle. « C'est ça que tu veux devenir ? Une paresseuse qui passe ses journées à jouer à l'ordinateur ? Tu crois que la vie, c'est un jeu ? »

Je ne répondais pas. Parfois, je haussais les épaules, espérant que mon indifférence mettrait fin à la dispute. Mais c'était pire : mon silence alimentait une rage silencieuse chez elle. Alors, inévitablement, les coups arrivaient.

Ça commençait souvent par une gifle. Une claque si forte que ma tête partait sur le côté, et je sentais une chaleur cuisante envahir ma joue. Mais ce n'était jamais suffisant pour elle. Elle voulait une réaction. Elle voulait que je m'excuse, que je supplie, que je pleure. Mais je refusais de lui donner cette satisfaction. Je me contentais de me recroqueviller sur moi-même, les bras levés pour protéger mon visage.

« Tu me provoques, c'est ça ? » continuait-elle, son souffle court, ses gestes de plus en plus désordonnés. « Je vais te faire comprendre qui commande ici ! »

Les objets alentours devenaient des armes improvisées : une ceinture, un balai, ou parfois juste ses mains, qui s'abattaient comme des griffes sur ma peau fragile. Chaque coup était une explosion de douleur, mais je m'efforçais de ne pas crier. Je savais que si je le faisais, elle penserait qu'elle gagnait.

Une fois, j'avais passé une nuit entière sur Discord après avoir oublié d'éteindre mon micro. Mes amis virtuels avaient entendu des bribes de cris venant de l'arrière-plan, mais j'avais prétendu que c'était la télé. « Ne t'inquiète pas, ça va, » avais-je écrit en privé à un ami inquiet. Mais les traces bleues et violacées sur mes bras disaient le contraire.

Je n'avais personne à qui parler de ce que je vivais. Pour ma mère, ces violences étaient une façon de me remettre sur le droit chemin, de m'éviter de finir « comme ces gamines qui traînent dans la rue ». Pour moi, c'était simplement une preuve de plus que j'étais un échec. Alors je me persuadais que c'était mérité.

Après chaque passage à tabac, je me réfugiais dans ma chambre, un casque sur les oreilles et les yeux rivés sur mon écran. Discord était là pour m'accueillir, avec ses discussions légères et ses blagues innocentes. Dans cet univers numérique, personne ne pouvait me toucher, personne ne pouvait voir mes bleus. Mais au fond de moi, je savais que ce cercle vicieux finirait par m'engloutir.

Une nuit, après une énième dispute, j'étais restée allongée sur mon lit, la tête pleine de questions. Pourquoi étais-je incapable de changer ? Pourquoi ma mère ne pouvait-elle pas m'aimer autrement que par la violence ? Les larmes avaient coulé silencieusement sur mon visage tandis que je tapotais sur mon clavier, laissant un message sur un serveur anonyme : « Vous croyez qu'on peut vraiment être aimé pour ce qu'on est ? »

La réponse ne s'était pas fait attendre : « Oui. Mais seulement par les bonnes personnes. »

Je me souviens parfaitement de la première fois où ma mère m'a frappée. C'était le jour de mon anniversaire, j'avais huit ans. Ce jour-là, un mélange de joie, d'impatience et d'excitation m'envahissait. J'avais toujours rêvé d'avoir un anniversaire comme ceux qu'on voit dans les films, où tout est parfait, où la maison est remplie de rires, de musique, de cadeaux et de bons gâteaux. Je voulais ressentir cette chaleur, ce bonheur simple qui vient du fait de se sentir aimé, vu, apprécié.

Ma sœur, elle, avait toujours des fêtes pleines de monde. Ses amis venaient, des gens apportaient des cadeaux, et tous les adultes semblaient vraiment s'amuser. Moi aussi, je voulais ça. Je voulais que ma fête soit aussi magique que celles que j'enviais. Alors, sans rien dire à ma mère, j'ai pris les choses en main. J'ai écrit des invitations à la main, avec des dessins d'animaux et des cœurs maladroits. J'ai donné ces bouts de papier à mes camarades de classe, leur donnant mon adresse avec l'espoir secret que tous viendraient. J'avais écrit sur chaque invitation : « Venez nombreux ! » en grosses lettres. Je voulais que ma fête soit un succès, qu'elle devienne l'événement dont tout le monde parlerait.

Quand j'ai vu les sourires de mes camarades en recevant les invitations, j'ai ressenti une fierté immense. Je m'imaginais déjà entourée de gens qui me regardaient avec admiration, qui s'amusaient avec moi. Mais je n'avais pas pensé aux conséquences de mon acte, ni à ce que ma mère penserait. Elle n'avait pas été impliquée, elle ne savait même pas qu'autant de monde viendrait.

Et quand le jour est enfin arrivé, tout a dérapé. Les invités ont commencé à arriver, de plus en plus nombreux. Le chaos a envahi la maison. Les enfants couraient partout, criaient, jouaient. La cuisine, où ma mère avait préparé quelques gâteaux, était trop petite pour tout le monde. Le plat de chips, les petits gâteaux, tout avait été consommé en quelques minutes. Les adultes discutaient entre eux dans le salon, mais aucun d'eux ne semblait vraiment à l'aise. Ma mère, toujours méthodique, essayait désespérément de gérer la situation. Elle courait dans tous les sens, s'énervant à chaque fois qu'un enfant renversait quelque chose, chaque fois que l'un d'eux criait trop fort.

Je n'avais jamais vu ma mère comme ça. Normalement, elle était plutôt calme, peut-être même froide. Mais ce jour-là, sa colère a explosé d'un coup. Je l'ai vue se raidir, ses sourcils se froncer, et son regard, habituellement distant, est devenu incandescent. Elle m'a attrapée par le bras avec une telle violence que j'ai failli m'écrouler. Elle m'a tirée dans le couloir, loin des regards des invités, et là, sa voix a éclaté, rauque et tremblante de rage.

- Pourquoi tu as fait ça ?!  m'a-t-elle crié. Pourquoi tu n'as pas pensé une seconde à ce que ça allait causer ? Tu crois que c'est comme ça qu'on fait les choses ?!

J'étais pétrifiée. Je ne savais même pas quoi répondre. J'avais juste voulu être heureuse, juste voulu que ce jour soit spécial, que tout le monde soit là pour moi. J'avais vu ma sœur faire la fête entourée de ses amis, et je voulais la même chose. Je n'avais pas anticipé que ma mère réagirait ainsi. Je voulais juste être aimée, que la maison soit pleine de vie et de sourires.

Et puis, ça a commencé. Une gifle. Si violente que ma tête a pivoté sous l'impact. La douleur a fusé dans ma joue, une chaleur cuisante qui m'a envahie instantanément. J'ai voulu crier, pleurer, mais les larmes ne sont pas venues. Je suis restée là, silencieuse, figée. Elle ne s'est pas arrêtée. Ses mots devenaient de plus en plus durs, de plus en plus acerbes.

- Tu veux me faire passer pour quoi, hein ? Tu crois que je suis une idiote ?!

Elle continuait de me crier dessus, mais je n'arrivais pas à comprendre pourquoi elle était aussi en colère.

J'avais l'impression d'être un monstre, une source de toute cette frustration qui s'était accumulée. Ma mère, dans son explosion de colère, ne voyait pas que je n'avais fait cela que pour être vue, pour être entourée, aimée. Je n'avais pas l'intention de causer un tel chaos. Mais ce n'était pas comme ça qu'elle le voyait. Elle n'avait pas vu ma bonne volonté, ni mes intentions. Elle n'avait vu que l'inconvénient, le dérangement que cela avait causé à son quotidien.

Quand les invités sont enfin partis, la maison est retombée dans un silence lourd. Le bruit de la fête, les éclats de rire, les voix des enfants, tout ça avait disparu comme par magie. Tout s'était évaporé en un instant. La pièce était froide, presque vide de sens. Ma mère m'ignorait totalement, se réfugiant dans la cuisine, un verre de vin à la main, comme si la fête ne m'avait jamais concernée. Mon père, fatigué, m'a simplement serrée dans ses bras en me disant un « Joyeux anniversaire, ma princesse » murmuré, avec chaleur. Il était fatigué, trop fatigué pour comprendre ce qui venait de se passer.

C'était la dernière fois que je passais mon anniversaire avec lui, la dernière fois que j'ai ressenti une certaine normalité, un certain amour venant de lui. Après ce jour-là, tout a changé. Les sourires se sont fanés, les éclats de voix sont devenus plus rares, et les gestes de tendresse ont disparu de la part de ma mère. Je me suis retrouvée seule, dans un tourbillon d'émotions que je ne comprenais pas. Et ma mère, elle, m'avait laissée là, avec le poids de sa colère, seule à essayer de déchiffrer ce qu'il venait de se passer.

Le 5 novembre 2013, c'est une date que je n'oublierai jamais. C'était un jour comme un autre, je suis rentrée de l'école l'après-midi, sans savoir que ce jour-là allait changer ma vie à tout jamais. Le téléphone a sonné alors que ma mère était dans la salle de bain, occupée à se laver les dents. Elle m'a demandé de répondre, comme elle le faisait parfois, sans que je me doute que ce serait un appel qui allait tout détruire.

Je décroche, et au bout du fil, une voix sèche et autoritaire me parle. Elle me dit qu'ils appellent du travail de mon père, qu'il a eu un accident, qu'il est à l'hôpital. Mais je ne comprends pas vraiment. À cet âge-là, on ne comprend pas ce que ça veut dire, "accident". J'imaginais qu'il avait juste glissé, qu'il avait juste eu un petit malheur. Il allait s'en sortir, bien sûr, il allait rentrer à la maison. Mais la voix au bout du fil continue, me dit qu'il faut parler à ma mère, qu'il y a urgence. Et là, un frisson parcourt mon corps, mais je ne le comprends pas tout de suite. C'est comme si j'étais dans un film, un mauvais film.

L'appel se termine rapidement, ma mère me confie à la voisine et me demande de partir à l'école. Elle ne me dit pas ce qui se passe exactement, elle ne m'explique rien, elle n'a pas le temps, elle doit partir. Tout se bouscule, ma tête est vide, mais je suis juste une enfant, je fais ce qu'on me dit. La voisine me conduit à l'école. Je n'ai pas de questions, pas de larmes. Parce que je ne comprends pas. Pas encore.

Dans ma tête, ça n'avait aucun sens. Mon père à l'hôpital ? D'accord. Mais je n'avais aucune idée de ce qu'il était en train de traverser, ce qu'il allait perdre. Ce que nous allions perdre. À l'école, je raconte à tout le monde, avec un sourire qui ne cache rien : "Mon père est à l'hôpital". Je ne cherche pas à comprendre ce qui m'arrive, je veux juste qu'on me regarde, qu'on s'intéresse à moi. C'était ça, la vérité. Je voulais juste attirer l'attention. Je voulais que quelqu'un me remarque, que quelqu'un me dise "Oh, pauvre Hope". Mais la réalité, elle, était ailleurs. Et moi, je n'avais rien vu venir.

Quand je suis rentrée chez moi, ma mère n'était pas là. J'étais seule avec mes pensées, mes angoisses qui commençaient à naître dans ma poitrine, mais je ne savais pas quoi en faire. C'est seulement quand elle est revenue, quelques heures plus tard, qu'elle a laissé tomber le masque. Son visage n'était plus celui que je connaissais. Il était pâle, marqué, comme si elle avait perdu quelque chose, comme si elle avait perdu tout espoir. Et là, tout a commencé à avoir un sens. C'était trop tard pour le comprendre, trop tard pour revenir en arrière. Mais je savais alors que quelque chose de terrible venait de se produire. Mon père était peut-être déjà... parti. Mais je n'ai pas pleuré. Je n'ai rien dit.

La morgue. Je me souviens de la porte glacée, des couloirs froids, de l'air lourd. Quand on m'a amenée à voir mon père, c'était comme si mon cœur se faisait écraser sous une pierre énorme. Il était là, allongé, figé, dur comme de la pierre, sans vie, sans chaleur. Il n'avait plus l'air d'être mon père. Il n'était plus qu'un corps, une coque vide. Je l'ai regardé, mais je ne pouvais pas le reconnaître. Il était loin de ce qu'il avait été, ce père fort et aimant, celui qui me portait quand je n'arrivais plus à marcher, celui qui me disait toujours que tout irait bien.

Et puis, ce geste. Je m'en souviendrai toujours. J'ai déposé un baiser sur son front, froid, dur. Il n'était plus qu'un souvenir, un fantôme, et ce baiser... c'était comme un dernier adieu. Mais ça ne suffisait pas. Aucune parole, aucun geste ne pouvait dire tout ce que j'avais sur le cœur. Rien. Le vide.

La cérémonie. C'était censé être un moment solennel, un moment de recueillement, mais pour moi, c'était comme un cauchemar que je ne pouvais pas réveiller. Je n'avais pas de mots, pas de mots qui suffisaient. Alors, j'ai trouvé un discours sur Internet, quelque chose de beau, de digne, mais ce n'était pas moi qui parlais. Ce n'étaient pas mes pensées, mes émotions. Je voulais crier, je voulais pleurer, mais tout ce que je pouvais faire, c'était réciter ces mots. Les mots des autres. Parce que je n'arrivais pas à formuler ce qui se passait dans ma tête, ce que je ressentais au fond de mon âme.

Le moment de l'incinération est encore plus flou dans ma mémoire. Je n'avais pas le droit d'être près de la flamme, près de lui, quand il allait disparaître dans les flammes. Je voulais juste être là, voir. Voir une dernière fois, toucher, sentir que tout n'était pas fini. Mais on m'a empêchée de le faire. Et cette interdiction, elle m'a frappée, bien plus que la chaleur des flammes. Il n'y avait rien à faire, et je le savais. Il n'y avait plus rien à faire.

Devant sa tombe, je n'ai rien dit. J'ai jeté des fleurs. Chaque fleur représentait un vœu, une prière, mais ce n'était pas suffisant. Rien ne suffirait jamais. Quand ma mère s'est effondrée, j'ai vu ce qu'elle devenait. C'était la première fois que je la voyais s'effondrer comme ça. Avant, elle avait toujours eu un masque. Mais là, tout est tombé. Elle pleurait, et je savais que plus rien ne serait comme avant.

Je n'ai pas pleuré. Je ne pouvais pas. J'avais l'impression que mon cœur s'était figé, que tout ce que j'avais vécu s'était éteint avec lui. Mais je n'ai pas pleuré. Pas tout de suite. Je suis rentrée chez moi, et là, je l'ai vue. Ma mère, avec un verre à la main. Je l'ai vue, et j'ai su. Je savais que rien ne serait jamais plus pareil. Plus jamais. Ma sœur, avait déjà commencé à s'éloigner.

C'était la fin de tout. La fin de mon père, la fin de mon innocence, la fin de mon enfance. Et au fond de moi, quelque part, je savais qu'un autre vide se creusait. Un vide que je ne pouvais pas combler, un vide que je n'avais pas encore compris. Mais je savais, au fond, que rien ne serait plus jamais comme avant.

Les vacances d'été de 2014 auraient dû être une échappatoire, une parenthèse dans ma vie de plus en plus chaotique. Mais au lieu de ça, elles ont marqué un tournant dans ma relation avec ma famille, une fracture irréparable. J'étais allée chez mon grand-père en Corse, dans cette grande maison en pierre au bord de la mer, loin du tumulte de la ville et de tout ce qui me faisait souffrir. On m'avait dit que ça allait me faire du bien, que l'air marin, le soleil, et la tranquillité allaient m'apaiser. Mais au fond de moi, je n'étais pas vraiment là. Je n'étais nulle part.

Ma tante fabriquait des attrapes-rêves, ces sortes de cercles tissés avec de la ficelle, de la laine et des perles, qu'elle offrait à tous ceux qu'elle aimait. Je me souvenais de la façon dont elle me parlait en souriant, en disant qu'ils captaient les mauvais rêves et les faisaient disparaître. C'était sa manière à elle de chasser les ténèbres. Mais moi, je me sentais envahie de ténèbres, une sensation que je n'arrivais pas à secouer.

J'avais regardé un soir, accoudée au comptoir de la cuisine, ma tante préparer une nouvelle série de ces attrapes-rêves. Elle utilisait une ficelle blanche particulièrement chère. Ce n'était pas n'importe quelle ficelle, c'était celle qui faisait toute la différence dans la qualité de ses créations. Je n'avais pas d'argent pour acheter des ficelles comme ça, et je n'osais même pas en parler. Je n'avais pas ce genre de rapport avec l'argent. Mais le besoin de faire quelque chose pour ma mère, de lui faire un attrape rêve avec cette ficelle, de lui prouver que je l'aimais malgré tout, avait pris le dessus. J'étais accrochée à l'idée de lui faire plaisir, comme si un acte de générosité pourrait réparer un peu de ce que j'avais détruit en moi.

Alors, une nuit, quand tout le monde dormait, j'ai pris la ficelle. Je n'ai pas vraiment réfléchi, je l'ai juste glissée dans ma valise, m'étonnant même de ne pas avoir de scrupules. Je me suis dit que ce n'était rien, juste un petit geste pour rendre la vie plus belle, mais à la place, c'était un pas de plus vers la destruction.

Le matin suivant, ma tante a découvert le vol. Elle était furieuse, mais elle n'a pas crié tout de suite. En vérité, elle n'a pas du tout crier. Elle m'a regardée, cherchant des réponses, et j'ai vu dans ses yeux un mélange de tristesse et de déception. Je voulais lui dire que je ne voulais pas lui faire de mal, que c'était pour maman, mais je n'ai pas trouvé les mots. Au lieu de ça, j'ai menti. Je lui ai dit que je n'avais rien fait, que c'était un malentendu, que je n'avais pas volé. Mais elle savait. Elle savait que j'avais pris quelque chose qui ne m'appartenait pas.

Et quand elle a parlé à ma mère, ça a tout déclenché. Ma mère, bien sûr, était en colère, encore une fois, mais cette fois, c'était différent. C'était comme si tout ce qui était déjà brisé dans notre famille s'était effondré encore plus. Elle m'a sermonnée, me traitant de menteuse, de voleuse. Je n'étais qu'un poids pour eux, un fardeau qu'ils ne pouvaient plus supporter. J'ai entendu des paroles blessantes, des accusations que je n'avais pas l'habitude d'entendre. Même ma mère, la seule personne que j'avais toujours cru aimer inconditionnellement, me rejetait.

Et tout a explosé après ça. Toute la famille, celle de ma mère en Corse, s'est éloignée. La honte, la déception, le poids de ce vol, aussi insignifiant qu'il ait pu paraître, avait fait naître une fracture dans tout ce qui était censé être un refuge. Ma mère, elle, n'a plus voulu leur parler. Elle a coupé tous les ponts, et moi, au milieu de ce chaos, j'étais là, le cœur dévasté, me demandant pourquoi j'étais toujours celle qui faisait tout foirer.

Je n'avais même pas volé de l'argent, seulement cette ficelle. Mais ça avait suffi. Ça avait suffi pour les éloigner, pour faire tout exploser autour de moi. Parce que ce n'était jamais juste une question de vol, ni même de ficelle. C'était tout ce que j'étais. Je ne pouvais jamais faire assez bien, jamais rien de juste. Tout ce que je touchais finissait par se briser. Et cette fois, c'était irréparable.

Le retour brutal dans le présent me fit soupirer. Moi et mes pensées...une longue histoire d'amour. Lorsque je déverrouillai mon téléphone pour consulter la notification, un frisson glacé parcourut mon échine. Je savais, sans même avoir besoin de lire, que c'était lui. Le numéro inconnu, une signature que je connaissais trop bien. Et pourtant, le simple fait de le voir apparaître sur mon écran me figea sur place. C'était lui, celui qui m'avait volé ma dignité, celui qui m'avait brisée, celui qui avait traversé mes frontières sans le moindre scrupule. Le coupable connaissait la profondeur de ses crimes. Le sien, c'était de m'avoir détruite, d'avoir pris quelque chose en moi que je n'arriverais jamais à retrouver.

Je pensais que, peut-être, j'aurais trouvé un semblant de paix avec le temps, que ce genre de message n'aurait plus d'emprise sur moi, mais non. Je n'avais pas du tout prévu ça. Le message, comme une lame tranchante, me percute au cœur, enfonçant encore plus profondément la douleur que j'avais tenté de cacher. Je le lis à nouveau, et encore, mes yeux s'agrandissant sous l'effet du choc.

Numéro inconnu

                         >Salut, Hope. J'espère que tu te portes bien depuis notre vidange.Si tu veux, nous pouvons remettre ça à quand tu veux. Ça avaitl'air de te plaire. Et n'essaie pas d'en parler, personne ne tecroira.

Je déglutis difficilement, comme si un poids énorme m'oppressait la gorge. Les mots se bousculaient dans ma tête, mais aucun d'eux ne trouvait son chemin jusqu'à mes lèvres. « Notre vidange », « Ça avait l'air de te plaire », « Personne ne te croira ». Ces phrases me tournaient en boucle, comme un écho de l'horreur, me ramenant à ce jour, à ce camion, à ce moment où je ne pouvais rien faire. Où je n'étais qu'une victime, impuissante, soumise à sa volonté. Ces mots me frôlent, me marquent de manière plus violente que je ne l'aurais jamais cru. Et je ressens chaque syllabe comme une gifle.

Mon cœur accélère, mes doigts tremblent et je n'arrive pas à les poser correctement sur l'écran. Une chaleur brûlante monte en moi, mais mes yeux sont pleins de larmes. Pourquoi fallait-il qu'il me rappelle tout ça maintenant ? Pourquoi revenir, encore et encore, alors que j'essaie désespérément de me reconstruire ? Je le sais, pourtant. Il est encore là, dans ma tête, dans chaque pensée, dans chaque souffle que je prends.

Je veux hurler, lui répondre, mais je sais que ça ne servirait à rien. La terreur me paralyse. Il a raison, dans un sens. Personne ne me croira. Il a déjà gagné. Il sait que je suis seule, que personne ne me défendra, que personne ne s'intéresse vraiment à ce que j'ai vécu. C'est lui qui contrôle, pas moi.

Je sens mes larmes couler à gros sanglots. Les mots ne s'arrêtent pas de résonner, encore et encore. Et tout devient flou. Je pose le téléphone dans ma poche, mais même son poids dans mon pantalon ne parvient pas à calmer l'angoisse qui me serre la poitrine. Mon corps tremble de plus en plus. Je m'élance vers les toilettes, mon esprit envahi par une seule pensée : m'échapper.

En un instant, je suis là, les genoux contre le sol, une nausée remontant en moi. Je vomis. L'écœurement est si intense que mon corps se tord de douleur. Je veux me débarrasser de cette sensation, de ce fardeau, de tout ce qui me souille. Je n'arrive pas à l'ignorer. Je sens comme des insectes sur ma peau, comme si chaque centimètre de mon corps était contaminé par ce qu'il m'a fait. Il m'a touchée, il m'a salie, et je ne peux plus m'en débarrasser.

Je m'effondre ensuite dans ma chambre, en larmes. Un désir insoutenable m'envahit, celui de me laver, de me débarrasser de lui, de tout ce qu'il m'a infligé. Une douche, c'est tout ce que je veux, mais même ça ne me semble pas suffisant. Je ne peux pas me débarrasser de ce qui s'est incrusté en moi, de cette sensation de souillure qui me ronge. C'est trop, je suis trop sale, trop brisée.

Je n'en parlerai pas. Je le sais. Ça ne sert à rien. Personne ne me croira, pas après tout ce qu'il m'a dit, pas après tout ce qu'il m'a fait comprendre. Mais au fond de moi, quelque chose hurle. Quelque chose qui veut que tout ça sorte, que la douleur soit entendue. Je suis épuisée, tellement épuisée. Mais je n'ai pas la force de lutter, de crier, de demander de l'aide.

Alors, je garde tout ça à l'intérieur. Tout ce qu'il m'a fait. Tout ce que j'ai enduré. Tout ce que je continue de vivre. Je le garde caché dans le fond de mon cœur, là où ça fait mal, là où ça me brise à chaque respiration. Mais peut-être que ça me tuera un jour. Peut-être que ça me détruira, doucement, sans bruit.

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