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Lunamariposa
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Chapitre 4

 Je laisse échapper un rire, une symphonie joyeuse qui transcende le quotidien. C'est une mélodie libératrice, une éruption de bonheur qui avait déserté ma vie depuis trop longtemps. Cependant, dans l'élan de ma gaieté, ma chaise se rebelle, me catapultant inopinément vers le sol froid. La douleur me saisit brièvement, mais mes amies et moi continuons à rire, comme si ce moment de maladresse avait ajouté une note comique à notre réunion. L'hilarité persiste, quelques instants suspendus dans le temps, avant que je reprenne mes esprits.

Je me relève avec précaution, une main posée délicatement sur ma hanche endolorie. Mes yeux, humides de larmes de joie, scrutent mes amies, chacune plongée dans un état euphorique similaire. Nous formons une communauté insouciante, des âmes connectées par des éclats de rire partagés. Ces amies, issues du secteur de pédiatrie adolescent, représentent une bouffée d'air frais dans ma vie morose. Un sourire sincère se dessine sur mon visage, une expression rare qui s'oppose à mes habitudes souvent sombres.

Sur un bout de papier, nous échangeons nos comptes Snapchat, un pacte pour prolonger cette connivence une fois sorties de cet établissement hospitalier. Notre hilarité, en apparence déclenchée par la banalité de la couleur d'une perle – certains la voient bleue, d'autres noire, une prétend ne pas la voir du tout – devient le ciment de notre amitié naissante. Nous rions sans retenue, captives d'un moment de légèreté, convaincues que la fille qui feint de ne pas voir la perle nous taquine simplement. Sa gentillesse et son humour amplifient l'atmosphère joyeuse qui règne parmi nous.

Blackover, une des filles du groupe, devient ma professeure improvisée de création de bracelets brésiliens. Notre après-midi se déroule dans une harmonie tissée de fils colorés, me procurant quelques heures de répit et le doux retour d'un sourire égaré. Mes compagnes de jeu partagent leurs histoires, des récits souvent liés à des troubles alimentaires ou à des situations qui échappent à leur contrôle.

Lorsque le moment arrive d'expliquer ma présence au sein de cet univers hospitalier, une vérité douloureuse que je ne peux avouer, je choisis l'artifice d'un mensonge improvisé.

- Je... j'ai avalé par erreur un produit toxique ! Je m'en souviens plus trop...

Leurs regards empreints de compassion dévoilent leur compréhension, mais d'une manière détournée, je ne leur ai pas menti. Les médicaments, en excès, peuvent être toxiques. Mais ce n'était pas une simple erreur ; c'était une spirale incontrôlée, un gouffre que je tentais désespérément de dissimuler derrière ce voile mensonger.

Cependant, une émotion chaleureuse m'envahit d'être ici, en ce moment précis, à goûter ce rare instant de bonheur. C'est comme si une partie de moi exultait d'avoir échappé à la froide étreinte de la mort. Une gratitude profonde s'installe en moi.

À la fin de l'atelier, je m'attarde, prenant le temps de replier avec soin chaque petite babiole utilisée. Mes compagnes, impatientes, ne m'attendent pas, et un soupir s'échappe de mes lèvres alors que je m'active pour les rejoindre. À l'approche de la sortie de la salle, mon pas ralentit, captivée par deux voix s'élevant dans une discussion que je n'étais pas censée entendre. Mon éthique me rappelle la mal-politesse de l'écoute aux portes, mais la curiosité l'emporte.

- Il ne faut pas lui dire, elle garde espoir. Et je vous assure que l'espoir fait vivre. De toute façon, à part espérer, elle n'a rien d'autre à faire.

La seconde voix, plus assertive, me surprend, provoquant un sursaut involontaire.

- Mais vous vous entendez ?! Vous parlez d'un enfant qui va mourir dans les mois à venir avec un pronostic qui ne peut pas être changé, et vous parlez qu'elle garde espoir ! Alors que la possibilité qu'elle survive est minime ! Zira va mourir ! On ne peut rien y faire, l'espoir ne fait pas vivre, l'espoir est destructeur.

Ces mots résonnent en moi comme une prémonition, comme si cette conversation était destinée à s'inscrire dans le fil de mon existence. Parfois, je sens que chaque lieu, chaque événement, a un dessein précis. Rien n'est laissé au hasard. Le destin a orchestré cette rencontre auditive, et je sais que ces paroles resteront gravées en moi. L'espoir, cette lueur fragile, peut être destructeur.

- Eh bien, allez-y, allez lui dire qu'elle va bientôt mourir, qu'elle n'a plus aucun avenir, qu'elle ne sortira jamais de cet hôpital maudit, allez-y ! Et vous la tuerez encore plus vite !

- La tuer encore plus vite ? Mais vous vous foutez de moi ?! Elle devrait vivre à 100 % et faire tout ce qu'elle veut faire pendant qu'elle en a encore le temps, il faut absolument qu'...

Soudain, mon ouïe me lâche. Ma poitrine s'emballe, ma vision se brouille. Zira  vas mourir..Je ressens le vertige. Mes paupières papillonnent, cherchant désespérément à fixer une réalité qui m'échappe. Le monde tourne autour de moi, s'enfonçant progressivement dans un abîme obscur, jusqu'à ce qu'il se transforme en un trou noir dévorant toute lumière.

             ______________

10h03, Quelques pars en Essonne, Enzo.

Putain de merde, cette salope a survécu. J'ai appris cela hier lorsque je me suis rendu au secrétariat de l'hôpital. Elle s'en est remise. Cependant, il est hors de question qu'elle parle de ce que je lui ai fait. Je risque mon travail et ma réputation. Les autres filles n'en ont pas parlé, alors il est exclu qu'elle le fasse. Sinon, elle y passera aussi. Peu m'importe. Une de plus ou une de moins, ça ne change rien. De toute façon, tant que j'ai une compagne de plaisir sexy, ça me va. Mais je ne m'engage pas avec des mecs, sérieusement, je ne suis pas une petite salope moi.

J'étais dans mon salon, un téléphone prépayé à la main, en pleine recherche du numéro de celle qui se fait appeler "Hope". Espoir ? Quel prénom pathétique. Ses parents pensaient probablement qu'elle apporterait de l'espoir, ce qui, je le suppose, n'est pas le cas. Mais putain, cette salope m'a procuré une jouissance intense, ça fait plaisir.

Mes collègues étaient également présents, mais ils semblent avoir tout oublié, et même si ce n'était pas le cas, je m'en fous. Nous sommes tous dans la même merde. Mais eux aussi semblent avoir apprécié. Nous avons tous participé à la défloraison de la brune. Putain, elle était si étroite, c'était tellement excitant. Tous les hommes devraient pouvoir se vider dans une femme au moins une fois par semaine, sans avoir son accord. Après tout, c'est normal, non ? Nous dirigeons le monde, nous avons les métiers les plus valorisées, nous sommes à la tête de nombreuses entreprises, notre président est un homme ! Les hommes sont à la tête de tout, les femmes sont nos servantes, et elles devraient subvenir à nos besoin, qu'elle le veuille ou non.

C'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer lorsqu'une femme m'apporte une boisson, un bon whisky. Je la regarde de haut en bas, elle se prend pour ma copine. Elle est drôle, elle ne comprends pas que je me sers d'elle uniquement pour la baiser, car bordel, les brunes innocentes, c'est excitant. Je la regarde de bas en haut, et sans attendre, je l'attire contre moi.

Elle s'exclame de surprise, mais je la pousse sur le fauteuil, elle me regarde sans rien dire, ça veux dire qu'elle est d'accord. Sinon, elle me dirais le contraire.

Bon, une chose est sûr, qu'elle dise oui ou non, je m'en branle, je la baise comme un animal face à sa proie, et ça se termine, puis je me casse de la, pour aller voir une autre victime.

             ______________

11h51, Corbeil-Essonne, Hôpital.

En arrivant devant l'hôpital, je me dépêche de me garer, vêtu d'une belle tenue civile mettant en avant les formes de mon corps. Un tee-shirt blanc soulignant la carrure athlétique de ma silhouette, et un pantalon de jogging gris. Je me recoiffe rapidement avant de me diriger vers l'entrée de l'hôpital. Je salue la réception avant de me rendre vers le service adéquat. Lorsqu'une infirmière croise mon chemin, je sens déjà que cela va être long si elle me parle. Alors, j'accélère le pas en direction de la chambre de Hope.

Elle me rattrape et retient mon bras. J'aimerais tant la frapper. Comment ose-t-elle me toucher, moi, sans ma putain d'autorisation ?

Je me retourne et, comme l'homme le plus sage du monde, je lui souris. Bien sûr, mes pensées salaces à son égard ne se voient pas. Comme tout agresseur, je joue extrêmement bien le jeu. Je la fixe dans les yeux, un sourire charmeur qui la fait chavirer.

- Hey, qu'est-ce que tu fais ici ? Tu es venue apporter un patient ? Me demande l'infirmière en me scrutant.

Mais elle est idiote ou quoi ? Je ne suis pas dans ma tenue de pompier. Je continue de lui sourire comme le plus gros hypocrite du monde.

- Non, je suis venu voir une proche à moi. Elle s'appelle Hope Baker.

J'avais retenu son prénom. Je retiens souvent les identités de mes victimes. Je l'avais entendue de la bouche de sa CPE, lorsqu'elle discutait avec des collègues. Hope Baker... il fallait qu'elle ferme sa gueule.

- Hope... Hope Baker, elle est euh...

...morte. J'espère. Mon souhait est qu'elle ait tenté de se tuer. Mais si c'était le cas, le visage de l'infirmière aurait littéralement changé, pourtant là, ça allait. Quant à moi, je fronce légèrement les sourcils.

- Elle est quoi ?

- Elle s'est évanouie après une activité... alors là, elle est dans sa chambre. Elle se repose, mais je suis sûre que ça lui ferait plaisir de te voir.

Je hoche la tête, un sourire narquois aux coins de mes lèvres. Je pourrais fouiller dans ses affaires si elle est endormie, ça va être facile. Continuant de fixer la femme en face de moi, je fais un pas vers elle, et d'un regard charmeur, je lui lance.

- C'est quoi le numéro de la chambre ?

- Les visites n'ont pas encore débuté... Mais on va dire que je t'ai pas vue, chambre 625.

Je lui remets en place une mèche, avant de filer vers la chambre de la victime en question. La porte est ouverte, je vérifie qu'il n'y a personne, avant d'entrer dans sa chambre. Fermant la porte derrière moi, elle est encore endormie, mais je suis sûr qu'elle sent ma présence. Je regarde autour d'elle, touche un peu chacun de ses vêtements, comme pour m'immiscer dans sa vie. Je touche son visage, avant de remarquer quelque chose qui dépasse de son coussin, un téléphone. Elle est futée, dans ce service, les téléphones sont interdits. Mais elle n'est pas assez futée pour le cacher à la vue de tous. Je lui prends son téléphone et le déverrouille avec l'empreinte de son pouce de sa main droite.

J'installe rapidement un virus sur son téléphone pour pouvoir la suivre même à distance. Je repose le téléphone à sa place puis, je me mets à la regarder, passant mes mains sur son visage. Elle pourrait être tellement plus belle si elle faisait certaines choses. Comme s'épiler les sourcils, mettre de la crème sur ses boutons d'acné pour qu'ils disparaissent. Mais putain ça pourrait être si simple, elle ne fait strictement aucun effort. Puis, elle devrait se faire une frange, elle a un gros front.

Je souffle longuement, mon souffle s'écrasant sur sa joue droite que je continue à caresser. J'aimerais tellement l'abîmer davantage. Histoire qu'elle se sente seule et ne puisse pas parler. Je recule rapidement quand tout à coup j'entends du bruit provenant du couloir, qui se rapproche de plus en plus de la chambre. Je prends la feuille qui se trouve dans une pochette plastique sur la porte, faisant exprès de la lire quand une femme, avec certaines rondeurs, débarque dans la chambre. Ça doit être sa mère, je ne souris pas et me contente de la regarder comme si c'était elle l'intruse. Je la regarde de toute ma hauteur, avant qu'elle ne prenne la parole, le visage neutre.

- Bonjour, puis-je vous aider ?

Dissimulant mes véritables intentions, je réponds poliment à la proposition d'aide, affirmant plutôt que je suis une amie très proche de la personne alitée. Mon objectif est clair : déstabiliser davantage la victime en m'attaquant à ses relations et en altérant l'image que les autres ont d'elle. Malgré mes paroles, la mère reste silencieuse, ne sachant probablement pas comment réagir face à cette révélation inattendue.

- On se parle via Internet, on s'est déjà vues dans la vraie vie, et on a eu quelques relations intimes ensemble, mais rien de bien méchant. Elle était consentante. Vous devez être sa mère ? Enchanté.

Je tends ma main en sa direction dans une tentative de politesse, mais elle demeure immobile, refusant le geste. Un sourire crispé se dessine sur mon visage, révélant l'amertume de la situation.

- Excusez-moi, je n'aurais pas dû. Je croyais qu'elle vous en avait parlé. Je suis désolé.

La mère, toujours muette, semble être prise au dépourvu. C'est à ce moment que la personne allongée dans le lit, la principale intéressée de cette scène, ouvre doucement les yeux. Son regard traduit la confusion. Pour la rassurer, je lui offre un sourire chaleureux, prétendant être un ami fidèle, dissimulant ainsi mes véritables intentions.

             ______________

12h30, Corbeil-Essonne, Hôpital.Hope.

Mes yeux papillonne, j'ai mal à la tête. J'essaie d'écouter les bruits autour de moi, mais je suis encore perdue. La seule chose dont je me souviens, c'est d'avoir vue défilé le couloir dans lequel j'étais sous mes yeux. Je me souviens aussi d'une conversation sur Zira.

Oh non..elle vas mourir. Et elle ne doit même pas être au courant..la pauvre, je me sens mal pour elle..j'ai envie de vomir rien que d'y penser.

Quand une personne se fait voir dans mon champs de vision, je reconnais une silhouette masculine, qui me semble familière, c'est peut-être un infirmier ? Puis, au vue de comment il me sourit, je pense que oui. Je le souris à mon tour, humidifiant mes lèvres devenues humides. Il regarde ma mère d'un regard attendue, puis, il remet la fiche dans le plastique derrière ma porte et part de la chambre.

Ma mère se tourne vers moi, les sourcils froncés. Je m'enfonce un peu plus dans le lit comme si ça allait me protéger de la suite.

Elle s'approche de moi, ses sourcils se fronçant encore davantage, et elle me fixe de toute sa hauteur, son expression témoignant d'une colère palpable, presque débordante. Sans prévenir, sa main s'abat violemment sur ma joue, et aussitôt, les larmes montent à mes yeux. J'ai quatorze ans, je me dis. Je devrais être capable d'arrêter de pleurer. Je ne veux pas être perçue comme faible, comme les autres le pensent de moi. Je dois leur montrer ma force. Mais la douleur de la gifle est réelle, et je ne peux retenir mes larmes. Pourtant, malgré ma peine, ma mère me fixe toujours avec ce mélange de dégoût et de pitié. Je ne comprends pas pourquoi j'ai mérité cette gifle. Je ne comprends pas pourquoi elle est si en colère.Je prends une profonde inspiration, essayant de calmer les vagues d'émotion qui me submergent. Mes yeux la suivent alors qu'elle contourne le lit pour s'asseoir. Soudain, elle lâche :

- Tu n'es qu'une grosse pute, Hope.

Mon cœur manque un battement à l'impact de ces insultes, comme si chaque mot était un coup brutal contre mon être. Les douleurs de ces mots sont familières, hélas. Je baisse les yeux, capitulant intérieurement. Je n'ai pas la force de riposter. Je veux espérer, garder foi en un avenir meilleur, mais répliquer ne ferait que lui donner raison. Je lutte contre l'envie de laisser cette insulte me briser. Je me réconforte en pensant que demain sera un nouveau départ. La vie paraîtra plus belle au réveil, je me le promets. Je dois persévérer, non pas pour moi-même, mais pour ceux qui vont bientôt partir. Je n'ai pas le luxe de choisir. La vie m'a accordé le privilège d'être en vie, et je dois en tirer parti.

Je prends une profonde inspiration, essayant de me concentrer sur la résilience qui coule dans mes veines. Quand ma mère continue son monologue, je l'écoute avec une détachement feint, déjà plongée dans mes propres pensées et déterminée à ne pas laisser ses mots toxiques me submerger.

- Je croyais que ta sœur pouvait être pire, mais c'est toi la pire. La pire des filles. Je voulais un garçon, pas une deuxième fille. Tu es un échec, Hope. Mais je suis contente que tu n'aies pas réussi ta tentative...

Un frisson glacial parcourt mon échine à l'écoute de ses mots acérés. J'avais espéré, naïvement, qu'elle en resterait là. Mais non.

-...Sinon, comment vais-je être perçue, franchement ? Les gens vont penser que je ne m'occupe pas assez bien de toi. Mais réalises-tu dans quelle situation tu nous as plongées ? Je vais faire passer ce que tu as fait pour une tentative d'empoisonnement. D'accord ? Enfin, je le dirai aux personnes qui ne sont pas encore au courant, mais qui me poseront quand même des questions.

Les mots de ma mère résonnent dans la pièce, teintés d'une colère froide qui glace l'atmosphère. Chaque phrase est comme un couteau enfoncé un peu plus profondément dans ma conscience déjà meurtrie.

Elle soupire profondément, une lassitude pesante dans chaque expiration. Mes doigts tremblants s'élèvent pour éponger les traces de mes larmes, mais je réalise à peine que j'avais cessé de pleurer. Pourtant, mes yeux brûlent encore, et des larmes fugitives continuent de rouler sur mes joues. C'est un véritable cauchemar, une descente aux enfers dont je ne vois pas le bout. Ma tête pulsante me rappelle à quel point tout cela est réel, cruellement réel.

Je m'efforce de ne pas céder à l'angoisse qui serre mon cœur, mais mes pensées s'échappent de ma mère pour se perdre dans les méandres de l'injustice. Zira, seule, abandonnée à son sort sans personne pour lui tendre la main et lui révéler la vérité. Est-ce à moi de porter ce fardeau ? Oui, une voix intérieure me le murmure avec insistance. Si j'étais à sa place, je voudrais connaître la vérité, peu importe sa cruauté.

Pourtant, cette réflexion soulève une question lancinante : que ferais-je si j'apprenais que mon temps sur cette terre touche à sa fin ? L'idée me glace, et je sens une boule d'angoisse se former dans le creux de mon estomac. Les possibilités semblent infinies, mais aucune ne semble offrir de réconfort face à la fin inéluctable.

Je réfléchis longuement, laissant mon esprit vagabonder dans les méandres de l'imaginaire. Déjà, je sais que je sortirais beaucoup plus, m'abandonnant à chaque instant de la vie, savourant chaque souffle, chaque rayon de soleil. Je ferais tout ce qui est possible de faire, étreignant chaque opportunité avec une férocité nouvelle. Si la possibilité de voyager se présentait, je prendrais un billet pour l'Espagne ou les États-Unis, ces destinations qui ont toujours dansé dans mes rêves.

Mes dernières heures, je les passerais entourée de célébrités que j'admire, échangeant des sourires complices et des souvenirs éphémères. Je créerais des vidéos, témoignages de ma vie, comme les pages d'un livre ouvert où je pourrais partager mes expériences, mes rêves, mes espoirs. Même si jusqu'à présent, ma vie n'a été qu'une suite de moments ordinaires, je chercherais à vivre des expériences palpitantes, à défier l'ordinaire, à goûter à l'adrénaline pure. Des sauts en parachute, un plongeon depuis une falaise, chaque action serait une affirmation de ma volonté de vivre pleinement, intensément, même dans mes derniers instants.

Et enfin, je mangerais tout ce qui me tomberait sous la main, laissant l'ivresse de la gourmandise envahir mes sens, quitte à me rendre malade. Car peu importe les conséquences, je sais que la fin approche inexorablement. Alors autant savourer chaque instant, chaque saveur, jusqu'à la dernière seconde. Après tout, je finirais par mourir, mais avant cela, je veux vivre. Je veux dire, vraiment vivre.

Peut-être que je voudrais aussi vivre ma première fois, peu importe avec qui. Tout le monde dit que ça procure du bien-être, que c'est un moment de plaisir, et honnêtement, j'ai envie de ressentir ce plaisir.

Je ferme les yeux, cherchant à échapper à ces pensées tumultueuses. Un frisson désagréable parcourt mon corps, mais je m'accroche à l'obscurité derrière mes paupières, espérant étouffer ces images indésirables. Des lumières clignotantes, des murmures confus, des formes indistinctes dansent dans mon esprit.

Pourtant, la réalité me rattrape brusquement, sous la forme de la voix de ma mère.

- Hope ! Arrête de faire ta défoncée et écoute-moi un peu quand je te parle !

Les mots jaillissent de la bouche de ma mère avec une force brute, comme des lames acérées qui s'enfoncent dans mon être fragile. Je la fixe, les yeux emplis d'une confusion douloureuse. Mes ongles, plantés dans ma peau, sont les témoins silencieux de la lutte intérieure qui fait rage en moi.

Il y a à peine quelques jours, j'ai découvert des marques violettes et bleues, telles des empreintes cruelles, parsemées sur mes bras et mon corps. Au début, j'ai attribué ces blessures à un membre du personnel hospitalier, soupçonnant un acte de malveillance de leur part. Mais la triste réalité m'a rattrapée, me frappant de plein fouet : ces blessures sont le résultat des coups infligés par les brutes sans merci de mon collège. Leur cruauté n'a pas de limites, leur violence sourde est devenue un compagnon constant dans ma lutte quotidienne.

J'espère de tout mon cœur que ce cauchemar prendra fin à mon retour. Je rêve du jour où je pourrai enfin trouver un sanctuaire, un havre de paix où ces brutes ne pourront plus me toucher. Mais pour l'instant, je suis coincée, prisonnière de ce cycle de violence insensé.

Je me racle légèrement la gorge, sentant l'aridité de ma bouche comme un rappel de mon silence prolongé. C'est comme si des années s'étaient écoulées depuis ma dernière conversation, depuis que ma voix a résonné dans cette pièce.

- O-Oui..?

Ma réponse est à peine plus qu'un murmure, un souffle timide qui peine à franchir mes lèvres.

Son ton est empreint d'une légère irritation lorsque sa voix s'élève à nouveau dans la pièce, brisant le silence oppressant.

- Cela fait trente minutes que je suis ici, et tu n'as toujours pas parlé. Qu'est-ce qui se passe ?

Le poids de son regard insistant me pèse, et je sens une boule d'angoisse se former dans le creux de mon estomac. Trente minutes déjà ? Je jette un coup d'œil rapide à l'heure sur mon téléphone, et un frisson me parcourt lorsque je constate qu'elle a raison. Elle sait que je l'ai, après tout, c'est elle qui me l'a laissé.

Je pousse un soupir, un mélange de frustration et de résignation, me redressant légèrement sur le lit. Mes yeux rencontrent les siens, cherchant un réconfort qui semble hors de portée dans l'océan tumultueux de mes pensées.

- Désolée, je réfléchissais.(Ma voix est hésitante, les mots sortant avec peine de ma bouche sèche). Tu devrais y aller, j'ai beaucoup de travail à faire, beaucoup de choses à rattraper.

Pourtant, ce ne sont que des excuses. J'ai déjà rattrapé mon retard depuis longtemps. Il ne me reste qu'une simple tâche manuelle à accomplir, mais l'idée de rester seule avec mes pensées m'effraie plus que je ne veux l'admettre.

Elle semble contrariée d'être venue pour rien, agacée d'avoir parlé à un mur. Malgré tout, elle s'approche de moi avec une tendresse empreinte de tristesse, m'enveloppant dans ses bras avec une douceur qui me touche au plus profond de mon être. Ses larmes éclatent en sanglots, et je me sens submergée par une vague d'émotions que je ne sais pas comment exprimer.

- Hope... pourquoi as-tu fait ça ? Explique-moi. Je croyais que tu étais heureuse.

Sa voix tremble légèrement, teintée d'une incompréhension douloureuse. Je sens son regard scrutateur peser sur moi, cherchant des réponses dans les profondeurs de mon être.

Les apparences sont trompeuses, maman. Même le plus heureux des hommes peut cacher le plus lourd des fardeaux.

- Eh bien...(Je cherche mes mots avec précaution, essayant de trouver une explication qui apaiserait sa peine.) J'étais dans une période particulièrement stressante.

Et surtout, je voulais que l'on voie à quel point je vais mal.

Son regard se voile d'une tristesse indicible, comme si mes paroles avaient ravivé une douleur ancienne en elle.

- Moi aussi, je suis stressée, Hope. Mais si je devais partir, je l'aurais fait depuis longtemps. Tu sais ce que cela nous aurait fait si tu étais morte ?

Sa question me transperce comme une lame acérée, réveillant une douleur que je pensais avoir enfouie au plus profond de moi. Oui, je sais. Vous seriez tous très heureux. Mais quelle mère pourrait tenir de tels propos ?

Une boule d'amertume se forme dans ma gorge, mais je la chasse rapidement. Après tout, nous n'avons pas vécu les mêmes choses. Peut-être que pour elle, c'était bien pire.

- Oui... mais je suis vraiment désolée de ce que je vous ai fait. Je te le promets. Ma voix tremble légèrement, chargée de remords et de promesses de changement.

- Tu as intérêt à te racheter et à rectifier la situation.

Je sens le poids de ses paroles s'abattre sur moi comme un fardeau insupportable.

- Je le ferai, je ne sais pas comment, mais je le ferai.

Je m'efforce de paraître confiante, même si au fond de moi, je suis débordée par l'incertitude. Je sais bien comment y parvenir : il me suffit de paraître beaucoup plus heureuse que d'habitude. Après tout, sourire et rire sont des actes faciles à feindre. Les gens y croient sans poser de questions, et ils n'ont pas le temps de se soucier de la véracité de ces émotions. Tant que tu as l'air bien, tout va bien. Personne ne prend la peine de creuser plus loin que la surface.

- Hope, tu sais, tu es ma fille, et je dois t'aimer..

  Son affirmation me fige sur place, mon esprit se perdant dans les dédales de cette obligation.

-...Mais parfois, tu ne me facilites pas la tâche. Je sais qu'une mère ne devrait pas dire de telles choses, mais ta sœur n'est pas comme ça. Qu'est-ce que j'ai pu rater quand je t'ai élevée ? Qu'est-ce qui a mal tourné ? Dis-moi, Hope, et nous pourrons tout recommencer.

Les mots de ma mère résonnent dans le silence, et je lutte pour assimiler leur portée. Si elle essaie d'être bienveillante, c'est exprimé de manière si maladroite. Mon regard se perd dans le vide alors que je ravale ma salive, tentant de contenir l'avalanche d'émotions qui menacent de m'engloutir.

- Rien, c'est moi qui n'ai pas fait assez d'effort. Je suis sincèrement désolée, maman.

Je m'attends à une réaction, une réprimande peut-être, mais à la place, ma mère semble sourire. Cependant, ce sourire n'est pas empreint de chaleur maternelle, mais plutôt de résignation. Toute la détresse du monde semble avoir quitté son corps douloureux pour se loger dans le mien. Je deviens la méchante, celle qui détruit tout ce qu'elle touche.

Pourtant, ce moment de calme précaire ne dure pas longtemps. Bientôt, son expression change, se durcit. Je sens un frisson d'appréhension me parcourir lorsque ses paroles tombent comme un coup de massue.

- Je suis au courant, déclare-t-elle d'une voix cinglante.

- Hein ? De quoi ? Je tâtonne dans l'obscurité de mon ignorance, essayant de comprendre ce qu'elle veut dire.

- Que tu n'es plus vierge, que tu n'es pas aussi innocente que tu le présumes. Tu me déçois, véritablement.

La confusion me submerge. Comment ça, je ne suis plus vierge ? Mes pensées s'embrouillent alors que je cherche désespérément une explication à ses paroles accusatrices. Je n'ai jamais couché avec qui que ce soit dans ma vie, et c'est par manque d'envie. Puis, j'ai peur de la douleur, peur que mon premier amour, le premier homme à m'arracher cette virginité, ne profite de moi et ne m'utilise pour son propre plaisir.

- Et en plus, tu me mens ? C'est toujours ce que tu as fait, Hope ! Me mentir encore et toujours... Sa voix résonne dans la pièce, chargée d'une amertume palpable.

Je sens le poids de ses accusations peser sur mes épaules, comme une chaîne qui m'entrave et m'empêche de respirer. Elle marque un temps de pause, comme pour reprendre son souffle, et je reste là, pétrifiée par ses paroles empreintes de déception.

- Je vais y aller, on se revoit demain.

Son départ est précipité, et je me retrouve une fois de plus seule, mais cela ne me dérange pas. Je veux juste faire le point sur toutes les choses qui me sont arrivées depuis le début de mon réveil. Et il y en a eu tellement... La réalité de ma situation me frappe de plein fouet, et je me sens soudainement épuisée, accablée par le poids de mes pensées.

Je détourne le regard alors qu'elle quitte la pièce, laissant derrière elle un silence lourd et oppressant. Je me sens comme suspendue dans le temps, prisonnière de mes propres tourments.

Je jette un coup d'œil rapide à l'heure sur mon réveil. 13H22. Le temps file à une vitesse vertigineuse, comme s'il essayait de me rattraper, de me laisser encore moins de temps pour réfléchir, pour respirer.

Je baille, me tapotant les joues pour tenter de me réveiller complètement. Et puis, soudain, une délicieuse odeur de nourriture flotte dans l'air, se frayant un chemin jusqu'à ma chambre. C'est comme si cette senteur avait le pouvoir magique de me tirer de ma léthargie. Enfin ! J'avais tant attendu ce moment, celui où je pourrais enfin assouvir ma faim.

Une dame arrive, son visage rayonnant d'un sourire chaleureux alors qu'elle dépose délicatement le plateau sur une table roulante à côté de mon lit. Elle me demande de mes nouvelles avec une bienveillance touchante, mais comme à mon habitude, je réponds avec un sourire forcé que tout va bien. Elle semble si heureuse, et je ne veux pas gâcher son humeur en lui exposant mes propres tourments.

Lorsqu'elle s'éloigne, je reporte mon attention sur le plateau posé devant moi. Une pomme, un yaourt viennois au chocolat, un peu de macédoine, et de la purée avec un steak haché ! Un festin à mes yeux. Malgré tout, mon sourire reste teinté d'une légère mélancolie alors que les mots de ma mère résonnent encore dans ma tête, semant le doute et la confusion.

Je m'empresse de dévorer mon repas, chaque bouchée apportant un réconfort bienvenu, comme une étreinte chaleureuse dans ce monde de tourments. La nourriture semble envelopper mon corps de sa douceur protectrice, apaisant les angoisses qui me rongent de l'intérieur.

Une fois mon repas terminé, la fatigue m'envahit, lourde et oppressante. Je décide de m'octroyer une sieste, espérant trouver un peu de répit dans le sommeil. Je suis épuisée, écrasée par le poids de ma propre fragilité. Les tubes qui m'entourent, remplis de substances mystérieuses, semblent être les seuls à percer les défenses de mon corps affaibli, même si cela va à l'encontre de toute logique médicale.

4 jours plus tard..

En émergeant d'un sommeil prolongé en fin d'après-midi, je commence à m'étirer, sentant mes membres raides après une journée de travail. Lentement, je me hisse hors du lit d'hôpital, désireuse de me diriger vers la salle de bain pour me rafraîchir.

Une fois rafraîchie, je me dirige vers l'affichage de ma semaine, soigneusement accroché au mur. Je réalise avec une pointe d'amertume que je pars demain, mais je n'ai absolument pas envie de retrouver ma vie normale. Comme si tout ce qui s'était passé n'était qu'un rêve éphémère, destiné à se dissiper dès mon réveil.

Alors que je m'apprête à choisir une tenue confortable dans mon armoire, je saisis distraitement mon téléphone, parcourant machinalement mes notifications. Mon doigt s'arrête sur l'icône de Snapchat, et je l'ouvre.

                                        Lana

> Coucou, avec Victoire on as voulue venir te voir, mais avec le Covid, tu n'as le droit qu'à la visite de ta famille. Dommage, mais on as vue ta mère, elle nous regardait trop mal. Deux émojis qui rigolent suivent ses mots.

Je lui répond avec un simple émojis avec un sourire descendu sur le côté. Je vais sur la conversation de ma classe.

Groupe 3ème D- Hugox9100, DragiBruce et trois autres personnes sont en train d'écrire..

Hugo

> Vous avez les réponses pour lundi ??

Bruce

> Non, mais c'est bon, je crois

même pas que la prof vas

regarder, on s'en fou sérieux.

Un émojis qui éclatent de rire suivent

ces mots.

Lana

        > Je vais voir ça avec Hope,

            je vous tiens au courant.

Je dépose mon téléphone sur le lit, laissant les messages affluer sans réelle envie de les consulter. Enfilant mon bas de jogging, je ressens pour la première fois depuis longtemps une absence de douleur dans mon corps. Lors de ma dernière consultation avec la psychologue de l'hôpital, elle avait remarqué les ecchymoses sur ma peau et m'avait interrogée à ce sujet. À ma grande surprise, ses suppositions s'étaient toujours révélées justes, signe alarmant de l'omniprésence de la maltraitance dans notre société moderne.

Dans quelques minutes, je dois une fois de plus la rencontrer. Comme d'habitude, c'est à elle de venir dans ma chambre. Je me sens frustrée par mon interdiction à quitter cette pièce par moi-même, bien que je n'aie aucune envie de partir. L'hôpital est devenu un havre de sécurité pour moi.

Je laisse mes amies sans réponse alors qu'elles me demandent des nouvelles de mon travail. Je n'ai pas la tête à ça. Alors, je patiente sur mon lit, attendant l'arrivée de la psychologue. Quand elle finit par venir me chercher, plusieurs minutes plus tard, je ne lui tiens pas rigueur de son retard. Le temps a filé rapidement alors que mes pensées étaient absorbées par un tourbillon intérieur.

Je la suis en silence jusqu'à son bureau, où elle m'invite à m'asseoir, comme à son habitude. Elle pose la question habituelle, et je réponds machinalement. Je me demande si elle se lasse de répéter sans cesse la même chose, mais je suppose que c'est son métier. C'est un peu comme ces professeurs qui répètent inlassablement le même cours.

- Hope, alors, dis-moi, comment est-ce que tu vas aujourd'hui ?

- Hm... je suis un peu déçue de partir demain, mais sinon... ça va, comme d'habitude, marmonnai-je d'un ton morne.

La psychologue, assise en face de moi, arqua un sourcil, manifestant son intérêt.

- Déçue ? Oh, dis-moi pourquoi ?

Je me tortillai sur ma chaise, cherchant les mots justes pour exprimer ce sentiment de perte qui m'envahissait à l'idée de quitter cet endroit.

- Eh bien, disons que je m'étais faite des amies sincères ici, et j'aime bien cet endroit. Il est chaleureux, enfin, ce service, pas l'hôpital en général. Son ambiance est quelque peu lugubre, alors bon.

Un sourire compatissant se dessina sur le visage de la psychologue.

- Tant mieux si tu t'es faite des amies. Tu pourras garder contact avec elles ?

- Oui, nous avons échangé nos réseaux sociaux, répondis-je avec un léger sourire.

- Parfait alors ! Elle m'adressa un sourire encourageant. Tu me disais que tu trouvais cet hôpital lugubre. Pourquoi penses-tu cela ?

Je pris une profonde inspiration, essayant de rassembler mes mots.

- Des gens y meurent tous les jours, les proches se retrouvent souvent seuls après la mort et ça me rend mal pour eux. L'hôpital est le seul endroit où nous arrivons sans y entrer, et à la fin de notre vie, nous y entrons sans jamais en ressortir. Par exemple, on naît la plupart du temps dans un hôpital, mais on n'y est jamais entré... et on va à l'hôpital durant nos dernières heures sans jamais en ressortir au final.

Un silence pesant s'installa dans la pièce alors que mes mots résonnaient dans l'air. Je me sentais soudainement exposée, vulnérable et stupide et je m'excusai précipitamment.

- Excusez-moi. C'était ridicule.

- Non, non, loin de là, tu as raison. Je n'avais jamais réfléchi sous ce point de vue. Hope, tu es une personne très intelligente. Tu arrives à percevoir chaque aspect des choses, même les plus insignifiantes. Ne pense pas que ce soit ridicule et fais-toi un peu confiance. Tu verras, quand le moment viendra, tu seras capable de tout.

Capable de tout ? Les paroles de la psychologue résonnaient dans ma tête. Pourtant, je ne savais même pas ce que je voulais. Chacune des personnes que je connaissais avait un but dans la vie, et elles faisaient tout pour l'accomplir. Elles étaient capables de tout pour atteindre leurs objectifs. Moi, rien ne m'attirait. J'avais l'impression de ne pas avoir trouvé ma voie, de ne pas avoir découvert ce qui faisait de moi ce que j'étais. Mais depuis ma tentative de suicide, je ne me sentais plus la même. Je me sentais perdue, comme si une partie de moi s'était éteinte.

- Et comment sommes-nous censés savoir ce que nous voulons si nous ne savons même pas qui nous sommes ?

- En faisant ce que tu aimes, en sortant plus, et d'abord en commençant par ralentir de travailler... Ces dernières semaines, j'en ai appris beaucoup sur toi, et tu représentes une personne acharnée sur son travail et qui travaille énormément. Pense à prendre une pause. Sinon, ça te détruira de l'intérieur. Hope, en sortant d'ici, je veux que tu sois nouvelle, que tu sois reconstruite. Toi-même tu l'as dit. La première fois que tu sors d'un hôpital, c'est parce que tu es née. Et quand tu meurs, tu n'en sors jamais. Sauf que toi, tu en ressortiras. Et ce n'est pas pour rien, Hope, tu vas comme renaître en sortant d'ici. Tu vas recommencer ta vie de zéro et apprendre de tes erreurs. Et tu sauras alors qui tu es.

Elle.A.Retourné.Mon.Argument.Contre.Moi.

Mais elle dit vrai, tout ce qu'elle dit est métaphoriquement vrai. En sortant de l'hôpital, les gens vont voir que j'allais mal alors ils vont changer. Mais je vais déjà beaucoup mieux, j'ai envie d'aller beaucoup mieux. Les choses vont changer, je le sais, et je le sens, plus rien ne sera jamais comme avant. Je sais que tout sera meilleur, que j'aurai plus d'amis, que j'aurai une meilleure vie, et que je serai enfin une fille à la vie normale. Pas ce genre de fille qui se fait harceler, frapper et qui se mutile. Non, je suis beaucoup plus forte que ça.

Je me mets alors à sourire, les paroles de la psychologue ont été très importantes pour moi. Mais je n'ai plus besoin d'elle, ça y est, je suis enfin prête pour affronter ce nouveau monde. Notre dernier entretien se termine bien vite, et je porte un très grand sourire aux lèvres. Je me sens mieux, et je sais que plus rien ne pourra m'atteindre. Je suis plus forte que je ne le laisse croire.

Je me fais ramener dans la chambre, disant une dernière fois au revoir à la psychologue. Je prépare déjà mes affaires pour rentrer le lendemain. C'est la première fois que j'ai autant hâte de reprendre les cours, même si je sais que pour l'instant, ça se passe en distanciel.

La fin de la soirée s'annonce, et comme tous les soirs, il y a une activité tisane dans l'une des salles du service de pédiatrie pour adolescents de l'hôpital. Et je m'y rends. Mes amies y sont déjà présentes. Je sais que demain des larmes couleront quand je partirai. Je suis certes plus forte, mais je suis surtout hypersensible, et elles vont me manquer. Nos moments de rire et de joie vont me manquer.

Je remarque Zira un peu plus loin, qui est toujours aussi joyeuse. Je ne lui ai pas dit ce que je sais. Ce n'est pas mon rôle, je le sais. Les infirmières et médecins savent quoi faire. Je suis encore trop immature pour réfléchir à la situation.

J'aimerais tellement lui faire un câlin, mais avec le Covid-19, on ne peut malheureusement pas. Cependant, je vais préparer deux tisanes pour lui en apporter une. Je m'assois à quelques mètres d'elle. Elle se met alors à sourire en me voyant.

Wow... Ce sourire... Bien qu'il puisse sans doute être automatique, est tout simplement magnifique. J'adore voir ce genre de souvenirs.

- Merci, Hope. Comment tu vas ?

- Ça va parfaitement bien. Cependant, j'aimerais te dire quelque chose pour que tu le comprennes bien et qu'il entre dans ta petite tête !

Elle fronce légèrement les sourcils, ne sachant pas où je veux en venir. Elle fait un signe de tête pour que je puisse continuer.

- Alors, Zira, tu es simplement une femme fabuleuse, l'une des meilleures que j'ai sans doute rencontrées dans toute ma vie. Tu es courageuse, et tu n'imagines pas à quel point je suis fière de toi. Tu es une femme forte, l'une des meilleures femmes de ce monde, et je n'exagère en aucun cas mes mots. Tu es juste... wow ! Fantastique !

Elle a les larmes aux yeux à mes mots, et sans attendre, sans hésiter, elle se met à me serrer dans ses bras. Bien fort. J'adore ce genre de câlin ! Je lui rends alors son étreinte, qui dure plusieurs minutes, mais cela ne me dérange pas du tout, bien au contraire. Et j'entends enfin sa voix.

- Demain, tu vas beaucoup me manquer quand tu partiras. J'espère qu'on va vite se revoir, mais dans d'autres circonstances. Quand je sortirai d'ici, je te donnerai rendez-vous.

Les mots me manquent, et les larmes me viennent à mon tour. Je détourne l'attention en souriant tristement, mais étant en mode câlin, elle ne voit pas mon sourire.

- Chaque chose en son temps...

La soirée se passe sans accroc, les sourires et les rires sont au rendez-vous. J'ai quand même une boule au ventre à l'idée de partir et de ne plus jamais les revoir, surtout Zira. Alors je me contente de profiter du moment présent.

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