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Lunamariposa
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Chapitre 10

Wings – Birdy

Le collège est bientôt terminé. Dans quelques semaines, tout cela ne sera plus qu'un souvenir, un chapitre clos d'un livre que je n'ai jamais voulu écrire. Et pourtant, alors que je marche dans les couloirs, je ressens une drôle de sensation, un mélange de soulagement et de vide.

Les jours s'étiolent, le temps semble s'étirer comme un fil trop tendu prêt à rompre. Chaque matin, je me lève en me répétant que ce n'est qu'une question de temps. Encore un peu, juste quelques jours, et je pourrais enfin respirer. Pourtant, la vérité, c'est que je ne sais même pas si j'en ai réellement envie. Parce que, malgré toute la souffrance, malgré les regards, les messes basses, les menaces, malgré la peur omniprésente... je m'y suis habituée.

C'est étrange à dire, mais quand on vit dans l'enfer trop longtemps, on en vient presque à le considérer comme une norme. L'inconnu fait plus peur que la douleur quotidienne.

Les révisions pour le brevet se sont faites dans l'angoisse, mes nuits écourtées par les insomnies, mes jours bercés par l'épuisement. J'ai donné tout ce que je pouvais, même si mes mains tremblaient à chaque page tournée, même si mes pensées étaient sans cesse parasitées par autre chose que mes cours. Et maintenant, c'est fini. J'ai passé les épreuves, j'ai rendu mes copies, j'ai attendu, et aujourd'hui... les résultats sont tombés.

Mention très bien.

J'ai du mal à y croire. Mon cœur bat dans ma poitrine alors que je fixe l'écran de mon téléphone. Mon nom est bien là, avec cette mention que je ne pensais jamais obtenir. Malgré tout. Malgré eux. Malgré moi.

Une fierté discrète se mêle à mon incompréhension. Est-ce que ça change quelque chose ? Est-ce que ça signifie que, malgré les cicatrices invisibles, je vaux encore quelque chose ? Que je suis plus que ce qu'ils ont voulu faire de moi ?

Je ne sais pas.

Je rentre chez moi, le bulletin encore affiché sur mon téléphone, comme une preuve que tout ceci est réel.

Quand j'arrive, ma mère est là, assise sur le canapé, un verre à la main. Elle ne lève même pas les yeux. Pourtant, moi, j'aimerais lui dire. J'aimerais qu'elle me regarde, qu'elle me félicite, qu'elle me dise que je mérite ça.

- Maman... J'ai eu la mention très bien.

Silence.

Elle prend une gorgée de son verre, toujours sans me regarder. Puis, un rire sec s'échappe de ses lèvres.

- Et alors ?

Je reste figée. Un vide immense s'ouvre sous mes pieds.

Elle continue :

- T'es pas si intelligente que ça, t'aurais pu faire mieux si t'avais pas passé ton année à pleurnicher comme une gamine.

Les mots me heurtent de plein fouet, comme un coup de poing invisible. Je devrais m'y attendre. Mais ça fait mal. Toujours autant.

Je baisse les yeux. Je devrais partir, aller dans ma chambre, mais mes jambes refusent de bouger.

- J'aurais pu faire mieux, oui...  Ma voix est faible, éteinte.

Elle hausse les épaules et rallume la télé. Pour elle, c'est déjà fini.

Mais pour moi, c'est différent. Parce que cette année, je l'ai traversée. Je suis en vie. Je n'ai pas abandonné.

Je monte dans ma chambre et referme la porte derrière moi. Je pourrais pleurer, hurler, frapper quelque chose. Mais à la place, je m'assois sur mon lit et je regarde autour de moi.

Bientôt, tout ça sera terminé. Bientôt, le collège sera derrière moi.

Mais qu'est-ce que ça signifie, au juste ? Que je vais mieux ? Que tout est oublié ?

Non.

Je le sais. Ce n'est pas la fin.

C'est juste le début d'une autre histoire.

Et cette histoire, je ne sais pas encore comment elle se terminera.

Les jours passent et la fin d'année approche à une vitesse effrayante. Chaque matin, en franchissant les grilles du collège, je ressens un pincement au cœur. Pas parce que cet endroit va me manquer, non. Plutôt parce que je réalise que, malgré tout ce que j'ai enduré ici, malgré tout ce que j'ai vécu, je vais en sortir indemne en apparence, mais brisée de l'intérieur.

Les autres semblent excités par cette transition. Ils parlent du lycée, de l'été, de la liberté. Moi, je n'arrive pas à voir plus loin que le lendemain. Peut-être parce que je sais que ce n'est pas aussi simple. Changer d'environnement ne suffira pas à me libérer de tout ce que j'ai vécu. Je ne peux pas fuir ma propre ombre.

T'as réfléchi à quel lycée tu veux aller ? me demande Lana en s'asseyant à côté de moi sur le banc du petit parc derrière le collège.

Elle est l'une des seules personnes à qui j'arrive encore à parler. Son regard est doux, rempli de bienveillance. Elle a toujours été là, à sa manière, même quand je n'avais plus la force d'être présente pour moi-même.

Je hausse les épaules, le regard perdu dans le vide.

Peu importe. Ce sera juste un autre endroit où survivre.

Elle fronce les sourcils.

Tu ne peux pas penser comme ça, Hope. C'est une nouvelle page, un nouveau départ. Les autres ne seront plus là. Et, tu verras Charlotte tous les jours !

Elle a tort. Ce n'est pas si simple. Les souvenirs, eux, ne disparaissent pas avec les murs d'un collège.

Je détourne le regard, mes doigts s'entrelacent nerveusement.

Je ne sais pas si j'en veux, de ce nouveau départ.

Lana soupire et prend ma main dans la sienne, serrant doucement.

Tu le mérites pourtant.

Ses mots résonnent en moi comme une vérité que je suis incapable d'accepter.

Alors que nous restons là, silencieuses, un frisson me parcourt. L'angoisse ne me quitte jamais vraiment, elle est devenue une seconde peau. Et quelque chose en moi me dit que ce n'est pas terminé.

Je le sens.

Parce qu'on ne peut pas effacer le passé.

On ne peut que le traîner derrière soi, en espérant qu'il finisse par peser un peu moins lourd.

Le soleil commence à décliner derrière les immeubles, étirant des ombres longues sur l'asphalte encore tiède. L'air est chargé d'une légère odeur de bitume chauffé par la journée. En avançant dans la rue, mon regard se pose sur la vieille bâtisse aux volets bleus écaillés qui m'a servi de refuge toute l'année.

La maison d'étude.

Je m'arrête un instant devant la grille en fer forgé, usée par le temps. Pendant des mois, j'ai franchi cette entrée presque chaque jour, cherchant un semblant de stabilité dans un monde qui s'effritait sous mes pieds. Ici, il n'y avait pas de moqueries, pas de menaces cachées dans mon casier, pas de regards pleins de sous-entendus. Juste des élèves, des livres, et le bruit apaisant des stylos qui courent sur le papier. Avec mon autre meilleure amie avec qui j'ai plus d'afinitée. Que je retrouverai d'ailleurs au lycée.

J'inspire profondément avant de pousser la grille, qui grince légèrement en s'ouvrant.

L'intérieur sent toujours le bois ciré et le café tiède. La salle principale est presque vide à cette heure-ci, seuls quelques élèves dispersés griffonnent encore des notes dans leurs cahiers. Les murs sont couverts d'étagères remplies de manuels de toutes les matières possibles, et au fond de la pièce, assis derrière son bureau encombré de copies et de stylos éparpillés, se trouve Monsieur Renaud.

C'est un homme dans la cinquantaine, avec des lunettes glissant toujours sur le bout de son nez et des cheveux poivre et sel en bataille. Il a cette voix calme et posée qui donne l'impression que rien ne peut l'ébranler.

En levant les yeux, il m'aperçoit et esquisse un sourire.

Hope. Tu es venue dire au revoir ?

Je hausse les épaules, mal à l'aise.

Je crois... Je voulais juste passer une dernière fois.

Il pose son stylo et enlève ses lunettes, me détaillant avec cette attention bienveillante qui m'a toujours mise un peu mal à l'aise.

Tu as bien travaillé cette année. Vraiment. Tu peux être fière de toi.

Je baisse les yeux, fixant un coin de la moquette usée.

J'aurais pu faire mieux.

Il lâche un petit rire, secouant la tête.

On peut toujours faire mieux. Mais tu sais quoi ? Ce n'est pas ça qui compte. Ce qui compte, c'est que tu as tenu bon. Tu as continué malgré tout.

Je relève les yeux vers lui. Je voudrais lui dire qu'il se trompe, que je n'ai fait que survivre, pas avancer. Que chaque matin, je me levais avec cette boule au ventre, cette peur sourde de ce qui allait encore m'arriver dans la journée. Mais je garde le silence.

Il semble comprendre malgré tout, parce qu'il ajoute doucement :

Tu reviendras l'année prochaine ?

Je mords l'intérieur de ma joue. Je n'ai pas encore réfléchi à cette question. L'idée de revenir ici, de revoir ces murs familiers, me rassure et me terrifie à la fois.

Peut-être, je finis par murmurer.

Monsieur Renaud hoche la tête, sans insister. Il sait que certaines décisions ne se prennent pas en un jour.

Quoi que tu décides, sache que la porte te sera toujours ouverte. Et qu'ici, tu as toujours eu ta place.

Je hoche la tête, le cœur serré.

Merci, je souffle, avant de me détourner.

Je traverse la salle une dernière fois, laissant mes doigts effleurer le bois du bureau où je me suis assise tant de fois.

Puis, sans me retourner, je sors.

L'air du soir est plus frais que je ne l'imaginais. Je frissonne légèrement en remontant mon sac sur mon épaule.

Derrière moi, la maison d'étude reste là, immobile, témoin silencieux d'une année qui s'achève.

Peut-être que je reviendrai. Peut-être pas.

Mais pour la première fois, en passant la grille, je sens que je laisse quelque chose derrière moi.

Le soleil disparaît lentement derrière les immeubles, peignant le ciel de nuances orangées et roses. La chaleur de la journée commence à s'atténuer, remplacée par une brise légère qui fait danser quelques feuilles sur le trottoir. J'avance d'un pas lent, sans réelle destination, traînant un peu plus les pieds à chaque intersection, repoussant l'inévitable moment où je devrai rentrer chez moi.

J'ai l'impression que mes jambes me portent par automatisme, comme si elles connaissaient ce chemin par cœur. Et en réalité, c'est le cas. Depuis des mois, j'ai emprunté cette route pour aller et revenir du collège, pour éviter les endroits trop fréquentés, pour marcher sans croiser de visages familiers. Mais ce soir, tout me semble différent. Comme si la ville elle-même me soufflait un au revoir silencieux.

Je passe devant une supérette où j'achetais parfois des bonbons après les cours, du temps où tout était encore... normal. Même si ce ne l'a jamais vraiment été. Mon reflet dans la vitrine me surprend. J'ai l'air épuisée, vidée, mes traits sont tirés, mes yeux cernés. Est-ce que j'ai toujours eu cette tête-là ? Ou est-ce que cette année m'a transformée au point que je ne me reconnais plus ?

Je détourne les yeux et continue mon chemin, mes mains enfoncées dans les poches de mon sweat.

Finalement, mes pas me conduisent jusqu'au petit square près de chez moi. Un endroit banal, quelques bancs en bois, une aire de jeux pour les enfants du quartier. La lumière du lampadaire clignote par intermittence, projetant des ombres tremblantes sur le sol.

Je m'assois sur le banc, laissant mon sac tomber à mes pieds. L'air est doux, mais je frissonne.

Tout est fini.

Le collège. Les brimades. L'angoisse de découvrir un nouveau mot cruel dans mon casier. L'impression d'être enfermée dans une boucle sans issue.

Je devrais me sentir soulagée. Mais à la place, il y a juste ce vide immense qui s'étire en moi. Comme si maintenant que tout est terminé, je ne savais plus quoi faire. Qui être.

Mon regard se perd sur le sol. Demain, ou peut-être après-demain, les autres commenceront à faire des projets pour les vacances. Certains partiront au soleil, d'autres feront des sorties entre amis, et moi... Moi, je n'en sais rien.

Ma gorge se serre.

Mon téléphone vibre dans ma poche, me faisant sursauter.

Je le sors lentement, le cœur battant. Une notification.

Numéro inconnu.

Un frisson glacial me traverse.

J'hésite. Une seconde. Deux secondes. Puis, d'un doigt tremblant, j'ouvre le message.

>Ce n'est pas fini. Tu crois que tu vas pouvoir tourner la pageaussi facilement ? Mauvaise idée.

Mon souffle se coupe.

Mon premier réflexe est de lever les yeux, de scruter autour de moi. Mais il n'y a personne. Juste des passants pressés, des enfants qui rient, une femme qui promène son chien.

Ma main se resserre sur mon téléphone.

Une blague ? Un dernier coup avant la fin de l'année ?

Ou pire...

Je ravale ma salive.

Je veux croire que ce n'est rien. Que je peux juste ignorer, bloquer le numéro, faire comme si ce message n'existait pas. Mais mon corps, lui, réagit autrement. Mon cœur cogne dans ma poitrine. Mes mains tremblent. Une nausée monte.

Je pensais en avoir fini avec tout ça.

Je me trompais.

Je fixe l'écran de mon téléphone, les doigts tremblants autour du plastique froid.

Ce n'est pas fini.

Ces mots. Simples, mais lourds de menaces. Ils vibrent dans mon esprit, imprimés sur ma rétine comme une brûlure indélébile.

Mon souffle se bloque.

Je lis et relis le message, espérant y déceler une erreur, une mauvaise interprétation. Mais non. Les lettres sont là, immuables.

Ce n'est pas fini.

Ma gorge se serre.

Mon premier réflexe est de regarder autour de moi.

Je suis assise sur un banc, à plusieurs mètres de l'arrêt de bus. La nuit a déjà enveloppé la ville, et le silence devient une chape pesante. Seules les lumières blafardes des lampadaires découpent des îlots de clarté sur le bitume fissuré.

Je me force à respirer profondément.

Ce n'est rien. Juste une mauvaise blague.

Mais au fond de moi, je sais que ce n'est pas qu'une simple provocation.

Je le sens dans mes os, dans chaque frisson qui court sur ma peau.

Je ferme les yeux une seconde, tentant de calmer le tourbillon de pensées qui menace de m'engloutir.

Puis je fais ce qui me semble être la seule chose à faire :

Je bloque le numéro.

Clic.

Un geste dérisoire, une illusion de contrôle qui ne me rassure pas vraiment.

Mes doigts se crispent sur mon téléphone avant que je ne le range brutalement dans la poche de mon sweat. L'envie soudaine de fuir m'envahit.

Fuir où ?

Je ne sais pas.

Mais rester ici, seule, dans cette rue déserte, me donne la sensation d'être une cible en plein milieu d'un terrain de chasse.

Je me lève d'un bond.

L'air semble plus lourd. L'atmosphère, plus oppressante.

Chaque bruit devient un signal d'alerte. Le souffle du vent dans les arbres. Le ronronnement lointain d'un moteur. Le grincement d'un volet qu'on referme.

Mes pas résonnent sur le trottoir alors que j'accélère, le cœur battant un peu trop vite.

Je me force à ne pas courir.

Ne pas paniquer.

Mais plus j'avance, plus cette sensation étrange s'intensifie.

Je suis suivie.

Je le sais.

C'est instinctif.

Ce n'est pas la première fois que j'éprouve cette peur, cette certitude glaciale qui rampe dans mes veines comme du poison.

Je tourne à l'angle où il y a un buisson et, d'un geste vif, je jette un coup d'œil derrière moi.

Mon sang se fige.

Il y a quelqu'un.

Là, sous le halo tremblotant d'un lampadaire, une silhouette se détache dans l'obscurité.

Immobile.

D'abord, mon cerveau refuse d'y croire.

Mais c'est bien réel.

Quelqu'un est là.

Je ne distingue pas son visage, seulement une ombre, une présence qui me fixe sans bouger.

Mon cœur cogne si fort que j'en ai mal à la poitrine.

L'espace d'un instant, je suis incapable de bouger.

Puis mon instinct prend le dessus.

J'accélère encore, mes jambes répondant avant même que mon esprit n'assimile l'ordre.

Un pas. Deux pas. Trois.

L'adrénaline pulse dans mes veines.

Je lutte contre l'envie irrépressible de me retourner à nouveau.

Mais je le fais quand même.

Il n'est plus là.

La panique explose en moi comme une bombe à retardement.

Est-ce que je l'ai imaginé ?

Non.

Je SAIS ce que j'ai vu.

Mon regard balaie la rue, cherchant une trace, une preuve que je ne suis pas devenue paranoïaque. Mais il n'y a que l'obscurité et le silence.

L'angoisse me prend à la gorge.

Ce message... cette présence... Ce n'est pas une coïncidence.

Quelqu'un me surveille.

Quelqu'un attend.

Et il veut que je sache que ce n'est pas fini.

Je me mets à courir.

Putain de merde !

FIN

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