— Où se trouve, ma grand-mère ? demande Elea, persuadée que son amie le sait.
Jenna semble réfléchir, son regard se perdant dans le vide. Mais Elea sait que son amie connait l'emplacement exact. Au cours des années passés dans le monde des humains, la jeune sorcière a toujours rencontré sa grand-mère dans des endroits imprévisible, que ce soit en pleine rue, au supermarché, dans des parcs ou même dans des bars. Jamais dans des endroits précis. Elle lui apprenait des sorts que la jeune sorcière n'apprenait pas dans la communauté, mais toujours sous le regard de son compagnon vampire, comme s'il surveillait le moindre danger. Le savait-elle ? se demande Elea.
Son amie se lève, faisant les cents pas, hésitant entre l'angoisse et la résolution. Finalement, elle dit :
— Oui, je sais exactement où elle est. Tu sais ce bâtiment près de l'église qui semble neuf...
— L'un des repères de vampire...Un bar, hôtel. Oui, je sais, mais, je n'y suis jamais allée.
Elea ressent une étrange appréhension à l'idée de s'aventurer dans un tel endroit, même si elle sait que sa grand-mère y aurait ses raisons.
— C'est juste une façade. Pour les vampires ça leur permets de se nourrir avec des femmes et hommes consentants qui leur enlève la mémoire, par la suite... Pour ta grand-mère, c'est un sanctuaire... c'est bien plus grand que tu le penses.
— Tu y es donc allée...
L'interrogation dans le ton d'Elea est évidente, et elle se sent piquée de curiosité.
— Avec Lucas, oui, à quelques reprises.
Dans la voix de son amie, la jeune femme perçoit une nuance de nostalgie mêlée de prudence.
— Est-ce qu'il t'a déjà...
Elle n'ose pas finir sa phrase, mais sa pensée est claire.
— Mon dieu non, coupe Jenna, le visage se déformant d'une expression de dégoût. Nous n'avons pas ce type de relation. Je ne suis pas un donneur. C'est purement physique et un peu intellectuel... Je ne suis pas une source de nourriture.
Le soulagement d'Elea est palpable, mais une ombre de doute plane toujours au-dessus d'elle. Comment être certaine quand son amie vient de lui révéler qu'ils enlèvent la mémoire des consentant. Elle soupire.
— Emmène-moi là-bas... C'est le temps que grand-mère dise ce qu'elle sait sur ma mère et ce loup Samaël.
Jenna la regarde, un mélange de crainte et de détermination dans ses yeux.
— Tu es certaine, Elea ? Tu n'aimeras peut-être pas ce que tu entendras.
— J'ai besoin de réponse, Jenna. Je ne peux pas continuer à vivre dans l'ignorance. Si ma grand-mère sait quelque chose sur ma mère et Samaël, je dois le découvrir maintenant.
Jenna hésite un instant, puis acquiesce.
— D'accord, mais nous devons être prudentes. Les vampires qui sont là-bas, ne sont pas tous des Lucas.
Elea hoche la tête, sa détermination se renforçant. Elle sait que chaque pas qu'elle fait sera un pas vers la vérité, même si cela signifie plonger dans l'inconnu. Ensemble, elles se dirigent vers le bâtiment mystérieux, la jeune femme sentant l'adrénaline pulser dans ses veines.
Leurs pas résonnent sur le trottoir, et au fur et à mesure qu'elles s'approchent l'atmosphère autour d'elles semble changer. L'immeuble, bien qu'apparemment banal de l'extérieur, dégage une aura de mystère et de danger. Les lumières tamisées des fenêtres laissent entrevoir des silhouettes qui se mouvent avec aisance, et un murmure familier des voix humaines et non humaines flottent dans l'air.
— Prête ? demande Jenna, un dernier regard d'encouragement échangé entre elles.
— Prête, répond Elea, bien que son cœur batte la chamade.
Elles franchissent la porte, un frisson de tension les parcourant. À l'intérieur, le bar vibre d'une énergie particulière, une fusion de rires, de musiques et de sous-entendues. Les yeux de Jenna scannent l'environnement avec prudence, tandis qu'Elea cherche déjà sa grand-mère dans la foule.
— Tu ne la trouveras pas là, surgit la voix de Lucas, derrière elles. Suivez-moi, je vous emmène là-haut.
Elea se retourne, surprise de voir le vampire.
— Comment savais-tu que nous étions ici ?
Il esquisse un sourire, son regard balayant la salle.
— Je connais cet endroit mieux que quiconque. Les vampires ne sont les seuls à avoir des secrets, vous savez.
Jenna, visiblement rassurée par sa présence, se concentre sur lui.
— Où est Marcus ? Il doit savoir où se trouve la grand-mère d'Elea.
— Il est à l'étage, dans une des salles privées. C'est un sanctuaire pour ceux qui cherchent refuge ou réponses, explique Lucas en les entrainant vers un ascenseur.
Elea ressent une montée d'adrénaline à chaque pas vers l'ascenseur. Dès que les portes se ferment sur eux, ils s'éloignent du tumulte du bar et les rapproche des mystère qui l'attend. Dès que les portes s'ouvrent, l'air est plus lourd, moins bruyant, comme si l'atmosphère elle-même s'alourdit d'un secret qui attend d'être révélé. Lucas les guide sans un mots, ses pas silencieux, et elles arrivent devant une porte discrète, en bois sombre qui contraste avec le reste de l'endroit. Avant de l'ouvrir, Lucas se tourne vers Elea.
— Tu n'es certainement pas prête à tout entendre. Mais sache que ce que tu cherches peut changer la façon dont tu vois le monde, et pas forcément en mieux.
La jeune sorcière hoche la tête, prête à affronter la vérité, peu importe sa forme. Elle jette un dernier à Jenna, qui reste près du vampire.
— Entre. Dit Jenna, avec un sourire, elle t'attend. C'est une discussion que tu dois avoir avec ta grand-mère seule à seule.
Elea soupire avant de pousser la porte. La pièce est baignée d'une lumière douce. Un parfum d'herbes et d'encens flottent dans l'air, créant une ambiance apaisante. Sa grand-mère est assise dans une pièce éclairée par des bougies et où un petit chaudron bouille. Elle lit un livre, tranquille, comme une figure mystique surgie d'un autre temps, mais un sourire illumine son visage fatigué.
— Je savais que tu viendrais, dit doucement la vieille femme sans lever les yeux. Les vents ont changé.
— Assez d'énigmes, grand-mère, répond Elea, la voix tremblante de colère contenue. Un vampire qui semble me connaître communique des informations à mon amie. Je découvre que mon amie humaine est impliquée dans...dans quoi, exactement ?
Elle jette la clé d'argent sur la table qui les sépare. Le métal tinte sur le bois, un son qui semble résonner plus longtemps que la normale.
— Qu'est-ce que tout cela signifie ? Pourquoi m'avoir caché tant de choses ?
Hildea soupire profondément, levant enfin son regard pour rencontrer celui de sa petite-fille. Ses prunelles, d'un vert si pâle qu'elles semblent presque translucides, brillent d'une sagesse ancienne et d'une tristesse plus ancienne encore. Dans la pénombre de la pièce, les rides sur son visage dessinent des ombres qui racontent leurs propres histoires de chagrin et de regrets.
— Assieds-toi, Elea. Cette histoire n'est pas celles qu'on raconte debout.
Malgré sa colère qui bouillonne en elle comme une tempête contenue, la jeune femme obéit, s'installant dans le fauteuil face à sa grand-mère. L'odeur familière d'herbes séchées et de bois de santal l'enveloppe, ravivant des souvenirs d'enfance qu'elle croyait avoir oubliés – des après-midis passés à observer sa grand-mère préparer ses potions, des soirées à écouter ses histoires près du peu.
— Il fut un temps, commence Hildea d'une voix qui porte le poids des siècles, où les mondes n'étaient pas séparés comme ils le sont aujourd'hui. Humains, vampires, loups-garou, notre peuple, tous coexistaient, pas toujours en harmonie, mais dans un équilibre fragile, comme des danseurs sur une corde tendue au-dessus du vide.
Elle se penche légèrement, ses articulations craquant doucement, pour saisir la clé ancienne qu'elle fait tourner entre ses doigts ridés. Le métal terni capture la faible lumière, projetant des reflets dansant sur les murs.
— Puis vint la Grande Séparation. Certains disent que c'était pour protéger les humains de nous, d'autres que c'était pour nous protéger d'eux. La vérité, mon enfant, est bien plus complexe. C'était pour protéger l'équilibre lui-même, cet équilibre précieux qui maintient tous les mondes en place, comme les fils d'une tapisserie cosmique.
Elea fronce les sourcils, ses yeux verts – les mêmes que ceux de sa grand-mère, brillant d'une frustration à peine contenue.
— Quel rapport avec ma mère ? Avec son arbre malade ? Et avec mon exil forcé ?
— Patience, mon enfant, murmure Hildea, sa voix douce comme une brise d'été. Les racines de cette histoire sont profondes, aussi profondes que celles de l'arbre Ancestral lui-même.
Elle se lève lentement, ses mouvements d'une grâce âgée qui rappelle une danse oubliée, et se dirige vers une étagère. Là, elle en tire un vieux livre relié de cuire vert. Sa couverture est ornée du même motif que la boite que Jenna avait gardée. Hildea l'ouvre à une page marqué d'un ruban argenté. Une illustration montre l'Arbre Ancestral, celui qui relie toutes les lignées de leur peuple dans une danse éternelle de sève et de magie. Mais sur l'image, l'arbre porte une blessure, une cicatrice sombre qui court le long du tronc comme une rivière de nuit.
— Il y a sept générations, l'une de nos ancêtre a rompu l'équilibre sacré en cherchant à s'approprier plus de pouvoir que ce qui lui était dû. La soif de pouvoir l'a consumée, comme une flamme dévorant une forêt. Elle a volé l'essence vitale d'autres créatures – vampires, humains, métamorphes – pensant renfoncer notre lignée et acquérir l'immortalité.
Hildea tourne lentement la page, le papier ancien craquant sous ses doigts comme un murmure de confession. L'image qui apparaît fait frissonner la jeune sorcière : une femme aux traits étrangement similaires aux siens, mais dont les yeux brillent d'une ambition dévorante.
— Cette femme était mon arrière-arrière-grand-mère. Son acte a empoisonné notre lignée, créant une dette de sang que nous portons depuis, comme une chaîne invisible autour de nos cœurs.
Le cœur d'Elea s'accélère, battant contre sa cage thoracique comme un oiseau affolé
— Et ma mère ? demande-t-elle, sa voix à peine plus forte d'un souffle.
Un voile de tristesse passe dans le visage de sa grand-mère, et un lourd souvenir remonte à la surface comme un noyé cherchant l'air. Il est temps. Sa petite-fille a le droit de connaître la vérité qui a hanté leur famille pendant des générations.
— Sacrifice... murmure-t-elle, le mot résonnant dans la pièce comme un glas. Je suis la seule permis toutes les femmes de notre lignée à avoir eu des jumelles, mais Jasminda et Myriam étaient... trop différentes. Comme le jour et la nuit, l'eau et le feu. Et ça se reflétait dans leur actions. Ta tante possède la sagesse des gardiennes de notre peuple, lourd fardeau, mais ta mère...ta mère avait un don bien particulier. Elle pouvait parler aux esprits, entendre leurs murmures dans le vent, leurs cris dans le silence. Très souvent, je l'ai entendu converser avec le vide, racontant de choses... ignobles. Pour l'éloigner de cette folie qui menaçait de la consumer, je l'ai envoyé dans le monde des humains, espérant brider ses pouvoirs. Je lui ai donné une concoction, pensant qu'elle ne pourrait jamais enfanter...
— Mais je suis arrivée... murmure, Elea, sa voix brisé par le poids de la vérité.
— Oui... Rien, ne s'est passé comme je l'avais prévu. Les fils du destin s'entremêlent parfois de façons mystérieuses. Mais lorsque sa grossesse a commencé, il y a eu des complications. Des complications qui ont réveillé d'anciennes malédictions.
— Quelles sortes de complications ?
La douleur et la tristesse se lisent sur le visage d'Hildea comme des runes gravées dans la pierre.
— Myriam est morte... Elle était ma fille, après tout, je ne pouvais pas laisser ça se produire. J'ai utilisé tout mon savoir pour tenter de la ramener à la vie, mais j'ai fait une erreur... une terrible erreur... Les anciens m'avaient supplié d'arrêter, mais j'étais trop submergée par mon chagrin. Elle est revenue, oui, mais... ce n'était plus elle. Son esprit avait été détaché de son corps depuis trop longtemps, et dans le vide qu'il avait laissé...
Elea fronce les sourcils, son battant au rythme d'une terrible révélation qui approche.
— Que veux-tu dire ?
La voix de sa grand-mère tremble légèrement, comme si chaque mort était un fardeau qu'elle devait relâcher, une confession retenue qui demandait enfin à être libérée.
— L'esprit attaché au corps de ta mère est celui de mon arrière-arrière-grand-mère. Celle qui a commencé tout ceci, celle dont l'ambition a maudit notre lignée. Elle a attendu, pendant des générations, une faille dans le voile entre les mondes. Et je le lui ai offert, aveuglée par mon chagrin de mère.
Un silence pesant s'abat sur la pièce, lourd de sept générations de secrets. Les flammes de la cheminée projettent des ombres dansantes sur les murs, comme autant de spectres du passé venus assister aux révélations.
Elea se lève brusquement, ses jambes tremblantes sous le poids de cette vérité impossible.
— Tu veux dire que... toute mon enfance... la femme que j'ai appelée '' maman ''...
— N'étais pas vraiment ta mère, non, achève doucement Hildea. Du moins, pas son esprit. Le corps est bien celui de Myriam, mais l'âme... l'âme est celle d'Asaréa, mon arrière-arrière-grand-mère.
Les doigts d'Elea s'enfoncent dans le dossier du fauteuil, ses jointures blanchissant sous la pression.
— L'arbre dans le jardin... celui qui dépérit... ce n'est pas une maladie ordinaire, n'est-ce pas ?
Hildea secoue la tête, ses yeux pâles brillant d'une tristesse infinie
— Cet arbre est lié à notre lignée. Il reflète l'équilibre – ou le déséquilibre de nos âmes. Quand Asaréa a pris possession du corps de ta mère, elle a recommencé ses anciennes pratiques. En secret, la nuit, elle volait à nouveau l'essence vitale des créatures. Mais cette fois, elle était plus prudente, plus subtile. Elle se nourrissait de leur rêves, de leurs espoirs, goutte par goutte, comme une araignée patiente.
Elle s'interrompt, son regard se perdant dans les flammes.
— Je l'ai découvert trop tard. Beaucoup trop tard. Le poison s'était déjà répandu dans l'arbre, dans notre lignée. Et toi, ma petite-fille... tu étais au centre de son plan.
Elea sent un frisson glacé parcourir son échine.
— Quel plan ?
— Même si Myriam était bien ta mère lors de ta conception, Asaréa lui murmurait ses plans. Sans s'en rendre vraiment compte, ta mère t'a conçue comme un vaisseau. Elea. Un corps jeune et puissant, né de son propre sang, dans lequel elle pourrait transférer son essence. Le corps de ta mère commençait à se détériorer sous le poids de son esprit ancien. Elle avait besoin d'un nouveau réceptacle.
Les mains d'Elea se mettent à trembler, et elle les serre en poings pour masquer leur agitation.
— Je ne comprends pas... si elle me voulait comme réceptacle pourquoi m'avoir exilé, après t'avoir banni ?
Hildea ferme les yeux un instant, cherchant ses mots.
— Parce que, ma chérie, Asaréa est rusée. Elle savait que son plan ne pourrait fonctionner tant que je serais en vie. L'exil était une façon de s'assurer que tu ne serais pas protégée par ma magie, que je ne pourrais pas intervenir. Bien qu'elle soit présente dans le corps de ta mère, je soupçonne que Myriam a pu prendre le relai un bref instant, soit-il, pour t'exiler et te protéger à sa manière.
Un nouvel éclair de compréhension traverse l'esprit d'Elea, mais il est teinté d'un désespoir amer.
— Tu veux dire que ma mère a sacrifié sa propre vie pour me protéger... tout en étant manipulée par cette entité maléfique ?
Hildea hoche la tête, un rictus de douleur sur le visage.
— C'était une lutte constante. Myriam a toujours été une femme aimante, malgré l'esprit qui l'habitait. Elle a probablement essayé de te préserver sans comprendre pleinement le danger qui te menaçait.
Le cœur d'Elea se serre à cette pensée. Puis, la jeune femme serre le collier accroché à son cou, une pièce qu'elle avait toujours considérée comme un lien précieux. Elle réalise que ce n'était pas vraiment sa mère qui lui avait offert, mais Asaréa. Dans un élan de colère et de détermination, elle l'arrache de son cou, prête à utiliser sa magie pour le détruire, mais sa grand-mère l'arrête dans son élan. Hildea resserre sa prise sur le bras d'Elea, ses yeux pâles fixés sur le collier qui se balance au bout de la chaine brisée.
— Ne le détruis pas, murmure-t-elle. Pas encore.
Elea fronce les sourcils, son visage tendu par la colère et la trahison.
— Pourquoi le garderais-je ? C'est un vestige de son emprise, un symbole de ses mensonges.
— C'est aussi un lien, répond Hildea en tendant sa main ridée. Un lien que nous pouvons utiliser à notre avantage.
Lentement, à contrecœur, Elea dépose le bijou dans la paume de sa grand-mère. Le pendentif semble presque vivant sous les lueurs vacillantes du feu, ses reflets chatoyants dansant comme des flammes liquides. Hildea l'examine avec attention, ses doigts tracent délicatement les contours du métal ouvragé.
— Je sens la signature d'Asaréa, mais aussi... quelque chose d'autre. Quelque chose de plus fort. Quelque chose de ta mère, de Myriam. Elle a trouvé un moyen d'y insuffler une part d'elle-même, malgré l'emprise d'Asaréa.
Les yeux d'Elea s'élargissent.
— Tu veux dire que ma mère...la vraie... est encore là, d'une certaine façon ?
— Les cauchemars que tu fais depuis l'enfance, ces voix que tu entends parfois... Ce n'est pas de la folie, mon enfant. C'est ta véritable mère qui essaie de communiquer avec toi. Les liens entre une mère et son enfant transcendent parfois la plus noire des magies. Et Asaréa le sait. Elle sent que son pouvoir s'affaiblit. C'est pour ça qu'elle devient plus... agressive.
Un silence s'installe, seulement troublé par le crépitement des flammes dans l'âtre. Elea fixe le bijou, partagée entre dégoût et espoir.
— Que dois-je faire maintenant ? demande-t-elle finalement, sa voix à peine plus forte qu'un murmure.
Hildea se redresse, une nouvelle détermination illuminant son regard fatigué.
— Nous allons utiliser tout ce que je t'ai appris. L'arbre dépérit, ce qui signifie qu'Asaréa s'affaiblit également. Le temps nous est compté, dans un sens comme dans l'autre... cependant, nous avons un autre ennemi. L'alpha Samaël... qui détruit les meutes pour le pouvoir et acquérir l'immortalité. Les meutes sont en guerre aussi. Nous devons nous entraider. Te liant avec l'un d'eux, tu pourrais acquérir plus de pouvoir et lui aussi pour défendre ce qui vous est cher. Approche-toi.
Elea obéit docilement, mais garde une réserve. De quelle manière doit-elle se lier à un métamorphe ? Elle ne l'a jamais appris. Et ignore si elle en a déjà rencontrer auparavant.
— Donne-moi ta main, dit sa grand-mère, approchant une dague, j'ai besoin d'une goutte de ton sang.
Et elle réalise qu'elle ne lui avait pas demander ce qu'il y avait dans le chaudron. Que contait-elle en faire ? Elle tient la dague ornée de rune anciennes en l'air, puis, avec une précision délicate, incise légèrement la peau de sa petite-fille sur le bras, laissant perler une goutte de sang rouge vif. La goutte de sang d'Elea brille comme un rubis sous la leur des flammes avant de tomber dans le chaudron. Un léger sifflement s'élève quand elle touche le liquide, qui prend momentanément une teinte pourpre avant de revenir à sa couleur originelle.
Hildea murmure des mots anciens, sa voix à peine audible, mais chargée de pouvoir. Ses doigts esquissent des symboles complexes au-dessus du chaudron, et la surface du liquide se met à onduler doucement.
— L'essence des métamorphes est liée à la lune et à la terre, explique-t-elle sans interrompre ses gestes. Leur magie est différente de la nôtre, plus... primale. Un lien avec l'un d'eux pourrait te conférer une force que même Asaréa redouterait.
Elea observe sa grand-mère avec fascination et appréhension.
— Comment reconnaitre un métamorphe ? demande-t-elle. Et comment ce lien... fonctionne-t-il ?
Le regard de Hildea se voile légèrement et esquisse un sourire mystérieux.
— Tu le sauras, ma fille. Les métamorphes ont une présence que tu sentiras dans ton âme. Quant au lien... il doit être forgé dans la confiance mutuelle et scellé par un rituel qui leur est propre. Elle jette un regard vers le collier posé sur la table. Ce bijou nous servira de guide. Malgré les intentions d'Asaréa, ta mère y a insufflé assez de sa propre essence pour qu'il puisse nous aider à trouver celui qui t'est destiné.
Elea fronce les sourcils, perplexe.
— Destiné ? Comme une sorte... de prédestination ?
— Pas exactement, sourit Hildea. Disons plutôt une compatibilité profonde. Une résonance entre vos âmes et vos magies. Sans cette harmonie, le lien ne pourrait tenir face à la puissance d'Asaréa ou aux attaques de Samaël.
La vieille sorcière plonge délicatement le collier dans le chaudron, où il s'immerge complètement avant de remonter à la surface, brillant désormais d'un éclat argenté.
— Maintenant, nous devons attendre que la potion soit prête, murmure Hildea. Et pendant ce temps, tu dois aller accueillir les initiées.
— Comment saurais-je quand ça serait prêt ?
— Lucas viendra te voir. Allez, part mon enfant.