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Shadow3030
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Chapitre 5 - Elea

Jasminda esquisse un sourire radieux en enlaçant Elea, un geste qui semble effacer les années de séparation. L’étreinte est douce, mais lourde de sens. Les liens de sang n’ont jamais été aussi forts, aussi palpables, aussi essentiels. Jasminda, qui n’avait jamais pu avoir d’enfants, avait vu en Elea bien plus qu’une simple nièce. L’avait élevé dans ses pensées, la considérant comme sa propre fille, et, en ce jour leurs routes se croisent à nouveau, son bonheur est presque palpable.

         —         Viens, dit-elle avec douceur, la prenant par la main et l’invitant à la suivre jusqu’à à la demeure ancestrale.

Le vent frais de l’extérieur caressait leur peau, mais l’air intérieur, celui de la maison, semble réchauffer immédiatement le cœur de la jeune femme. Elle venait de laisser le monde derrière elle, cette ville oppressante, une mère distante et cruelle, pour se retrouver dans un ce lieu qu’elle avait un jour appelé chez elle. L’ancienne demeure aux volets écaillés, au toit ardoise un peu décoloré par le temps, semble figé pour l’éternité, comme si chaque pierre murmurait des jours meilleurs.

Les vieux meubles en bois massif, les photos jaunis par le temps et cette étrange odeur d’épices et de plantes médicinale qui flottait dans l’air, lui rappeler son enfance. La cuisine, toujours resté la même avec l’odeur de pain frais, des biscuits et du bois brûlé. Elle se revoit là, petite fille, les joues couvertes de farine, courant autour de la table tandis qu’Hilda, la matriarche de la famille, préparait les repas. Le bruit du bois craqué dans la cheminée, la chaleur douce qui en émane, les histoires de sa grand-mère qui lui racontait dans le plus grand secret, comme un rituel n’appartenant qu’à elles. Hilda avait un don pour faire revivre les anciens mythes familiaux. Elle racontait ses histoires de jeunesse, des récits de luttes anciennes, des combats, de sorcellerie et de rêve brisés. C’était dans ces moment-là qu’Elea se sentait protégée, entourée d’une tendresse que propre foyer ne lui offrait jamais. Mais tout cela est désormais un lointain souvenir. Les années avaient passé, et ces moment joyeux se dissipent, emportés par la tempête des relations brisées.

Elea se tient dans la cuisine, les mains tremblantes. Un souffle court. Il n’y a plus de biscuits à faire, plus d’odeurs de pain frais dans l’air. Juste des souvenirs.

Sa mère… quelle souffrance. Elea sert les poings. Depuis son départ, depuis la trahison, la haine s’est cristallisée dans son cœur. Son propre sang l’avait banni, rejetée, comme une étrangère, une fausse note dans une mélodie familiale qui ne voulait pas d’elle. Sa mère qui l’avait toujours regardée de haut, comme une fausse héritière de leur lignée, ne l’avait jamais acceptée, n’avait jamais pu l’aimer.

Elle ferme les yeux, se raccrochant à l’image de Hilda, à l’odeur de feu de bois et aux rires passés. Mais même cette vision s’estompe sous l’acier de sa colère. La jeune femme n’est plus qu’une âme errante dans ce lieu de souvenirs, cette maison d’antan qui n’est plus qu’un triste monument.

         —         Tu penses à elle, n’est-ce pas ? dit soudainement Jasminda, sa voix douce, mais pleine de compréhension presque inquiétante.

Elea tourne lentement la tête, rencontrant le regard de sa tante. Jasminda sait. Elle sait tout. Sans un mot de plus, elle lui tend une tasse de thé, mais Elea ne la prend pas, n’en ayant pas de besoin. Ce n’est pas la chaleur d’un thé qui peut apaiser son cœur, mais la présence de sa tante, cette constante, cette ancre dans le tumulte de sa vie, est tout ce qui compte encore.

Elle hoche la tête, en silence, avant de souffler, les mots sortant à peine plus fort qu’un murmure :

         —         Elle m’a détruite.

Un long silence s’installe entre elles, brisé uniquement par le crépitement du feu qui brûle encore dans l’âtre.

         —         Peut-être que cette destruction était nécessaire pour que tu puisses devenir encore plus forte, Elea. Quelque chose de plus… toi. Murmure Jasminda, son regard fixé sur la silhouette de sa nièce.

Elea reste silencieuse, absorbée par ses pensées, avant de finalement relever les yeux vers sa tante. Il y a des choses que même le temps de guérit pas. Mais peut-être, tout au fond d’elle, un espoir renait. Elle n’est plus seule. Et, d’une manière étrange, ce qui semble être une fin est peut-être le début de quelque chose de plus grand.

         —         Tu as sans doute raison… Toi, qui est la sagesse de ce clan, je suis persuadée que tu as vu quelque chose.

         —         Ce ne sont que des présages, Elea, je ne vois pas les morts ni l’avenir. Je ne fais que d’interpréter ce qui s’offre à moi.

         —         Tu as vu son arbre. Il ne doit pas être ainsi.

         —         Je sais. Elle a délogé presque toutes les règles de notre peuple. Les anciennes craignent qu’elle bascule vers la magie noire et je ne peux que leur donner raison.

La jeune femme fronce les sourcils. Sa mère faire de la magie noire ? Comment est-ce possible ?

         —         Je la surprends souvent à parler seule et lorsque je lui en fait part, elle détourne le sujet. Quand nous étions petites, elle voyait les esprits des anciennes.

         —         Grand-mère me la déjà raconter. Serait-il possible qu’un esprit malvaillant aurait pu se glisser permis les défunts.

         —         Je commence à y croire. Alors, que vas-tu faire ? Acceptes-tu la mission de ta mère.

         —         Pour le bien de la communauté, oui. Mais je ne pratiquerais pas ce devoir, puisque je n’en fais plus partie.

         —         Mais peut-être les joie de la chair te fera un peu de bien. Rit-elle.

Le silence s’installe de nouveau dans la pièce, lourd, imprégné de l’incertitude et des non-dits. Elea se sent tiraillée, entre la fidélité à son clan, la haine contre mère et cette étrange certitude qu’un voile sombre couve au-delà des apparences. Elle observe sa tante, l’une des rares à rester calme, et pourtant un frisson la traverse en pensant à ce qu’elle vient de dire. Les joies de la chair… Elea n’a jamais prêté attention à ce genre de propos venant de sa tante, mais ce soir, quelque chose en elle se froisse sous l’impulsion de ces mots. Elle n’est plus une enfant et les jeux innocents du passé prennent une tournure plus sombre, plus ambigüe. Le poids de l’héritage familial, la magie qui coule dans ses veines, le lien de sang… tout cela n’a jamais semblé aussi lourd à porter qu’en cet instant.

         —         Et si ce que tu dis était vrai ? pense Elea, les sourcils froncés. Et si elle n’avait été la mère qui m’a mise au monde ou même ta sœur.

La vieille femme, l’air presque indifférent à la tension qui monte, ajoute d’une voix douce, mais perçante :

         —         Les joies de la chair, Elea. Elles peuvent t’aider à retrouver un équilibre. La magie noir n’est qu’une tentation, mais parfois, il faut savoir l’accepter… pour mieux comprendre ce que l’on perd ou ce que l’on cherche à protéger. Elle la regarde, un sourire espiègle effleurant ses lèvres. Tu n’es pas sans savoir ce que cela implique… À toi de savoir si tu prends la mission que ta mère t’a donné.

Elea baisse les yeux, déglutissant difficilement. Les mots de sa tante résonnent d’une manière étrange. Comme une invitation, mais aussi un avertissement. La chair… les désirs humains, les sacrifices, tout ce que l’on cache au plus profond de soi. Elle pense à sa mère, aux instants fugaces où elle était petite, insouciante. Comment ses yeux brillants d’une absence presque surnaturelle qui tenait à se voiler. Les secrets qu’elle gardait, les murmures incompréhensibles qu’elle chuchotait à l’ombre des vieilles pierres de son ancienne demeure. Elle n’avait pas su l’arrêter, ne l’avait pas vue, absorbée dans sa propre quête de sens.

         —         Je ferai ce qui est juste pour notre peuple, mais je n’accepterai pas de pacte avec les ténèbres. Pas même pour elle. La conviction d’Elea était tremblante, mais solide. La magie noire déforme l’âme. Elle… elle ne doit pas prendre racine en nous.

         —         Qui dit que ce n’est pas déjà le cas, Elea ? Sa tante hausse les épaules comme si la question n’avait pas de véritable importance. Et qui dit que tu n’as pas déjà franchi une ligne invisible, toi aussi, en acceptant ce fardeau ?

La jeune femme se lève brusquement, l’esprit perturbée par l’idée que peut-être…peut-être elle est déjà trop impliquée. Trop marquée par l’ombre de ce clan. Elle se tourne vers la fenêtre, les cieux obscurcis au loin, parsemés d’éclats d’étoiles qui semblent briller d’un éclat malicieux, comme si l’univers lui-même l’observait.

         —         Envoie un message à sa grandeur que j’accepte sa mission et que j’évaluerais qu’elle initiée est apte.

La tante, toujours immobile, semble percevoir le changement dans la posture de sa nièce. La jeune femme, face à la fenêtre, la silhouette brisée par la lumière fragile des étoiles, avait pris une décision. Le poids de l’héritage, la pression de sa propre peur, tout cela la pousse à s’engager, à accepter le fardeau. Mais il y a aussi, enfouie sous cette résolution, une part de doute, une part de crainte que la magie noire, la tentation de l’inconnu, puisse finalement l’engloutir. Elle s’approche silencieusement de la jeune femme, son regard profond scrutant ses traits tendus.

         —         Comme tu voudras, répond-t-elle finalement, un léger sourire jouant sur ses lèvres, presque imperceptible. Ses yeux se durcissent, un éclat de compréhension passé entre elles. Je vais transmettre ton message. Mais souviens-toi, Elea, parfois les chemins qu’on choisit ne mènent pas là où l’on veut aller.

Elea tourne légèrement la tête, un éclat de défi dans ses yeux. Elle savait. Elle savait que la toute sur laquelle elle s’engage n’est pas facile. Elle savait aussi que sa mère n’est pas la seule à avoir été marquée par cette magie, cette malédiction qui semble courir dans leurs veines comme un doux poison.

         —         Fais-le. Sa voix est ferme, presque glaciale. Il est temps que tout soit mis à jour. Pour le bien de la communauté.

Un silence pesant tombe à nouveau dans la pièce. Sa tante s’éloigne alors, se dirigeant vers une vieille table en bois. Elle prend un parchemin, un sceau de cire noir et flacon d’encre. D’un geste méthodique, elle écrit quelques mots avant de sceller le message.

La jeune femme reste près de la fenêtre, observant les cieux comme un miroir de son âme tourmentée. Les étoiles sont peut-être loin, mais elles brillent encore, comme une promesse, une malédiction.

         —         L’évaluation, Elea, murmure sa tante en revenant vers elle, tu sais ce que cela implique. Ce n’est pas qu’une simple mission. Ce n’est pas simple jeu. Ce que tu choisis de faire maintenant déterminera plus que l’avenir du clan ou de ta mère en tant prêtresse de notre clan.

Un frisson parcourt la colonne vertébrale d’Elea. Elle ne peut ignorer la vérité sous-jacente. Chaque action, chaque pensée, pourrait la lier à un destin dont elle ne comprend pas encore.

         —         Je sais et je suis prête, dit-elle avec plus de certitude, mais ses yeux brillent d’une inquiétude qu’elle ne peut dissimuler.

Jasminda la regarde longuement avant de quitter la pièce, son regard d’une sagesse mystérieuse et presque menaçante.

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