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Chapitre 5 [Partie 1]

— Le dernier arrivé au bar paie sa tournée ?

— Sérieusement, Numa ?

Klea détourna son attention de la Toyota qui s’éloignait dans la nuit. Le lieu de la course était désormais désert, hormis la gagnante et l’organisateur. Aucun des deux ne semblait pressé de quitter les lieux, comme s’ils ignoraient le risque d’être interceptés par la police.

— T’as peur de perdre ? la défia Numa.

Elle leva les yeux au ciel, consternée. Peur ? Non. Elle venait de battre une redoutable adversaire, presque au prix de sa voiture. Mais elle savait que ses chances contre Numa étaient nulles. Il n’était pas seulement un organisateur hors pair. Il était aussi l’un des meilleurs pilotes de la ville. Et avec l’état de sa voiture, elle n’avait aucune chance.

— Pour gagner, t’es obligé d’attendre que ma caisse soit en mauvais état. Moi, je dirais que c’est toi qui as la frousse, Numa.

— Mais oui, mais oui, tu sais que je suis le champion, Kle.

— Le champion des imbéciles, oui !

Klea retourna à sa voiture. Numa non loin qui gardait un sourire idiot. Pourtant, dans ses yeux bleus clairs, elle perçut un éclat plus sombre. Elle connaissait vaguement ses soucis, et elle devinait que cette course improvisée était une façon pour lui d’échapper à ses pensées. Il ne voulait pas poursuivre la soirée seul. L’adrénaline de la course lui permettait d’oublier tout un instant. Organiser les événements, les vivre à travers les participants, c’était sa manière de tenir la douleur à distance.

— Pas de course, mais un verre, alors ? lança-t-il, accoudé à la portière.

Il espérait une réponse positive. Klea hésita un instant. Elle aurait pu décliner, mais elle savait que Numa ne voulait pas rentrer seul. L’adrénaline l’avait porté jusque-là, mais la solitude finirait par s’imposer. Il aurait très bien pu proposer à Pedro, cependant, il avait quitté les lieux dès le moment où il avait découvert que la police bougeait dans cette direction. Il avait au moins eu la décence de faire passer le message avant de fuir. Numa ne pouvait lui en vouloir, sa présence avait permis une organisation express qui allait au-delà de ses espérances pour des délais aussi serrés.

— Deux, tu dois bien ça à la gagnante de la course !

Numa esquissa un sourire en coin. Deux verres, ou peut-être plus, il le savait bien. Ils décidèrent de se retrouver près de chez elle pour qu’elle puisse y laisser sa voiture. Si elle décidait de profiter de sa victoire, il veillerait à ce qu’elle ne prenne aucun risque.

Le moteur de Klea grogna en écho à celui de Numa. Dans un dernier éclat de vitesse, ils s’élancèrent dans la nuit, savourant cette liberté éphémère avant de devoir ralentir à l’approche des rues habitées. Klea ouvrait la voie, même si Numa connaissait le chemin par cœur. Il l’avait raccompagnée trop souvent après les courses, rentrant toujours sous le regard désapprobateur de Julietta, qui ne cautionnait pas ce mode de vie, ces courses, ces nuits passées sur l’asphalte brûlant, mais elle veillait. Toujours.

— Je passe vite fait changer de veste et j’arrive, lança-t-elle en coupant le moteur de sa voiture.

Elle n’attendit pas la réponse de Numa et s’engouffra vers l’immeuble.

La porte d’entrée était entrouverte. Elle hésita un instant sur le seuil. Pas assez pour s’alarmer, juste assez pour froncer les sourcils. Un oubli de Julietta, sûrement. Klea pénétra dans le couloir d’un pas vif, tendant l’oreille. La télévision était toujours allumée, diffusant les vestiges d’une émission nocturne dont le son trop bas était à peine perceptible. Un murmure indistinct flottait dans l’air, accompagné du grésillement caractéristique des vieux écrans. Julietta somnolait devant, la tête légèrement inclinée, son tricot abandonné sur ses genoux.

Elle avait veillé. Comme toujours.

Klea s’approcha doucement.

— Tu devrais aller te coucher, Julietta, il est tard, murmura-t-elle.

Aucune réaction.

Elle hésita. La vieille femme respirait paisiblement, son visage détendu, mais il y avait quelque chose d’étrange dans cette immobilité, dans l’ambiance trop figée de la pièce. Klea tendit la main et éteignit la télévision. Le silence se referma brusquement sur elle, compact, pesant.

Un bruit.

Faible.

Un froissement léger, à peine audible, venant de l’extérieur.

Elle se figea, le cœur battant un peu plus fort sans qu’elle ne sache pourquoi. Juste un chat, ou une bourrasque de vent qui jouait avec les feuilles mortes. Rien d’inhabituel.

Elle secoua la tête, chassant l’impression. Pas le moment de se laisser gagner par la paranoïa. Elle attrapa sa veste, troquant son jean usé contre une veste plus chaude, marquée du célèbre cheval cabré de Ferrari.

Avant de partir, elle s’assura de bien fermer la porte à clé. En se retournant, elle faillit heurter quelqu’un.

— Pardon, je vous avais pas vu.

L’homme, encapuchonné, ne répondit pas. Il ne leva même pas la tête. Ses mains restaient profondément enfoncées dans les poches de son sweat noir. Klea recula légèrement, l’observant tandis qu’il s’éloignait. Son pas était lent, presque trop lent. Comme s’il n’allait nulle part. Comme s’il errait. L’éclairage blafard des réverbères projetait son ombre démesurée sur le trottoir, une silhouette allongée, distordue, qui glissait en silence sur le bitume.

Bizarre.

Elle resta quelques secondes à le suivre du regard avant de hausser les épaules. Probablement un type un peu paumé, ou un voisin en vadrouille nocturne.

— Madame est prête ?

Garé, Numa observait Klea. La fenêtre de la portière ouverte, son coude reposait dessus alors qu’il faisait défiler les actualités sur les réseaux sociaux. Si beaucoup parlaient de la qualification en finale du Brésil, il avait eu le droit à revoir quelques passages de la course. Et il n’en était pas peu fier. Même si Helena et sa conduite lui avaient donné quelques frissons dans les derniers instants. Pas qu’il soit contre un peu de challenge, de tensions, mais tant que les participants ne se mettent pas autant en danger. Que dirait-on si un accident mortel survenait ?

Il tapotait doucement la carrosserie, une bague ornant son doigt. Le bruit résonnait dans le calme du quartier. Klea jeta un dernier regard vers l’homme encapuchonné, avant de rejoindre Numa sur le siège passager.

— Le O Covil, ça te va ?

Klea ne voyait pas d’objections. De toute manière, c’était Numa qui avait le plus besoin de vider son esprit. Pas elle. Pour une fois. Son retour dans la capitale brésilienne après une errance de foyer en foyer, jusqu’à devenir majeur et libre de toute décision, fut compliqué. Le conducteur lui avait rendu la tâche plus facile en l’intégrant dans le monde des courses. Si elle avait pu bénéficier d’une chance en rencontrant Julietta en difficulté qui cherchait quelqu’un pour lui venir en aide dans les tâches quotidienne, Numa lui avait offert la possibilité de courir et de travailler dans le garage, dirigé par un des participants.

L’affluence au bar était à son comble ce soir. Numa soupira en tournant une nouvelle fois dans la rue bondée. Tous les emplacements proches du bar étaient pris, et il refusait de risquer d’abîmer sa voiture à cause d’un ivrogne trop enthousiaste.

— J’te jure, ils sont au rendez-vous pour une demi. J’imagine même pas dimanche pour la finale, lâcha Klea en scrutant la foule agglutinée devant l’entrée.

Un klaxon impatient le pressa. Numa jeta un regard noir au conducteur derrière lui avant de glisser sa voiture dans un espace à peine suffisant. Il coupa le contact, observa une dernière fois son bijou comme pour lui dire de tenir bon, puis verrouilla les portes d’un geste précis. Dès qu’ils atteignirent l’entrée, une vague de chaleur moite et d’odeurs d’alcool renversé les assaillit. Les éclats de voix, le son étouffé d’un vieux haut-parleur crachotant une chanson brésilienne à la mode, et les rires trop forts formaient une cacophonie assourdissante.

— Si on trouve une place correcte là-dedans, c’est un miracle, marmonna Klea en haussant un sourcil.

Les deux amis se faufilèrent à travers un chemin improvisé dans l’espoir de trouver une place libre. De préférence à l’écart de toute l’euphorie qui régnait ici. Ils évitèrent de justesse un type gesticulant en racontant une anecdote. Le bar, d’ordinaire discret, n’était pas conçu pour une telle effervescence. Les tables, serrées contre les murs, laissaient à peine de la place pour circuler. Vers le fond, une serveuse se frayait un chemin entre deux groupes, un plateau de bières en équilibre précaire sur son bras.

— Fais gaffe, chérie, tu vas tout renverser, lança un client en attrapant son poignet.

Elle grimaça, cherchant à se dégager, mais l’homme resserra sa prise.

— Lâchez-moi.

— C’est bon, c’est bon, pas la peine de faire ta précieuse…

Avant qu’il ne puisse aller plus loin, un barmaid surgit, posant lourdement une main sur l’épaule du client.

— Tu veux boire ou tu veux des emmerdes ? Parce que si c’est la deuxième option, j’peux t’aider, amigo.

Le type hésita une seconde, puis relâcha la serveuse dans un grognement.

— C’est bon, c’est bon…

Klea et Numa avancèrent tant bien que mal.

— On va jamais trouver un coin tranquille, râla Numa.

Près du bar, un groupe discutait à voix basse, détaché de l’excitation ambiante. L’un d’eux, une cigarette éteinte coincée entre les doigts, tapotait nerveusement la table.

— T’étais censé gérer ça avant dimanche, souffla-t-il à son voisin.

— J’ai besoin de plus de temps.

— Y’en aura pas. T’as capté ?

Klea s’attarda un instant sur la scène avant de tirer Numa par le bras.

— Là-bas.

Elle désigna un coin un peu en retrait, près d’une fenêtre entrouverte. Il y avait moins de passage, et l’air y était plus respirable, et le passage moins fréquent. Ils s’y engouffrèrent, s’installant sur un canapé usé par les années. Numa s’y laissa tomber, posant les bras sur le dossier avec un sourire fatigué.

— Même dans la victoire, les rendez-vous clandestins continuent à ce que je vois, commenta Klea.

Elle sentait la tension émanant de leur table. Les négociations ne se faisaient jamais à voix haute, mais les regards, les gestes, tout transpirait l’urgence et la menace.

— C’est pas notre problème, lâcha Numa en haussant les épaules.

— Pas encore, répondit-elle.

Leurs regards se croisèrent brièvement. Un non-dit flottait entre eux, quelque chose de plus lourd que la simple présence des gangs.

— Alors, que veut notre chère gagnante ?

Il essayait tant bien que mal de se concentrer sur Klea devant lui, malgré le son incessant qui bourdonnait autour de lui. Il ne pensait pas que la soirée virerait ainsi. Du moins, que le bar regorgerait d’autant d’individus, collés-serrés.

— Une Caïpiroska. Quoi ? Autant un peu profiter non ?

Numa sourit, mais il ne répondit pas. Pour Klea, c’était une simple célébration de sa victoire. Pour lui, c’était autre chose. La soirée venait à peine de commencer, mais dans son esprit, elle était déjà un refuge contre tout ce qu’il cherchait à oublier.

Il effectua un signe au serveur qui passait non loin, slalomant entre des clients ivres de joies. L’homme hocha la tête et se fraya un chemin jusqu’au comptoir.

— Vu l’affluence, on est pas près d’être servis, fit remarquer Klea en s’accoudant au dossier élimé du canapé.

Numa haussa les épaules, son regard glissant de nouveau vers le groupe près du bar. L’homme à la cigarette éteinte parlait à présent à voix basse, mais son ton était plus tranchant, plus pressé. Klea suivit son regard et soupira.

— Je croyais que c’était pas notre problème ? T’es incapable de pas te mêler de ce genre de trucs, pas vrai ?

— Je me mêle de rien, protesta-t-il, même s’il savait très bien qu’il ne trompait personne.

Elle lui adressa un regard sceptique avant de hausser les épaules, préférant ne pas insister. Le serveur revint avec leurs verres, posant la Caïpiroska de Klea devant elle et glissant une bière devant Numa.

— J’ai pas commandé ça, protesta-t-il.

— Cadeau de la maison, lança le serveur en désignant le comptoir d’un mouvement du menton.

Numa suivit le geste. Un des barman l’observait, l’air tranquille mais l’attention braquée sur lui. Il leva un des verres qu’il préparait en guise de salut.

— Ayden, fidèle à lui-même, soupira-t-il.

—Je suis étonnée qu’il ne soit pas venu personnellement, commenta Klea.

— Pourquoi ? Envie de flirter avec lui ?

— J’ai mieux à faire, grimaça-t-elle.

Numa attrapa la bière sans quitter Ayden des yeux. Le message était clair. Une invitation. Ou un avertissement. Peut-être les deux.

— Qu’est-ce qu’il veut ? demanda Klea en jouant distraitement avec sa paille.

Sans répondre, il porta la bouteille à ses lèvres, avala une gorgée, puis la reposa doucement sur la table. Ayden contentait de l’observer, un léger sourire en coin, comme s’il attendait de voir quelle décision Numa prendrait.

Klea soupira.

— Écoute, on est là pour boire un verre, pas pour te replonger dans tes histoires de territoire ou je sais pas quoi.

— Ce sont pas mes histoires.

— Et pourtant, il te regarde comme si c’était le cas..

Elle n’avait pas tort. Ayden n’était pas du genre à offrir un verre pour le plaisir. Il attendait quelque chose en retour. Toujours. Numa hésita, puis finit par se lever.

— J’en ai pour deux minutes.

Klea leva les yeux au ciel, reprenant une gorgée de sa boisson.

— Bien sûr. Deux minutes. N’oublie pas de m’en commander une deuxième.

Il traversa la pièce, se frayant un chemin entre les corps serrés. Lorsqu’il atteignit le comptoir, Ayden interrompit son travail et l’accueillit d’un sourire détendu.

— T’es du genre à ignorer un cadeau, maintenant ?

— Quand ça vient de toi, oui, rectifia Numa en posant ses coudes sur le bar.

Ayden haussa un sourcil amusé.

— Toujours aussi parano.

— Vaut mieux avec toi.

Ayden ne commenta pas, mais conserva son rictus. Il testait les limites de Numa qui ne semblaient pas si élevées en cette belle soirée.

— Tu sais que ça s’active de plus en plus ?

Numa ne répondit pas immédiatement. Bien sûr qu’il en avait entendu parler. Tout le monde en parlait.

— J’évite de m’en mêler. Ce ne sont pas mes affaires. Comme ce ne sont pas les tiennes.

— D’autres ne sont pas de cet avis.

Le ton était léger, mais le sous-entendu pesait lourd. Numa sentit sa mâchoire se serrer.

— Je suis clean, Ayden.

— Oh mais je le sais, par contre...

Il laissa sa phrase en suspens, laissant à Numa le soin d’en imaginer la fin.

— Tu devrais te remettre aux cocktails, pas sur que ton boss apprécie que tu passes plus de temps à parler qu’à faire ton boulot.

— Profite de ta soirée, conclut Ayden. Au fait, toujours pas libre ta pote ?

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