📿 N A D I M 📿
— Il respire encore.
L'homme, le visage défiguré et couvert de sang, tente désespérément de ramper vers la sortie, sa jambe brisée traînant derrière lui. Je m'approche tranquillement et lui assène un coup de pied sec pour arrêter sa tentative de fuite.
— Prenez-le pour l'interroger, ordonné-je à mes hommes.
Ils s'exécutent immédiatement, sans poser de questions.
Nous venons d'exterminer un groupe. Miroslav, le fils de Pavel Gorkov, nous a contactés pour signaler une anomalie. Il a découvert leurs plaques sur son territoire et trouvé une partie de notre marchandise volée, en provenance du Mexique. Il s'avère que c'étaient bien les Albanais qui nous avaient dérobés, mais ils ne sont pas arrêtés là. Ils ont aussi volé aux Russes. Maintenant, nous nettoyons le terrain en récupérant ce qui nous revient.
En regardant les dégâts, je me demande vraiment comment un petit groupe de délinquants a pu nous dérober et comment ils ont pu obtenir des informations à ce sujet.
Saif s'approche de moi, sa tenue entière trempée de sang. Il a visiblement pris du plaisir. De mon côté, j'ai tenté de rester propre.
Avec un grand sourire, il me donne une tape amicale dans le dos.
— Ça fait plaisir de te voir sur le terrain ! Ça fait quoi... plusieurs mois que tu ne t'es pas défoulé avec moi ? Alors, qu'est-ce qui t'a ramené, hein ?
— J'en avais juste besoin, réponds-je simplement.
— Ça aurait un rapport avec ce mariage qui approche à grands pas ?
Je ne réponds pas et mes pensées me ramènent au déjeuner d'il y a quelques jours. Quand je lui ai annoncé que je serais son mari, elle s'est figée, est restée immobile pour le reste du repas. Elle semblait totalement déconnectée, comme si le choc de l'annonce l'avait vidée. En même temps, comment aurait-elle dû réagir ? Elle ignorait l'existence de notre communauté et encore plus qu'elle allait se marier avec l'un de ses membres. Un futur époux qu'elle n'avait croisé qu'une seule fois.
Son père aurait dû lui en parler avant de nous recevoir, mais les mafieux n'écoutent que leur propre tête. Et je voyais bien qu'il tenait absolument à ce que sa fille accepte ce mariage. Mais au fond, qu'elle l'accepte ou non n'avait aucune importance. Tout est déjà décidé. Elle n'a pas le choix. C'est comme ça que ça fonctionne. Il a pris la décision et elle doit obéir.
Finalement, je n'ai pas vraiment eu mon mot à dire non plus. Mon père m'a pratiquement imposé cette union. J'ai accepté, plus par paresse qu'autre chose. J'étais censé chercher une épouse, et là tout est réglé d'avance. Alors, pourquoi m'embêter à refuser ? Je n'ai qu'à être présent aux fiançailles et au mariage, et ce sera bouclé.
— Ouais, c'est à cause de ça, conclut mon cousin après mon silence.
Je ne veux pas lui avouer que oui, c'est en partie à cause de ce mariage. Mais ce n'est pas tout. Mon père me rend fou. Son refus constant de me donner des explications et ses esquives sur les vraies raisons de ce foutu mariage m'exaspèrent. Donc, j'ai besoin de me défouler ailleurs, de relâcher la pression.
— Elle a réagi comment à l'annonce ? me demande-t-il soudainement.
Saif a finalement accepté cette union. Il a même hâte de la rencontrer, au mariage de Zeina, il n'a pas eu l'occasion de la voir. Je sais que beaucoup de personnes, en dehors de la famille Di Angelo, sont curieuses de savoir à quoi ressemble la fille de Vincenzo.
— Et toi, comment tu réagirais si on t'annonçait du jour au lendemain que tu vas te marier avec un inconnu ? lui rétorqué-je, haussant un sourcil.
— Je ne sais pas... Il y a tellement de meuf qui voudraient se marier avec toi, qui te tournent autour sans retenue. Il y en a même qui passent par moi pour attirer ton attention, alors qu'elles prétendent venir pour moi. Bref, je suis juste soulagé que tu te maries enfin, parce que j'en avais marre de gérer tout ça, lâche-t-il avec un soupir exaspéré.
Il ne m'apprend rien. Je vois bien que beaucoup de femmes cherchent à attirer mon attention, mais je n'ai que faire de ces futilités. L'amour, ce n'est pas dans mon intérêt.
— Elle n'a pas réagi, je réponds à sa première réponse.
— Pas réagi ? Positivement ou négativement ?
— Je dirais plutôt négativement, intervient une voix derrière nous.
Miroslav s'approche de nous tranquillement, sa carrure imposante, grand et massif, avec des épaules larges et un visage dur comme de la pierre, il incarne l'image du Russe typique : cheveux blonds, yeux bleus perçants, et un corps entièrement tatoué jusqu'au cou.
Je l'ai déjà vu à l'œuvre dans des combats illégaux. C'est une véritable machine de guerre qui ne connaît ni peur ni pitié. Ces derniers temps, il ne se bat plus aussi souvent qu'avant, car rares sont ceux qui veulent l'affronter. Mais malgré ça, il ne m'intimide pas. Peu importe qu'il fasse la taille d'une montagne. Si un problème venant de lui surgit, je le tuerai.
Les Gorkov travaillent avec nous depuis des années, gérant le transport illégal à travers leurs docks. Une alliance nécessaire, mais rien qui me donne envie de baisser les yeux devant lui.
— Qu'est-ce que t'en sais, toi ? Tu n'étais même pas là, rétorque mon cousin au blond en croisant les bras.
— Je connais Amalia. Jamais elle ne se réjouirait d'un mariage arrangé, réplique-t-il calmement, mais avec assurance.
Je lève mon regard vers lui, un éclat menaçant dans les yeux et je fais un pas en avant en sa direction.
— Comment pourrais-tu la connaître, si elle a toujours été mise à l'écart ?
Comment peut-il connaître Amalia ? Était-elle vraiment aussi isolée qu'on nous l'a dit ? Peut-être que tout ce qu'on nous a raconté a était un mensonge. Sommes-nous les dupes dans cette histoire ?
Son expression reste rigide. Il avance d'un pas également, se plaçant face à moi. Un silence lourd s'installe. Je comprends alors que mes hommes sont en position, prêts à agir, tout comme ceux de ce Russe.
— On ne te l'a pas dit, alors ?
Un sourire en coin se dessine sur sa bouche. Il est en train de me provoquer, je le sais. Je n'ai jamais toléré ce type ni sa famille. Ils sont tout aussi mystérieux que la fille de Vincenzo, mais il n'y a rien que j'admire chez eux.
— Tu ferais bien de m'expliquer vite la situation. Je ne vais pas épouser une femme qu'on m'a vendue comme pure alors qu'elle ne l'est pas.
D'un geste rapide, je saisis mon pistolet et le dirige vers le bas de son corps, prêt à réagir en un instant. Alors que sa gigantesque main s'est tendue, à quelques centimètres de mon visage. Mais avant qu'il n'écrase mon visage, mon cousin est intervenu, stoppant son bras en un éclair.
Il est connu pour tuer à mains nues, mais moi, je mise sur ma vitesse. Je cible un point vital, et ce serait la fin pour lui en un seul tir.
— Les gars, je suis sûr qu'il y a un malentendu, tente de nous calmer mon cousin.
— Plus jamais tu ne parles d'elle de cette façon, elle est comme ma petite sœur, me menace-t-il d'une voix glaciale.
Puis il baisse lentement sa main, sans me lâcher du regard. Je range mon arme et fais signe à mes hommes de baisser les leurs face aux siens.
Alors, il la considère comme une sœur... Mais s'il ne clarifie pas ses dires, c'est normal que je fasse des suppositions.
— Tu ferais bien de te comporter correctement avec elle, ajoute Miroslav. Je ne comprends même pas pourquoi elle est tombée sur toi, tu ne la mérites pas.
Je laisse échapper un bref sourire, amusé par son attitude possessive, presque fraternelle, comme s'il était réellement son frère.
— Comme si je désirais ta petite sœur, ya hayawen bala akhlaq (sale animal sans éducation).
Je vois son visage se déformer sous la colère, même s'il ne comprend pas l'arabe, il a parfaitement saisi l'insulte. Il fait un pas de plus vers moi, mais Saif de nouveau, d'un mouvement rapide, se place entre nous pour éviter que la situation ne dégénère en guerre pour des futilités.
— Les gars, vous n'allez pas vous prendre la tête pour ça. Allez, détendez-vous, dit-il en levant les mains pour encore une fois apaiser la situation.
Je vois Saif se retenir de rire depuis mon insulte envers le blond.
— De toute façon, on a fini ici. On a ce qu'on veut, tranché-je.
Je pivote et commence à me diriger vers la sortie, mon cousin sur mes talons. Mais Miroslav m'interpelle avant que je ne franchisse la porte du hangar. Je le regarde par-dessus mon épaule.
— Otvali, mudak. (va te faire foutre, connard).
Malheureusement pour lui, j'ai appris le russe, mais je laisse passer pour cette fois.
— Excellente soirée, à toi aussi, rétorqué-je d'un ton sarcastique.
Avec un dernier regard, moi et mon cousin, suivis de nos hommes, quittons leur territoire avant que la situation ne s'aggrave vraiment. Voilà pourquoi je déteste être sur le terrain, en un instant, je pourrais générer une guerre. Je ne supporte personne, et personne ne me supporte non plus. Quand les choses ne vont pas dans mon sens, je ne peux pas rester les bras croisés, à regarder. Quand je suis là, c'est moi qui décide. Sauf quand mon père est impliqué et c'est lui qui prend les décisions. Parfois, je fais attention à ne pas provoquer nos alliés, mais quand on me cherche, je ne me retiens absolument pas.
Nous montons dans ma Mercedes-Benz Classe G, mon cousin sur le siège passager.
— Ya hayawen bala akhlaq, m'imite-t-il, puis éclate de rire.
Vu son rire contagieux, je ne peux m'empêcher de lâcher un rire à mon tour. C'est ridicule, je ne devrais pas rigoler, surtout après cette altercation avec l'autre.
— T'as vu sa gueule, putain de merde ! s'exclame-t-il, se tordant de rire encore plus fort, frappant le bord de ma voiture.
Saif, quand il rit, ce n'est jamais à moitié. Il doit toujours frapper autour de lui, sinon il a l'impression que ce n'est pas suffisant. Il exagère.
— Il m'a défié, dis-je en repensant à la situation.
— Non, là, c'était gratuit, répond-il en se calmant un peu. Miskeen (le pauvre), en réalité, Miro c'est un gars bien, il s'inquiète juste pour sa "petite sœur", rajoute-t-il en faisant des guillemets avec ses doigts. Par contre, si je n'étais pas là, il t'aurait probablement arraché la peau du visage.
— Je l'aurais mis à terre avant.
Je démarre la voiture et prends la route en direction de chez nous.
— Je peux déjà imaginer oncle Gabriel te faire la morale pour cette petite altercation, remarque-t-il.
— C'est pour ça que je déteste être sur le terrain.
...
Dès notre arrivée à l'immeuble, je suis convoqué dans le bureau de mon père. L'information est montée rapidement, comme je m'y attendais. Dans l'ascenseur avec Saif, il ne reste encore que quelques étages avant d'arriver à son appartement. Ensuite, je monterai au dernier, chez mes parents.
— Prépare une meuf pour moi, je balance d'un ton détaché.
— Laquelle ?
— N'importe qui, je m'en fous.
Il fixe droit devant lui et lâche :
— Être sur le terrain ne t'a pas détendu.
Bien sûr que non. Le russe m'a encore plus tendu qu'autre chose. Il se mêle de discussions qui ne le regardent pas, et je déteste ça.
— Tu te limites encore à une pipe, ou cette fois, tu vas enfin passer à l'étape supérieure ? Sérieusement, t'as 27 ans, tu comptes te préserver encore longtemps ? dit-il d'un ton moqueur.
Je lui lance un regard glacial, tandis que lui affiche un air amusé. Il a deux ans de plus que moi, pourtant, on dirait que c'est moi l'aîné. Il est bien trop décontracté pour un homme de la mafia. Il ne prend jamais rien au sérieux.
D'abord, si je me contente de ça, c'est par précaution. Avec les prostituées, il y a toujours un risque, et moi, je préfère jouer la carte de l'hygiène et de la sécurité. Je fais tout avec elles, sauf la pénétration.
Et puis, il n'a aucune idée de ce que ça fait de devoir repousser des choses aussi simples, juste pour éviter de se retrouver trop loin.
— Aaah... mais attends, j'ai compris, s'exclame-t-il en se tournant vers moi avec les mains dans les poches de son pantalon. En fait, tout est calculé, hein ? Tu te préserves sagement pour ta future femme !
— Occupe-toi de ta bite, je rétorque sèchement.
— T'inquiète pas, je gère ça comme il faut, dit-il en agrippant son entrejambe pour appuyer ses paroles.
Soudainement, une question me traverse l'esprit.
— Comment tu sais que je me limite à ça ? Tu m'espionnes, enfoiré ?
— Tu sais, dit-il en passant une main dans ses cheveux mi-longs, arborant son habituel sourire de séducteur et j'ai une furieuse envie de lui en mettre une. Avec moi, les meufs se sentent à l'aise et deviennent très bavardes. Contrairement à toi.
Mais ça ne m'étonne pas. Il sait y faire avec les femmes, il a de l'expérience. Tandis que moi, elle fait ce qu'elle a à faire, je la paie et je pars sans m'attarder. Je ne veux ni discuter ni perdre mon temps, encore moins passer la nuit avec elle. Son job, c'est de faire plaisir au client, point. Saif, en revanche, il aime discuter, s'amuser avec elles... Une inutilité.
L'ascenseur arrive enfin à son étage. Les portes s'ouvrent, il sort, mais je l'interpelle au dernier moment.
— Pas de femme aux cheveux longs et noirs.
Il plisse les yeux et un sourire taquin apparaît sur son visage. Juste avant que les portes ne se referment, il me lance avec un pouce en l'air :
— Ok, pas de meuf qui ressemble à ta future femme.
Salaud.
Je suis sûr que Yara lui a tout raconté. Ces deux-là sont inséparables, presque meilleurs amis avant d'être cousins. Ils se disent tout, et je parie qu'elle est derrière tout ça.
En arrivant au dernier étage, je trouve ma mère assise sur son grand canapé en velours, accompagnée de tante Dina.
Dès qu'elle me voit, elle me scrute de haut en bas, et son visage se crispe de dégoût. Je sais déjà ce qu'elle pense.
— Tu aurais pu venir propre chez tes parents, me lance-t-elle avec dédain.
Elle est obsédée par la propreté et craint que je salisse son sol, qui est lavé à l'eau de javel par les femmes de ménage au moins deux fois par jour.
— Il ne faut pas faire attendre le chef, répliqué-je d'un ton insolent.
— Bonjour, Nadim, comment vas-tu ? m'interpelle ma tante, en me faisant signe comme pour me rappeler qu'elle est présente.
— Bonjour khalto... (tata) et je ne sais pas trop. Je sais seulement que je vais passer un mauvais moment dans le bureau de ton grand frère.
Ma mère laisse échapper un soupir agacé et me déverse quelques insultes en arabe.
— Plus il grandit, plus il devient mal élevé, rajoute-t-elle par la suite.
Je laisse son commentaire derrière moi, tout comme elles, et après être montée les escaliers en marbre, je me dirige vers la porte du bureau de mon père. Je toque avant d'entrer sans attendre sa permission, comme si je ne m'enfonçais pas encore plus dans mes erreurs. Je le trouve face à la vitre qui donne sur le quartier toujours illuminé et il est au téléphone.
Je m'avance jusqu'à son bureau et m'installe dans l'un de ses fauteuils en cuir, attendant qu'il termine avec son interlocuteur.
— Bien sûr, dit-il en se tournant vers moi et en me lançant un regard noir. Je m'assurerai qu'il paie pour le petit foutoir qu'il a causé et ça ne se reproduira plus.
Pavel est derrière ce téléphone, se plaignant. Il devrait plutôt bien tenir son fils, c'est lui qui est à l'origine de cette confrontation.
Mon père raccroche enfin. Il s'installe ensuite sur son majestueux fauteuil, me fixant du regard, mais il ne semble pas aussi furieux que je l'imaginais. J'essaie de deviner ce qu'il pense, mais c'est difficile. Il est tellement imprévisible que je ne peux jamais savoir ce qui se cache derrière son regard.
— Explique-moi ce qui s'est passé, et à partir de là, je déciderai de la suite à donner, dit-il finalement, d'un ton calme.
Il préfère toujours entendre chaque version avant de prendre une décision. Avec mon père, il n'y a jamais de place pour l'injustice.
— Il m'a provoqué et j'ai réagi, dis-je sans m'attarder sur les détails, sachant qu'il est déjà au courant. On ne me provoque pas sans conséquences, et tu me connais mieux que personne.
Il prend une gorgée de son verre rempli d'Arak (l'alcool traditionnel libanais) puis le repose sur son bureau. Les glaçons s'entrechoquent dans le verre. Il m'observe toujours, pensif, peut-être en train de réfléchir à la manière de me punir pour ma faute volontaire.
— Tu veux finir de la même manière que ton cousin, ou peut-être préfères-tu que je te retire ton titre, comme Vincenzo l'a fait avec son fils ?
Je fronce les sourcils, la dernière phrase me fait tiquer. Si j'ai bien compris, Massimo n'est plus un Underboss. Si mon père me pose cette question, c'est qu'il est tout aussi capable de me retirer le mien, mais c'est hors de question. Être sous-chef, c'est tout ce que je suis, c'est quelque chose qui m'est destiné depuis ma naissance. C'est un poste qui me permet de tout contrôler, avant de prendre la relève et de succéder mon père en tant que grand chef. Les affaires globales, c'est ma vie. Sans ça, je ne suis plus personne, je ne me vois pas vivre sans ce rôle.
— Non, ça ne se reproduira plus, père. Sur le moment, je n'ai pas pris le temps de réfléchir, je reconnais ma faute.
— Bien. Au moins, tu admets tes erreurs. Mais sache que ce sera la première et la dernière fois.
Je pense encore pourquoi je me suis emporté. Enfin, c'est à cause de ce putain de russe. Il m'a fait comprendre autre chose. Je pensais sincèrement que ma future femme n'était pas aussi "irréprochable" que ça, bien que, au fond, ça m'importe peu, puisque notre union a pour but de renforcer l'alliance, elle n'est pas née d'un amour. J'aurais dû mieux réfléchir, il était évident que Miroslav cherchait délibérément à me provoquer, dans l'espoir que je commette une erreur.
— C'est quoi cette histoire de Massimo ? demandé-je, curieux.
Mon père prend un autre verre, y met des glaçons et verse de l'Arak. Et me le glisse.
— Bois, m'ordonne-t-il. Tu as fait du bon boulot ce soir, à part la petite gaffe que je ne tolérerai plus.
Il a toujours pris le temps de féliciter mes sœurs et moi lorsque nous accomplissions une mission ou tout autre succès. Autrefois, il nous avait expliqué que lorsqu'il nous félicite, c'est qu'il est véritablement fier de nous, mais pas que, il affirmait que cela nous donne un regain de confiance et de motivation pour les prochaines fois. Et il n'a pas eu tort. C'est grâce à sa rigueur et à son éducation que j'ai toujours su atteindre mes objectifs.
Même mes sœurs n'ont jamais posé de véritables problèmes. Bon, à l'exception de quelques désaccords avec Yara, mais ce ne sont que des caprices, c'est dans sa nature d'être têtue.
— Concernant Massimo, son père a décidé de lui retirer son titre temporairement. Il a tiré sur le fils d'un allié en pensant que c'était un de leurs hommes. Par chance, il n'est pas mort, mais ça a failli provoquer une guerre, m'explique-t-il. Sauf qu'ils ont tout de même rompu leur accord.
Je n'ai jamais rencontré un sous-chef aussi instable et un incapable, il ne mérite pas d'occuper ce poste. Il déclenche le chaos à chaque intervention.
— Mais ce n'est pas tout, ajoute-t-il d'un ton grave.
Je le fixe, intrigué, tout en prenant une gorgée de ma boisson alcoolisée, sucrée et anisée, qui rafraîchit le long de ma gorge.
— Massimo tourmente régulièrement sa sœur. Vincenzo s'en est rendu compte trop tard, mais il l'a déjà mise en garde à plusieurs reprises pour qu'il cesse. Et, bien entendu, il n'a pas pris en compte... Quand il lui a annoncé qu'il a perdu son titre, en partie à cause de ça, il a tenté de l'étrangler...
Je ne l'écoute plus.
Il a essayé de tuer sa propre sœur ? Quel genre de sans esprit est-il ? La seule chose que je ne tolère pas, c'est de s'en prendre aux innocents.
Mes sœurs, je les protégerais toute ma vie, je donnerais tout pour elles, quitte à sacrifier ma propre existence. Comment peut-il être aussi brutal envers la sienne ?
Sans m'en rendre compte, ma mâchoire se serre, et je serre le verre entre mes mains, au point de risquer de le briser en mille morceaux.
— J'ai une question. Quelle est la raison derrière ce mariage arrangé ?
— Tu le sais bien, c'est pour renforcer notre entente.
— Non, la véritable raison, j'appuie sur les deux derniers mots. Je suis certain qu'il y a quelque chose d'autre.
Il prend quelques secondes, et je remarque l'hésitation sur son visage. Il ne veut pas me le dire. Qu'est-ce qu'il sait ? Mais notamment, pourquoi il me le cache ? Je suis son fils. J'ai droit à cette réponse, surtout si je vais épouser cette femme.
— Tu le sauras sans doute bientôt, même sans que je te le dise. Mais je peux te prévenir que Vincenzo est prêt à tout pour sa fille unique.
Quelqu'un veut du mal à cette femme ? Mais pourquoi l'intégrer dans notre famille alors ? Ce n'est pas comme si ça allait s'arrêter là. Qui sait, peut-être qu'il veut l'éloigner des autres clans. Cela doit également avoir un lien avec le fait qu'elle ait été isolée de nous.
Si j'insiste davantage, il ne me le dira quand même pas. Je vais devoir chercher des indices de mon côté, peu importe si cela s'aperçoit. Ça m'agace d'être dans le flou. Rien ne doit m'échapper.
— Dis-moi, les Gorkov ont-ils déjà rencontré Amalia ?
Il lève un sourcil, visiblement surpris par mon changement de sujet.
— Non... enfin sans doute. L'ex-femme de Vincenzo est une grande amie de la femme de Pavel. Elle a probablement déjà été chez eux quand ils étaient encore mariés.
Cette histoire, je l'ai trouvée surprenante. Chez nous, le divorce n'est pas une option, la femme reste avec l'homme qu'on lui a choisi, à vie. J'ai entendu même dire que c'est son ex-femme qui a demandé la séparation, mais pour quelle raison, je l'ignore.
Je suis certain que mon père le sait, il est au courant de tout, surtout quand il s'agit de Vincenzo. Toutefois, je n'oserai pas lui poser la question, car il pourrait me renvoyer des interrogations. Et de toute façon, ça ne m'intéresse pas plus que ça. Ce que je voulais savoir, c'est désormais éclairci.
J'en déduis que Miroslav a rencontré Amalia lorsqu'ils étaient plus jeunes. Ce qui m'étonne, c'est qu'ils continuent à se côtoyer encore aujourd'hui.
— Dégage d'ici, tu commences à empester mon bureau avec la saleté de nos ennemis.
C'est vrai que l'odeur n'est pas agréable, mon pantalon et mes chaussures sont tachés de sang et je dois avoir également des éclaboussures sur la tête. Je me lève, souhaite une bonne soirée à mon père, puis je sors de cette pièce. En fermant la porte, je tombe sur ma mère, les bras croisés.
— Non, dit-elle quand elle remarque mon geste.
J'ai posé ma main sur la poignée sur le point de lui ouvrir la porte, pensant qu'elle voulait parler à père. Mais c'est moi qu'elle est venue voir.
— Avance jusqu'à l'entrée.
Nous marchons en silence jusqu'à l'ascenseur. Elle m'examine encore une fois.
— C'est la dernière fois que tu nous rendes visite dans cet état.
— Oui, maman.
— Tu aurais pu prendre une douche, franchement. Regarde toute cette crasse sur toi.
— Oui, maman, réponds-je, un sourire amusé aux lèvres.
— Arrête de te moquer de moi, dit-elle en levant le bras comme si elle allait me frapper, mais elle se ravise et me lance un regard plein de dégoût. Je n'ai même plus envie de te corriger.
Je laisse échapper un léger rire, amusé de voir qu'elle est irritée de ne pas pouvoir me donner un coup.
— Tu tiens trop à moi pour me faire du mal.
Elle lève les yeux au ciel avant de me répondre :
— C'est ça, oui...
Elle change brusquement d'expression et me fixe, sérieuse.
— Tu as vraiment l'intention d'épouser cette femme ?
— Apparemment, oui. C'est déjà décidé et tu sais qu'il n'y a pas de retour en arrière.
— J'espère que vous avez pris la bonne décision.
Je n'en suis pas certain. Vu ce qui se dissimule derrière ce mariage, je sens qu'un compte à rebours a été déjà lancé, et que tout va exploser le jour de notre union.
Dans quel bourbier son père nous a-t-il plongés, juste pour sa fille ?
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Avez-vous hâte de découvrir le chapitre tant attendu de leurs fiançailles ? On se dit à la semaine prochaine pour deux chapitres 🫣
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