💄 A M A L I A 💄
𝙾𝙲𝚃𝙾𝙱𝚁𝙴
"Tu es malheureusement tombée sur la mauvaise personne pour ça."
Comme si je t'avais choisi... J'avais envie de lui répondre ainsi.
Qui a parlé d'amour, de toute façon ? Je savais déjà que c'était une cause perdue avec lui. Même lorsqu'il se montre parfois attentionné –ou du moins en donne l'illusion– ce n'est sans doute qu'un simple jeu de façade. Ce qui me tracasse le plus, c'est l'après-mariage. Et j'ai eu le malheur de lui laisser entrevoir mes craintes. Il va sûrement en tirer un certain plaisir, celui de me rendre la vie impossible...
— Madame, c'est l'heure de partir, m'annonce Alessandro de l'autre côté de la porte.
D'un geste agacé, je donne un coup de brosse rageur dans mes cheveux. Je n'ai pas envie d'y aller.
Yara nous a réservé un hammam à deux jours de mon mariage. Une attention qui aurait dû me réjouir... si elle ne m'avait pas informé que sa mère serait là aussi. Tout mon enthousiasme s'est envolé. Déjà que l'essayage de ma robe s'était très mal passé avec elle.
Et puis, le temps a filé à une vitesse folle. Trois mois se sont écoulés comme une fusée, et depuis mes fiançailles, j'ai été submergée par les préparatifs. Ce jour-là, d'ailleurs, a été un véritable fiasco... Espérons que le mariage se déroulera mieux. Même si, au fond, je n'ai pas envie que cette cérémonie ait lieu. Je dois profiter de mes deux derniers jours en tant que célibataire et en tant qu'Amalia Di Angelo.
Un coup. Je n'ai. Un autre coup. Pas envie.
Je laisse échapper un soupir et repose ma brosse sur ma coiffeuse.
Après tout, je me suis bien retrouvée à mes fiançailles. Je me suis bien retrouvée dans cette boutique de robes de mariée. Et je me retrouverai bien, malgré moi, dans ce hammam avec Yara... et ma future belle-mère.
— J'arrive.
Je saisis un gloss et je l'applique, puis me lève, prête à affronter le monstre.
En descendant les escaliers, je croise mon frère qui monte, sans même m'adresser un regard. Depuis ce jour où il m'a étranglée, il est d'un calme étrange... voire trop calme, à vrai dire. Ce n'est pas lui. Lui qui adore tant m'embêter à la moindre occasion ! Toutefois, là... ce silence inhabituel me frustre. Et s'il mijotait quelque chose de bien pire à mon encontre ? Je devrais me méfier. Par chance, j'ai Giorgio, qui est désormais à mes côtés pour assurer ma sécurité.
...
Mon garde du corps gare la voiture, puis m'ouvre la porte. Je descends et aperçois un autre véhicule se garer juste derrière nous. La portière côté trottoir s'ouvre lentement. Un talon en sort puis l'autre, et enfin, la personne apparaît.
Hanane Kanaan, ma future belle-mère, vêtue d'une longue robe modeste, parfaitement adaptée à cette belle journée ensoleillée. Ses cheveux sont attachés par une pince, et ses yeux dissimulés derrière de grandes lunettes de soleil. Elle tourne brièvement la tête vers moi avant de fixer son regard droit devant elle et d'avancer vers l'institut, sans même m'adresser un bonjour.
Un vrai monstre...
Des pas rapides résonnent derrière moi. Je détourne le regard de celle qui vient de franchir la porte, et aperçois Yara se précipiter vers moi.
— Amalia !
Elle attrape mon bras et m'entraîne vers l'entrée.
— Comment tu vas ?
— Je vais bien.
Ça ne va pas... Pas avec ta mère dans les parages.
— C'est la première fois que tu viens dans un hammam, n'est-ce pas ?
— Le hammam, oui, mais j'ai déjà été dans des spas.
— Tu verras, l'expérience est encore meilleure !
Elle me sourit, visiblement impatiente, alors que moi, je n'ai qu'une seule envie : m'enfuir. Je doute que ce soit un moment de détente pour moi...
À notre entrée, nous sommes accueillis chaleureusement avant d'être conduits vers les vestiaires. L'institut est très soigné, offrant une ambiance qui marie l'oriental et le traditionnel. Les murs sont en marbre, teintés de teintes chaudes, et les surfaces lisses et brillantes créent une sensation de luxe. Les lumières sont tamisées et des bougies sont disposées dans chaque coin, ajoutant une touche apaisante. Je trouve ça particulièrement relaxant.
Nous retirons nos vêtements, et j'enroule une serviette autour de moi. Sous celle-ci, je porte uniquement le bas de mon maillot de bain, comme Yara me l'a conseillé, tandis qu'elle, elle ne va rien porter.
Je sors du vestiaire et la trouve déjà prête, m'attendant avec un sourire. Puis, elle fouille dans son sac et en sort un élastique.
— Viens, je vais t'attacher les cheveux.
Je me place dos à elle, rassemblant mes cheveux pour qu'elle puisse me faire un chignon bas.
— Voilà, comme ça tu seras plus à l'aise.
Cette petite attention me fait sourire. J'ai toujours rêvé d'avoir une grande ou une petite sœur pour ce genre de geste, mais surtout pour me sentir moins seule à la maison.
— Merci.
— Bois un peu d'eau pour t'hydrater avant d'entrer dans la première salle.
Sur une petite table près d'une fontaine, un verre d'eau est posé. Je le prends et le bois d'une traite, suivant son conseil. Ensuite, je la suis, et nous entrons dans la première salle où la température est douce. J'aperçois sa mère, elle aussi en serviette, assise sur l'un des bancs en marbre. Son visage semble apaisé, elle a l'air de bien profiter du moment. Vais-je, moi aussi, réussir à me détendre en sa présence ?
Nous nous installons sur ces banquettes chaudes. Yara m'explique que nous devons rester ici quelques minutes pour permettre à nos pores de s'ouvrir et préparer notre peau aux étapes suivantes.
Finalement, comme sa mère est installée dans un coin et nous dans le nôtre, je commence à me sentir plus à l'aise et à profiter de cette atmosphère apaisante.
— Dans deux jours, c'est le grand jour, me rappelle-t-elle, alors que mon esprit l'avait momentanément mis de côté.
— Ouais...
Elle prend ma main posée sur ma cuisse.
— Ne t'inquiète pas, ça va bien se passer. Tu n'es plus seule, tu peux compter sur moi et...
Elle réfléchit un instant.
Elle est mignonne, elle essaie vraiment de me rassurer du mieux qu'elle peut.
— Et mon frère ? dit-elle, hésitante. En vrai, tu verras, c'est quelqu'un de respectueux. Ce n'est pas un homme brutal avec les femmes.
J'aimerais la croire, mais je préfère juger par moi-même après le mariage. C'est son grand frère, bien sûr qu'elle ne peut en dire que du bien.
Il y a quelques jours, ce mariage a même fait parler dans un article. Je ne pensais pas que des gens d'extérieurs s'intéresseraient à moi.
C'est Irina qui m'a envoyé le lien qui parlait de moi. Je me suis même demandé si Nadim l'avait lu. Par contre, toutes les absurdités qu'ils ont écrites : "La Raiponce de Las Vegas, sortie de sa tour uniquement pour se marier." truc du genre. C'est exagéré... même si, dans le fond, la comparaison n'est pas si loin de la vérité.
Cela dit, après l'avoir tout lu, je me suis rendu compte qu'ils ne faisaient que dire la vérité sur moi. Je n'ai jamais été mentionnée dans un article auparavant, en revanche, mon père, oui. Ça me fait bizarre. Maintenant, tout le monde peut mettre un visage sur mon nom.
— Tu t'es entraînée ?
— Oui ! J'ai même regardé les vidéos que tu m'as envoyées, merci, ça m'aide beaucoup.
Elle m'apprend à danser après que j'ai pris l'initiative de lui demander, pour éviter de me ridiculiser le jour de mon mariage. Leur danse traditionnelle est belle et impressionnante, j'ai voulu essayer, et honnêtement, ce n'est pas aussi difficile que je l'imaginais.
Le bruit de l'eau aspergée résonne dans la salle. Je tourne la tête et aperçois la mère de Yara en train de se mouiller le corps. Après qu'elle a fini, elle se lève.
— Aspergez-vous d'eau, moi, je passe dans la salle suivante, dit-elle avant de s'éloigner.
Yara m'explique que ça permet à notre corps de s'habituer à la température. Alors, nous faisons de même, nous aspergeant d'eau tiède avant de rester encore quelques minutes à discuter.
Nous passons ensuite dans une autre pièce, bien plus chaude. Nous nous installons sur le marbre brûlant. Je ne sais pas si je vais tenir longtemps. À peine une minute s'écoule avant que la mère de Yara ne l'interpelle :
— Frotte-toi le corps.
— Tu ne le fais pas pour moi ? demande Yara.
— Non, répond-elle en me regardant. Aujourd'hui, c'est la future mariée que je vais frotter.
J'avale difficilement ma salive et me penche vers Yara.
— Elle frotte fort ? murmuré-je.
— Ça dépend de son humeur.
Merde... Je ressens déjà la chaleur de ma peau rougie.
— Viens, m'intime-t-elle d'un ton quasi autoritaire.
Je m'approche d'elle lentement, presque à reculons. Elle est assise au centre de la pièce, sur un bloc de marbre rond. Elle se recule légèrement et me fait signe de m'asseoir entre ses cuisses.
Hésitante, je m'installe et observe attentivement chacun de ses gestes. Elle prend un gant ainsi qu'un pot contenant une substance noire.
— Qu'est-ce que c'est ? j'ose demander.
— Du savon noir à base d'huile d'olive.
Sans attendre, elle en prélève une bonne quantité et l'applique sur ma peau nue. Le savon dégage une odeur d'herbes et d'huile d'olive, une fragrance agréable et même apaisante lorsqu'on la respire.
Elle commence par ma nuque, puis descend vers mes épaules et mon dos... Je suis surprise par la douceur de ses gestes. Je m'attendais à une véritable torture entre ses mains, même pour quelque chose d'aussi simple.
— On va laisser poser un peu.
Je suis encore plus surprise par son calme et par le fait qu'elle ne soit pas désagréable avec moi. Serait-ce l'effet apaisant du hammam qui l'aurait détendue au point d'oublier qu'à la base, elle ne m'apprecie pas ?
D'un geste souple, elle passe une jambe de l'autre côté et se place juste à côté de moi.
— Recule et place tes jambes devant moi.
J'exécute sa demande, et elle applique également le savon noir sur mes jambes, commençant par mes cuisses avant de descendre jusqu'à mes pieds. Encore une fois, ses gestes sont doux. Dois-je appréhender la suite, lorsqu'elle utilisera ce gant si rêche ?
— Tu aurais pu me le dire que la robe blanche que j'ai choisie pour toi ne te plaisait pas.
Oh... Qui a bien pu lui dire ça ?
Amalia la seule personne à qui tu en as parlé, c'est Nadim.
Franchement, il pouvait pas le garder pour lui ?
— Je n'ai pas osé.
— Si ce jour-là, j'ai été exigeante, c'était pour que la future femme de mon fils ait la plus belle robe. Nadim est mon seul et unique fils. Je veux un magnifique mariage pour lui, sans la moindre erreur.
C'est donc pour ça qu'elle a été aussi agaçante. Elle veut simplement tout contrôler pour que ce mariage soit parfait aux yeux de tous.
Mais j'en ai marre. Je veux être claire avec elle et arrêter de me comporter comme une fille fragile, alors que ce n'est pas du tout mon tempérament.
— Parlons franchement. Pourquoi est-ce que vous me détestez ?
Elle suspend son geste, lève les yeux sur moi. Quelques mèches collent à son front dû à la chaleur. Sans maquillage et au naturel, je dois admettre qu'elle reste une belle vieille femme.
Un léger sourire se dessine sur ses lèvres. À cet instant, je réalise à quel point ses trois enfants ont hérité de ses traits... mais surtout de la couleur de ses yeux. Yeux ambrés. Dans son regard dur et froid, je retrouve presque celui de Nadim.
Elle reprend les mouvements et termine d'appliquer avant de me répondre, en me regardant droit dans les yeux :
— Je ne te déteste pas... Mais j'aurais préféré choisir la femme de mon fils. Quelqu'un de chez nous, précise-t-elle.
— Moi aussi, j'aurais aimé choisir mon propre mari, lâché-je sans gêne.
J'en ai assez de me taire. Je veux que les gens sachent ce que je ressens aussi, donc je reprends :
— Vous devez comprendre que du jour au lendemain, on m'a annoncé ce mariage arrangé. Ça a été une claque. Ce n'était clairement pas facile à accepter... Et n'attendez pas des excuses pour un mariage que je n'ai absolument pas choisi. Je suis la principale victime.
Je serre les poings posé sur ce bloc, luttant contre les larmes. On me reproche des choses dont je ne suis même pas responsable ! Ce n'est pas moi qui ai voulu cette union. On me l'a imposée. Je n'aime pas me rebeller... ou plutôt, mon père déteste ça. Mais il n'est pas là. Alors à quoi bon ? Autant montrer ma nature profonde à ma future belle-famille.
Peut-être qu'une petite révolte suffirait à faire annuler ce mariage... Qui sait ?
— Retourne-toi, m'ordonne-t-elle calmement.
Je pense qu'elle n'a plus rien à ajouter, car ce que je viens de lui dire est la pure réalité. Elle a enfin compris. Je ne cherche même pas à obtenir une réponse de sa part, l'essentiel est que j'ai fait comprendre ce que je ressens, et maintenant, elle peut faire ce qu'elle veut.
En me retournant, je remarque le regard de Yara, rempli à la fois de compassion et de tristesse, mais je préfère baisser la tête.
Lorsque le gant de gommage effleure ma peau, une sensation légèrement douloureuse me traverse, presque inconfortable, mais étrangement satisfaisante. Au fur et à mesure, la douleur s'estompe. Et pourtant, la seule blessure qui persiste, ancrée depuis des mois, est celle de mon cœur.
Chaque mouvement du gant semble enlever une couche de salissure, laissant plus de place aux frustrations et aux galères qui m'attendent après ce mariage, à vivre pour toujours avec Nadim Kanaan.
— Tu sais cuisiner ? me demande-t-elle soudainement, après avoir fini de frotter mon dos et commencé à passer à mon bras droit.
Elle entame un nouveau sujet si soudainement, comme si elle avait oublié que, quelques instants plus tôt, je lui ai parlé avec franchise.
— Oui, je réponds. Mais uniquement des plats italiens.
Quand je m'ennuie, je cuisine, c'est l'une des seules choses que je peux faire à part lire et écrire.
— Hum... c'est mieux que rien. Je t'apprendrais la cuisine libanaise pour que ton mari puisse bien manger et...
Elle s'interrompt en passant à l'autre bras.
— La robe que tu as choisie est aussi belle, et je suis sûre qu'elle t'ira mieux que celle que j'ai choisie.
Je me fige, choquée. Vient-elle de s'excuser, mais à sa manière ? Je n'aurais jamais pensé cela de sa part.
— Merci.
C'est le seul mot qui a réussi à franchir mes lèvres. Finalement, elle n'est peut-être pas si méchante que ça...
Après avoir terminé avec le gommage et rincé mon corps à l'eau fraîche, nous sortons enfin de la pièce. Ma peau est rouge, mais douce et lisse, me laissant une sensation de fraîcheur apaisante après le gommage. Je me sens tellement plus légère, comme si je renaissais.
Je dois avouer que je suis épuisée, j'ai eu trop chaud et je commençais à suffoquer. Yara et sa mère ne semblent pas gênées, elles ont l'habitude. Yara m'a dit qu'elles viennent ici au moins deux ou trois fois par mois. C'est énorme pour moi, mais chez elles, c'est tout à fait normal.
Nous avons eu une séance de massage et ça m'a fait un bien fou, au point que j'ai failli m'endormir sous le pouvoir de leurs mains expertes. Après ce moment agréable, vêtues de peignoirs, on nous a conduites dans une salle de repos.
Nous sommes installées sur des fauteuils moelleux, et une table devant nous est remplie de sucreries et d'une théière.
— Ça a l'air délicieux.
— C'est délicieux, me confirme-t-elle. C'est du thé à la menthe marocaine et des pâtisseries orientales. Ça, c'est du makrout, ça ghribia, et ça des cornes de gazelle...
Elle continue de citer les noms de chaque gâteau, mais je les oublie aussitôt, ne retenant que le fait qu'ils sont juste délicieux. Sa mère, toujours en train de se faire masser, nous sommes seules et je préfère ça.
— Tu m'as caché que tu avais du caractère, lance Yara en nous servant le thé.
Elle me tend un verre. Je ne sais pas quoi répondre, puisque j'ai toujours caché cette facette de moi, mais aujourd'hui, j'ai dû me défendre. Et j'y suis arrivée. Pour une fois.
— Tu as su répondre à ma mère. Et elle t'a même complimentée. Franchement, je tire mon chapeau ! s'exclame-t-elle en mimant un salut avec un chapeau imaginaire.
L'honnêteté a ses avantages. Surtout avec cette famille. Je sais maintenant comment me comporter avec Nadim : être moi-même et arrêter de jouer le rôle de la fille fragile et soumise.