Coucou, j'ai créé un groupe sur Instagram pour discuter de La famille Kanaan, que ce soit a la fin de chaque chapitre ou de l'histoire dans sa globalité.
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Bonne lecture â€ïž
Mona Ch.
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đ A M A L I A đ
âSix ansâ
...Une touche ici... puis lĂ ... et... c'Ă©tait oĂč l'autre dĂ©jĂ âŻ? PapĂ me l'a montrĂ©, mais j'ai encore oubliĂ©. C'est trop dur, le piano. Mais je recommence et chantonne tout bas pour essayer de me rappeler les bonnes notes.
â Amalia ?
Je sursaute et m'arrĂȘte.
Oups... je suis découverte.
En me retournant, je vois Daniella, les mains sur les hanches, pas contente de me trouver ici au lieu d'ĂȘtre dans mon lit.
â Ce n'est pas l'heure du piano, c'est l'heure de dormir. Ta mĂšre va ĂȘtre furieuse.
De toute façon, maman est toujours en colÚre.
â DĂ©solĂ©e, je voulais juste...
Un bruit soudain de verre éclaté me surprend.
Ils se disputent encore, juste à cÎté. Si je suis venue ici, c'est pour faire du piano et ne plus les entendre.
Daniella me regarde avec cette drÎle d'expression qu'elle a tout le temps. Comme si elle était triste, mais avec autre chose en plus. Je ne sais pas ce que c'est. Alors je lui souris et je descends du banc.
Je tends ma main, et elle la prend.
â Tu t'es brossĂ© les dentsâŻ? me demande-t-elle en marchant vers les escaliers du hall.
Sur le point de lui répondre, sauf qu'on tombe sur maman... et les sourcils froncés.
â Amalia ne dort toujours pas ? Daniella, tu es lĂ pour t'occuper d'elle, alors pourquoi elle est encore debout ?
Daniella serre ma main plus fort.
â Excusez-moi, madame, je l'emmĂšne dans sa chambre.
â Arianna ! crie papĂ en arrivant.
Quand il me voit, son visage change et il est plus doux.
â On y va Amalia.
Daniella m'entraĂźne vers les escaliers. En bas, papĂ suit maman en lui parlant Ă voix basse, mais elle l'ignore.
Pourquoi ils se disputent tout le temps ?...
Si Tante Angelica s'en rend compte, elle va me tuer. Ce matin encore, elle m'a prĂ©venue de ne pas disparaĂźtre pendant la cĂ©rĂ©monie, mais je suis obligĂ©e de m'Ă©clipser, ne serait-ce qu'un instant, pour souffler. Il y a trop de monde, trop de visages tournĂ©s vers moi, trop de personnes qui, pour une fois, me prĂȘtent attention alors que je n'en ai pas d'habitude. J'ai fini par fuir jusqu'Ă ma suite privĂ©e.
Je devrais y retourner, mais mes jambes refusent de bouger. Je reste assise sur le lit, le bouquet de fleurs trouvé au hasard est entre mes doigts, jouant distraitement avec les pétales tandis que mes pensées vagabondent.
Irina et Yara m'ont envoyĂ© plusieurs messages pour savoir oĂč je suis, mais je les ai ignorĂ©es. J'ai encore besoin de temps. Quant Ă Nadim, lui, n'a pas cherchĂ© Ă me contacter. Nous n'avons pas Ă©changĂ© nos numĂ©ros, mais s'il le voulait, il pourrait l'obtenir en une seconde. MĂȘme s'il le fait, je l'ignorerai aussi.
Le moment oĂč j'ai marchĂ© aux cĂŽtĂ©s de mon pĂšre, tenant son bras, longeant l'allĂ©e sous le regard des invitĂ©s il y a quelques heures, me revient en mĂ©moire. Certains ont souri, d'autres non, et d'autres ont simplement fait semblant. Une fois devant l'autel, face au prĂȘtre qui nous attendait, mon pĂšre m'a confiĂ©e Ă Nadim. Son expression n'a pas changĂ©, toujours neutre, impassible. Puis, aprĂšs l'Ă©change de nos vĆux, il a posĂ© ses lĂšvres sur les miennes. Ce baiser n'a durĂ© que quelques secondes, mais il a Ă©tĂ© doux, presque hĂ©sitant, ce qui m'a surprise sur le moment.
C'est la premiĂšre fois que j'embrasse un homme.
Machinalement, je porte un doigt Ă mes lĂšvres, tentant de retrouver cette sensation... mais soudain, la porte s'ouvre brusquement. Je sursaute et me lĂšve d'un bond.
Mon pÚre se tient là , les sourcils froncés en me voyant ici. Sans un mot, il entre, suivi de Giorgio.
â Reste dehors, je vais parler avec ma fille.
Notre garde du corps hoche la tĂȘte, puis referme la porte derriĂšre lui, nous laissant seuls. Mon pĂšre s'assoit dans le fauteuil prĂšs de la fenĂȘtre.
â Assieds-toi, me demande-t-il.
Je m'exĂ©cute lentement. Ma robe de sirĂšne me gĂȘne, m'obligeant Ă la remonter lĂ©gĂšrement au niveau des hanches pour rĂ©ussir Ă m'installer confortablement. J'en ai dĂ©jĂ assez de ma tenue... et plus encore de ce mariage.
â PapĂ ?
â Oui, ma fille, me rĂ©pond-il d'une voix calme.
â Je ne rentre pas Ă la maison ce soir.
Ma vie d'avant va me manquer. Ma maison, ma chambre, nos employĂ©s... mĂȘme mon garde. Mais surtout, celui qui va me manquer le plus, c'est mon pĂšre. MalgrĂ© cette sensation d'Ă©touffement que je ressentais parfois, malgrĂ© le fait d'ĂȘtre enfermĂ©e, ce n'Ă©tait que pour quelques heures avant de retourner Ă mes occupations. Il m'a tellement habituĂ©e Ă ce mode de vie que c'est devenu une routine : rester Ă l'intĂ©rieur et ne sortir que lorsque nous Ă©tions invitĂ©s chez la famille. Et je lui en veux un peu pour m'avoir interdit l'extĂ©rieur.
Mais maintenant que je suis mariée à Nadim, est-ce que ce sera différent� Ou bien va-t-il, lui aussi, m'enfermer chez lui ? Finalement, rien ne changera, aprÚs tout, je n'ai connu que ça.
Je vois papà esquisser un sourire, le regard toujours fixé droit devant lui.
â Je sais, ma fille.
â Tu vas me manquer...
Ces mots s'échappent de mes lÚvres pour la premiÚre fois. Jamais, depuis mon enfance, je n'ai prononcé de paroles affectueuses envers lui.
Cette fois, il me regarde. Son expression me trouble. Il a l'air... peiné. Comme s'il réalisait que le moment était venu de laisser partir sa fille.
â Ne t'en fais pas, tu vivras bien chez les Kanaan. Ils prendront soin de toi. Maintenant, sors de cette chambre et va sourire Ă tes invitĂ©s. Tu es forte, Amalia.
Ce n'est pas un ordre, mais une façon de m'encourager. Il a compris que je ne comptais pas encore redescendre à mon propre mariage.
Je me lĂšve et me dirige vers la porte. Lorsque je l'ouvre, Giorgio est lĂ , immobile. Il se tourne vers moi. PapĂ , lui, ne bouge pas de son fauteuil.
â Giorgio accompagne-la. Je vous rejoins dans quelques minutes.
Ă contrecĆur, je quitte la suite. Nous prenons le chemin du retour vers cette cĂ©rĂ©monie Ă laquelle je n'ai plus envie d'appartenir.
En sortant de l'ascenseur, je remarque que la salle est bien moins remplie que tout Ă l'heure. La plupart des invitĂ©s doivent ĂȘtre dans le jardin privĂ©.
Par chance, ils ont choisi l'hÎtel The Venetian, avec son architecture inspirée de Venise, ses canaux artificiels et ses gondoles, pour organiser un mariage en plein air, tout en réservant également le grand salon pour accueillir le nombre impressionnant d'invités. Mais surtout un choix idéal pour une cérémonie absolument spectaculaire.
La mĂšre de Nadim souhaitait un magnifique mariage pour son fils, et elle l'a obtenu.
Quelques regards se tournent vers moi tandis que je traverse la piÚce et que Giorgio marche non loin derriÚre. Ces regards viennent des invités debout autour des tables hautes, discutant et buvant du champagne, ou d'autres qui sont rassemblés prÚs du buffet débordant d'encas raffinés.
J'accélÚre le pas et franchis la baie vitrée, arrivant dans le vaste jardin, magnifiquement décoré, qui intÚgre avec succÚs une touche moderne tout en harmonisant les cultures libanaise et italienne. Les tables et les chaises sont soigneusement disposées, ainsi que quelques tables accompagnées de narguilés, réservées au clan libanais. Le coin des mariés, notre coin, est également là , décoré de maniÚre élégante et romantique, et c'est l'endroit vers lequel je me dirige.
Bien que j'aie laissé les convives derriÚre moi, il y a une demi-heure, l'agitation bat toujours son plein.
Je laisse échapper un léger soupir.
Ce mariage... mon mariage semble bien se passer, du moins pour mon pĂšre et les autres. Mais moi, je n'ai qu'un seul souhait : partir. Rentrer chez moi. Sauf que mĂȘme cela n'est plus possible. Le domaine dans lequel j'ai grandi ne sera plus mon chez-moi.
Il y a quelques jours, lorsque je rangeais mes affaires, j'ai eu du mal, rĂ©alisant que ma chambre, mon refuge depuis vingt ans, ne m'appartiendrait plus. Que je n'y dormirais plus. Que ma maison ne serait plus la mienne. Cette pensĂ©e m'a envahie d'un coup, et la nostalgie m'a serrĂ© le cĆur, rendant chaque geste encore plus difficile.
â Amalia !
Je me retourne et aperçois Yara, sublime dans sa robe cocktail bordeaux. Ses cheveux ondulés encadrent son visage à la perfection. Une vraie beauté.
â OĂč Ă©tais-tu ? Tu n'as pas reçu mes messages ?
â DĂ©solĂ©e... Je ne les ai pas vus.
Je me sens mal de lui mentir. DerriĂšre elle, Irina et Miro se dirigent vers nous.
â Pour t'avoir, il faut prendre rendez-vousâŻ? me lance Irina avant de me prendre dans ses bras. Tu es superbe ! Ton mariage est incroyable aussi !
â Merci... dis-je, d'un ton sans enthousiasme.
Elle sait trÚs bien que ce mariage, je ne le voulais pas. Pourtant, elle continue de jouer ce jeu, de me complimenter, comme si elle était fiÚre de moi pour avoir épousé Nadim.
â Tu vas bien ? demande Miro, son regard scrutateur posĂ© sur moi.
Il a toujours Ă©tĂ© protecteur envers sa sĆur et moi. Quand nous Ă©tions enfants, il venait souvent jouer Ă la maison lorsque nos mĂšres se retrouvaient. Mais pour lui, cela n'a durĂ© que quelques annĂ©es avant que son pĂšre ne le garde sous son aile pour faire de lui un vrai soldat. Un digne hĂ©ritier. MalgrĂ© ça, notre amitiĂ© a tenu bon.
â Oui, ça va. Je vais bien, comme une femme heureuse le jour de son mariage.
Miro fronce légÚrement les sourcils. Son regard scrutateur est trop perçant, il capte trop bien les émotions des autres. Je dois détourner son attention. Je me tourne vers Yara et fais les présentations.
â Yara, je te prĂ©sente Irina et Miro Gorkov, des amis d'enfance.
â Oh, je les connais de vue, rĂ©pond Yara avec un lĂ©ger sourire.
â Dans notre milieu, on se connaĂźt tous, ajoute Miro, son regard insistant posĂ© sur elle.
Personne ne rĂ©siste Ă Yara, Ă ce que je vois. Pas mĂȘme Miro, pourtant rĂ©putĂ© pour ĂȘtre un bloc de glace.
â Mais c'est la premiĂšre fois qu'on se parle. Ravi de rencontrer les amies de ma chĂšre belle-sĆur.
Elle jette un dernier coup d'Ćil Ă Miro avant d'ajouter :
â Je vous laisse, je dois retrouver ma cousine. Elle ne supporte pas d'ĂȘtre sans moi.
Maysoon, celle qui m'a renversé du vin sur ma robe le jour de fiançailles. Quelques jours plus tard, Yara m'a avoué qu'elle l'avait fait exprÚs, car elle n'appréciait pas que je passe trop de temps avec elle. Elle s'est excusée plusieurs fois en son nom pour son comportement.
Yara s'en va sans mĂȘme nous laisser le temps de rĂ©pondre. Je surprends alors le regard d'Irina posĂ© sur ma belle-sĆur, mais dĂšs qu'elle sent le mien sur elle, son large sourire refait aussitĂŽt surface, comme si de rien n'Ă©tait.
â Je dois y aller aussi. Les filles, au moindre problĂšme, appelez-moi.
Nous hochons la tĂȘte en mĂȘme temps et, Ă son tour, il s'Ă©loigne.
Toujours aussi protecteur. Je suis à mon propre mariage, mon garde est là , et je suis entourée de mafieux, aussi bien du cÎté de ma famille que de celle de mon mari... Qu'est-ce qui pourrait bien m'arriver ?
Je demande à Irina de s'installer à ma table car j'ai mal aux pieds. Mais avant ça.
â Giorgio.
Je me tourne vers lui. Il est postĂ© derriĂšre moi, droit comme un garde doit l'ĂȘtre. Pourtant, il ne rĂ©pond pas. Son visage reste impassible, ses yeux verts sont figĂ©s droit devant lui. IntriguĂ©e, je suis la direction de ses yeux. Il fixe un groupe : Zeina, accompagnĂ©e de son mari Nader, et d'un autre homme que je devine ĂȘtre le pĂšre de Nader.
A-t-il perçu un danger� Ou bien est-ce juste un moment d'inattention ?
â Giorgio, je l'interpelle Ă nouveau.
Il se raidit brusquement et tourne la tĂȘte vers moi, surpris, comme pris en flagrant dĂ©lit. Comme s'il avait commis une faute alors qu'il est humain de dĂ©crocher un instant. Mais pour lui, c'est une erreur Ă ne pas reproduire car il est mon garde du corps.
Rapidement, il retrouve son masque impassible.
â Oui, madame ?
â Irina et moi allons nous asseoir. Tu peux prendre du repos.
â Non, je...
â C'est un ordre, Giorgio. Mon dernier ordre.
Il fronce les sourcils.
AprĂšs ce mariage, il ne fera plus partie de mon service. Ăa va me faire Ă©trange, tout comme pour lui. Il a toujours Ă©tĂ© lĂ , Ă veiller sur moi, depuis mes douze ans.
â TrĂšs bien, rĂ©pond-il avant de s'Ă©loigner.
Je suis sûre qu'il va rejoindre papà . Ce n'est vraiment pas son genre de prendre du repos.
â Tu ne vas pas me remplacer, j'espĂšreâŻ? me demande soudainement Irina, alors que nous venions Ă peine de poser nos fesses sur les chaises.
Et c'était donc ça, son expression. Elle est jalouse.
â Vu le nombre d'amis que j'ai, il y a largement de la place pour tout le monde dans mon cĆur. Donc non Irina, jamais je te remplace.
â T'as intĂ©rĂȘt !
Elle attrape mon bras et passe le sien autour du mien. Un silence s'installe alors que nous observons l'effervescence ambiante face Ă nous, mais ce silence ne dure que quelques minutes avant que mon amie ne le brise :
â Il n'y aura plus nos aprĂšs-midis chez toi, Ă bronzer au bord de la piscine et Ă papoter de tout et de rien. Plus de sĂ©ances de cuisine ensemble... plus de...
â ArrĂȘte-toi lĂ , je n'ai pas envie de pleurer.
Si elle continue, je ne vais pas pouvoir me retenir. Ces simples moments vont me manquer.
â Finalement, je ne veux plus que tu te maries. Je vais m'ennuyer sans toi.
â On fera comme d'habitude, on s'appellera, on s'enverra des messages et...
Je marque une pause, hésitante.
â J'essaierai de t'inviter dans ma nouvelle maison.
à ces mots, un goût amer envahit ma bouche. Nouvelle maison... avec lui. Avec un inconnu. Comment vais-je m'y habituer, sérieusement ?
â J'espĂšre bien ! Je vais t'harceler tous les jours.
Je lùche un rire. Le premier vrai rire de la journée, je crois.
â Avec ta belle-mĂšre, ça s'est amĂ©liorĂ© ?
â Elle reste la mĂȘme, mais elle est plus agrĂ©able qu'avant.
Depuis le hammam, elle est moins insupportable, et c'est dĂ©jĂ une amĂ©lioration. Elle communique un peu plus avec moi, mĂȘme si elle garde une certaine distance. Son mari, en revanche, est tout son opposĂ©. Ăa me fait toujours bizarre de voir un chef mafieux ĂȘtre... je dirais gentil. J'ai mĂȘme enfin pu faire connaissance avec Zeina, la grande sĆur de Nadim. Elle est tout aussi adorable, mais un peu plus rĂ©servĂ©e et calme.
â D'ailleurs, vous allez faire la tradition du drapâŻ?
Drap ?
Oh merde. La tradition du drapâŻ! J'ai complĂštement oubliĂ© cette vieille coutume.
Mon cĆur commence Ă tambouriner dans ma poitrine. Ils ne l'ont toujours pas arrĂȘtĂ©e ?
â Vu ta tĂȘte, t'y avais mĂȘme pas pensĂ©.
â Je ne sais pas...
â Oh, tiens, ton mari arrive. Je te laisse, on se voit plus tard.
Elle se lĂšve de la chaise.
â Demande-lui, ajoute-t-elle.
Elle me lance un clin d'Ćil complice avant de s'Ă©clipser rapidement.
Lui demander ? C'est super gĂȘnantâŻ! Peut-ĂȘtre que Tante Angelica sait, ce serait moins embarrassant de passer par elle...
Nadim s'installe à cÎté de moi, ignorant totalement mon amie qui vient de fuir.
â Tu as vu Tante Angelica ? J'ai une question Ă lui poser.
Je lui demande, pour que cela passe lorsque je me lÚverai pour aller la chercher, afin qu'il ne pense pas que je m'enfuie à mon tour à cause de sa présence.
â Si tu as une question, c'est Ă moi que tu dois la poser, rĂ©pond-il.
Fait chier.
â Je...
â Tu ?
Il arque un sourcil. Je détourne mon regard de lui.
â Regarde-moi quand tu me parles.
Amalia, vas-y, pose-lui la question ! Mais rien que l'idĂ©e me gĂȘne. Lentement, je lĂšve les yeux vers lui, et son regard perçant croise le mien.
â C'est embarrassant comme question... dis-je, mal Ă l'aise.
â Quel genre de sujet peut bien te mettre dans un Ă©tat pareil ? Tu es une adulte.
Merci de me le rappeler, comme si je n'en étais pas consciente.
Il se penche légÚrement vers moi, l'expression d'un vrai curieux, et je comprends qu'il fait exprÚs. Il veut me mettre encore plus mal à l'aise.
â La... tradition des... tu sais quoi.
â Non, je ne sais pas. Donne-moi plus de dĂ©tails.
Il ne m'aide pas du tout.
â La tradition du drap.
Un sourire se dessine au coin de ses lÚvres. Il va probablement me prendre pour une fille coincée qui a peur de ça... et c'est le cas ! Je savais qu'un jour je coucherais avec un homme, mais pas maintenant, et encore moins avec un homme que je n'éprouve rien pour lui.
â C'est ça qui te tracasse ? Tu vas vraiment me dire que tu ne sais pas qu'un couple mariĂ© fait l'amour aprĂšs le mariage ? dit-il doucement, d'une voix presque trop calme.
Il essaye de me troubler. Je le sens bien. Le rouge me monte aux joues, mais je réponds à mon tour le plus calmement possible :
â Non, tu penses vraiment que je suis une enfant ?
â Vu la façon dont tu rougis... je dirai plutĂŽt une femme innocente.
Et si je le giflais ? Quelles en seraient les conséquences�
Je déteste ce mot, "innocente", tout comme "naïve", ces termes que les hommes adorent utiliser pour nous définir. Une femme qui ne connait rien.
â Eh bien, tu as de la chance, reprend-il. Ce genre de tradition, on ne le cautionne pas chez nous, donc on a pu l'annuler, mais...
â Mais ?
â Un jour, tu devras y passer... tu sais, pour faire des hĂ©ritiers.
Je déglutis difficilement. Bien sûr que je le sais, et ça m'énerve. Coucher avec lui... je déteste cette idée. Je n'aurai pas le choix, je devrai accomplir ce devoir en tant que sa femme.
Je lui lance un regard rempli de mépris, mais lui, il répond par un sourire. Je pensais que c'était quelqu'un de peu bavard, mais apparemment, il a des choses à dire, et ça l'amuse.
Saif nous rejoint Ă notre table et s'assoit prĂšs de Nadim.
â Vito ne fait que retenir ton pĂšre et le mien, il doit ĂȘtre agaçant Ă ne pas se la fermer une seule seconde, dit-il Ă Nadim.
PapĂ doit sans doute ĂȘtre avec eux, puisque depuis la chambre, je ne l'ai plus revu. Saif me regarde, se souvenant certainement de ma prĂ©sence, et me lance un sourire gĂȘnĂ©.
â DĂ©solĂ©, je n'ai rien contre ton oncle.
â Ce n'est rien.
Ce n'est pas comme si je l'appréciais. Il peut dire autant de choses sur lui, je m'en moque.
â Pourquoi il les retient ? demande Nadim.
â Je ne sais pas, je pense qu'il parle juste beaucoup...
Ă ce moment-lĂ , quelque chose se pose sur ma cuisse alors que j'Ă©coute ce que Saif dit. Je baisse les yeux et une petite fille brune aux yeux bleus vĂȘtue d'une robe rose Ă froufrou me sourit de toutes ses dents. Je me penche lĂ©gĂšrement vers elle et pose une main sur sa joue. Elle est si mignonne.
â Tu es trop belle ! me complimente-t-elle.
â Oh, merci, toi aussi, ma chĂ©rie, je lui souris en retour. OĂč est ta maman ?
Elle retire sa main, recule et son regard se détourne.
â Maman n'est pas lĂ .
Puis elle court en faisant le tour de la table, je la regarde se blottir contre Saif en l'appelant "papa".
Quoi ? C'est son pĂšre ?!
Je ne l'imaginais pas Saif pĂšre.
Il lui donne plein de baisers, et elle se tortille de rire parce qu'il la chatouille en mĂȘme temps. Vu comme ça, il a un air d'un papa qui chĂ©rit Ă©normĂ©ment son enfant.
En revanche, un peu plus tĂŽt, je l'ai vu se pavaner et draguer des femmes sans aucune gĂȘne. Je plains sa femme. Il ne doit pas ĂȘtre un mari trĂšs fidĂšle, en tout cas.
Je me penche vers Nadim et me lance un regard alors qu'il boit du champagne.
â Quel est le nom de sa fille ?
Il pose son verre et les observe Ă son tour, alors qu'ils jouent Ă pierre-feuille-ciseaux. Elle ne doit pas s'ennuyer avec un pĂšre comme lui Ă la maison.
â Layal.
Un joli prénom.
â On ne m'a pas dit que ton cousin a une fille.
â Maintenant tu le sais, me rĂ©pond-il sĂšchement.
Qu'est-ce qui lui prend ? Il y a quelques minutes, il n'Ă©tait pas aussi froid. Je ne sais mĂȘme pas pourquoi j'essaie d'avoir une conversation avec lui.
Je détourne les yeux vers les musiciens qui commencent à jouer une mélodie. Nous devons ouvrir le bal en dansant en premier, et l'idée me tord l'estomac. Je n'ai absolument pas envie de ça.
J'espÚre qu'il ne va pas me proposer de danser. En le regardant, a fond dans une discussion avec son cousin, il n'a pas l'air d'en avoir l'intention. Sauf que, d'un autre cÎté, je sens le regard insistant de ma famille, leurs attentes pesant sur mes épaules. Ils attendent tous que l'on se lÚve, que l'on vienne au centre du jardin, et moi, je suis figée, et j'ai l'envie de disparaßtre.
C'est lĂ que je vois Massimo traverser la baie vitrĂ©e de l'intĂ©rieur. Son regard balaie rapidement le jardin jusqu'Ă ce qu'il tombe sur mes yeux. Mon cĆur rate un battement. Oh non. Il se dirige vers moi, presque en courant. Non merde, qu'est-ce que je fais ? Je ne veux pas lui parler.
Je me tourne vers Nadim.
â Nadim.
Il m'ignore. Je l'appelle une seconde fois. Son attention se tourne enfin vers moi, l'air agacé que je le dérange.
â Viens, on danse.
â Quoi ?
Il semble surpris par ma demande.
â On doit danser pour ouvrir le bal.
Je saisis sa main en me levant et le tire. Il se laisse faire, et nous nous dirigeons vers le centre du jardin. Et dire qu'au final, c'est moi qui le force à danser tout ça pour éviter mon frÚre.
â Tu sais danser la valse classique ?
â Je sais tout faire.
C'est là qu'il prend totalement le contrÎle. Il place sa main sur ma taille avec assurance et me ramÚne vers lui d'un geste ferme, presque autoritaire. Avec son autre main, il entrelace nos doigts avec une fluidité et une douceur auxquelles je ne m'attendais pas.
Puis, nous entamons nos premiers pas, et soudain, mon esprit se vide de toute pensée, ne laissant plus de place pour mon frÚre ou quiconque. La danse nous emporte. Ses magnifiques yeux couleur ambre se plongent dans les miens, et soudain, une sensation étrange envahit mon corps.
Je n'avais jamais vraiment pris le temps de le regarder auparavant. Le soleil frappe sa peau mate, la rendant encore plus hùlée. Des lÚvres pleines, des yeux envoûtants qui semblent pouvoir me captiver. Ses boucles naturelles, tirés en arriÚre avec du gel pour un style plus soigné.
Je ne peux pas le nier, il est séduisant.
â T'apprĂ©cies ce que tu vois ?
Démasquée, je laisse échapper un sourire.
â Toi aussi, l'autre jour, quand tu m'as matĂ©e au vestiaire. Donc, je me permets aussi.
Ă son tour, un sourire en coin se dessine sur ses lĂšvres.
â Je ne sais pas comment te le faire comprendre, mais je ne t'ai pas "matĂ©e", dit-il en insistant sur le dernier mot.
Les hommes n'admettent jamais leurs fautes. Lui non plus, à ce que je vois. Mais je ne réponds pas, je le laisse persister dans son mensonge.
Chaque mouvement semble chorĂ©graphiĂ© avec soin, une avancĂ©e gracieuse, une lĂ©gĂšre inclinaison du buste, une rotation Ă©lĂ©gante. Je ne sais plus oĂč se trouve le reste du monde. Autour de nous, tout disparaĂźt, les invitĂ©s, les bruits, les regards, il n'y a que la douce mĂ©lodie qui nous guide.
Ă cet instant, il n'y a que lui et moi.
Il est vraiment doué. TrÚs doué.
â Nadim.
La voix de mon frĂšre me ramĂšne brutalement Ă la rĂ©alitĂ©. Nous nous arrĂȘtons net, mais nous ne nous lĂąchons pas pour autant.
â Puis-je parler Ă ma sĆur ?
Je ne pensais pas que mon frĂšre oserait venir me voir si tĂŽt, alors que je suis avec Nadim, et en plus, interrompre notre danse.
Nadim ne lui accorde mĂȘme pas un regard, ses yeux sont fixĂ©s sur moi. Puis, il se penche lĂ©gĂšrement vers moi, ses lĂšvres effleurant mon oreille. Il est trop prĂšs. Son souffle chaud me fait frissonner, et son odeur... Il sent le cĂšdre boisĂ© et le cuir luxueux. La puissance et la sophistication.
â Je te laisse seule avec lui ? me susurre-t-il.
Est-il si proche de moi parce que les invités nous observent, pour faire semblant de jouer les jeunes mariés qui s'aiment, ou est-ce qu'il joue avec moi ?
Je me détache de lui, et il comprend immédiatement ma réponse. Je me tourne alors vers mon frÚre. Nadim s'éloigne de nous. Autour de nous, les hommes invitent leurs dames à danser. Alors que mon frÚre et moi nous retirons sur le cÎté.
â Pour un mariage arrangĂ©, tu t'Ă©clates.
â Je me marie qu'une fois dans ma vie, autant en profiter, non ? je rĂ©torque d'un ton sec.
â Ou c'est plutĂŽt que, dĂ©sormais, tu te vois comme une autre membre de la famille, me crache-t-il. N'oublie pas, le clan Di Angelo coulera toujours dans tes veines.
Ma famille ne m'a jamais prĂȘtĂ© attention. Il essaye de me faire croire que je vais leur manquer et que je ne dois pas les oublierâŻ?
MĂȘme s'il y a une raison, ça ne justifie pas qu'ils doivent m'ignorer et me dĂ©nigrer, alors que je suis la fille de Vincenzo Di Angelo, le petit frĂšre de Vito Di Angelo, lui-mĂȘme Capo dei Capi.
C'est complĂštement ridicule. Je ne pourrai certainement jamais me fier Ă eux un jour.
â As-tu vu papĂ ? Ăa fait un moment que je ne l'ai pas vu, dis-je en faisant abstraction de ce qu'il vient de dire.
Son expression change soudainement, il adopte un visage sérieux et ferme, ce qui commence à m'inquiéter.
â Zio (oncle) veut te voir.
Le Capo dei Capi. S'il me demande, je suis dans l'obligation d'aller le voir. Ce titre qui lui donne un respect immense, non seulement au sein de notre clan, mais aussi auprÚs des autres familles mafieuses. Il est connu pour son intelligence stratégique et sa capacité à maintenir la paix entre les familles. Et ne parle qu'uniquement d'affaires.
Alors pourquoi veut-il me voir, lui qui m'a toujours ignorée ?
Je suis Massimo. Nous traversons l'intĂ©rieur, et je remarque que mon pĂšre n'est pas lĂ oĂč les chefs sont installĂ©s, ce qui est Ă©trange. Je ne vois pas non plus Giorgio. J'aurais bien aimĂ© qu'il m'accompagne.
Je croise le regard de Miro auprĂšs de son pĂšre. Il me lance un regard interrogatif. Je lui fais un geste de la main pour lui indiquer de ne pas nous suivre.
AprĂšs avoir pris l'ascenseur et traversĂ© un couloir jusqu'Ă une suite d'hĂŽtel oĂč mon oncle m'attend. Dans la piĂšce, se trouvent Vito et quelques autres oncles, tous avec une expression sĂ©vĂšre sur le visage.
Que se passe-t-ilâŻ? Mon angoisse monte d'un cran. Ătre seule entourĂ©e d'hommes, mĂȘme s'ils font partie de ma lignĂ©e, je ne suis pas bien. Surtout que, je ne me suis jamais vraiment sentie en sĂ©curitĂ© prĂšs d'eux. Je croise les bras instinctivement.
â Tu voulais me voir ? je demande prudemment.
â Oui, j'ai une nouvelle tragique Ă t'annoncer, Amalia.
Je fronce les sourcils, mon rythme cardiaque s'accélÚre. Qu'est-ce qu'il veut informer� Assis sur un fauteuil, tel un roi, il m'observe intensément, comme s'il scrutait chaque expression sur mon visage.
â Zio.
Il soupire d'exaspération avant de lùcher brusquement :
â Ton pĂšre est mort.
Je perds mon souffle.
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Bisous â€ïž
Mona Ch.