Les jours défilaient, mais Milaë ne vivait plus... elle survivait. Chaque matin, elle se levait avec difficulté, enfilait des vêtements confortables et traînait sa silhouette fatiguée en cours. À peine arrivée, elle attendait déjà que la journée se termine. Son regard était vide, sa voix plus douce, plus lasse. Elle n'avait toujours aucune nouvelle de Tae-Jin. Un mois s'était écoulé. Un mois entier. La douleur de l'abandon s'était installée dans son cœur comme une plaie béante qui refusait de guérir.
Elle avait pourtant promis de ne pas sombrer... alors, pour éviter que le silence ne devienne un gouffre, elle avait adopté un chat noir aux yeux dorés, Yoru. Lui, au moins, ne disparaîtrait pas du jour au lendemain.
Mais il y avait une ombre persistante dans son quotidien... Dong Hae. Le fils de Monsieur Choi s'invitait dans sa vie comme une mauvaise habitude. Il apparaissait devant son café, la croisait "par hasard" après les cours, et chaque fois, il lui offrait ce sourire hypocrite qu'elle détestait.
— Toujours sans nouvelles de ton chien de garde ? lui avait-il soufflé un soir, en s'appuyant contre le mur, les bras croisés.
Milaë l'avait fusillé du regard avant de continuer son chemin. Elle ne lui faisait pas confiance. Elle savait qu'il jouait avec elle.
Aujourd'hui, elle était assise sur un banc dans le parc de la fac avec Soo-Ah et Rohwan, son regard errant distraitement sur les étudiants qui passaient. Le ciel était gris, mais le froid mordant de janvier avait laissé place à une brise plus douce, annonçant l'approche du printemps. Pourtant, dans son cœur, c'était encore l'hiver.
— Et là, BAM ! s'exclama Soo-Ah en frappant ses mains ensemble, les yeux pétillants d'enthousiasme. Je me retourne et je tombe sur lui en sortant de la bibliothèque ! Il est en journalisme, hyper mignon, et il a un sourire à faire fondre un iceberg.
Elle éclata de rire, croquant dans son mochi avec délice. Milaë lui sourit, amusée par son énergie, mais son esprit était ailleurs. Ce fut Rohwan qui réagit en premier.
— Un sourire à faire fondre un iceberg, hein ? marmonna-t-il, plus pour lui-même que pour les autres.
Soo-Ah ne releva pas et continua sur sa lancée, détaillant à quel point ce garçon lui avait laissé une bonne impression, mais plus elle parlait, plus le visage de Rohwan s'assombrissait. Milaë fronça les sourcils. Quelque chose n'allait pas. Rohwan, d'ordinaire si décontracté, semblait de plus en plus tendu. Ses mains étaient crispées sur ses genoux, sa mâchoire serrée.
Puis, soudainement, il explosa.
— Putain, arrête ça ! lâcha-t-il brusquement, sa voix plus forte que prévu.
Soo-Ah sursauta, Milaë aussi.
— Quoi ? demanda Soo-Ah, interloquée.
Milaë observa leur échange avec attention. Maintenant qu'elle y pensait... chaque fois que Soo-Ah parlait d'un garçon, Rohwan réagissait étrangement. Il plaisantait parfois, détournait le sujet d'autres fois, mais aujourd'hui, c'était différent.
— Tu réalises ce que tu fais ?! s'énerva-t-il, son regard brûlant posé sur elle. Tu passes ton temps à courir après des mecs qui ne voient même pas à quel point tu es incroyable !
Rohwan inspira profondément, comme s'il se battait intérieurement. Le silence tomba, pesant. Milaë cligna des yeux, choquée par son ton. D'où venait cette soudaine colère ? Soo-Ah, elle, resta interdite pendant quelques secondes avant de répliquer d'un ton sec :
— Et en quoi ça te concerne, exactement ?
Rohwan la fixa, son regard oscillant entre frustration et douleur. Il ouvrit la bouche, la referma, puis inspira profondément, comme s'il s'apprêtait à sauter dans le vide.
— Tu veux vraiment savoir pourquoi ? murmura-t-il.
Sans prévenir, il s'avança vers elle et attrapa doucement son visage entre ses mains. Soo-Ah eut un sursaut, ses lèvres s'entrouvrirent de surprise. Et avant qu'elle ne puisse dire un mot... il l'embrassa. Un vrai baiser. Fiévreux. Désespéré. Comme si tout ce qu'il avait retenu jusque-là explosait enfin. Les secondes s'étirèrent, mais le temps semblait suspendu. Lorsqu'il se détacha enfin, son souffle était saccadé, son regard brûlant de sentiments refoulés.
— Voilà pourquoi je réagis comme ça, murmura-t-il, son front presque collé au sien. Parce que je t'aime, Soo-Ah.
Le cœur de Milaë s'emballa. Elle venait d’assister à une scène qu'elle n'aurait jamais imaginée. Soo-Ah, elle, était tétanisée. Ses doigts tremblaient légèrement en effleurant ses lèvres, comme si elle voulait vérifier si ce qui venait de se passer était bien réel.
— Rohwan... balbutia-t-elle, complètement sous le choc.
Mais il ne lui laissa pas le temps d’en dire plus. Il recula, attrapa son sac et s’éloigna sans un regard en arrière, sans attendre de réponse.
Milaë le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse du parc. Elle pivota lentement vers Soo-Ah. Son amie était figée. Immobile. Comme si elle venait de voir un fantôme. Ses mains crispées sur ses genoux, elle n’arrivait pas à détacher son regard du vide, encore perdue dans ce baiser volé.
— Wow... murmura Milaë, incapable de dire autre chose.
Soo-Ah déglutit avec difficulté. Elle ne savait pas quoi répondre. Elle ne savait même plus quoi penser parce que plus rien ne serait jamais pareil entre eux.
Soo-Ah ne bougeait toujours pas. Ses lèvres étaient légèrement entrouvertes, comme si elles ressentaient encore la chaleur du baiser de Rohwan. Milaë observa son amie, lisant dans son regard un mélange de choc, confusion et... peut-être un soupçon de quelque chose d’autre.
— Soo-Ah... souffla-t-elle doucement.
Aucune réaction. Milaë posa alors une main sur son épaule, et ce simple contact sembla ramener Soo-Ah à la réalité.
Elle inspira brusquement et cligna plusieurs fois des yeux, comme si elle revenait d’un rêve étrange.
— C’était... commença-t-elle avant de s’arrêter, secouant la tête. C’était quoi ça ?!
Milaë hésita avant de répondre :
— Je crois que Rohwan vient juste de te dire qu’il est amoureux de toi.
Soo-Ah la fixa, abasourdie.
— Non mais... non. C’est pas possible. C’est Rohwan ! s’exclama-t-elle, presque paniquée.
— Justement... c’est Rohwan.
Soo-Ah passa une main tremblante dans ses cheveux, son cœur battant à tout rompre.
— Mais... on est ami depuis le début de l’année ! Pourquoi il ne l’a jamais dit avant ?!
— Parce qu’il avait peur, peut-être ? suggéra Milaë. Et puis...
Elle marqua une pause avant d’ajouter, plus doucement :
— Toi, comment tu te sens ?
Soo-Ah ouvrit la bouche pour répondre... mais aucun mot ne sortit parce qu’elle ne savait pas ou plutôt, elle refusait de savoir.
Elle se leva d’un bond.
— Je vais rentrer. J’ai besoin d’être seule.
Milaë hocha lentement la tête.
— Tu veux que je t’accompagne ?
— Non, ça va. J’ai juste... besoin de réfléchir.
Et sans un mot de plus, Soo-Ah s’éloigna à grands pas, ses pensées en vrac. Milaë la regarda partir, le cœur serré pour son amie. Elle savait que Soo-Ah et Rohwan étaient inséparables depuis le début de l’année mais maintenant ? Tout avait changé. Elle poussa un soupir et décida qu’elle aussi, il était temps de rentrer.
Sur le chemin du retour, la ville était calme ce soir-là. Milaë marchait d’un pas lent, le cœur lourd. Elle pensait à Soo-Ah, à Rohwan, à Tae-Jin.
Elle n’avait toujours aucune nouvelle de lui. Où était-il ? Est-ce qu’il allait bien ?
Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas immédiatement la silhouette qui l’attendait à quelques mètres de son immeuble mais quand elle leva la tête... son cœur se figea. Dong Hae. Il était là, adossé à un lampadaire, les mains dans les poches de son manteau noir. Un sourire en coin étira ses lèvres lorsqu’il la vit approcher.
— Tu mets du temps à rentrer, princesse.
Milaë serra les poings.
— Qu’est-ce que tu fais encore là ? cracha-t-elle, exaspérée.
Il haussa les épaules avec un air nonchalant.
— J’avais envie de te voir.
— Je ne suis pas d’humeur.
Elle tenta de le contourner, mais il se déplaça rapidement pour lui barrer la route.
— Allons, pas si vite, murmura-t-il, son regard brillant d’une lueur étrange.
Milaë sentit un frisson lui parcourir l’échine.
— Laisse-moi passer.
Dong Hae pencha légèrement la tête, son sourire s’agrandissant.
— Tu es si froide avec moi... souffla-t-il. C’est dommage.
Il leva une main vers son visage, mais Milaë recula immédiatement.
— Ne me touche pas !
Son ton était ferme, mais son cœur battait plus vite. Lee la regarda en silence pendant quelques secondes... puis, finalement, il laissa échapper un petit rire.
— D’accord, d’accord, dit-il en levant les mains en signe d’innocence. Mais souviens-toi de ça, Milaë...
Son sourire s’effaça légèrement, et son regard devint plus perçant.
— Tae-Jin ne reviendra pas.
Milaë sentit un électrochoc dans tout son corps.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?! demanda-t-elle, le souffle coupé.
Dong Hae haussa à nouveau les épaules, le sourire au coin.
— Je dis juste la vérité.
Il la fixa encore un instant, puis recula lentement.
— Fais attention à toi, princesse, murmura-t-il avant de disparaître dans la nuit.
Milaë resta figée, les poings tremblants. Qu’est-ce qu’il voulait dire ? Pourquoi disait-il que Tae-Jin ne reviendrait pas ?! Une panique sourde monta en elle. Son cœur lui criait que quelque chose n’allait pas. Et elle était bien décidée à découvrir la vérité.