Les jours défilaient, et Milaë commençait à s'habituer à la présence constante de Tae-Jin dans sa vie. Il apparaissait toujours après ses cours ou à la fin de son service, comme s'il avait fait de son quotidien une habitude. Et à chaque fois, il la troublait par ses gestes, ses regards, ses paroles à double sens, se comportant comme s'il était déjà son petit ami. Soo-Ah et Rohwan, d'abord méfiants, avaient fini par s'habituer à lui. Mieux encore, ils commençaient à l'apprécier. Rohwan, bien que toujours un peu réservé, reconnaissait que Tae-Jin n'avait rien fait de suspect jusqu'à présent. Soo-Ah, elle, s'amusait sans retenue de la situation, trouvant leur dynamique « terriblement romantique ».

Ce soir-là, après un long service, Milaë sortit enfin du café, s'étirant sous l'air frais de la nuit. Ses amis l'attendaient un peu plus loin, discutant entre eux. Elle allait les rejoindre quand une imposante voiture noire aux vitres teintées s'arrêta juste devant l'entrée. Un frisson la parcourut. La portière s'ouvrit lentement, et un homme en sortit. Dès qu'elle posa les yeux sur lui, son cœur rata un battement. C'était lui. L'homme qu'elle avait remarqué dès son premier jour en Corée. Celui dont la présence imposante l'avait déjà troublée une première fois, dans ce café où elle avait pris un latte. Mais cette fois-ci, ce n'était plus une simple coïncidence, il n'était pas seul. Autour de lui, plusieurs hommes en costume sombre, droits et vigilants, se tenaient comme des ombres menaçantes. Ils avaient l'allure de gardes du corps ou... de quelque chose de plus dangereux encore. L'homme s'avança vers elle d'un pas lent mais assuré, ses yeux perçants la détaillant avec insistance. Milaë sentit sa gorge se nouer. Elle n'avait aucune idée de qui il était ni de ce qu'il lui voulait, mais son instinct lui disait que cet homme n'était pas à prendre à la légère. Lorsqu'il fut suffisamment proche, un sourire énigmatique étira ses lèvres. Puis, à haute voix, comme s'il parlait autant à lui-même qu'à ceux qui l'entouraient, il déclara d'un ton amusé, mais chargé de sous-entendus :

— Je vois maintenant ce qu'il te trouve.

Milaë sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine. Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot ne sortit. Qui était-il ? Et... de qui parlait-il ? Son cœur s'accéléra tandis qu'un mauvais pressentiment s'installait en elle.

L'homme se détourna lentement, un léger sourire en coin, puis fit quelques pas en direction de sa voiture luxueuse. Juste avant de monter à l'intérieur, il se tourna une dernière fois vers Milaë et lâcha d'un ton presque décontracté, mais chargé d'une autorité implicite :

— Passe le bonsoir à Tae-Jin... de la part de Monsieur Choi Dae-Hyun.

Puis, sans attendre de réponse, il entra dans la voiture. L'un des hommes en costume referma la portière derrière lui, et le véhicule démarra lentement, disparaissant dans la nuit. Milaë resta figée quelques secondes, tentant d'assimiler ce qu'elle venait d'entendre. Qui était cet homme ? Et surtout, pourquoi connaissait-il Tae-Jin ? Un sentiment étrange naquit en elle, un mélange de crainte et de curiosité. Elle serra ses doigts autour de la lanière de son sac et secoua légèrement la tête avant de rejoindre Rohwan et Soo-Ah, qui l'attendaient un peu plus loin, visiblement intrigués.

— Milaë-chan ! C'était qui, ce type ? demanda Rohwan, fronçant les sourcils.

— Aucune idée, répondit Milaë d'une voix absente.

Soo-Ah, toujours aussi encline au drame, chuchota avec excitation :

— Oh mon Dieu, c'était un vrai boss de mafia, pas vrai ? Il avait une prestance de malade... Mais c'était flippant aussi.

Milaë ne répondit pas. Ils prirent le chemin du retour ensemble, et une fois arrivée chez elle, Milaë laissa enfin échapper un soupir. Elle posa son sac et se dirigea directement vers la salle de bain pour se débarbouiller. L'eau fraîche sur son visage l'aida à se détendre, mais son esprit restait troublé. Monsieur Choi Dae-Hyn. Pourquoi avait-il mentionné Tae-Jin ?

Chassant ces pensées, elle revêtit un pyjama ample et confortable, puis s'installa sur son canapé avec une couverture et lança un film. Ses paupières s'alourdirent rapidement et elle s'endormit sans même s'en rendre compte. Un bruit soudain la tira brutalement du sommeil. Un coup à la porte, son cœur rata un battement. Elle resta figée un instant, le souffle court. Puis, réalisant qu'elle était seule, elle se redressa lentement et jeta un coup d'œil vers l'entrée. Une ombre derrière la porte. Elle avala difficilement sa salive et, sans réfléchir, se leva d'un bond pour se diriger vers la cuisine. Elle attrapa la première chose qui lui passait sous la main : une poêle. Serrant fermement le manche, elle avança à pas feutrés jusqu'à la porte et posa sa main sur la poignée. Prenant une inspiration, elle ouvrit lentement.

— ...Tae-Jin ?

Il se tenait là, adossé au chambranle de la porte, un paquet à la main, les cheveux attaché en petit chignon comme s'il venait de traverser une nuit agitée. Lorsqu'il la vit brandir sa poêle, un sourire amusé étira ses lèvres.

— Tu comptais m'assommer avec ça ? demanda-t-il en entrant sans attendre d'invitation.

Milaë cligna des yeux, troublée. Ce n'est que lorsqu'il passa à côté d'elle qu'elle remarqua la tache sombre sur sa chemise blanche. Du sang. Elle sentit une boule se former dans son ventre. Lui, en revanche, ne sembla pas du tout perturbé par son état. Il posa tranquillement le paquet sur la table basse et, sans un mot, se dirigea vers la salle de bain. Elle resta un moment figée sur place, serrant encore la poêle entre ses doigts, elle savait que ce n'était pas le sien, il n'avait aucune blessure visible sur lui. Et c'était ça le problème.

Milaë éteignit la télévision, son cœur encore agité par la vision de cette tache de sang sur la chemise de Tae-Jin. Elle inspira profondément, puis se leva et marcha d'un pas lent vers sa chambre. Elle s'assit sur le bord du lit, son regard perdu dans le vide. Tae-Jin ne lui avait rien dit. Encore une fois. Le bruit de l'eau qui coulait dans la salle de bain s'arrêta, et quelques instants plus tard, la porte s'ouvrit. Il en sortit, vêtu d'un t-shirt blanc légèrement moulant et d'un jogging gris. Ses cheveux humides collaient encore un peu à sa peau, et il les frictionnait avec une serviette. Milaë baissa les yeux vers un coin de la pièce. Un sac de sport, une veste en cuir, quelques vêtements éparpillés... Oui, depuis un moment déjà, certaines de ses affaires restaient chez elle. Comme s'il avait naturellement trouvé sa place ici. Elle soupira en se levant. Elle voulait des réponses. Déterminée à le confronter, elle s'avança vers lui... Mais au même instant, Tae-Jin baissa sa serviette, ne la voyant pas venir. Le choc fut inévitable.

— Ah !

Il eut tout juste le temps de la rattraper, mais son équilibre vacilla et ils tombèrent tous les deux au sol. Milaë se retrouva allongée sur lui, leurs visages à quelques centimètres à peine. Le silence s'installa. Elle sentit la chaleur de son corps sous elle, sa respiration régulière, l'odeur subtile de son gel douche mélangé à quelque chose de plus brut, plus masculin. Tae-Jin, lui, esquissa un sourire amusé et murmura d'une voix taquine :

— T'étais si pressée de me sauter dessus ? Tu veux me manger tout cru, c'est ça ?

Milaë sentit ses joues s'enflammer.

— T-Tais-toi ! protesta-t-elle en se redressant précipitamment.

Elle se remit sur ses pieds, croisant les bras avec un air faussement contrarié.

— C'est toi qui dois faire attention ! Regarde où tu marches au lieu d'être dans la lune !

Tae-Jin éclata de rire avant de se relever à son tour, la serviette toujours en main mais très vite, l'amusement disparut du visage de Milaë. Elle s'assit sur le bord du lit, l'air préoccupé, son regard se perdant dans le vide. Tae-Jin s'en aperçut immédiatement. Il fronça légèrement les sourcils, s'approcha d'elle et s'accroupit à sa hauteur, posant ses mains sur ses genoux.

— Chérie ! Qu'est-ce qui ne va pas ?

Elle rougit et releva les yeux vers lui, il avait pris l'habitude de l'appeler chérie, cela laissait entendre qu'elle était précieuse à ses yeux, hésitante, avant de finalement lâcher :

— Ce soir... Il y avait un homme qui m'a abordée, à ma descente du service. Il m'a dit de te passer le bonsoir... de la part de Monsieur Choi Dae-Hyun. Il avait l'air plutôt jeune par contre.

Elle vit immédiatement la réaction de Tae-Jin. Son corps se tendit, et il détourna brièvement les yeux vers la fenêtre, comme pour analyser la situation. L'espace d'un instant, son expression changea. Plus froide. Plus méfiante. Puis, après quelques secondes, il reporta son attention sur elle et lui prit doucement le visage entre ses mains. Ses doigts étaient chauds contre sa peau. Son regard intense, pénétrant.

— Ne t'inquiète pas pour ça, chérie, murmura-t-il.

Il caressa légèrement sa joue du pouce avant d'ajouter d'un ton plus léger :

— Ce mec, c'est juste le fils de mon boss. Rien de grave. Il aime utiliser le nom de son père.

Mais il ne souriait plus, Milaë n'était pas convaincue. Ce n'était peut-être "rien de grave" pour lui mais pour elle, tout ça devenait de plus en plus inquiétant. Il se leva lentement, s'installa sur le lit et l'attira doucement contre lui. Bien que ce soit un peu brusque, Milaë s'était habituée à cette proximité, à ces moments où il la tenait près de lui. Elle se tourna vers lui, scrutant ses yeux avec une question silencieuse. Après un instant de silence, elle osa lui demander d'une voix douce, mais pleine de curiosité :

— Pourquoi tu agis comme ça avec moi ?

Il passa tendrement une mèche de cheveux derrière son oreille, le regard intense. Il sourit doucement, puis répondit simplement :

— Parce que je t'aime bien, chérie. Depuis ce jour où tu m'as tenu tête en m'emmenant chez toi malgré mon désaccord pour me soigner.

Elle resta un instant sans réponse, troublée par la sincérité de ses mots. Elle chercha dans ses yeux une trace de doute, mais n'en trouva aucune. Ses yeux glissèrent ensuite vers ses lèvres, et, sans pouvoir se contrôler, elle se rapprocha, se perdant dans ce regard brûlant qu'il lui adressait. Il sourit de plus belle, un sourire qui invitait à plus, à l'intimité qu'ils avaient partagée jusqu'à présent, mais qui semblait prendre une autre dimension. Puis, sans un mot de plus, il l'embrassa tendrement, puis de plus en plus intensément. Milaë se laissa aller à ce baiser, se sentant envahie par la chaleur de ses bras autour d'elle. Soudain, dans un mouvement naturel, elle se retrouva à califourchon sur lui. Ses mains se posèrent sur son torse, et elle l'embrassa avec plus d'assurance, son corps se pressant contre le sien. Tae-Jin se redressa, un sourire amusé aux lèvres, mais son regard trahissait une légère surprise.

— Je ne savais pas que tu étais aussi entreprenante, murmura-t-il, ses lèvres frôlant les siennes.

Milaë rougit, mais elle n'avait plus envie de se cacher derrière la timidité. Elle posa un doigt sur ses lèvres et, d'une voix douce mais ferme, lui dit :

— Chut... si tu ne veux pas gâcher ce moment.

Il la fixa, un éclat d'amusement dans les yeux, mais acquiesça en silence. Puis, dans un mouvement fluide, il la renversa doucement sur le lit. Son corps se colla au sien, et il l'embrassa de nouveau, cette fois avec plus de passion, explorant chaque coin de sa bouche. Les doigts de Milaë se faufilèrent dans ses cheveux, tirant doucement sur les mèches, l'attirant encore plus près. Il s'arrêta un instant, respirant profondément.

— T'es vraiment incroyable, tu sais ça ? murmura-t-il contre ses lèvres, avant de recommencer à l'embrasser, plus tendrement cette fois, comme si le monde autour d'eux n'existait plus.