C’était finalement le jour de la rentrée. Aïden avait dormi un peu plus que prévu cette nuit-là grâce aux médicaments que lui avaient donnés son père. Il était stressé. Oui, réellement stressé. C’est la première fois depuis longtemps qu’il allait devoir travailler. Il avait révisé en long, large et travers les cours de ses dernières années. Et quelques soirs, quand Lughvar l’appelait en visio, il jouait à un jeu qu’il aimait un peu trop. Il le faisait réviser à sa façon, une bonne réponse Lughvar retirait un vêtement, une mauvaise il le remettait. Il n'avait le droit qu’à cinq erreurs. S’il arrivait à avoir bon jusqu’à le mettre nu, Ils se faisaient une séance intime.
Il fit pour la troisième fois en quelques minutes le tour de sa chambre pour ne rien oublier. La porte de celle-ci s’ouvrit sur son père qui était habillé en tenu de travail. Il semblait presque trop strict ainsi avec une tenue ajustée. Haròn secoua la tête en voyant l’état de la chambre.
— Aïden, descends prendre ton repas tout de suite, nous avons encore un peu le temps et nous avons déjà vérifié ton sac et ta valise hier soir. N’oublie pas que nous avons pratiquement une heure de voyage.
— Oh, heu, oui ok je file et désolé pour… dit-il en montrant la chambre.
— Je peux comprendre, je la rangerais ne t’en fait pas. Ta mère est en bas, elle voulait te voir avant qu’elle parte au travail, dit-il le visage crispé et fatigué.
Aïden descendit les escaliers avec appréhension. Il passa devant sa mère sans un regard. Il la laissa parler dans le vide, le conseillant tout en le complimentant de façon qu’il savait hypocrite et qu’elle finisse par partir au travail le visage figé de frustration quand ce dernier lui dit simplement qu’il ne voulait pas la voir.
Leur relation mère-fils était à tout jamais brisé. Il savait que ses parents s’engueulaient encore, il les entendait quand Élena venait pour il ne savait quel raison. Il prit un déjeuner consistant, autant que possible au vu de son estomac noué par la peur et l’angoisse.
Repas terminé, il remonta prendre son sac personnel alors que sa valise était déjà arrivée devant la porte et vint se poster devant. Il sortit du sac sa tablette.
“— Lugh… j’ai peur…
— Oh, mon Eden. Tout va bien aller. Je sais que c’est quelque chose d’entrer dans une telle école, mais tu verras, tu y seras bien. La fondatrice et directrice est quelqu’un de bien et les professeurs ne te laisseront jamais tomber. Puis, je suis là pour te faire réviser si besoin. ♥
— Et… C’est comment l’internat ?
— Vous allez être deux par chambre. Tu seras avec un autre oméga obligatoirement. Les dortoirs sont séparés pour éviter les petits dérapages qu’il peut y avoir. Cependant si un couple uni est présent, ils ont leur logement.
— Okay… Bon je vais y aller. Je t’envoie un message quand je suis dans ma chambre. Je t’aime. ♥
— Je t’aime arhöa. ♥ et ne t’en fait pas… tout ira bien.”
Il l’éteint et la glisse dans son sac. Son père ouvre la porte, sa valise à bout de bras comme si elle ne pesait rien et ils se dirigèrent vers la place principale de la ville où la navette allait recevoir plusieurs familles.
Il vit rapidement les autres élèves. La tenue de l’école aux couleurs noir et verte était des plus reconnaissable avec leur grand écusson dans le dos. Ils étaient cinq élèves, un parent pour chaque. Il semblait ne pas être le seul à être stressé quand il voyait une jeune femme complètement enlacé par son parent.
La navette s’ouvrit et annonça la destination. Ils prirent place en validant leur noms et s’installèrent. Il tira sur son pantalon fin noir et souffla alors que la porte de la navette se ferma. Plus de retour en arrière.
— Bienvenu dans Navea en direction de L’IMEN sur l'île de Khondè à Solàn. Veuillez vous plaquer contre votre siège les bras sur les accoudoires s’il vous plaît. Nous vous souhaitons un agréable voyage.
Tout le monde fit ce qui était demandé. La navette déclencha son système d’attache, les bloquant sur leur siège. La porte se verrouilla et, moteur en route, la navette décolla. Aïden grimaça. Il n’aimait vraiment pas les longs voyages. Il fallut attendre presque cinq minutes avant que la navette leur autorise à se lever. Aïden plaqua sa tête près de la fenêtre. Cela allait être long. Il ferma les yeux, écoutant les autres parler entre eux et son père répondre à une question.
On le secoua légèrement, lui faisant ouvrir les yeux. Il s’était complètement endormi et avait certainement une trace disgracieuse sur la joue. Il s’étira alors que la navette annonçait la prochaine descente. L’heure avait passé trop vite, mais en même temps c’était pas trop mal. Le système s'enclencha de nouveau et ils atterrirent devant un grand bâtiment en brique rouge. C’était certainement plus grand que le COMFY.
Ils sortirent tous et Aïden découvrit alors le nombre de personnes présentes. Tous en tenue de l’école. C’était incroyable. Il vit au loin un garçon aux cheveux châtain mi long et aux ailes noires, les bras croisés, semblant ne pas écouter ce qui semblait être son père. Il avait un air ennuyé. Il s’approcha doucement, semblant juste s’avancer un peu dans la foule avant de rester là non loin.
— Elüdjä vas-tu m’écouter un petit peu ?!
— Je ne fais que cela père, répondit le garçon en un souffle.
— Ne parle pas sur ce ton jeune homme, c’est la troisième école que tu fais. Tu as intérêt à avoir des notes plus que correctes. Dans notre famille nous sommes tous des scientifiques. Il est donc inconcevable que ta nature soit ailleurs. Déjà que tu nous fait remarquer à cause de la couleur de tes ailes.
Aïden eut presque envie de glisser à l’homme que c’était surtout de sa faute qu’on les remarquait à ce point. Mais il était vrai que la couleur des ailes était plutôt remarquable. Quand l’on voyait les sûlgoll, leur ailes étaient souvent de couleur brune ou beige. Les portes du bâtiment s’ouvrirent et plusieurs personnes en sortirent. En dernier, ce fut une grande femme à la peau pâles, cheveux brun court et à la tenue stricte. Elle remonta ses lunettes sur son nez et commença à parler.
— Cher nouveaux élèves et parents, dit-elle faisant taire instantanément l'assemblée. Bienvenue dans mon établissement pour vos futurs années à venir. Vous avez tous lu le règlement et signé. Vous savez donc que vos horaires peuvent varier du tout au rien. Vous allez devoir donner de vous même et prouver que vous êtes digne d’être ici. Je rappelle aussi que cette école est mixte dans tous les sens du terme. Alpha, Bêta Oméga, Homme, Femme, Autre… Je demande le plus grand respect des autres. Si vous voulez soigner des vie, vous devez respectez le corps de votre patient qu’importe son sexe, sa sexualité, son genre, sa taille, son poids et sa nature. Le moindre écart peut-être punis sévèrement et comprenez par là que vous risquez d’être renvoyé de mon établissement et interdit de tout concours pour un à deux ans. Je vous invite dès à présent à entrer. À droite les omégas, au centre les bêtas et à gauche les alpha. Sur une fiche vous verrez le placement exact de votre chambre qui, je le rappelle, est de deux par chambre. Je vous souhaite à tous de réussir, que Yalun’da soit avec vous.
Tout le monde applaudit le discours avant de bouger pour entrer dans le bâtiment comme demandé. Aïden avança rapidement, dépassant certain présent et entra dans le bâtiment. Il du faire un peu des coudes pour voir l’écran. Aïden Sauma et Elüdjä Melk’aart : Chambre 21 B. 2ème étage couloir de droite. Il allait être avec le Sûlgoll aux ailes noires. Il sortit de la foule et le vit traîner un peu des pieds sous les exclamations de son père. Il s’avança vers eux et toussota.
— Excuse-moi, dit-il en s'adressant directement au jeune homme. Je n’ai pas pu m’empêcher de vous entendre un peu parler ton parent et toi, tu es Elüdjä Melk’aart ?
— Oui, c’est moi, répondit le garçon sur ses gardes, le regardant de ses yeux bleus presque noirs.
— Aïden Sauma, nous sommes ensemble dans la chambre. C’est la 21B au deuxième étage.
— Enchanté, dit-il. Allons-y dans ce cas.
Aïden fit signe à son père au loin de venir et c’est à quatre qu’ils prirent le chemin de la chambre. Monter les étages ne fut pas trop compliqué et trouver la porte de la chambre non plus. Leurs noms étaient affichés dessus grâce à un écran. Ils poussèrent la porte et découvrirent l’endroit. Deux bureaux de chaque côté avec deux lits dont l’un plus large que l’autre. Les affaires furent déposées et ils purent sortir. Le père du garçon fit encore des recommandations sèches avant de partir en disant qu’il avait un rendez vous important et laisser le Sûlgoll derrière. Elüdjä soupira de soulagement mais aussi d’agacement. Il rentra de nouveau dans la chambre et commença à défaire ses affaires et s’installer. Son colocataire semblait plutôt sympa et n’avait encore pas fait une seule réflexion sur ses ailes. Peut-être que cela allait bien se passer… à raison de ne pas réussir son année.
Dehors, Aïden enlaça son père. Il n’allait le revoir que dans un mois. Il s’éloigna d’un pas et attendit.
— Je n’ai jamais pu te dire combien j’étais fier Aïden. Je sais que ce fut difficile pour toi et que j’ai fait beaucoup d'erreurs. Être parents n’est pas de tout repos et je pense que tu finiras par t’en rendre compte. Fait du mieux que tu peux ici. Je ne te demande pas d’être le premier partout, je te demande simplement de réussir. Pas pour moi,mais pour toi. Tu as un rêve, alors fais tout ce qu’il faut pour te démarquer et le réussir, qu'importe le temps que ça te prend.
— Merci. Tu devrais y aller, les navettes vont partir sans toi.
— Et je serais en retard au boulot. Pense à m’écrire ou à m'appeler surtout.
— Promis.
Haròn se pencha, embrassa son front et se retourna avant de faire un dernier signe de la main. Aïden fit tourner machinalement sa bague du doigt, observant la cour se vider et peu à peu les nombreuses navettes disparaître dans le ciel.
Il se retourna après une grande inspiration et revint dans la chambre. Il trouva son colocataire sur son grand lit, complètement avachi avec sa propre tablette en main et la veste de l’école enlevée. Il tourna seulement son regard rapidement vers lui avant de retourner à sa lecture. Aïden ouvrit sa valise et la porte du meuble prévu pour les affaires. Il y déposa tout en un temps record avant de défaire son sac. Il sortit sa tablette qu’il posa sur son oreiller, la chemise de Lughvar avec et laissa le reste à l’intérieur. Il retire ses chaussures en soupirant de bien-être ainsi que la veste.
— Hey, murmura Ayden une fois dans son lit après avoir envoyé un message à Lughvar.
— Hum ? répondit-il en levant son regard.
— T’as pas envie d’être là et ça se voit. Pourquoi tu n’es pas là où tu veux être ?
— Mes parents sont des chieurs. Ils savent pourtant que ceux de notre race ne sont bons que dans un domaine qui leur est propre. Eux c’est les sciences et surtout la médecine. Moi c’est les arts. Sauf qu’ils ne l’acceptent pas.
— Mais… C’est complètement débile comme raisonnement.
— Ouais. Mais non. Déjà que j’ai les ailes “anormales” alors être dans autre chose que les sciences serait une tare.
— Tes ailes sont sûrement noires pour une raison logique. Tout comme je suis un Ylèndr ou que tu es un Sûlgoll … Nous sommes dans un établissement réputé et surtout médical. Tu pourrais peut-être en savoir plus et surtout…. tes parents ne sont pas là, en parler avec la fondatrice pourrait être bien.
— C’est une idée à chercher ouais. Tu sais, t’es sûrement l’un des rares à ne pas me critiquer pour “elles”, fit-il en montrant ses ailes avec son pouce.
Aïden s’allongea mieux, se tournant vers son camarade de chambre. Il vit sur sa tablette la réponse de son fiancé qui le fit sourire.
— J’étais un véritable connard avant. Tu sais, du genre à harceler les oméga. Je me suis battu et j’ai compris assez tard que ce que je faisais… c’était pas extra. Du coup.. non. je n’ai pas le droit de te juger pour tes différences, tout comme tu ne le ferais sûrement pas si j’avais quelque chose de différent.
— On va bien s’entendre alors.
Ils continuèrent de parler de tout et de rien, faisant doucement connaissance. Aïden répondait à Lughvar, lui faisant part du cas de son étrange colocataire avec qui il parlait. L’alpha fut ravie de voir qu’il s’entendait parfaitement avec quelqu’un. Il lui glissa de ne pas oublier d’envoyer un message à Celeste et Alphyss pour les prévenir.
Le soir venu, c’est après un repas complet, rencontrant au passage d'autres personnes, qu’on leur remit leur carte étudiante faisant office de passe dans leur chambre ou pour la bibliothèque du campus. Une fois couché, Aïden soupira. Le lendemain allait être le début d’un long parcours. Il observa la photo de lui et Lughvar, celle que Azrog avait prise à leur insu et souris. Il allait le faire, il le savait.