Malgré tout ce qu’avait dit Alari, Aïden ne pouvait pas être touché. Le moindre contact déclenchait chez lui, maintenant, un excès de colère souvent suivi par une fuite qui se terminait dans la salle de bain et une partie du corps rouge d’avoir été trop frotté. Pourtant, cela faisait maintenant trois jours que les chaleurs étaient présentes et l’état de l’oméga déclinait dangereusement.
Lughvar n’avait jamais vu cela. Pas que ce ne soit le premier déni qu’il traitait, ou bien des chaleurs plus que dangereuses pour l’oméga. Mais le cas de Aïden était grave. Il ne pouvait pas le toucher sous peine que le jeune ne parte dans une crise. Il était… dépassé.
Le médecin entra dans le réfectoire et fut inquiet de ne pas voir son patient à sa table habituelle. Il prit un plateau avec plusieurs choses dessus et sortit de la pièce sous le regard des autres. Le sujet Aïden était récurrent. Que ce soit entre les jeunes du centre ou dans le cadre médical.
Il parcouru le couloir, suivant la bande de couleur bleu et arriva devant la porte avec inquiétude. Il s’en voulait de s’être levé plus tard et de ne pas avoir vérifié sa tablette. Il frappa mais n’eut aucune réponse. Il passa son bracelet de travail sur la plaque sous la poignée de porte et l’ouvrit.
Aïden entendait son cœur battre dans ses tempes depuis bientôt deux heures. Il avait mal, vraiment mal. Il avait seulement pu, à bout de force et d’essais, s’asseoir dans son lit où la couette était au sol avec son haut et son pantalon. Quand la porte s’ouvrit, il tourna seulement son regard. Il voyait trouble mais reconnu facilement Lughvar. Il le vit rapidement approcher et poser le plateau plein sur la table de nuit.
— Aïden. Comment tu te sens ?
— J’ai un tambour dans la tête et j’ai l’impression d’être en train de brûler.
— Puis-je te toucher la tête ? demanda le démon.
— Je… oui.
Lughvar déposa doucement le dos de sa main sur le front de Aïden. Brûlant. Il était bien trop brûlant. Il ne pouvait pas faire grand chose ici, mais ne pouvait pas non plus laisser l’oméga dans cet état. Il retire sa main.
— Tu penses réussir à manger seul ?
— Oui, je… ça va un peu mieux.
— Dans ce cas, mange autant que tu peux, je dois m’absenter un moment. Même si… j’aimerais éviter que tu sois seul aujourd’hui, dit Lughvar, sa voix teintée d’inquiétude.
— Si… Je suis dehors, ça va ?
— Si tu me promets de n'agresser personne oui, ça me va.
— Je.. Je n’ai pas la force. Mais… promis, répondit Aïden en le regardant dans les yeux.
Lughvar fit un mouvement de tête sec puis mit devant le garçon le plateau remplis de plein de bonnes choses.
— Tu manges autant que possible. Quand tu sortiras, reste bien à la vue des personnes, essaye même de parler un peu avec eux. Je viendrais te chercher et fais attention à toi, vraiment.
Lughvar fut pris d’une impulsion et passa sa main dans les cheveux blond du garçon avant de sortir, laissant Aïden abasourdis. Il cligna des yeux et commença à manger. Il prit son temps, la douleur se faisant parfois trop intense. Le repas terminé, bien qu’il restait pas mal de choses sur le plateau, Aïden se leva et prit la direction de la salle de bain.
L’eau de la douche fraîche lui fit un bien fou. Quand il sortit de la chambre avec pour seul vêtement un pantalon, il dû se tenir parfois contre le mur. Le soleil lui fit plisser les yeux avant qu’une personne voulant entrer ne manque de le percuter. Le garçon avait de long cheveux roux, des yeux rouge clair et avait un petit ventre visible sous ses vêtements vert et transparent.
— Oh.. heu… je désolé .. je...
— Ce… Ce n’est rien, répondit Aïden. Je… tu veux peut-être rentrer.
— hum je… je m’ennuyais. Est-ce que… je peux rester avec toi ?
Aïden observa la nymphe qui était devant lui, indécis puis ferma les yeux un moment avant de soupirer en serrant les dents. Il rouvrit ses yeux et accepta, murmurant de montrer le chemin.
Il avait promis de faire des efforts. Ses jambes tremblaient un peu mais il semblait que le rouquin était méfiant envers lui et ne voulait faire aucun commentaire déplacé. Il appréciait. Il arrivèrent devant une sorte de petite maison en bois en forme de dome qui était sur l’eau, la partie haute de couleur verte.
— On appel ça un nid , répondit le rouquin devant le regard curieux de Aïden. C’est comme ta chambre dans le centre mais en plus… privé. Cela nous permettra de parler et de pouvoir t’asseoir.
Il ouvrit la porte avec le bracelet qu’il avait et fit entrer Aïden dans son nid. L’endroit était chaleureux, bien que petit. Il y avait un lit qui prenait une partie de la pièce avec un petit placard et une porte qui devait mener vers une salle d’eau. La porte d’entrée fermée, ils prirent place sur le lit, le seul endroit disponible pour s’asseoir.
— Au fait, je me suis pas présenté, je suis Alphyss.
— Aïden, mais tu dois le savoir.
— C’est que…
Alphyss rougit et baissa les yeux sur ses mains, intimidé.
— On était au même lycée, murmura t-il. Je.. je veux surtout t’aider et.. si t’as des questions sur tout et n’importe quoi… je peux y répondre.
— Tu… Est-ce que je t’ai déjà…
Alphyss acquiesça, refusant toujours de relever le regard. Le blond eut une grimace entre la douleur physique et la gêne d’être devant une ancienne de ses victimes.
— Tu sais Aïden, commença-t-il doucement. Être un ylèndr n’est pas… grave. Je sais que tu vois ça comme… quelque chose de mal mais… tu restes un homme… t’es juste… capable d’avoir des enfants. On est la race la plus proche physiquement des humains, avec les vampires. Puis… être oméga ne veut pas dire être faible.
— Je… ne comprend pas, souffla Aïden.
— Être oméga signifie simplement que tu peux avoir des enfants. Un ylèndr bêta pourra aussi… mais c’est bien plus rare et bien plus dangereux.
— Je vois.
Oui, il voyait bien et comprenait que sa mère était une bêta, bien plus humaine que créature, et que par son propre sang d’ylèndr, sa mère avait risqué sa vie juste pour l’avoir lui. Une douleur intense le traverse, lui coupant le souffle et le faisant plier en deux.
— Aïden !
Alphyss sursauta et s’approcha un main prêt aider. Aïden chassa la main d’un revers de la sienne en s’éloignant un peu. Merde, ça faisait mal.
— Me… me touche pas.
— Je ne toucherais pas, dit-il en reculant. Mais comprend que... tu ne vas pas pouvoir rester longtemps ainsi. Tu es en danger Aïden. Tu... Je peux comprendre que t’aimes pas qu’on te touche, mais le touché de l’alpha référent peut t’aider. Tu dois prendre sur toi sinon tu vas mourir ! C’est ce que tu veux ? Toi qui te battait si fort pour être au niveau des autres au lycée ? Qui tenait tête aux alphas du haut de ton mètre soixante ?
Alphyss se leva et fit quelques allers-retours sur le sol en bois en faisant des grands gestes.
— Met-toi en tête que ton alpha, ton médecin, ne fera jamais rien contre ton envie. TU es celui qui a du pouvoir sur lui. Et là, à souffrir le martyr et avoir peur, tu agites son instinct de protection qui veut certainement te prendre entre ses bras et tout faire pour que tu ailles mieux. Être oméga ce n’est pas être un esclave, c’est être juste un peu plus fragile et avoir plus tard quelqu’un qui est à tes soins qu’importe le moment où l’heure de la journée.
— … wow, dit-il en clignant des yeux alors qu’Alphyss s’était arrêté et rougissait terriblement.
— Je… me suis emporté. Enfin.. voilà, je veux vraiment que tu comprennes tout ça.
Aïden ne pu rien dire. Il voyait de nouveau bien trop flou. Il sentit son corps glisser sans qu’il ne puisse le retenir. Alphyss sentit la terreur le prendre. L’ylèndr roux appuya sur le bouton d’urgence du nid, ouvrant la porte en grand et envoyant le signal d’alerte. Il sortit devant.
— J’ai besoin d’aide ici !!
Tout le monde se retourna. Il vit son propre médecin arriver en urgence avec une valise suivit par un autre ghrul. Le plus petit des démons resta dehors en confiant sa valise au second qui entra.
— Que s’est-il passé Alphyss ? demande-t-il en posant ses deux mains sur ses joues.
— Azrog… On était en train de parler. Il allait pas bien et je voulais vraiment que Aïden comprenne que c’était pas grave d’être ce qu’on est… il s’est plié en deux de douleur… j’ai encore parler et il… il a..
— Respire Alphyss, ce n’est pas bon pour ton état. fit-il en posant une de ses grandes mains palmées sur le ventre légèrement arrondis du garçon. Il va bien aller, Lughvar est avec lui. Tu as bien agi.
Lughvar sortit du nid en tenant la nymphe qui essayait de maintenir ses yeux ouverts comme possible. Il remercia d’un signe de tête et partit vers le bâtiment presque en courant. Il n’y avait plus de temps à perdre.
Il entra dans son cabinet et déposa Aïden sur la table d’auscultation. Il le secoua un peu au niveau des épaules, le réveillant encore et faisant tourner sa tête vers lui. L’ylèndr avait peur, terriblement peur.
— Reste éveillé. J’ai besoin de ton accord Aïden. Je peux t’injecter un produit qui retardera un peu tes chaleurs mais nous devons absolument, pendant ce délais donné, me laisser te toucher.
— Je… je ne veux pas mourir… fais-le. Aide-moi.
— C’est bien, je suis fier de toi, je ferais attention à toi promis.
Il se pencha sur le garçon et déposa un baiser sur le front avant de se redresser et préparer ce qu’il fallait. Le produit était dans un coffret scellé et situé dans l'armoire. Lughvar s’acharna sur l’ouverture un moment avant de presque arracher le couvercle. Il sortit la fiole en verre remplis d’un liquide jaune et bleu. Il la secoua, la faisant devenir vert clair puis prit de quoi injecter. Il clipsa le dispositif et s’approcha du garçon qui grimaçait.
— Je vais te toucher au niveau du ventre, surtout ne bouge pas.
Aïden ferma fortement les yeux et retint son tremblement. Lughvar massa la zone à piquer avec un baume à base de plantes et de fruits, puis enfonça l’aiguille d’un coup dans l’aine. Aïden se crispa d’un coup avant de se laisser faire. Inconsciemment, Lughvar caressa le visage du garçon du bout des doigts de sa main libre. Sous la douleur qui refluait doucement, l’ylèndr pencha sa tête vers la main, et s’endormit doucement.
L’alpha sentit un soulagement brut le traverser, tel un énorme poids le quitter d’un seul coups, manquant presque de le faire trébucher. Il retira doucement l’aiguille et soupira de soulagement. Ils allaient enfin avancer. Il soigna la plaie avec un baume cicatrisant.
— Tu es vraiment un oméga exceptionnel, Aïden, murmura t-il.
Il se pencha sur lui et prit Aïden entre ses bras, sortant de la pièce pour l’emmener dans la chambre du plus jeune. Il le déposa doucement sur lit encore défait, puis continua de caresser son visage et ses cheveux. Il n’y avait plus qu'à attendre qu’il se réveille… mais il n’avait pas envie de laisser. Lughvar se pencha sur l’endormi, déposa un nouveau baiser sur son front et, difficilement, sortit de la pièce en maudissant ses instincts.