Ce roman fait partie de la série “Kink society” qui regroupe en tout 3 histoires complétées en 5 romans. Afin de ne pas vous spoil, je vous invite à les lire dans l’ordre suivant :
- Panties for All (1 tome)
- My violent love story with a sexy ghost (1 tome)
- Nightmare (3 tomes)
Avec tout mon amour fantasmique,
Pytho
Figé devant mon portable, j’hésitai. J’avais déjà pourtant fait le plus gros du travail ; l’application était installée, mon profil était sommairement rempli. Il ne restait plus qu’à appuyer sur ce satané bouton « s’inscrire ».
Je vérifiai le tout une dernière fois ; l’âge, la présentation approximative, le pseudo sans imagination, tout était fait ! Ainsi, sur cet amas de codes, qui formaient cette application, je devenais Peach&Cream, un jeune homme de vingt-trois ans, se présentant comme « aimable ». C’était succinct, mais je n’avais pas grand-chose en tête. En guise de photo, j’avais réfléchi à dévoiler mon visage, mais m’étais finalement décidé pour une photo de l’an dernier, lorsque j’étais parti en vacances avec ma grande sœur et sa meilleure amie. J’étais en short de bain, le visage caché par le grand chapeau en paille de Delphine.
J’étais le seul garçon parmi l’armée de sœurs que m’avait fait mes parents. En tout, nous étions six enfants. Ambre était née en première. Elle avait dépassé la trentaine depuis peu et s’enorgueillissait d’avoir le « meilleur taf du monde » en tant que prof de fitness dans une salle de sport réputée. Elle était suivie par des milliers de personnes sur ses réseaux sociaux et profitait de la vie à fond.
Delphine était née ensuite. En tant qu’artiste dans l’âme d’à peine vingt-neuf ans, elle s’était dirigée vers des études d’art, se passionnant pour la peinture à l’huile. Elle avait l’aura réfléchie et presque morne des artistes visant la perfection, la retranscription claire de leurs émotions par touches de couleurs supplémentaires. C’était d’elle dont j’étais le plus proche, pour moi, elle était une sage emplie de vérités. J’écoutais toujours ses conseils.
Caroline s’était imposée peu de temps après. Aujourd’hui âgée de vingt-sept ans, elle cumulait plusieurs boulots. C’était la bombe d’énergie de la famille. Elle aspirait à devenir une mère au foyer parfaite, pouvant élever ses enfants avec un futur mari hypothétique qu’elle cherchait encore. Néanmoins, c’était souvent grâce à elle que nos repas de familles étaient des réussites.
Puis ce fut mon tour de débarquer. Pour mes parents, ce fut une véritable surprise ; pour eux qui voulaient ignorer le sexe de leurs bébés jusqu’à l’accouchement, mon arrivée leur fit doublement plaisir. J’allais devenir le protecteur de mes sœurs, le soutien mâle qu’ils attendaient. Je serais, « l’homme de la maison », après mon père. Malheureusement pour eux, j’ai vite révélé un tempérament doux et en retrait. Je ne suis jamais devenu l’homme viril qu’ils espéraient. Ils s’étaient fait une raison, mais je savais que ce n’était qu’une façade et que souvent ils pensaient : « nous avons sept filles ». Durant des années, j’avais été blessé par leur façon d’agir avec moi, me demandant constamment de « m’endurcir » afin de devenir celui qui « protégerait la famille ».
On m’avait demandé tôt de trouver un job à côté de mes études, afin d’aider financièrement, là où mes sœurs jouissaient de leur argent pour se faire plaisir. Je ne leur en voulais pas, c’était l’éducation de nos parents qui était mauvaise. Heureusement, Delphine assurait mes arrières. C’était elle qui m’habillait quand j’en avais besoin, qui m’achetait les gadgets que j’enviais. Elle payait aussi mon abonnement de téléphone. C’était la personne pour qui je pouvais donner ma vie. Je l’aimais plus que celle-même qui m’avait donné la vie.
Trois ans après moi, les jumelles, Constance et Annabelle, étaient nées. À quelques semaines d’entrer dans la vingtaine, elles restaient égales à elles-mêmes, des petites pestes d’adolescentes. Je les aimais de tout mon cœur, mais elles étaient de loin les plus effrontées de la famille. Accros aux réseaux sociaux, même plus que Ambre, elles avaient créé une chaîne Youtube ainsi qu’un TikTok afin de partager leur vie sans cesse. Et le pire, c’est que ça fonctionnait ! Leur communauté grandissait en même temps qu’elles diversifiaient leurs concepts.
En dernière était née Léonie. À dix-huit ans, elle était en passe d’obtenir son BAC haut la main. Son truc à elle, c’était les études. Elle voulait devenir chercheuse, s’intéressant à tout ce qui touchait à la génétique. Avec son tempérament solitaire, elle était un peu obligée de se cloîtrer dans sa chambre constamment si elle voulait avoir un peu de calme. Alors, nous avions tacitement convenu qu’elle y passerait ses journées et que nous irions la voir ou l’appeler si nous voulions passer du temps avec elle. Ça convenait à tout le monde, mais elle était rarement avec nous.
Avec ces personnalités variées autour de moi, pas étonnant que je sois resté plutôt calme. Au moins, avec moi, mes parents ne sont pas passés par la case « crise d’ado ». Je ne me suis jamais rebellé contre rien. Les jumelles me traitaient parfois de carpette et quelque part, elles avaient raison. Je n’étais pas du genre à recherche la bagarre ou de l’attention, je menais ma vie en slalomant parmi celle des autres. J’étais le gars sympa qu’on oubliait le lendemain. Celui qui laisse une impression sympathique teinté d’ennui. C’était un fait, je n’étais pas très intéressant. Il fallait dire qu’avec mon boulot, et mon boulot de frère-papa à plein temps, avoir d’activités annexes se rapprochait du luxe que je ne pouvais pas m’offrir.
Mes yeux se posèrent sur la photo sélectionnée pour mon profil et je me rendis compte que mon esprit avait divagué seul. Depuis toujours, je souffrais d’un léger déficit de l’attention. Pour mes parents, j’avais toujours été « dans la lune » ou « à côté de mes pompes », mais, en fait, mon cerveau était juste trop productif. Il passait d’idée en idée trop vite pour que j’en retienne la moitié. Alors, pour ne pas devenir fou, je devais prêter attention à mes pensées, quitte à complètement occulter ce qu’il se passait dans la vie réelle.
J’appuyai enfin sur la validation et attendis que la page de chargement s’en aille. Je découvris alors ma page personnelle ; elle n’était pas exceptionnelle, mais elle me ressemblait. Un message pop-up clignota en bas de mon écran :
« Pour découvrir d’autres profils, clique-ici ! »
Le bouton en dessous avait la forme d’un train. Je ris devant l’idiotie de mon idée. Pourtant, je cliquai. Immédiatement, une photo apparue, montrant un gars souriant, ainsi qu’un nom, un âge et une localisation. Trop vieux, trop loin. Je fis glisser mon doigt pour passer au suivant. Durant de longues minutes, je scrutais un peu le « catalogue » qui m’était offert. Je m’étais arrêté sur plusieurs profils, mais je n’avais encore contacté personne.
Soudain, un petit « 1 » s’afficha au-dessus de l’icône des messages privés. Surpris d’avoir été repéré si vite, j’appuyai dessus et accédai au message.
« Si tu veux rencontrer des filles de ta région, file sur ce lien ! »
Je fis la moue. Alors même sur ce genre d’appli on se tapait de la pub ? La fin de ma soirée fut partagée entre des regards réguliers vers l’appli et un film que je suivis en diagonale avec Caroline. En me mettant au lit, j’en vins presque à regretter de m’être inscrit. Je pouvais toujours supprimer mon profil si je n’assumais pas…
Le lendemain, après un café avalé en troisième vitesse et un gros pull ajouté par-dessus un vieux t-shirt, j’enfilai mes baskets sans en faire les lacets et me précipitai à la gare. J’allais encore louper mon train !
Le temps de valider ma carte et de courir jusque sur le quai, mon wagon était là, les portes grandes ouvertes. Je m’engouffrai dedans, jouant un peu des coudes et réussis tout de même à me trouver une place à peu près confortable sur un strapontin à moitié dévissé.
Je gardai mon sac à dos sur mes genoux, furetant d’une attention négligée sur mes compagnons sardinesques. Engoncés dans notre boîte de métal, ils semblaient tous être d’une humeur massacrante. La plupart des gens détestaient les transports en commun ; ils n’aimaient ni le fait d’être bousculés par les secousses, ni de se retrouver coller à des inconnus. La mauvaise humeur ambiante, les visages fermés des voyageurs, la saleté des couloirs du métro les débectaient. Pour ma part, mon avis divergeait d’un iota.
Bien sûr, j’aurais préféré que nos lieux communautaires soient plus propres et voir quelques sourires le matin me mettrait d’une humeur plus joviale. Cependant, je voyais un autre attrait à cette surpopulation le temps de quelques stations.
La première fois, c’était il y a un peu moins de cinq ans. Dans ce temps-là, je passais beaucoup de temps sur les sites pornos, mes hormones étaient en ébullition et j’avais souvent besoin de « décompresser » comme disait mon père. En me baladant parmi les petits films proposés dans la catégorie exhibition, une miniature s’imposa à moi. On y voyait un décor de train, reconnaissable. J’ai immédiatement lancé la vidéo. La première fois que je l’ai regardée, je n’ai pas pu me toucher. J’étais trop happé par ce qu’il s’y passait pour vraiment penser à me faire autre chose en même temps. Mon cerveau fut assailli de questions dérangeantes, bizarres, excitantes… Quand la vidéo se termina, je la remis au début.
Pendant plusieurs semaines, je ne regardais que ce genre précis de films pour adultes, puis, voulant changer un peu un soir, je me rendis vite compte que ça ne « m’amusait » pas autant… Depuis, il était rare que je regarde un autre genre.
De fil en aiguille, me renseignant pour en savoir plus sur ce genre de pratique, j’avais découvert le mot « Chikan », puis en discutant sur des forums, j’avais entendu parler de l’application. Je l’avais téléchargée immédiatement et elle dormait dans mon portable depuis au moins quatre mois. « Carpette ! Éliah est une carpette ! », scandaient les voix des jumelles dans ma tête.
Pourtant, ce matin, dans le train, mon profil était rempli et en attente d’une invitation.