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1 - 1 - Entrée en gare
2 - 2 – « Attention à l’ouverture des portes »
3 - 3 - Monter dans le train
4 - 4 - « Attention à la fermeture des portes »
5 - 5 - Départ du train
6 - 6 - Les à-coups du démarrage
7 - 7 - Prendre de la vitesse
8 - 8 - Les remous de la rame
9 - 9 - Les remous de la rame 2
10 - 10 - Le bruit assourdissant du tunnel [partie 1]
11 - 11 - Le bruit assourdissant du tunnel [partie 2]
12 - 12 - Arrêt inopportun
13 - 13 - Bloqué sur la voie
14 - 14 - Wagon restaurant
15 - 15 - Remise en marche
16 - 16 - Station d’arrivée
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11 - Le bruit assourdissant du tunnel [partie 2]

Je fus réveillé alors que de petits coups étaient frappés à ma porte. Non conscient de m’être endormi, j’allai ouvrir et me retrouvai face à Eva.

— Salut mon petit chou ! Alors, t’es prêt ?

Je frottai mes yeux, encore un peu engourdi de ma sieste.

— Pas vraiment. Assieds-toi, je m’habille et j’arrive.

Elle s’installa sur mon lit pendant que j’enfilai mes nouveaux vêtements et quand je fus habillé, elle me siffla.

— Eh beh, beau gosse le p’tit chou ! D’ailleurs, t’as changé de coiffure aussi ?

Je hochai la tête.

— Ce que tu vois est le travail combiné de Delphine et des jumelles, avouai-je.

— Elles ont bien réussi leur coup. T’es super ! Trop mignon !

« Mignon »… Je soupirai intérieurement et après qu’Eva eut encensé les filles quant à leurs choix pour moi, nous partîmes. Dans sa voiture, je pensais enfin à regarder mon portable et vis que plusieurs messages de Nightmare m’attendaient.

« Alors, petit Peach, tu as fini mon interrogatoire ? »

« Est-ce que moi aussi je peux te poser des questions ? »

« Je me demande ce que tu fais pour m’ignorer toute la journée. Ça y est, tu m’aimes plus ? 🥺 »

Je souris, content qu’il me contacte de lui-même. Je répondis immédiatement.

« Pardon, j’étais en journée shopping avec mes sœurs. J’ai été lâchement kidnappé ! »

— Alors, tu vas m’en dire plus sur cette soirée ? demandai-je à Eva.

Un petit sourire aux lèvres, elle garda son attention portée sur la route.

— Je t’emmène dans en club.

— Un genre de discothèque ?

Elle rit.

— Oui, on peut dire ça ! Il y aura de la musique, des gens pour danser et puis, d’autres choses. Mais je veux que ça reste une surprise. Alors, je t’en dirai pas trop.

— Tu es la pire meilleure amie du monde ! me plaignis-je.

— Mais non ! En plus, j’ai des gens à te présenter ! Je suis sûre que tu vas les adorer !

Nous continuâmes à discuter joyeusement jusqu’à ce que mon portable vibre à nouveau, me prévenant de la réponse de Nightmare que j’ouvris dans l’instant.

« Tu aurais voulu que je vienne te sauver ? »

Je répondis du tac au tac.

« Je t’ai attendu toute la journée, mais tu n’es jamais venu 💔 »

Pas peu fier de mon message, je reposai mon téléphone sur mes genoux et souris, comme le dernier des idiots.

— Dis donc, à qui tu envoies des SMS comme ça depuis tout à l’heure ? me questionna Eva.

— À un gars, avouai-je avec un petit rire gêné.

Les sourcils de ma meilleure amie se levèrent de surprise.

— Et même pas tu me dis ! Je croyais que tu craquais sur ton boss ? Quelqu’un l’a surpassé ?

— Euh… à vrai dire, je sais pas. J’ai rencontré un gars sur une appli de rencontre et… le courant passe bien. C’est différent d’avec Mickaël… un peu plus… comment dire…

— T’as envie de le sauter ?

Nous rîmes tous les deux.

— Je dois avouer que t’as pas totalement tort. Il est… enfin… il a quelque chose de très sexy.

— Vous ne vous êtes pas vus encore ?

La question me fit tiquer. Je ne savais pas si je pouvais me permettre de lui répondre honnêtement. Dans le doute, je préférais conserver mon secret.

— Non. Je sais même pas à quoi il ressemble !

Elle ricana.

— La découverte à l’aveugle, c’est bien ça !

Mon portable vibra de nouveau, mais je n’eus pas le temps de regarder, car Eva se gara et nous dûmes sortir de la voiture. Je fus étonné de nous voir toujours en ville ; généralement, ses soirées se passaient dans des lieux loin de toute habitation. Nous marchâmes quelques minutes avant que je ne vois les néons de ce qui semblait effectivement être un club.

Sur la devanture colorée en rouge, des néons violets affichaient le nom : « Club du sixième sens », puis en dessous, je vis parfaitement les lettres, plus petites mais tout de même visibles : « Club libertin ».

Je saisis la manche de ma meilleure amie et la rapprochait de moi.

— Tu m’emmènes où, là ? Espèce de dépravée…

Elle rit et attrapa ma main.

— Notre orga a privatisé le lieu. T’inquiète pas. Tout va bien se passer. En entrant, tu vas avoir un bracelet glow rouge, qui voudra dire « pas toucher ! » et qui te permettra de montrer à tout le monde que t’es pas là pour faire de cochonneries. Si tu en prends un bleu c’est pour « en couple, mais veut bien s’amuser » et les jaunes… ils sont pour les dépravés !

Nous rîmes tous les deux et je m’accrochai tout de même à sa main avec force. Pas question de la perdre ici. Nous entrâmes l’établissement. Décoré sobrement, dans des camaïeux de marrons et verts, l’ambiance était assez relaxante. Nous passâmes devant le guichet où je récupérai mon bracelet coloré auprès d’un homme portant un masque noir recouverts de fils néons rouge, où une bouche cousue et deux croix en guise d’yeux, me fixa longuement. Puis, après avoir déposé ma veste au vestiaire, nous nous dirigeâmes vers l’espace bar.

Avec ses lumières plus tamisées et son velours bordeaux aux murs, l’ambiance changeait distinctement de l’entrée. Des projecteurs inondaient la salle de lumières colorées oscillant entre le vermillon et le violet, donnant un effet très cocooning à cette grande salle où se mêlaient l’immense bar, ainsi que plusieurs petits salons faits de banquettes moelleuses et de coussins. Je m’émerveillais devant ce décor si atypique. Le tout était enveloppé par une mélodie douce et lente, s’apparentant à une musique de boudoir apaisante.

Eva me mena jusqu’au comptoir et me fit asseoir sur l’un des hauts tabourets qui le devançaient.

— Reste là. Je vais me changer et je reviens te chercher, ok ? J’en ai pour quelques minutes, commande ce que tu veux !

Elle fit de grands signes au barman qui vint vers nous. Elle lui parla, puis partie tandis que l’homme s’approchait de moi.

— Qu’est-ce que je vous sers ? me demanda-t-il avec un sourire amical.

— Un Monaco, s’il vous plaît ! répondis-je avec entrain, impatient de recevoir ma récompense sucrée.

Il hocha la tête puis s’éloigna. Le temps qu’il prépare ma boisson, je m’adossai au bar et scrutai la salle. De nombreuses personnes étaient déjà arrivées et discutaient joyeusement. J’en vis certaines se lancer des regards langoureux et d’autres s’adonner à des caresses plus ou moins chastes. L’ambiance était lascive. Mirant le plafond une seconde, une fumée légère voletant au plafond m’intrigua. Est-ce que c’était normal ? Soudain, le bruit de verres déposés derrière moi me fit faire volte face. Je remerciai le serveur et bus quelques lampées sucrées de ma bière aromatisée.

Ma meilleure amie revint bientôt, arborant le même masque que l’homme du guichet, au seul détail près que le sien était couvert de néons roses. Elle le releva le temps de boire de lourdes gorgées de sa limonade puis me sourit en expirant, satisfaite.

— Alors ? Qu’est-ce que t’en penses pour le moment ?

Je haussai les épaules, indécis.

— Je sais pas trop. C’est vraiment beau, mais après… Je te dirai ça à la fin de la soirée !

Elle rit, acquiesçant, puis me tira le bras afin de me faire descendre de mon perchoir à quatre pieds.

— Viens, j’ai des gens à te présenter !

Amusé, je la suivis sans faire d’histoires. Nous passâmes des portes battantes en bois, traversâmes un palier rond garni de nombreuses portes et nous enfonçâmes enfin aux tréfonds du bâtiment, empruntant des escaliers en pierres qui nous firent déboucher dans une pièce immense où une bonne centaine de personnes dansaient sur de la musique électronique dont les basses faisaient vibrer tout mon corps.

Ici, les projecteurs étaient bien plus puissants que dans la salle intimiste du bar ; dans des suites de mouvements erratiques, ils illuminaient tantôt le plafond, tantôt les danseurs de couleurs vibrantes et agressives. Je dus plisser les paupières plusieurs fois afin de ne pas finir aveugle. Entraîné par ma meilleure amie, je fendis la foule qui s’écartait à son passage et nous rejoignîmes bientôt les deux murs de sons qui entouraient un DJ concentré et sautillant, portant un masque aux néons verts.

Dans un coin, deux garçons firent de grands signes à Eva qui les rejoint, me tirant toujours. Elle se pencha à mon oreille et me cria en les désignant :

— J’te présente Andy et Matt ! Gabi ne doit pas être loin, tu le verras, il a le même masque bleu que moi !

Le plus petit des deux se pencha vers moi.

— Salut ! Je m’appelle Andy !

— Éliah ! répondis-je en guise de présentation.

— Alors, c’est toi le p’tit dont Eva nous rabâche les oreilles ? me demanda le second.

Je hochai la tête, souriant. Lorsque le plus grand passa son bras sur les épaules de l’autre, je vis que les deux portaient des bracelets bleus. Les gens étaient vraiment beaucoup moins farouches que moi. Matt attrapa mon poignet et me montra mon bracelet rouge avec un air désapprobateur avant de rire tandis qu’Andy haussait les épaules dans un surjeu théâtralisé de tristesse et je vis les épaules d’Eva tressaillir sous le coup d’un rire.

— Je crois qu’ils sont déçus, à mon avis, tu leur plais, ricana-t-elle à mon oreille.

Je me penchai à mon tour vers elle.

— Mais ils sont déjà tous les deux !

Le sourire énigmatique qu’elle me renvoya me fit froncer les sourcils.

— Pour te dire la vérité, en vrai, ils sont en trouple. Comme je te l’ai dit Gabi ne doit pas être très loin !

Mes yeux s’écarquillèrent. Ils étaient en couple… à trois ? C’était viable ce genre de relation ? Depuis quand ça durait ? Comment ça s’était fait ? Une myriade de questions investit mon cerveau. Je voulais tout savoir d’eux et de leur relation si particulière, mais avant que je n’ose poser la moindre question, un bras retomba lourdement sur mes épaules, me séparant d’Eva. En voulant dévisager le responsable de cette séparation abrupte, mes yeux tombèrent sur l’un des masques des organisateurs. Celui avec les néons bleus ! C’était donc le troisième compère ! Gabi ! Ce dernier releva son masque et se pencha à mon oreille.

— Salut Éliah, moi, c’est Gabi ! Alors, tu t’amuses ?

Je répondis en hochant la tête avec un sourire et il me sourit à son tour. Ensuite, je le vis fondre sur… Andy ? Il harponna sa bouche si violemment que l’embrassé renversa la moitié de son verre au sol, manquant Matt d’à peine quelques centimètres. Ce dernier repoussa la tête de Gabi en le traitant « d’animal » et les deux autres rirent. Je ne pus m’empêcher d’être attendri devant leur lien si évident. Je fus aussi un peu jaloux. Comment se fait-il que certains pouvaient se targuer d’un amour à trois, alors que je campais dans la case « célibataire depuis la naissance ». C’était… frustrant.

Une belle heure plus tard, je me retrouvai en compagnie d’Andy et Matt au bar. Je soupçonnais fortement Eva de leur avoir demandé de garder un œil sur moi pendant que Gabi et elle faisaient leur ronde de surveillance.

Affalés dans un des petits salons, une discussion animée virevoltait entre nous.

— Je te jure ! Il m’a même ghosté pendant plus d’un mois ! Tout ça parce qu’il osait pas s’avouer qu’il avait aimé notre baise à trois ! s’exclama Andy.

— Ouais, c’est bon ! C’est de l’histoire ancienne maintenant ! grogna Matt tandis que je riais.

Le barman vint vers nous, déposant six shooter sur la table lumineuse et nous souhaita une bonne dégustation avant de repartir. Je fixai les verres qu’Andy nous les partageait. Deux chacun. Ils en prirent tous les deux un en main et me fixèrent. Amusé, je les suivis, puis Andy compta et à trois, nous bûmes cul-sec.

L’alcool brûla ma gorge, me faisant grimacer, mais je reposai mon verre vide, fier. Le second fut moins dur à avaler et fut suivi d’une douce gorgée d’un second Monaco commandé il y a un bon quart d’heure. À vrai dire, j’y allais peut-être un peu fort. Moi qui ne tenais pas bien l’alcool, prendre deux Monaco et deux shooter était un tantinet dangereux, mais ce soir, je voulais m’amuser. J’avais rarement l’occasion de sortir, encore moins dans ce genre de soirée et j’en vins presque à regretter d’avoir dit non à Eva pendant si longtemps. Cependant, avec eux deux, je me sentais en sécurité, alors pour une fois, j’avais bien le droit d’être bourré, non ?

Nous continuâmes de siroter nos verres en discutant joyeusement. Parfois des gens s’incrustaient dans nos conversations, l’un deux embrassa même Matt avec une envie non dissimulée, ce qui fit rougir Andy. Vraiment, ce couple atypique me faisait envie. Ce n’était pas tant le fait d’être trois, mais plutôt l’alchimie que je percevais entre eux. Moi aussi je voulais avoir ce genre de lien avec quelqu’un. Soudain, certains de mes neurones se connectèrent entre eux et je me souvins de la réponse de Nightmare que je n’avais pas lue. Je sortis précipitamment mon portable et l’affichai.

« Promis, la prochaine fois, je t’enlèverai. »

Mon cœur sursauta dans ma poitrine. J’aimais vraiment beaucoup flirter avec lui et apparemment, il aimait ça aussi. Ma joie dut se lire sur mon visage, car, une fraction de seconde plus tard, Andy était assis à côté de moi et lorgnait sur mon écran.

— Alors ? Ça dragouille ? m’interrogea-t-il avec un regard un peu voilé par l’alcool.

— Euh… c’est pas… enfin… je… c’est parce que… enfin, tu vois… il…, bégayai-je.

Son rire sonore emplir la salle et quelques regards se tournèrent vers nous tandis que mon visage rougissait plus que de raison.

— Alors, tu vas répondre quoi ? s’intéressa Andy.

— Je sais pas trop, avouai-je en haussant les épaules. Je sais pas vraiment faire ça.

— On peut t’aider si tu veux, proposa Matt.

— Oh oui ! Bonne idée ! ajouta Andy tandis que je verrouillai mon portable, pas très enclin à leur laisser le loisir de répondre à ma place. Alors, dis-nous tout sur ce gars.

— Oh, c’est juste un gars avec qui je parle un peu sur une appli de rencontre. Rien de très sérieux, minimisai-je dans l’espoir que la conversation dévie.

— Oh nooon, se plaignit Andy, visiblement déçu. Je voulais t’aider à pécho, moi !

— Une prochaine fois ! ricanai-je. Vous voulez qu’on retourne danser ?

Ma proposition fit mouche et j’en fus heureux. Je ne voulais pas m’étendre sur Nightmare. Enfin… en termes de conversation, parce que sinon… Les deux se levèrent et je fis de même, remarquant que je tanguai légèrement. Ma tête tourna aussi un peu, le temps que mon corps comprenne que j’étais maintenant totalement à la verticale et nous redescendîmes dans la salle de danse.

À ce stade de la soirée, le club était plein. Nombre de gens se perdaient dans les divers espaces et nous dûmes jouer des coudes afin de nous rapprocher des murs de sons. Tandis que j’avançais difficilement, quelque chose me retint. Mon bras, bloqué entre deux personnes, refusait de bouger et je dus tirer de toutes mes forces pour me défaire de ce qui m’empêchait d’avancer. Une fois libre, je repris ma traversée de cette marée humaine. Cependant, mon retard m’avait fait perdre les deux autres. M’accrochant à des épaules inconnues, je me hissai sur la pointe de pieds et tentai de voir par-dessus l’amas de corps qui gesticulaient, sans succès. Je les avais perdus.

Durant quelques minutes, je déambulais du mieux possible, évitant au maximum les coups de coudes et de hanches que les danseurs d’un soir semblaient tous vouloir me donner. Je réussis à atteindre les sonos, sans pour autant trouver les garçons, alors, je décidais de retourner au bar et d’y attendre Eva.

Entre la musique et les lumières stroboscopiques, j’avais de plus en plus de mal à me repérer dans la salle. Je n’avais plus de scrupule à m’accrocher aux personnes que je croisais, car j’avais la désagréable sensation que si je n’avais pas de béquille humaine, j’allais tout simplement m’effondrer. Alors que je m’approchai de la sortie menant aux escaliers, ma tête tourna tellement que je manquai l’épaule à laquelle je voulais m’agripper. Mon corps bascula, mais je fus rattrapé au dernier moment.

Un garçon me sourit, je vis ses lèvres bouger dans un flou assez artistique, puis, d’une main dans le dos, il m’invita à le suivre. Heureux d’avoir trouvé quelqu’un qui m’apportait son aide, je me laissai emporter, suivant méticuleusement ce jeune homme, me promettant de le remercier chaleureusement plus tard. Nous avançâmes jusqu’à la porte et enfin, le calme se fit autour de moi. Je reconnus le sas qui nous séparait du bar et rien que l’absence presque totale de musique me fit du bien.

Je me cramponnai à son avant-bras afin de conserver un minimum d’équilibre tandis que nous avancions difficilement parmi les humains qui encombraient le palier aux milles portes. Nous dûmes nous arrêter plusieurs fois à cause du manque de place, mais nous reprenions vite notre avancée vers les assises molletonnées des petits salons calmes que j’imaginais déjà comme les prémices du paradis.

Sa main dans mon dos migra soudainement et son bras entier encercla mon dos afin de me pousser à entrer dans une pièce. Je débarquai avec lui dans une salle ronde où un grand lit occupait l’espace.

— C’est bon les gars, j’en ai trouvé un mignon pour jouer avec nous !

Relevant les yeux, je vis avec horreur que quatre autres hommes étaient présents. Ils me regardaient tous avec plus ou moins d’étoiles dans les yeux et je me sentis soudain très mal à l’aise. Qu’est-ce que je foutais là ? On était pas supposés aller au bar ?

— Un roux en plus, c’est bien ! C’est rare. Hey ! C’est ta vraie couleur ? m’apostropha l’un d’eux.

— Cherche pas, il est trop bourré, je sais même pas s’il capte où il est, ricana celui qui m’avait amené ici.

Dans un éclair de lucidité, je compris que je me trouvais dans une situation dangereuse. Je devais partir immédiatement. Je fis volte face, cherchant à m’éloigner d’eux, cependant, je fus bien vite attrapé par trop de mains pour que ce ne soit l’œuvre que d’une seule personne.

Je retombai lourdement sur le sol, dos au grand lit et fus empoigné brutalement puis tiré sans ménagement en arrière jusque sur le matelas. Avant que je ne comprenne exactement ce qu’il se passait, des doigts passèrent sous mon t-shirt, le relevant exagérément tandis que j’essayai de les repousser avec tout le désespoir dont j’étais capable compte tenu de mon état. Ce ne fut que lorsque mon bras passa devant mes yeux que j’y vis l’absence de mon bracelet.

Une terreur sourde me hurla de fuir. Je n’avais plus mon bracelet, ma protection ! Dans un dernier élan de sobriété, je me mis à crier.

— Ça suffit ! Lâchez-moi ! Je veux pas faire…

Ma phrase fut coupée en même temps qu’une paume se plaquait sur ma bouche, m’ôtant toute chance d’appeler à l’aide. Ma gorge se serra d’une angoisse si puissance qu’avant que je ne le comprenne vraiment, de lourdes larmes dévalaient mes tempes.

J’étais tout bonnement terrifié. Incapable de bouger, seuls mes yeux captèrent avec horreur les images que mon cerveau daignait me transmettre. Ma ceinture fut défaite, alors que deux d’entre eux maintenaient mes bras loin au-dessus de ma tête.

Je ne savais même pas si je pleurais encore ou pas. J’aurais voulu me défendre, les repousser, hurler plus fort, mais mon corps refusait tout bonnement de m’écouter. Je me retrouvais là, allongé, à seulement pouvoir les regarder me faire du mal.

Ma respiration s’accéléra, ce qu’ils prirent pour un signe d’excitation de ma part alors qu’en fait, j’avais l’impression que j’allais mourir. Je ne comprenais pas. Pourquoi m’étais-je soudain transformé en statue ? Est-ce que c’était ça, l’instinct de survie chez moi ? Me laisser dévorer par des animaux ? « Éliah la carpette », scandaient mes sœurs dans ma tête. Oui. Elles avaient raison. J’étais une carpette. Même pas en position de dire non à des gars qui me voulaient du mal.

Je n’entendais pas très bien ce qu’ils disaient, par contre, je percevais très bien leurs respirations haletantes et le froissement de leurs habits. Horrifié, je me mis à prier un dieu auquel je ne croyais pas. Le genre de prière qui promettait de faire le bien jusqu’à la fin de sa vie si tout s’arrêtait maintenant. Le genre de prière que l’on faisait pour se rassurer avant de regarder des résultats d’examens, par exemple. Là où tout était déjà joué. Je savais que personne ne viendrait me sauver. J’étais seul. J’avais perdu Eva, les garçons et hormis eux, je ne connaissais personne ici. Personne qui aurait pu s’inquiéter de mon état ou de mon absence. Personne qui aurait pu me voir disparaître, entraîné par ce gars en qui j’avais eu confiance.

J’eus un violent haut-le-cœur. Le monde était finalement rempli d’animaux. Nous pensions être civilisés, mais en fait, la vérité était là. Elle était sur la main qui touchait mon ventre, sur celles qui bloquaient mes bras, sur la jambe qui prenait lourdement appui sur la mienne afin de m’immobiliser et sur les doigts qui défaisaient ma braguette. Nous étions tous des animaux sauvages guidés par nos instincts et nos envies. Et moi, pauvre petite carpette, j’allais comprendre le sens du mot animosité.

Soudain, une grande masse sombre surplomba celui qui ouvrait mon pantalon. Je le vis être saisi par le crâne puis écarté violemment. En une seconde à peine, les mains me lâchèrent et j’entendis des cris portés par plusieurs voix.

— Cassez-vous ! hurla l’une d’entre elles.

— C’est bon, t’énerve pas ! On savait pas qu’il était chasse gardé. T’as qu’à faire attention à ton mec si tu veux pas qu’il lui arrive des bricoles.

Un bruit sourd retentit, mais je restais pétrifié, les yeux fixés sur le plafond. Je sentais mon corps entier trembler, mais je n’arrivais toujours pas à le contrôler. Quelques secondes plus tard, le brouhaha fut suivi d’un silence de mort, puis, j’entendis la pire voix que je pouvais reconnaître.

— Relève-toi le tire-au-flanc, ils sont partis.

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