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Xian_Moriarty
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Au petit matin, Ella quitta son immeuble pour trouver les personnes qui auraient pu recevoir son insectoïde via Léonce. Au passage, elle expédia les noms à l’inspecteur Kerviller par un gamin des rues. Ces mômes, certes voleurs à l’occasion, se faisaient un devoir d’accomplir les tâches qu’on leur confiait. Au contraire de certains courtiers qui « égaraient » très souvent les missives. Outre la liste, elle l’invitait à la rejoindre chez elle ce soir, si possible avec son animéca et tous autres éléments liés au Cénacle.

Première étape, dénicher les adresses. Elle se rendit donc aux Postes pour trouver ces renseignements. Comme toujours, la foule se pressait pour obtenir des informations sur des professionnels en vue de telles rénovations ou telles réalisations ; mais aussi pour reprendre contacte avec un parent éloigné. De nombreux historiens ou archivistes s’y donnaient rendez-vous afin de retrouver des personnes témoins d’événements en lieux avec leurs travaux d’études.

Comme tout a chacun, Ella dut remplir un document de séance. Ce papier, toujours soigneusement conservé, pour savoir qui et pourquoi le public venait consulter les almanachs. Mais aussi de garder trace d’un visiteur ayant commis des dégradations. Il n’était pas rare que des pages soient arrachées par de petits vandales en manques de feuilles – que l’institution fournissait. Trouver des adresses n’était pas une tâche aisée. D’autant plus que les bottins de la Capitale ne recensaient que les habitants sur son territoire et sa campagne périphériques. Si les noms ne résidaient pas dans les environs, ces recherches risquaient de prendre un temps considérable. Démarches qui empiétaient sur son travail et donc une mauvaise chose en l’état actuel de ses finances.

La liste fournit par Dame Amaranthe ne rangeait pas les personnes par ordre alphabétique. Ella rectifia cette erreur et ainsi débuter de longues heures de dépouillage. Car consulter un almanach n’est pas aisée. Bien que plusieurs exemplaires soient disponibles pour chaque lettre – quand une lettre ne comportait pas plusieurs tomes –, il arrivait souvent que tous soient empruntés au même moment. La métallieuse passait au nom suivant dans l’espoir de mettre la main sur le bottin de son souhait. Cette première tâche accomplie, elle portait le pavé jusqu’à son plan de travail. Et elle ne pouvait transporter plus d'un à la fois. Hormis peut-être un Fort ou une Forte des Halles, peu de gens parvenaient à en soulever deux d’un coup sans risquer de se démettre une vertèbre. Enfin débutait l’épluchage des ouvrages en espérant que le larron ou la larronne de la liste réside toujours sur la Capitale.

Et mine de rien, la recherche d’un seul nom pouvait prendre plus d’une heure. La chose s’enhardissait quand les homonymes se côtoyaient. Comment savoir qui Léonce avait potentiellement rencontré dans ces cercles ? Des gens de la haute, sans doute. Mais il lui arrivait aussi d’être en relation avec des artisans d’exception travaillant parfois à leur compte pour la réalisation de pièces précises. De fait, elle excluait les personnes dont les adresses la conduiraient dans les faubourgs miteux de la ville.

Un monument public sonna les dix-neuf heures quand elle fut contrainte de quitter le bureau des almanachs. Des maux de tête la gênaient, mais elle s’en alla avec le sentiment d’une journée utile et bien rempli. Trois noms restaient sans résidence, dont l’un des métallieurs exclus. Peut-être qu’il n’œuvrait plus sur le territoire national ? Cela arrivait parfois que des étrangers, obtenant leur titre de travail comme métallieurs, se le fassent retirer après la découverte de leur expulsion du Cénacle de leur pays d’origine. Peut-être en était-il de même pour les deux hommes de la liste ?

Une adresse, au nom d’une femme, se trouvait sur sa route. Un court détour pour aller voir cette personne. Tant pis pour l’inspecteur Kerviller. Soit il attendrait, soit il avait d’autres chats à fouetter, comme par exemple retrouver le meurtrier du cadavre décollé. Après un trajet en hippomobile collective, Ella déboucha dans un quartier chic de la ville où des arbres corsetés ombrageaient les rues et où les becs de gaz brulaient avec vivacité. Les grandes et hautes maisons bourgeoises s’alignaient en rang d’oignon le long d’un trottoir sans feuilles, rivalisant d’architectures étranges et atypiques. Les habitants de cette allée se livraient-ils à un concours de celui qui possédait la demeure la plus biscornue ? Ici, deux lions gardaient un portail d’entrée ; là des bosquets taillés en boule ; en face des gargouilles jetaient des regards mauvais aux passants. Ella tressaillit. Chaque bâtiment l’entraînait dans un autre monde. Des univers vides. Pas un chat, pas une nourrice avec un landau. Pas même un chien beuglant alors qu’elle longeait des grilles fermées.



Louise-Anne d’Ys,

Villa « La Belle »

158 allée des Acacias



Ella inspecta les frottons des demeures pour y lire les noms. Très peu d’entre elles affichaient leurs numéros quand ces derniers n’étaient pas mangés par des décorations végétales plus aberrantes les unes que les autres. 88. Après cela, plus aucun chiffre n’apparut nulle part. Les postiers et les courtiers devaient s’amuser pour trouver les destinataires des courriers ou des paquets à livrer. Heureusement que les villas portaient fièrement leur nom ! C’est comme cela que la métallieuse découvrit la maison qu’elle recherchait. Une maison ? Un manoir plus tôt. L’inscription en lettre dorée brillait sous un éclairage sur l’un des piliers de la grille d’entrée. La demeure se cachait au fond d’un chemin assombri par de massifs platanes. Pour un peu, Ella se serait crue dans l'allée verdoyante du Cénacle.

Sa main pressa la sonnette qui resta muette pour ses oreilles. Puis elle patienta sans savoir si un domestique viendrait lui ouvrir la porte. Une majordome enserrée dans un costume impeccable se présenta à la grille. Son regard hautain apeura Ella qui ne s’imaginait pas voir une femme aussi guindée. D’autant plus que le personnel de maison est souvent à l’image de ses employeurs. Avec ce ton commun à ceux s’estimant supérieurs à leur interlocuteur, elle déclara :

— Vous désirez ?

— Je souhaiterais m'entretenir avec Madame Louise-Anne d’Ys.

— Êtes-vous attendu ?

— Non, je vous prie de m’en excuser. Je m’appelle Ella Michinski.

La métallieuse regretta de ne plus avoir de carte de visite. Son nom ne suffisait plus à ouvrir les portes depuis la disgrâce de sa famille.

— Un moment je vous pris.

La majordome s’en alla puis revint avec un trousseau de clés. Elle déverrouilla la grille et invita Ella à la suivre. Sans se défaire de sa rigidité, la domestique la mena jusqu’à la grande demeure. Un frisson parcourut la métallieuse quand elle vit l’ombre du manoir s’abattre sur elle.

Une bonne prit le manteau d’Ella avant que la majordome ne la conduise dans un salon aux couleurs chaudes et orientales embrumé dans des fumées de tabac. Les poumons d’Ella n’apprécièrent pas ces émanations. Alors qu’elle laissa échapper quelques toussotements, une voix ordonna :

— Michelle, ouvrez donc cette fenêtre avant que notre invitée ne s’étouffe.

Une femme, un porte-cigarette à la main, un livre dans l’autre, occupait une longue banquette couverte de coussins bariolés de motif géométrique. Des babouches aux pieds, un turban emplumé sur la tête d’où seules dépassaient les pointes de ces cheveux noirs, la maîtresse de maison montrait un goût immodéré pour un patchwork d’élément venu d’Asie et d’Orient. Celle-ci ne prit pas la peine de se lever. Elle fit juste signe à Ella de s’asseoir sur un énorme pouf.

— Un cadeau d’un grand pacha indien. Trop petit pour ses grosses fesses.

Quand la fumée fut évacuée et la fenêtre refermée, Ella put détailler plus en détail cette Louise-Anne d’Ys. Une femme de son âge, trop barbouillé de maquillage, mais qui s’accordait très bien avec sa personnalité excentrique. Mais plus que son hôte, ce fut la pièce qui la surprit. Sur les meubles venus des Indes, des dizaines et des dizaines de cloches renfermaient des animécas de taille variée. La réalisation la plus imposante était un singe avec des cymbales.

— Un objet d’une banalité affligeante, j’en conviens. Mais le premier qu’on m’ait offert. Que voulez-vous, même les femmes comme moi peuvent être sentimentales. Alors, dites-moi, Ella Michinski, êtes-vous bien cette petite métallieuse qui eut la bonne fortune d’épouser Léonce et de voir son nom lié à la plus grande famille de métallieur du Continent ?

Ella encaissa l’agression. Le sang qui bondit dans ses veines lui aurait bien balancé à la figure que se marier avec Léonce Michinski n’avait rien d’une chance, mais relevait de la punition. Mais sa timidité reprit le dessus et elle s’écrasa.

— Oui.

Sa courte et apeurée réponse tira un sourire triomphant à son interlocutrice.

— Allons, ne soyez pas aussi coincée. (Son ton changea) Je sais que Léonce n’avait rien d’un enfant de chœur et je doute qu’il ait été un bon mari. Je dois y être un peu pour quelque chose. Mais laissons cela. Que me vaut le plaisir de votre visite, madame Michinski ?

Louise-Anne lança son nom comme une provocation qu’Ella se garda bien de rebondir. Mais sa question la prit de court. En aucun cas elle ne pouvait lui répondre qu’elle enquêtait sur la mort d’un homme dont la tête avait disparu.

— Je cherche à recenser l’ensemble des créations de la famille Michinski afin de réaliser un catalogue.

Louise-Anne leva un sourcil. Ella ne parvint pas à savoir si son interlocutrice la croyait ou si son entreprise relevait de la folie.

— Une tâche ardue si l’on considère que la maison Michinski fabrique des pièces d’exception depuis plus de six générations. En encore, je ne compte qu’à partir du moment où sa renommée à dépasser le simple cadre local. Une manière de redorer le blason ?

— Mon souhait serait de reconstituer une partie des archives.

— Parce qu’il n’y a rien dans votre sacro-saint Cénacle ?

— Une grande part des documents étaient conservés dans la demeure familiale…

—… qui a brulé avec les deux frères il y a près de quinze ans.

Ella baissa la tête. Cette nuit-là, elle était la seule à s’en être sortie.

Un silence gêné s’installa. La métallieuse ne souhaitait pas évoquer ce genre de souvenir avec cette femme. Elle ne partageait pas assez d’intimité. Puis de toute façon, que dire de plus que ce qu’il se racontait déjà ?

Louise-Anne d’Ys l’observa de ses yeux de renard. Son regard sondait celle de son interlocutrice qui eut peur d’être un livre ouvert. Les deux femmes s’opposaient sur de trop nombreux points. L’une arrogante et sûr d’elle. L’autre effrayée et sans prétention.

L’amatrice d’animéca secoua son porte-cigarette. De la cendre tomba au sol. Un rictus amusé se dessina sur son visage.

— Et pourquoi pas ? Après tout, il ne vous reste pas grand-chose à ce que je sais. Vouloir s’accrocher au passé, c’est si sentimental. Suivez-moi.

Louise-Anne se leva avec une grâce féline. La souplesse de ces gestes lui donnait des allures de ballerine. Sa démarche chaloupée tranchait avec le pied lourd d’Ella. La propriétaire des lieux la conduit dans une bibliothèque sans livres. À la place, des dizaines d’animécas, comme dans le salon. Sans même les touchers, la métallieuse ne put qu’admirer les chefs-d’œuvre de mécaniques. Ses mains se glissèrent vers les cloches. Louise-Anne l’arrêta en lui tapant les doigts avec son porte-cigarette.

— Je veux bien que vous regardiez et notiez ce que vous désirez, mais hors de question que vous y touchiez. Les machines de votre famille (elle cracha ce mot avec mépris) sont ici.

Une étagère complète de pièces réalisées par huit générations de Michinski.

Louise-Anne d’Ys se gaussa de faire un cours à son invitée. Tout en bas, un automate de la matriarche, Irina. Débarquée d’on ne sait où avec ses deux rejetons sous le bras, elle s’installa à la Capitale et se fit vite remarquer pour ses créations, certes simples, mais très bien conçues. La vitrine exhibait une délicate danseuse en bois recouvert de fine plaque de fer, tout comme les articulations. Ella aurait adoré voir fonctionner cet automate aux couleurs vieillies. Une pièce exceptionnelle ! À côté se trouvaient des œuvres des enfants de la matriarche, une boite à musique et une sorte de tampon d’entreprise. Viktoria et Marcus reprirent le flambeau et s’illustrèrent aussi avec de très belles pièces. La petite boutique familiale gagna en prestige à cette époque-là grâce à des réalisations plus imposantes. Les cousins Ivan, Macha et Lana constituèrent une troisième génération de métallieuses de talent. Cependant, la troisième se montra plus habile dans la conception de mécanique d’exception. Bien que bonne lieuse, elle laissa cela à sa cousine. Ils ouvrirent aussi leurs ateliers à de jeunes métallieurs et métallecteurs dans le but de former des ouvriers extrêmement qualifiés. L’entreprise grossissait et les commandes se multipliaient. La génération suivante, toujours en cousinades, avec les deux fils de Macha et la fille de Lana, installa la maison dans le paysage avec les premières pièces totalement métalliques en or et en argent, comme celles possédées par Louise-Anne d’Ys. La renommée de cette belle famille montée jusque dans les cercles les plus prestigieux. Un souverain consacra leur travail en leur commandant une création musicale pour le mariage d’une de ses enfants. Mais la réussite de la famille n’empêcha pas les drames : Mathias mit fin à ses jours après la disparition accidentelle de son compagnon. Une branche s’éteignit.

Julia, la seule descendante de Louis, devenue métallieuse, se confronta à quelques difficultés, car elle se retrouva l’unique Michinski à ce poste au sein de la société. Heureusement, elle pouvait compter sur des personnages de confiances pour gérer l’ensemble pour se consacrer au liage et garder l’entreprise dans le cercle des Maisons métallieuses les plus réputées du continent. Son fils, Marcus – deuxième du nom – manqua de faire sombrer le travail de plusieurs générations à cause de son fort caractère. Beaucoup d’apprentie et de collaborateurs quittèrent la maison mère à cette époque. Mais le talent de ce dernier ne gâche en rien la renommée de sa famille. L’homme se fit remarquer très jeune durant de l’exposition universelle de 1… alors un orgue de taille colossale, capable de jouer plus d’une centaine de partitions. Les musiciens grincèrent des dents, de peur de voir leur métier disparaître au profit des machines. Heureusement, le Cénacle les assura. Une réalisation, chère, difficilement déplaçable, et surtout épuisante à lier, relevait de la performance artistique. Marcus lui-même, tombé malade suite à sa création, annonça qu’il n’était pas dans ses intentions de réitérer cet exploit, et ce malgré les fortunes que certains lui proposèrent. D’ailleurs, la collectionneuse possédait une petite réplique de cet orgue, créée par Marcus II. Mais l’instrument ne jouait que cinq partitions qui ne dépassaient pas les sept minutes chacune. L’exigence du père se transmit au fils César. C’est lui qui portait sa famille au sommet avec des pièces au liage si fin que même leurs meilleurs métallecteurs et métallectrices de l’époque peinaient à lire. Mais surtout, lors d’une séance extraordinaire au Cénacle, il présenta LA création qui éblouit : une petite sphinge en bronze ! Or le bronze était un alliage et personne, personne !, n’était jamais parvenu à lier ce mélange de métaux ! D’après ce qu’Ella avait pu comprendre en le cotoyant, le secret résidait dans le sang de limule. Mais il se garda bien d’en révéler plus. Cet exploit dormait désormais dans un coffre du Cénacle. Louise-Anne soupira de ne pas posséder une telle pièce. Sa collection se composait d’une œuvre assez « médiocre » selon ses propres dires. Hélas, le père Michinski se retrouva dans l’incapacité de lier suite à un accident qui lui endommagea les mains.

Puis venait la dernière génération. Léonce et Anthanase. Ce dernier, plus passionné par les chevaux que le métal, réalisa quelques automates pour plaire au patriarche, mais ne devint jamais l’artiste qu’il aurait dû être. D’ailleurs, Ella ne fut pas surprise de trouver une pièce d’un hippocampe, mi-cheval mi-poisson. Puis venait la créations de son cadet…

— Et la maison s’éteignit dans les flammes. Et je pense que ce n’est pas vous qui allez permettre à la lignée de continuer.

Le mépris perlait à ses lèvres, tout comme son rouge à lèvres sur son porte-cigarette.

— Si Léonce avait eu un peu de jugeote, il aurait pris la peine de faire quelques bâtards lors de ces nuits de découchages. Il se fichait de l’avenir de sa famille du moment qu’il se faisait mousser comme le plus grand métallieur du Cénacle et qu’il rendait fou son père par son comportement.

Un sentiment de fierté envahit Ella après sa tirade. Son hôtesse perdit son sourire de garce, contrarié par les paroles de son invitée. Peut-être avait-elle fait partie de ces femmes que Léonce courtisa et sauta lors de ces orgies ?

Ella inspecta les réalisations Michinski tandis que Louise-Anne allumait une autre cigarette en se vautrant sur un sofa. La métallieuse fut heureuse d’avoir pris du papier brouillon des almanachs, sans oublier une mine de charbon. Ses gestes gauches, à cause du stress et des yeux de son hôtesse dans son dos, provoquèrent quelques moqueries. Ella lista les œuvres devant elle. Il y en avait tellement ! Certaines devaient valoir des milliards ! En particulier celles de Mathias Michinski. Ah, que n’aurait-elle pas donné pour lire son automate ! De découvrir les secrets de ce jeune homme. Même le manoir familial des Michinski où elle avait vécu ne possédait plus de réalisation de lui.

— Madame…

— Miss, très chère, miss…

— Miss d’Ys, je peux vous certifier que l’une de vos pièces est fausse.

Louise-Anne éclata de rire.

— Allons bons, vous êtes une telle experte de votre belle-famille que, rien qu’en observant leurs créations, vous parvenez à déterminer que l’une est une contrefaçon ? Sans même poser vos petits doigts de métallectrice dessus ? Trouvez-vous une autre pigeonne. J’ai acquis ces automates auprès des Michinski quand Léonce ne m’en a pas fait cadeau !

— Je n’ai jamais prétendu que ces pièces sont des fausses. Mais cet animéca insecte, là. Léonce ne l’a pas réalisé.

— Allons bons, il me l’a offert de ses propres mains.

— Cela ne veut pas dire qu’il l’a fabriqué. Parce que sa créatrice, c’est moi.

Ella moucha Louise-Anne en lui parlant de la paresse de Léonce, du vol de ses travaux.

— Vous mentez, s’emporta-t-elle.

— J’aurai pu. Mais la triste réalité est là. Si la maison Michinski avait perduré, cela n’aurait pas été grâce aux œuvres de Léonce, mais des miennes.

Une vague d’orgueil envahissait la métallieuse. Bien que son époux ait créé de belles pièces, nombreuses furent celles qu’il falsifia à son profit. Le salopiot possédait assez de talent pour tirer des lignes et placer des points sur ceux d’Ella pour faire passer la réalisation pour sienne. Hélas pour lui, des métallieuses comme Dame Amaranthe avaient lu la supercherie. Mais même elle ne pouvait convaincre un homme comme Louis d’Urbon de Castelfort de l’arnaque, surtout si celui-ci affirmait le contraire. D’autant plus que l’affaire judiciaire qui suivit l’incendie du manoir n’avait pas plaidé en sa faveur.

— Prouvez-le.

Ella resta muette. Elle ne possédait aucun moyen d'appuyer ses dires, surtout auprès d’une personne incapable de lire le métal.

Son hôtesse vibrait d’une colère froide. Ses doigts serraient son porte-cigarette au poing qu’il craquait. Ella ignorait si cela venait de son audace, de l’annonce que sa belle collection contenait un « faux » ou si la découverte que Léonce, dont elle semblait avoir été proche, s’était fichu d’elle.

— Sortez de chez moi.

Son ordre, sans appel, ne laissait place à aucune contradiction.

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