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Xian_Moriarty
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Quelques heures avant la tombée du jour, quelqu’un sonna. Ella s’en étonna. Personne n’utilisait plus cette sonnette. Le peu de monde qui passait savait que la porte demeurait ouverte – à cause des veaux qui allaient et venaient. Elle hésita à descendre, épuisée. La personne insista. Elle céda. Un châle sur les épaules, en Charentaise usée, elle poussa le battant. Un jeune homme, les yeux fatigués, les lunettes de travers, se tenaient droits comme un I sur le palier. Une timidité respectueuse le faisait trembler. Ilesh, l’apprenti de Dame Amaranthe.

— Bonjour, Madame, heu… bonsoir.

Ella sourit. Le gamin dansait d’un pied sur l’autre comme s’il venait de rencontrer une star. Cela tira un rictus attendrissant à la métallieuse alors même qu’une certaine gêne l’envahissait. Certes, elle appartenait par son mariage à une ancienne maison prestigieuse et son talent était reconnu de manière biaisée. Sans compter que le peu de personnes qui connaissant son travail savait qu’elle était un atout incroyable pour le nom des Michinski.

— Bonsoir Ilesh. Vous voulez renter ?

— Hein ? Heu non merci, madame. Dame Amaranthe m’a envoyé vers vous afin de vous remettre ceci.

Il lui tendit plusieurs paquets avec une enveloppe. Ma maîtresse souhaitait que vous restiez discrètes en ce qui concerne ces pièces. Elle les a sorties des archives à son nom pour « étude ». Il ne faudrait pas que l’on sache qu’elles sont chez vous.

— Entendu. Vous êtes sûrs que vous ne voulez pas monter.

Le jeune homme rougit, mais refuse une fois encore l’offre de la métallieuse. Son travail l’attendait. Et Ella ne douta pas une minute qu’il craignait de décevoir Dame Amaranthe. Il s’inclina respectueusement, puis détala à grandes enjambées. Elle le regarda s’éloigner, toucher par sa gentillesse. Alors qu’il tournait au coin d’une rue où brûlaient déjà les becs de gaz, elle eut l’impression de le voir bondir comme un cabri.

La maîtresse des archives lui avait fait livrer plusieurs automates de petite taille. Des exemplaires qui servaient de références aux métallecteurs. Trois appartements aux Michinski : un serpent à tête de bélier qui s’enroulait autour d’un arbre pour le patriarche César ; un cheval à queue de poisson pour l’aîné Athanase – qui avait toujours plus aimé les équidés que les métaux – et enfin un insecte composite pour Léonce. Cette pièce, Ella ne se souvint pas de l’avoir réalisée. Ses doigts calleux se posèrent sur les toutes petites plaques qui le composaient. Avec des animécas de cette taille, la lecture pouvait s’avérer difficile, car les phalanges ne suivaient pas les lignes aussi facilement que sur des automates de plus volumineux. Mais Ella était douée. Elle trouva très vite une ligne. À partir de celle-ci, elle parvint à remontrer tout le système d’énergie. Plusieurs failles ou points faibles apparurent à sa lecture malgré une réalisation de bonne qualité. Pas de doute, cet objet avait bel et bien été lié par Léonce. La date indiquait 1…. La métallieuse grimaça. Certes, elle détecta des défauts, mais le cadet Michinski confectionna cette pièce alors qu’il venait d’avoir quatorze ans. Une prouesse pour un enfant de son âge. Ella ignorait pourquoi son talent ne se développa pas plus. Un complexe vis-à-vis de son frère ? Un prodigue qui refusait d’exploiter ces capacités ? Une appréhension pour son père, jamais satisfait ? À quoi bon faire des efforts si jamais rien n’allait ? Ou une simple fainéantise de sa part après l’avoir épousé ? Elle, Ella Cham qui réalisait des pièces d’une grande finesse et d’une grande délicatesse. Les lignes et les points qu’elle traçait ne produisaient aucun accro. Ses compétences dans la mécanique et l’horlogerie lui permettaient d’animer des automates avec beaucoup de détails et de précisions. Et quoi de mieux qu’une épouse brillante et effacée pour bâtir une fausse réputation ? Un triste passé et beaucoup d’erreurs qui lui coûtaient encore cher aujourd’hui.

Outre ces derniers, elle en découvrit trois autres. Une boite magique pour apprenti métallieur de sa création : son dépôt aux archives. Ce drôle d’objet permettait aux jeunes métallecteurs de trouver le point de départ du système. Dès qu’il le détectait et l’activait par une délicate pression du doigt, le cube vrillait pour former un losange. Une petite réalisation toute simple, mais très efficace. Pour les deux autres automates, il n’y avait que des noms presque estompés sur les étiquettes.

La lettre d’accompagnement  :

Chère Ella,

Tu trouveras ici les résultats préliminaires de mes recherches concernant ton animéca insectoïde. Les archives de ta famille sont un bordel sans nom – et c’est moi qui dis ça ! Tu trouveras donc ci-joint la liste des personnes susceptibles d’avoir reçu tes créations. Léonce évoluait dans de nombreux cercles n’appartenant pas au Cénacle. Il lui arrivait d’offrir des pièces d’excellence – les tiennes, je suppose – aux membres de ces cercles. Il y a fort à parier que ton animéca faisait partie d’un lot particulier – une dizaine comme tu me l’as fait remarquer. Par contre, je n’ai pas encore identifié à quel cercle il les a donnés. Je poursuis mes investigations.

Tu trouveras aussi les dépôts de deux métallieurs exclus du cénacle pour « réalisations allant à l’encontre des règles du Cénacle ». Une sentence très sévère, surtout pour le prédécesseur d’Urbon de Castelfort. Je ne suis pas parvenue à savoir exactement pourquoi ils ont été bannis et interdit d’exercer. Ces documents sont dans un coffre. Or il faut deux clés. J’en possède une et notre cher Louis la seconde. Impossible pour moi, à l’heure actuelle, de faire une requête pour y avoir accès. J’espère trouver des informations par d’autre moyen. Je t’ai fourni leurs œuvres de dépôts, car leurs noms ont été à plusieurs reprises cités dans des écrits les rapprochant de certains cercles de Léonce Michinski.

Amitiés,

Amaranthe Faye

Ella jeta un coup d’œil au listing. Elle reconnut certains noms : des membres du Cénacle, des personnes approchant d’un certain âge. Certains étaient des métallieurs, d’autres lui étaient inconnus. Elle ignorait si tous appartenaient au Cénacle. Mais parmi eux, elle retrouva l’un des exclus. Au moins un point départ pour l’inspecteur Kerviller. Mais la nuit tombait et elle n’eut aucune envie d’aller faire envoyer un message.

Cela dit, quelque chose en lui la poussait à ne pas en rester là. Elle prit alors du temps pour examiner les automates fournis par Dame Amaranthe. Pas ceux de sa belle-famille. Pas la force de se replonger dans son passé. Elle sortit avec précaution la première réalisation d’un exclu. Une simple boite à musique. Ses doigts inspectèrent les lignes et points du révérenciel. Quelques nœuds par-ci par-là qui perturbait le cylindre audio, mais rien de particulier. Une création très correcte, assez banale.

Le second automate représentait une tête humaine sur un corps de lion. Un sphinx. Une variante de la boite à musique, puisqu’ici, pas de note, une énigme. Un jeu rigolo pour les enfants. Les rouages grippés empêchaient l’appareil de fonctionner. Pour le liage, rien d’anormal. Une belle réalisation.

Ella aurait bien voulu que Dame Amaranthe lui fournisse les adresses des membres du Cénacle présent dans la liste. Leur rentre une petite visite aurait pu être une première étape.

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