(Ce chapitre contient des TW. Je re-préviendrais au moment.)
Blue.
Il doit être midi lorsque mes paupières s'ouvrent enfin. Mon corps encore engourdi proteste doucement, comme s'il avait été arraché à un rêve profond. Ma main glisse à tâtons sur les draps et je remarque qu'Akira est parti. Depuis longtemps visiblement, à en juger par le silence et l'absence laissée sur le matelas refroidît.
Je m'assieds lentement au bord du lit, les jambes lourdes, les muscles endoloris, peut-être à cause de cette marche insensée d'hier soir... Cette errance inutile dans les rues, avec l'espoir ridicule et tenace de le revoir. Cet homme aux yeux d'ombre.
Des bribes de souvenirs remontent à la surface, plus claires à chaque battement de cœur.
D'abord, Akira, le plus doux de mes clients. Je me remémore son sourire franc, presque enfantin, sa voix calme, posée. Ses mains élégantes, son écoute attentive. Sa façon de me regarder, sans jugement.
Je revois nos masques abandonnés, négligemment posés sur le rebord de la fenêtre. Nos corps allongés côte à côte, si proches et pourtant, jamais entremêlés. Il m'a mise à l'aise dès les premières minutes, avec cette générosité tranquille qu'ont les hommes qui n'ont rien à prouver. Il ne m'a jamais rien demandé, pas même mon nom, avant que je le lui donne...
Puis après lui, Uzo, celui qui me touche de son âme... Je ne saurais dire pourquoi ni comment, mais cet homme laisse en moi une émotion indélébile, indescriptible, et ce depuis notre première rencontre.
Il s'est tenu là, immobile, dans l'ombre d'un vieux mur que le soir effleurait à peine. Il n'a ni salué ma beauté, ni tenté de me deviner ; ses yeux se sont simplement noyé dans les miens. Et dans cet instant suspendu, j'ai senti un vertige, comme si ma solitude tendait la main à la sienne.
Il ne m'a pas beaucoup parlé ni regardé, et pourtant, dans cette simple immobilité, j'ai eu l'impression qu'il me touchait plus profondément que quiconque n'avait jamais osé le faire...
Je m'éclipse rapidement de mes pensées et enfile une tenue de jour, faisant un tour rapide dans la pièce. Et c'est là que ça me revient. Quelques heures plutôt, alors que je dormais encore, Snow était entrée dans ma chambre me faisant une requête.
Elle m'avait réveillée en douceur ce matin-là, me demandant si un homme pouvait rentrer dans mes appartements, juste un instant. Il s'était sali en l'aidant pour une tâche importante, disait-elle, et elle lui avait promit qu'elle lui prêterait des vêtements — ceux d'un ancien client, mort depuis longtemps.
C'était urgent, avait-elle insisté. Et puis, surtout, elle avait appuyé sur le fait que ce soit un homme bon.
J'étais à moitié endormie et inconsciente sur le moment, alors sans vraiment y porter attention j'ai grogné quelque chose comme « Oui bien sûre » avant de replonger dans un sommeil profond.
Maintenant que j'y repense, c'est étrange. Quelle tâche ? Pourquoi ici ? Et pourquoi Snow aiderait-elle un inconnu ?
Je sors de ma chambre traversant les couloirs en silence. Le parfum des herbes écrasés flotte dans l'air. Quelqu'un prépare un remède. Je me guide alors vers les quartiers calmes, là où se reposent les plus fragiles d'entre nous.
Là où doit se trouver Flower.
Bingo.
Je retrouve cette dernière allongée sur un futon, le ventre gonflé et rond, les mains posées sur celui-ci avec une tendresse fatiguée. À ses côtés, Snow est assise les jambes croisées, concentrée, tenant un petit bol d'argile entre les mains. Son visage de bébé souffle tout doucement sur une mixture sombre et odorante.
— Tu es réveillée, dit-elle en me voyant. Madame Yi a fermée la maison aujourd'hui !
C'est donc pour ça que c'est aussi calme... Je me disais que c'était étrange de ne pas entendre ne serait-ce qu'un seul rire au salon.
Je m'avance vers Snow, son regard pétille d'une fierté mal dissimulée.
— Qu'est-ce que tu mijotes ? demandé-je doucement, intriguée.
— Un remède pour Flower, répond-elle aussitôt.
Je plisse les yeux, observant plus en détail la concoction. L'odeur est puissante, presque âcre et la plante visiblement d'un vert foncé s'étire étrangement sur du noir.
Ne me dites pas que...
Mon cœur se serre, mes sourcils se froncent sévèrement.
— Du Kuwai vert... Où as-tu trouvé ça ? je questionne, le ton plus dur que prévu.
Son petit corps se raidit soudainement et ses mains cessent tout mouvement. Elle sait. Elle sait parfaitement que je viens de la démasquer. Ses yeux cherchent par la suite les miens, pleins d'angoisse.
— Un... un marchand en vendait devant...
— Ne me mens pas, Snow ! lancé-je, plus fort que je ne l'aurais voulu.
Ses yeux brillent aussitôt et ses joues virent au cramoisi. Dans son lit, Flower gémit faiblement, j'ai parlé trop fort. Je me mords l'intérieur de la joue, mais je ne lâche pas.
— Dis-moi la vérité. Où es-tu allée chercher cette plante ?
Elle hésite. Ses petits doigts tremblants frottent nerveusement le bord du bol. Puis, enfin, sa voix se brise dans un souffle :
— Dans le lac du parc... au quartier nord.
Je me fige complètement et j'ai l'impression de sentir mon corps sur liquéfier sur place. Le silence entre nous devient brutal. Mon regard s'assombrit.
— Tu es allée au centre du lac ? dis-je d'une voix basse et tendue.
Elle hoche la tête nerveusement.
Mon ventre se noue.
Le Kuwai vert est effectivement une plante médicinale puissante, utilisée depuis des lustres pour apaiser les douleurs des femmes enceintes. Mais elle pousse au cœur des lacs, là où l'eau est profonde comme les gouffres de l'océan... Et malheureusement, plus de la moitié du peuple ne sait pas nager causant des morts par noyade inutile.
Je ne veux pas que Snow finisse comme Sunny.
— Snow... je souffle plus doucement. Dis moi la vérité. Tu t'es noyé, n'est-ce-pas ?
Elle baisse la tête, honteuse, puis murmure :
— L'eau m'a tirée d'un seul coup vers le fond. J'arrivais pas à remonter. J'ai cru... j'ai cru qu'un esprit maléfique me tirait par le pied...
Un frisson glacé me parcourt l'échine. J'ai vu la mort de près trop souvent pour prendre cela à la légère. Je ferme un instant les yeux, luttant contre les images que ses mots ravivent en moi.
— Qui t'a sortie de là ? je questionne à mi-voix.
Elle relève les yeux vers moi. Dans son regard, je sens de l'appréhension, du doute et de la crainte... Toutes ces expressions envers moi me déchire le cœur car je ne veux pas l'effrayer, juste lui faire comprendre que la vie est précieuse et qu'elle mérite de vivre encore longtemps, pour la savourer comme il se doit.
Si cet homme n'aurait jamais croisé son chemin, ou si encore, il serait arrivé trois secondes trop tard... ma petite Snow ne serait pas en face de moi.
—La personne qui m'a sauvé c'est... c'est l'homme qui s'est changé dans ta chambre ce matin.
Je retiens un souffle. C'était donc pour ça...
Et dire que je ne m'en étais même pas rendu compte, que son petit corps était trempé de la tête au pied en face de moi.
J'ai honte de ma personne.
— Il m'a sauvé sans hésiter, dit-elle, la voix tremblante d'émotion. Et après... il est retourné dans l'eau pour m'apporter d'autres bouquets d'herbes en plus.
Elle me détaille ensuite tout, de A à Z.
Et plus elle m'en raconte sur sa matinée et sur sa rencontre avec cet homme, plus je ne cesse de penser qu'il doit être bienveillant pour avoir fait tout ça.
— Tu pourrais me le décrire, dis-je en m'asseyant à côté d'elle, Flower endormi à nos côtés.
Elle cligne des yeux, puis s'emballe, mimant avec ses bras :
— Il est immense Blue, c'est la première fois que je vois quelqu'un d'aussi grand ! Il a les cheveux noirs, pas très longs, mais pas trop courts non plus, tu vois ? Il a des petites cicatrices sur les joues et les yeux très bienveillants !
— Et comment s'appelle-t-il ?
Elle plisse les yeux, perdue dans ses pensées. Une longue pause s'installe, comme si elle cherchait à remonter le fil de sa mémoire. Ses sourcils se froncent, son nez se plisse légèrement et une succession de petites moues traversent son visage, tantôt agacée, tantôt confuse.
— Eh bien... je crois que j'ai oublié, désolée Blue.
Je laisse échapper un rire, le regard amusé.
— Ce n'est rien ma chérie... Allez viens là.
Elle ne se fait pas prier et se jette contre moi, ses bras m'enlaçant comme si elle cherchait une source de chaleur. Mes mains tremblent légèrement en la serrant à mon tour. Je me penche à son oreille, ma voix plus douce.
— Pardon pour tout à l'heure, je n'aurais pas dû m'emporter.
Elle relève la tête, me regardant longuement avant de la reposer contre ma poitrine.
— Pardon aussi de t'avoir menti...
Il a été annoncé un lancer de lanternes ce soir en ville. Et étant donné que la maison est fermé aujourd'hui, quelques filles, Snow et moi en profitons pour aller nous balader. Certaines femmes ont décliné l'invitation prétextant que les lanternes seront bien plus belles vues depuis nos balcons. En réalité, je crois surtout qu'elles veulent simplement savourer un peu de repos ; pour une fois que nous en avons.
Les autres et moi sortons l'après-midi au crépuscule, profitant de l'agitation qui précède l'événement. Blue tient les mains de deux autres filles qu'elle apprécie très particulièrement, puis quelques fois les lâches pour se faufiler entre nous toutes.
L'air est chargé par l'odeur sucrée des gâteaux et des épices occidentales. Ma bourse bien remplie nous donne le luxe de flâner, de goûter à tout ce qui nous fait envie. Nous nous installons sur la grande place pour pouvoir mieux observer et lancer nos lanternes.
Cependant, à quelques mètres de là, un stand attire mon regard. Il y vend des bougies visiblement.
— Les filles, je reviens ! Je vais acheter quelque chose là-bas, dis-je en pointant le stand du doigt.
Elles me hochent toutes de la tête et reprennent leurs activités. Je me faufile alors à travers la foule et parviens à arriver à ma destination. Effectivement les bougies sont magnifiques, gravées, teintées, personnalisées à la main.
(La scène qui suit contient des TW ! )
J'en remarque une qui me plaît particulièrement, mais à peine ai-je tendu la main vers celle-ci, qu'un groupe de trois hommes me devance brutalement.
Je relève les yeux vers eux, furieuse, prête à en découdre. Mais mon sang se refroidît aussitôt quand je croise leurs regards. Je crois que la ville m'avait fait oublié quelques instants à quel point les hommes sont effrayants.
Un se rapproche de moi, se penche et me sent.
— C'est qu'elle sent bon la petite poupée, marmonne-t-il, un sourire vicieux plaqué aux lèvres.
Je tente de le contourner. Mais l'un d'eux me bloque la route, me dévisageant de bas en haut.
— Eh, t'as de l'argent, pas vrai ?
La voix est huileuse, moqueuse, glisse sur ma peau comme un poison visqueux. J'essaie du mieux que je peux de ne pas paniquer, mais mes jambes flanchent légèrement. L'angoisse me serre la gorge.
J'ai beau avoir appris à sourire, à séduire, à fuir ; la peur elle, revient toujours... et les hommes eux, restent les mêmes.
— Laissez-moi passer, dis-je, sèchement, sans trembler.
Mais ils rient. Des rires gras et bêtes, en écho à toutes les fois où le monde a fermé les yeux sur ces comportements.
Puis le troisième type me saisit brutalement les poignets et me tire vers lui avec une facilité déconcertante, nous emmenant loin du stand de bougies.
— T'en fais pas ma jolie, on veut juste rigoler un peu...
Sa poigne se resserre et je sens ma peau chauffer sous la pression. Mon cœur cogne dans ma poitrine, paniqué. Ma gorge s'assèche.
— Lâche-moi, sale chien ! je crie soudainement.
Mais ma voix se noie dans le vacarme de la foule. Les passants rient entre eux, marchandent, ignorent. Personne ne s'arrête, personne ne voit.
Ou plutôt, tout le monde détourne les yeux.
L'un des premiers hommes s'approchent, tandis que son collègue me maintient toujours par les poignets. Son haleine putride me frappe au visage de plein fouet et je sens glisser une main sous mes vêtements... Celle-ci vient agripper mon sein droit avec violence
Je hurle, me débats, bouge dans tout les sens...mais ses doigts remontent déjà sous ma jupe. Je sens sa main effleurer l'entrejambe de mon corps, juste au-dessus du tissu. Je frissonne et resserre mes cuisses entre elles pour protéger le peu qu'il me reste.
Juste un tissu. C'est tout ce qui nous sépare, lui et moi.
— Ne me touche pas connard ! je crache, les yeux pleins de larmes et de rage.
J'essaie de lutter contre eux du mieux que je peux mais la réalité me rattrape bien vite quand je vois leurs bosses grossir à travers le tissu de leurs shorts et pantalons.
Je ne fais pas le poids, il faut se rendre à l'évidence...
Jamais je ne pourrais gagner contre eux, ils sont trois. Trois montagnes contre un seul souffle.
Je me débats, oui, mais je sais déjà que je perds. Je réalise que je n'ai jamais eu, ne serait-ce qu'une seule chance depuis le départ.
Je ferme les yeux, remplis de larmes lorsque je sens son doigt tirer du côté mon sous-vêtement, laissant à découvert mon intimité...
Je vais me mourir aujourd'hui, c'est sûre...
Mais soudain, alors que l'homme eut le temps de pénétrer trois doigts en moi, un bruit sec — une claque de chair contre chair frappe dans l'air. Mes agresseurs sont violemment arrachés à moi et je sens leurs mains sur mon corps se volatiliser.
Je tombe à terre, brutalement. Un cri étouffé de douleur s'échappe de mes lèvres. Mon épaule cogne massivement le sol et ma jupe est relevée, encore froissée autour de mes cuisses.
Je tousse, la tête au sol, respirant de nouveau. J'essaie de me calmer, puis de comprendre ce qu'il vient de se passer.
Avec ma vision périphérique, je vois une silhouette se faire projeter, comme balayée par une tempête. Un deuxième homme se jette sur lui mais d'un mouvement sec, la personne l'intercepte en l'attrapant par le cou avant de le propulser à trois mètres plus loin, lui faisant rejoindre son collègue.
Le dernier recule à mains levées.
— J'veux pas d'histoires moi, j'me casse ! dit-il avant de détaler comme un chien.
Je relève alors les yeux vers l'inconnu qui se précipite vers moi. Et lorsque nos regards se croisent, je le vois, je le reconnais de nouveau...
Comme si le hasard se foutait de moi, j'ai devant mes yeux, baigné par la lumière dorée du crépuscule, l'homme des rues.
L'homme d'hier.
Uzo.
Je n'arrive pas à croire qu'il soit là, réellement là. Réel, incroyablement réel, juste en face de moi.
Mes lèvres s'entrouvrent, mes yeux s'humidifient de nouveau. Un son indescriptible sort de ma bouche — je crois que je voulais dire « merci ».
Merci car, tu es le seul à avoir réagit...
Mais sans que je n'ai le temps de le réaliser, il attrape soudainement ma main nous éloignant de cet endroit chargé de mauvaises ondes. Sa poigne réchauffe mes mains, les rendant extrêmement moites...
Je le suis sans réfléchir, sans poser une seule question, sans me retourner une seule fois pour essayer d'apercevoir mes amies qui m'attisent. Il ne se retourne pas non plus, marchant droit devant lui, d'un pas vif mais calme comme s'il connaissait ce chemin depuis toujours.
Nous quittons finalement la foule, le tumulte. Ses pas nous mènent jusqu'au sommet de la plus haute ruelle de la ville. Un endroit où l'on aperçoit absolument tout du train-train de la capitale, un endroit éloigné de tout, un quartier si calme que l'ont oublie son existence.
Le vent se cogne à nos vêtements, et au-dessus de nous, le ciel est un mélange d'or fondu et de bleu en cendres.
Il s'arrête enfin.
Je le regarde, essoufflée. Non à cause de la course, mais de ce que je viens de vivre, de ce que je ressens. Mon cœur bat si vite que je l'entend frapper contre ma cage thoracique.
Puis il me fait face, enfin ses yeux rencontrent les miens. Ils sont d'une expression que je n'arrive même pas à exprimer. Une émotion inexplicable figé sur un visage impassible.
— Je t'avais dit hier... que les rues n'étaient pas tendres avec les femmes, murmure-t-il.
Sa voix résonne en moi, elle n'est ni un reproche, ni une leçon, juste un constat presque une inquiétude. Il relâche ma main avec une lenteur délicate comme s'il craignait de briser quelque chose de fragile.
Il pose par la suite ses deux mains sur ses hanches et me regarde, espérant sûrement que je prononce quelque chose ou n'importe quoi.
Je m'apprête à parler, mais une douleur vive sur mon bras gauche m'arrache les mots. Mon regard se baisse instinctivement, et là, je la vois : une belle éraflure. Profonde c'est vrai, mais rien de vital pour autant, juste assez douloureuse pour me rappeler que tout ce qui vient de se passer est bien réel.
Je repense alors aux trois doigts dans mon vagin, à cette main sur ma poitrine... Je n'arrive pas complètement à réaliser que je viens de me faire agresser, tout est allé si vite...
Cependant, Uzo me tire de ces pensées en s'approchant de moi et en prenant mon bras. Il l'analyse brièvement avant d'arracher un bout de son vêtement pour l'enrouler sur ma plaie. Il presse le tissu contre ma peau avec une tendresse qui me coupe le souffle — encore une fois.
— Putain... ces enfoirés ne t'ont pas raté, dit-il en lâchant mon bras une fois le bandage finit. Pardon d'être arrivé aussi tard Sana.
Sana.
En l'espace d'une seconde je regrette de lui avoir menti à propos de mon identité car, à cet instant j'aurais tellement aimé qu'il prononce mon nom : Blue.
Mais je n'ose tout de même pas répondre. Je crois qu'il n'a pas idée de combien je lui reconnaissante d'avoir osé riposter face à ces hommes. Je sens enfin mes muscles se relâcher, juste assez pour laisser passer une larme de soupir.
— Merci... soufflé-je. Merci d'être venue m'aider, merci pour... pour... dis-je en en cherchant mes mots tandis qu'une rivière d'eau déferle sur mes joues.
Son visage s'adoucit. Il doit avoir pitié de moi après tout ça... Mais contre toute attente, il me tend encore la main.
Encore oui, encore.
J'en viens même à me demander quel est le souci de cet homme pour offrir sa gentillesse sans ne rien attendre en retour.
D'abord le sauvetage, le bandage, puis cette compassion qui me réchauffe tellement le cœur que je le sens brûlé à l'intérieur de moi.
— Viens, dit-il, avec un sourire que je n'avais encore jamais vu ailleurs. Je connais un bel endroit où l'on pourra voir les lanternes.
Et, sans même y réfléchir, perdue entre ce qu'il est et ce que je ressens, je glisse sans hésiter ma paume contre la sienne.
— D'accord, prononçais-je en lui rendant un sourire sans même m'en apercevoir.