Ren.
Akira n'a que son nom à la bouche.
— Tu trouves pas ça intrigant ?
Bon sang, qu'il est incorrigible.
— Pas le moins du monde, dis-je en esquivant d'un pas de côté.
Dans la cour arrière, sous un soleil de plomb, nous croisons le fer... et le bois.
Engagé dans un entraînement qui, en réalité n'en est pas un, je ne fais qu'esquiver tandis que le prince s'acharne avec une ferveur presque enfantine. Il frappe avec conviction, mais sans réelle précision.
— Je suis certain que tu réussirais enfin à me toucher si tu arrêtais de divaguer sur cette Blue, lancé-je en faisant tournoyer mon épée de bois avant de la rengainer à ma ceinture.
Il sourit, un peu vexé.
— Je ne suis pas distrait ! proteste-t-il en portant un coup plus vif et sérieux.
D'un mouvement souple, je me dérobe à son assaut. Ses pas sont pressés, maladroits. Il cherche à me surpasser en vitesse, alors qu'il n'a pas encore la maîtrise du rythme.
— Altesse, si vous voulez progresser, il va falloir apprendre à réfléchir avant d'agir.
La remarque le pique au vif, il serre la mâchoire et redouble d'efforts. Ses frappes sont plus hargneuses, mais toujours aussi prévisibles.
Le prince mise tout sur sa taille, son allonge, pensant qu'un duel ne se résume qu'à croiser les lames.
Erreur.
Je feinte à gauche puis m'efface à droite et d'un mouvement sec, je balaie son tibia avant d'enchaîner avec un coup de pied contrôlé dans les côtes.
Son souffle se coupe net.
Ses doigts se crispent et son épée de fer lui échappe. D'un geste fluide, je l'intercepte dans les airs avant de la pointer droit sur lui.
Akira s'effondre lourdement dans la poussière, un grognement rauque lui échappant. L'impact a soulevé un nuage de terre autour de lui, comme pour marquer sa défaite.
Honnêtement, je n'ai mis que cinq pourcent de ma force.
Il me lance un regard noir et se relève.
Sa tête de gland me fait marrer.
— Ça fait mal hein ? Dis-je moqueur.
Akira époussette sa tunique d'un geste brusque, sans pour autant me quitter des yeux. Il ne dit rien, mais je vois bien la tension crispée sur son visage. Ce n'est pas de la colère mais plutôt de la frustration.
Il déteste perdre.
Surtout contre moi.
— C'est la troisième fois cette semaine, râle-t-il en tendant la main, attendant que je lui rende son épée.
— Quatrième, corrigé-je en la déposant dans sa paume.
Il secoue la tête avec un sourire amer, relève une énième fois son arme et me désigne du menton.
— Une dernière.
Je souffle, lasse, puis lève un sourcil.
— Et après ? Tu voudras encore une dernière, puis une autre, jusqu'à ce que la lune remplace le soleil ?
— Tu n'as rien de mieux à faire aujourd'hui.
Là-dessus, il n'a pas tort.
Je soupire, dégaine mon épée de bois et prends ma garde. Akira fonce aussitôt. Il est prévisible, mais cette fois, je sens qu'il cherche à me surprendre.
Son fer fuse en diagonale, une attaque ample qui me forcerait normalement à reculer, mais mon bois le bloque sans effort. Nos armes inégales se croisent dans un claquement sec.
Il ne me laisse aucun répit et enchaîne aussitôt. Une frappe latérale, puis une feinte, puis une autre. Il est bien plus patient que d'habitude, bien plus concentré.
Pas mal pour un prince.
Je dévie son attaque et me glisse dans son espace, prêt à lui faire perdre l'équilibre une nouvelle fois, mais contre toute attente, il anticipe et bondit en arrière avant que ma jambe ne le touche.
Intéressant.
— Enfin, nous y sommes, soufflé-je avec un large sourire.
— Ne me prend pas pour un faiblard !
Il tente une attaque verticale.
Trop risqué.
Trop osé.
J'esquive d'un demi-pas et aperçoit une ouverture, puis d'une facilité déconcertante, je le désarme d'un mouvement sec et dans la même seconde, je viens poser les pointes de bois et de fer devant sa poitrine.
— Mort.
Akira pousse un profond soupir, baisse les bras et laisse retomber sa tête en arrière.
— Tu es insupportable.
— Et toi, tu es trop pressé de gagner.
Il relève les yeux vers moi et un sourire malicieux vient adoucir la frustration sur ses traits.
— Un jour Ren, c'est moi qui te ferai mordre la poussière.
Je hausse les épaules, indifférent.
— Je t'attends.
Un court silence s'installe, puis, encore haletant il tourne légèrement la tête vers moi, comme s'il hésitait à parler.
— Et si on allait la voir ?
Je fronce les sourcils.
— Qui donc ?
— Blue, renchérît-il comme si son prénom était une évidence.
Je ferme brièvement les yeux, exaspéré.
— Akira...
— Juste une fois. Je veux juste voir à quoi elle ressemble !
Je le scrute un instant, son regard est déterminé, mais il n'a plus l'excitation naïve de tout à l'heure.
Il veut vraiment savoir.
Je soupire et passe une main dans mes cheveux.
— Très bien, juste une fois.
Un sourire satisfait illumine son visage.
— Mais si elle se révèle être aussi insignifiante que je le pense, tu ne m'en reparles plus, dis-je plus sévère.
— Promis Ren !
Et mince.
Je sens déjà que je vais regretter cette idée.