La proposition du ministre n'arrêtait pas de revenir dans la tête de Max. C'était vrai que si elle n'avait pas eu cette relation avec Garence et qu'on lui avait proposé ce poste, elle aurait accepté sans hésiter.
Elle repensait à cette formation qu’elle avait animée il y a quelques années, une séance avec une nouvelle recrue. Le jeune homme avait du potentiel, mais son coup de pied était mal équilibré. Max s’était approchée calmement, avait corrigé sa posture d’un geste de la main sur son bassin, et avait murmuré :
— La puissance ne sert à rien si elle te déséquilibre. Trouve ton centre.
Le regard impressionné du jeune agent et son hochement de tête convaincu avaient fait naître un léger sourire sur les lèvres de Max. Elle savait qu’elle pouvait transmettre et surtout qu’elle aimait ça.
Cela faisait deux heures qu'elle s'entraînait sous les yeux de Garence, son cerveau pesant le pour et le contre de la décision qu'elle devait prendre. C'était un honneur d'avoir une telle proposition professionnelle. Elle formerait l'élite des gardes du corps tout en ayant un poste fixe au sein de la résidence d’un ministre. Plus de missions à haut risque, un poste gradé, des horaires de vie plus stables.
Puis son regard s'était posé sur la jeune femme, et alors elle s’était mise à penser à d’autres aspects qu’elle n’avait pas encore imaginés.
— Tu penses à quoi ? lui demanda Garence.
— À tout ce qu’on pourrait construire.
La jeune femme la regarda alors avec un air interrogateur.
— Vivre ensemble, grandir ensemble, créer une famille, être heureuses.
— Quel que soit ton choix, tu sais que tout ça est possible ?
— Vraiment ? lui rétorqua Max en s’approchant de Garence.
Celle-ci se mit à reculer, un air dégoûté :
— Si tu comptes venir te coller à moi en sueur, tu te trompes. J’ai pris ma douche, je sens très bon, moi !
— Excusez-moi, votre altesse, jamais je n’oserais.
Max s’avança vers la sortie, prétextant aller se laver, puis se retourna brusquement avant de se coller contre Garence.
— Je crois que toi aussi tu dois aller à la douche ! dit-elle en rigolant.
Elles se mirent à rire ensemble avant de se retrouver sous la douche. Et après ce doux moment d’intimité, où leurs corps se retrouvèrent l’un contre l’autre, où leurs mains effleurèrent leurs dos, leurs hanches, leurs nuques, leurs seins… où leurs lèvres se touchèrent, immortalisant ce moment de doux et langoureux baisers, Max comprit enfin. C’était ça qu’elle voulait le plus au monde. Ces moments de complicité, de douceur et d’amour avec la personne qu’elle aimait. Et la seule façon de l’obtenir était d’accepter la proposition du ministre. Mais avant tout, elle devait s’assurer que la sécurité de Garence n’était plus en danger.
L’après-midi, Max se retrouva seule dans la salle de surveillance attenante au bureau. Elle consultait les rapports des derniers jours, les relevés d’accès, les horaires des patrouilles. Un détail attira son attention.
— Deux passages, même badge, à moins de trois minutes d’écart…
Elle fronça les sourcils. Le badge en question était censé appartenir à un agent posté à l’extérieur. Elle vérifia la signature audio enregistrée lors des passages : une infime variation de tonalité.
Pas suffisant pour déclencher une alerte. Mais trop étrange pour être ignoré.
Elle composa le numéro de Thomas.
— Thomas, j’ai repéré une anomalie dans les accès. Rien d’officiel pour l’instant, mais quelque chose cloche.
— Tu penses à un badge cloné ?
— Peut-être. Ou un accès simulé. J’ai besoin de creuser.
— Très bien. Ne fais rien pour l’instant. Continue à observer. On agit si ça se confirme. Mais fais attention, Max. Si c’est bien ce que tu crains, on est peut-être déjà surveillés.
Max hocha la tête, même si Thomas ne pouvait pas la voir. Son instinct lui criait que quelque chose n’allait pas. Et elle avait appris à l’écouter.
Son téléphone se mit à sonner. Elle bondit du bureau en voyant le prénom de Garence s’afficher à l’écran. Un message : “Retrouve-moi dans l’aile est.”
Elle ne savait pas quel sentiment dominait : l’angoisse que Garence soit en danger, ou l’excitation de la retrouver. Elle traversa rapidement la résidence et se retrouva devant la porte d’un appartement de fonction.
— Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi on est là ?
— Tout va bien, répondit Garence. Elle fit un geste au garde que Max lui avait assigné pendant qu’elle consultait les dossiers. Max le salua d’un signe bref. Une fois le garde parti, Garence s’approcha tendrement de Max et glissa sa main dans la sienne.
— Ce matin pendant ta séance de sport, tu as parlé de notre futur ?
Max hocha la tête. Elle n’avait pas encore donné sa décision au ministre, alors elle ne comprenait pas tout à fait où Garence voulait en venir.
— J’ai parlé à papa. Je lui ai dit que tu réfléchissais sérieusement à son offre. Mais je lui ai aussi dit que, quelle que soit ta décision, moi aussi j’en avais pris une. Je veux vivre ces moments comme ce matin sous la douche, ou comme cette soirée sur la banquette dans cette planque, aussi longtemps que possible.
— Moi aussi, je veux… commença Max, avant que Garence ne l’embrasse pour l’empêcher de parler.
— Non. Toi tu te tais et tu écoutes.
Max hocha la tête.
— Alors voilà... Margot, veux-tu vivre avec moi ?
Elle poussa la porte de l’appartement, dévoilant un salon parfaitement arrangé, donnant sur une petite terrasse. Garence la prit par la main et l’entraîna à l’intérieur. Elle scrutait les moindres mouvements de son visage pour deviner sa réaction. Quelques secondes passèrent, Max restait muette. Prise d’impatience, Garence demanda d’un ton un peu sec :
— Surtout, prends ton temps pour répondre.
— Oh ! Pardon, je croyais que je devais me taire… répondit Max sur un ton humoristique.
En réalité, si elle n’avait pas encore répondu, c’était à cause de la surprise. Celle de voir à quel point Garence tenait à elle. Et de son côté, Garence commençait à se demander si Max l’aimait assez pour cette étape.
— On vit pratiquement ensemble depuis que tu me protèges et… je veux dire qu’on a déjà… enfin tu vois… on a…
— Non, je vois pas, répondit Max, un sourire taquin sur les lèvres.
Même si voir cette sublime femme galérer à exprimer ce qu’elle voulait dire l’amusait, Max mit fin à son calvaire.
— Il manque une chose, fit-elle en la prenant dans ses bras.
— Quoi donc ?
— Notre premier rencard.
Garence ferma les yeux contre le torse de Max, soulagée par sa réponse. Puis elle leva les yeux vers elle et demanda :
— Attends, ça veut dire oui ?
— Oui, ça veut dire oui. Par contre, faudra que tu m’expliques comment tu as fait pour que ton père accepte qu’on emménage dans cet appartement.
— En réalité, dit Garence un peu gênée, c’est le logement de fonction qui va avec le poste qu’il t’a proposé...
Max la serra dans ses bras en riant.
— Alors c’est une chance que je l’aie accepté, ce poste.