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Hikana
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CHAPITRE DIX

SUN

Au moment oĂč je me rĂ©veille, la petite veilleuse en forme de pomme, posĂ©e sur l'une des tables du restaurant, est allumĂ©e. Je tourne lentement le regard vers l’horloge noire, de style vintage, accrochĂ©e au mur prĂšs du bar Ă  cocktails. Elle m’indique que je me suis sortie de mon sommeil beaucoup trop tĂŽt. Je suis habituĂ©e Ă  ce que le rĂ©veil sonne sur les coups de six heures. LĂ , il n’est que quatre heures.

Brusquement, quand j’essaie de me redresser du canapĂ© rĂ©servĂ© de la clientĂšle, une voix rĂ©sonne et me fait sursauter.

— Bonjour Sun !

Je jette une Ɠillade sur ma droite et dĂ©couvre Jack en train de prĂ©parer le petit-dĂ©jeuner. Contrairement Ă  moi, qui porte une main sur mon cƓur pour calmer les palpitations accĂ©lĂ©rĂ©es par le timbre sonore rauque de mon beau-pĂšre.

— Bonjour, papa.

Je m’appuie sur l’accoudoir pour me relever du divan d’une main. D’un geste, je prends la couverture polaire et la plie avant de la ranger dans le petit cagibi. AprĂšs, je retourne sur mes pas et m’installe Ă  la table, oĂč Jack a posĂ© la cafetiĂšre chaude sur le dessous de plat.

— Bien dormi, ma puce ? me lance Jack en me donnant un baiser sur la joue.

— À part le cauchemar que j’ai fait sur Andrew, qui m’a rĂ©veillĂ©. Sinon oui, j’ai bien dormi.

J’ai rĂȘvĂ© qu’Andrew, en apprenant le contrat que j’avais signĂ© avec Angelo Suan, m’avait lĂąchĂ©e au fin fond d’une jungle inconnue, entourĂ©e d’alligators prĂȘts Ă  me bouffer. Lui, au loin, me faisait signe en souriant avant de se tirer.

C’est exactement comme ça que je vois Andrew, si tu oses te mettre sur son chemin sans y avoir Ă©tĂ© invitĂ©.

Lui et moi, on est trop différents. Je suis du genre à encaisser, mais quand le revers du bùton arrive, si tu te le prends en pleine face et tu verras que ça fait super mal. Lui, par contre, il est plutÎt du genre à gueuler sans vraiment se battre.

Le coude sur la table, la paume posĂ©e contre ma joue, je jette un coup d’Ɠil rapide aux messages que j’ai reçus sur mon portable. Rien de bien intĂ©ressant, sauf celui d’Adam, qui vient d’apparaĂźtre dans les notifications :

[Ma petite Sun veut ma mort

maintenant ! Je viens te chercher

mĂȘme si c’était le dernier jour

de ma vie Ă  ĂȘtre Ă  tes cĂŽtĂ©s. A]

En lisant les conneries d’Adam, un rire s’échappe du coin des lĂšvres, tandis que je savoure tranquillement la premiĂšre gorgĂ©e de mon cafĂ© lattĂ©.

On verra bien ce que Jagger fera ou ne fera pas Ă  l’université !

« Fortnight » Ă  fond dans les Ă©couteurs, j’applique la derniĂšre couche de rouge Ă  lĂšvres mauve brun clair sur mes lĂšvres rosĂ©es, et je referme le bouchon du tube.

Ensuite, j’extirpe la bombe de spray fixateur Infaillible de L’OrĂ©al Paris, laissĂ©e sur l’étagĂšre de la salle de bain, pour fixer le lĂ©ger voile de maquillage sur mon visage.

Un dernier regard dans le miroir, avant que le klaxon d’une caisse ne me signale que mon meilleur ami est arrivĂ©.

Je descends en trombe dans les escaliers, arrache au passage ma veste en jean du porte-manteau.

Comme toujours, en plein vol, je rattrape le sachet de pancakes que Jack a préparé plus tÎt, encore tiÚde.

— Merci, papa.

— Ravi que tu sois revenue à la maison.

Toi aussi, tu m’avais manquĂ©, papa !

ArrivĂ©e Ă  la fac, je sors mon tĂ©lĂ©phone de ma poche et consulte mon nouvel emploi du temps, modifiĂ© par l’universitĂ©. En premiĂšre heure, au lieu d’avoir Introduction Ă  la thĂ©orie des graphes, le cours a Ă©tĂ© remplacĂ© par Ice Hockey.

Lorsque je lis le planning, je saisis vite que la majorité de mes cours vont se dérouler sur cette fichue glace. Les autres Stars, ils sont aussi nuls que ça ?

Adam jette un Ɠil sur mon tĂ©lĂ©phone, mais je l’incline discrĂštement pour qu’il ne voie pas ce que je fais.

— Tu me caches des choses ? me demande-t-il, l’air intriguĂ©.

— Si je te le dis, je suis fichue, rĂ©ponds-je.

Adam soupire et lĂšve les yeux au ciel.

— Je me demande qui est le plus bizarre aujourd’hui, Jagger ou toi ?

— Moi, j’ai mes raisons. Lui, Ă  part me faire passer pour une salope auprĂšs des cheerleaders ou de son Ă©quipe, il n’a aucune raison valable.

— Jagger croit que nous sortons ensemble, tu verrais les jolis messages qu’il m’adresse. Dommage que ce mec soit mon frĂšre, sinon je l’aurais dĂ©jĂ  reniĂ©.

On sĂšme ce que l’on rĂ©colte !

Alors que nous sortons de la voiture, je remarque aussitĂŽt des pas prĂ©cipitĂ©s s’approcher de nous. J’ai Ă  peine le temps de rĂ©cupĂ©rer mon sac sur la banquette arriĂšre que je vois Bethany et sa clique nous encercler.

Qu’est-ce qu’elle me veut encore, celle-là ?

   Je peux lire tout son dĂ©goĂ»t, rien qu’en voyant son visage marquĂ© par la laideur de son Ăąme.

— Hier, je t’ai dit quoi ? Que Jagger Ă©tait Ă  moi, non ?

— Oui, et ? rĂ©pliquĂ©-je.

— Alors pourquoi tu es rentrĂ©e chez lui, hier soir ? me crache-t-elle.

Elle espionne mes moindres faits et gestes ou quoi ?

Soudain, je me souviens des infos qu’Angelo Suan a rĂ©cupĂ©rĂ©es de la famille Smith, celle de Bethany. Elle ferait bien de rester discrĂšte.

— Ce n’est pas chez lui. Et puis, s’il n’est pas content, tu lui diras qu’il retourne à Londres.

— Tu sais pas qui est la famille Sullivan, toi ! T’es plus bas que ça, alors joue pas trop avec moi ni avec eux, Sun.

J’éclate de rire :

— Tu parles de cette famille qui n’arrive mĂȘme pas Ă  avoir un seul accord ni contrat avec les Suan, alors que moi, j’ai rĂ©ussi Ă  en un avoir pour Andrew ?

— ArrĂȘte de faire ta grande, tu ne les connais mĂȘme pas ! Tu as juste peur que les gens voient que tu es une voleuse, dit-elle en reprenant, tu t’inventes une vie avec la famille, la plus riche du monde !

Mes poings se serrent violemment. Je m'approche d'elle pour lui en décoller une, mais Adam me retient et me protÚge comme toujours.

— Justement, Bethany ! Ne joue pas trop avec Sun car c'est la fille d'Andrew.

Face Ă  la rĂ©vĂ©lation d'Adam, toutes les nanas restent scotchĂ©es Ă  ses mots, comme si c’était une Ă©norme surprise d’apprendre que Sun Miller est la fille d’un multimilliardaire. Pourtant, je ne porte pas de sac HermĂšs ou Bottega Veneta Ă  mon bras, ni des vĂȘtements ultra-chic et hors de prix. Je suis une personne trĂšs simple.

— De toute façon, j’en ai assez. Quand on vient d’une mĂšre prostituĂ©e et d’un pĂšre alcoolique en taule, on devrait apprendre Ă  faire profil bas, rĂ©torquĂ©-je avant de les laisser en plan pour aller Ă  la patinoire.

*

* *

D’une main absente, j’ouvre la porte de la patinoire et entre pour dĂ©couvrir ma nouvelle Ă©quipe. Mais Ă  la place, des Ă©clats de voix rĂ©sonnent dans la grande piĂšce froide.

En bas des tribunes, je remarque que les deux Ă©quipes rivales sont en train de s’engueuler pour savoir laquelle aura le droit de s’entraĂźner sur la glace.

Les Warriors se croient plus puissants parce qu’ils ont un coach qui a dĂ©jĂ  bossĂ© en pro dans ce sport. Les Stars, eux, sont mis de cĂŽtĂ© Ă  cause de leur manque de perfection.

Pourtant, c’est normalement aux Stars d’avoir le centre sportif aujourd’hui.

Sauf que les Warriors contestent cette rĂšgle imposĂ©e par le proviseur en dĂ©but d’annĂ©e, censĂ©e dĂ©partager les deux bandes.

Mais comment espùrent-ils gagner des matchs, si on les prive ?

Je me fraie un chemin entre les siĂšges pliables installĂ©s sur les gradins, puis descends les escaliers de la tribune pour rejoindre les Stars, reconnaissables Ă  leur maillot blanc et bleu Ă  l’inverse de celui des Warriors, rouge et noir.

DĂšs que j’arrive en bas, une grimace orne mes lĂšvres. Un sourcil levĂ©, j’aperçois l’un des Stars Ă©tendu sur la glace, dominĂ© par un adversaire qui plante fermement son pied sur ses cĂŽtes, tel un trophĂ©e.

— DĂ©gage tes sales pattes de mon coĂ©quipier ! hurle la seule fille des stars en s’emparant de sa crosse.

Pour calmer le jeu entre les deux, je passe par-dessus de la rambarde pour atterrir sur la glace sans avoir mes nouveaux patins Ă  mes pieds.

— Voleuse de Princeton ? Tu peux sortir d’ici avant que toi aussi tu te prends un coup de crosse ! me dĂ©clare un Warrior.

Je roule des yeux au ciel.

— Vas-y aprùs viens pas pleurer que tu ne peux plus jouer de toute ta vie au hockey !

Du coin de l’Ɠil, je distingue que les Stars remontent une Ă  une les marches. Je crie assez fort pour qu’ils restent lĂ  oĂč ils sont. Hochant tous la tĂȘte, ils jettent mollement leurs vĂȘtements sur les bancs.

Il faut arrĂȘter avec la soumission et l’influence des grosses tĂȘtes. Je me suis aperçue dans le regard du gardien des Stars qu’il aimerait vraiment y arriver.

Il y a toujours un début à tout, alors pourquoi ne pas essayer ?

Ces grosses brutes sont peut-ĂȘtre impressionnantes pour eux, mais pas pour moi. Les Warriors ne me font pas peur !

Les Stars me fixent Ă©trangement, comme si j'avais dĂ©cidĂ© d'Ă©clater un obus devant les ennemis Sans plus attendre, l'un d'entre eux ne se gĂȘne pas pour venir me voir et me demander des comptes. Bien que j'aie envie de lui foutre mon poing dans sa tronche, il me prend de haut, mais cela ne marche pas avec moi.

— Tu te prends pour qui ? me lance l'attaquant droit des Warriors en prenant douloureusement mon bras.

— Pour quelqu'un qui va te foutre une sacrĂ©e raclĂ©e, si tu me touches encore de la sorte, lĂąchĂ©-je subitement. TrĂšs bien, vous voulez vraiment ce terrain, je vais me positionner dans les cages. Si vous arrivez Ă  marquer, elle sera Ă  vous. Au contraire, si je l'arrĂȘte, c'est vous qui dĂ©gagez d'ici, pigĂ©.

Il n’en faut peu pour que Jagger rĂ©plique avec un rictus narquois au coin de ses lĂšvres :

— Un jeu d'enfant ma jolie, me dĂ©clare-t-il.

S'il savait que je n’ai rien oubliĂ©, ni de ses faiblesses. Tu vas le regretter !

— Et si je gagne, tu reviens à la maison et tu lñches cette merde d’Adam.

De quoi a-t-il le plus peur ? Que Andrew apprenne ce qu’il a dit sur moi aux gens de la fac, ou de m’avoir entendue dire qu’Adam Ă©tait mon mec ?

Du haut de ses vingt-et-un ans, ce type ne sait clairement pas ce qu’il veut.

— Et pourquoi le devrais-je ? La derniĂšre fois que tu t’es glissĂ© dans mon lit, c’était pour bander.

AprÚs avoir entendu mes paroles, les Warriors éclatent tous de rire :

— Mais qui n’a pas eu la gaule quand Sun Ă©tait la capitaine des pom-pom girl ? La plupart des mecs l’ont eu, avoue l’un d’entre eux.

— Sun Ă©tait la plus bonne de toute l’universitĂ©. Et ce bĂątard de Caleb
 il l’a dĂ©pucelĂ©e, affirme son acolyte.

Pour couper les discussions des gars qui balancent mon passé à Jagger, je me retourne vers lui.

— Bouge-toi le cul, Jagger ! J’ai pas toute la journĂ©e ! À moins que vous ne comptiez dĂ©clarer forfait !

Marchant sur la glace, des souvenirs avec ma mĂšre et Jagger me reviennent en mĂ©moire. Jagger Ă©tait un spĂ©cialiste des feintes, surtout en fin de match, quand les nerfs ne tenaient plus qu'Ă  un fil. Mais ma mĂšre, joueuse hors pair, disait que seules les brutes sans cervelle misaient sur ce genre de coup. Il fallait un gardien capable de lire dans ses gestes, d’anticiper l’imprĂ©visible, pour espĂ©rer arrĂȘter ses tirs, presque toujours destinĂ©s Ă  finir au fond du filet.

ÉnervĂ©, il se met en position d'attaque, les patins parfaitement droits, il tape doucement dans le palet puis patine sur la surface glissante. Mes yeux dĂ©cortiquent chaque geste de ses mouvements.

Au rĂ©sultat, il a fait trois feintes. Je peux en dĂ©duire qu’il n’a pas changĂ©. J’ai en face de moi une brute sans cervelle et Ă  coup sĂ»r, il va tirer vers le cotĂ© gant.

Il tient fermement la crosse dans ses mains puis tape violemment dans le palet qui dĂ©boule Ă  une vitesse ahurissante. Je flĂ©chis mes jambes et positionne correctement la grosse moufle, mais je ne suis pas sĂ»re de l'arrĂȘter.

Quelle puissance !

Je prends une bonne bouffĂ©e d'oxygĂšne et essaye de rattraper le palet noir du mieux que je peux. Pendant quelques secondes, le temps semble s’arrĂȘter, tous les regards sont braquĂ©s sur moi. Les Warrior se demandent si Jagger a rĂ©ussi ou Ă©chouĂ©.

Je bouge la chose qui est bloquĂ© dans mon gant. Suite Ă  cela, je ne peux qu’étirer mes lĂšvres charnues, d’un air triomphant.

L’attaquant du clan adverse ne montre rien sur son visage. Aucune expression ne traverse sa mine neutre, comme s’il savait que j’allais, sans aucun doute, l’intercepter sans difficultĂ©.

Voulait-il absolument que je le rattrape, ou qu’on s'affronte sur la glace ?

AprĂšs ces questions posĂ©es au coin de ma tĂȘte, je hausse les Ă©paules puis jette le caoutchouc vulcanisĂ© au sol.

— Bon bah, la patinoire pour aujourd’hui est pour les Stars ! dĂ©clarĂ©-je.

Je perçois les tĂȘtes des Warriors se baisser lĂ©gĂšrement, déçus que Jagger ait perdu. Mais lui, il affiche un sourire radieux.

À cet instant, j’ai ma rĂ©ponse. Il savait que j’allais le choper, quoi qu'il arrive. J’ai l’intuition qu’il voulait jouer, comme autrefois au Minnesota.

D’un seul coup, le gardien des Stars arrivent vers moi et pose un bras sur mes Ă©paules.

— Merci, mais c’est quoi ton rîle, un ange gardien ou quoi ?

Un sourire complice, chargĂ© de fiertĂ©, se dessine malgrĂ© moi sur ce visage d’ange – Ă  moitiĂ© diabolique, faut-il l’avouer.

— Non, votre nouvelle capitaine ! PrĂ©parez-vous Ă  vraiment bosser avec moi, je ne suis pas du genre Ă  ĂȘtre tendre !

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