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Hikana
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CHAPITRE DEUX

SUN

Comme Ă  mon habitude, lorsque je rentre de l’universitĂ© je donne un baiser sur la joue de Jack et sur celle de mon frĂšre avant de m’asseoir sur le comptoir. Mais cette fois-ci, je me retiens de le faire et je prends mon beau-pĂšre dans les bras.

— Merci pour ce repas, tu t’es surpassĂ© avec ces amuse-gueules, ces ormeaux et ce caviar, fais-je alors qu’il n’a pas les moyens de se permettre de payer ces choses. J’espĂšre au moins que tu ne t’es pas ruinĂ©.

— Non, c’est un cadeau. Ne t’en fait pas ! dit-il pour me rassurer comme toujours.

Jack m’affiche un sourire alors qu’une femme ne se gĂȘne pas pour se mettre entre nous deux.

— Sun, c’est vraiment toi ? Tu as tellement grandi et tu es aussi belle que ta mĂšre Ă  son Ăąge, lance-t-elle en s’emparant de mes Ă©paules pour mieux me regarder.

Je croise les bras contre ma poitrine quand je distingue que c’est la mùre d’Adam et Jagger.

— Merci, rĂ©ponds-je Ă  la mĂšre des jumeaux. Pourriez-vous Ă©viter de parler de ma mĂšre, s’il vous plait ? Sinon, vous n’avez pas du tout changer Monica, toujours aussi blingbling Ă  ce que je vois.

Plusieurs chaĂźnes pendent autour de son cou. Des boucles d'oreilles en anneau brillent Ă  ses oreilles. Cinq bracelets ornent son poignet droit, tandis que de l'autre poignet, une Rolex hors de prix.

Tu m'étonnes que Bethany soit avec Jagger en voyant sa mÚre afficher sa richesse devant tout le monde.

AprĂšs les prĂ©sentations, Monica se jette dans les bras de son fils Adam et ne semble pas dĂ©cidĂ©e Ă  le lĂącher. Elle le voit Ă  peine, car Adam a toujours refusĂ© d’avoir des contacts avec la famille de sa mĂšre, installĂ©e au Royaume-Uni. Il a prĂ©fĂ©rĂ© rester avec son pĂšre, qui s’est retrouvĂ© seul aprĂšs que son ex-femme a choisi de courir aprĂšs des hommes plus riches que lui.

Pourtant, j’aurais aimĂ© avoir cette chance, moi aussi. Mais je n’ai pas Ă  envier mon meilleur ami, qui ne voit sa mĂšre qu’une fois tous les dix ans. Je suis contente pour lui, surtout que ça n’a pas l’air de le dĂ©ranger. Sauf Jagger, qui lance des Ɠillades noires Ă  sa mĂšre et Ă  son frĂšre. Puis, d’un seul coup, quand ses yeux marrons se posent sur moi, il dĂ©tourne aussitĂŽt le regard.

— Qui veut boire quoi ? C’est la maison qui l’offre !

Soudain je fouille dans la poche de ma veste et me dirige vers le bar pour jeter trois billets de cent dollars sur le comptoir.

— Sun, pourquoi tu me donnes ton argent de poche ?

— Je vais t’apprendre Ă  ĂȘtre moins gentil, parce qu’un jour, d’autres personnes verront ça comme une faiblesse et s’en serviront pour profiter de toi.

La nouvelle capitaine des cheerleaders m’a appris que, de nos jours, la gentillesse est vue comme une faiblesse plutĂŽt qu’une force. MĂȘme si, personnellement, je ne ressens rien face Ă  ce qu’elle m’a fait, je sais que certains pourraient ĂȘtre dĂ©truits par les actes malsains.

Bethany, en rĂ©alitĂ©, m’a simplement libĂ©rĂ©e du fardeau de ces entraĂźnements intensifs, mĂȘme les week-ends ou pendant les vacances. Je n’avais mĂȘme pas le droit de manger de sucreries ou de fast-food, parce que la coach exigeait un rĂ©gime strict pour qu’on garde la ligne toute l’annĂ©e.

— Ma pauvre fille, on a dĂ» te faire un sacrĂ© coup pour que tu parles des choses de la vie.

— Les pires, ce sont ceux qui ont de l’argent sur leur compte en banque et se plaignent que certains gagnent un dollar de plus qu’eux. Encore, ceux que je hais par-dessus tout, ce sont ceux qui sont riches, mais pas grñce à eux, mais à leur famille. Ceux-là, je ne peux vraiment pas les saquer !

— Je te demande pardon, Sun ?

Je me rends compte que j’ai Ă©tĂ© trop franche et que Monica s’est sentie visĂ©e.

— Je ne parlais pas de vous, dis-je en m'excusant. Mais d’une personne que je ne peux pas blairer.

Ensuite, je m’installe prĂšs d’Adam qui m’a dĂ©jĂ  commandĂ© un blue Lagoon, un cocktail Ă  base de vodka, de curaçao bleu, de limonade et un zeste de citron pour la dĂ©coration.

— Deux verres maximum, Sun, survient Jack quand il pose le verre devant mes yeux.

Ce jour-lĂ , je me souviens que j’avais pris une sacrĂ©e cuite. Adam a dĂ» me raccompagner chez moi, et vu que j’étais vraiment chiante pendant tout le trajet, on a fini par s’arrĂȘter au parc pour Ă©clater de rire comme deux imbĂ©ciles en regardant les Ă©toiles. Adam m’avait portĂ©e sur son dos avant qu’il n’ait son permis. Un moment que je n’oublierai jamais. J’étais parfaitement lucide, mais je ne pouvais plus lever le petit doigt.

— Tu t’en souviens, Adam ? lui demandĂ©-je.

— Oh oui ! Et Andrew, qui nous cherchait partout, nous a fait une scĂšne pendant des jours, rĂ©plique-t-il en rigolant.

— En mĂȘme temps, vous aviez beaucoup bu ! rĂ©torque Andrew. Plus jamais vous ne nous faites un coup pareil, sinon je vous tue, tous les deux !

— Tu as eu peur pour nous ou quoi ?

Il me lĂąche sĂšchement.

— T’aurais pu avoir l’idĂ©e de sauter dans le lac ! Qu’est-ce que j’aurais fait si je perdais ma fille unique ?

En entendant ses paroles, Jack s’étrangle presque avec son whisky.

— Ah enfin ! souffle-t-il bruyamment. Sun voulait savoir si son pĂšre allait lui avouer la vĂ©ritĂ©, un jour.

C’est Ă  mon tour d’ĂȘtre surprise. Alors, Jack savait aussi que je savais qu’il n’était pas mon pĂšre.

Il voit ma confusion et se permet de mettre les choses Ă  plat :

— Les cadeaux hors de prix que tu me demandais
 j’ai tout de suite su que tu avais un comportement bizarre avec moi, et quand je te les donnais, cela ne t’a pas surpris que je te les offre, vu le prix exorbitant. J'ai compris que tu savais qu'Andrew Ă©tait ton vrai pĂšre, car tu fais exactement la mĂȘme tĂȘte qu’avant.

Je lui explique Ă  mon beau-pĂšre que cela fait seulement deux ans que je l’ai su, mais c’était pour voir jusqu’oĂč Andrew Ă©tait prĂȘt Ă  aller. J’aurais pu encore jouer lĂ -dessus, mais un abruti m’a balancĂ© pour venir me faire chier.

Je ne crois pas que Jagger pourra redevenir l’ami qu’il Ă©tait autrefois pour moi. Il a bien la tĂȘte d’un vrai enfoirĂ© quand on le regarde. Ses traits fins dessinĂ©s sur son visage sont assez fermes, et ses tatouages sur son bras me rappellent Ă  quel point je dĂ©teste les caĂŻds qui emmerdent les autres en fonction de leur physique ou de leur statut social.

Bien qu’il ne soit pas si diffĂ©rent d’Adam, qui a aussi des tatouages, il y a quelque chose qui me dĂ©range chez lui.

AprĂšs que le repas s’est bien passĂ© et terminĂ©, Andrew me jette des clĂ©s que je rattrape au vol.

— C’est quoi ?

— Tu n’avais pas demandĂ© Ă  ton pĂšre un appartement ou une maison pour prendre ton indĂ©pendance ?

Depuis trois ans, je bassinais mon beau-pĂšre Jack pour qu’il me trouve un logement, juste pour enfin avoir un peu de paix. Mon frĂšre jouait de la batterie dans le garage, et c’était impossible de travailler avec Josh qui foutait le bordel avec ses potes.

— Merci Andrew, je verrai quand je voudrais y aller !

Je me redresse de la chaise et me dirige dans les escaliers afin de regagner ma chambre. Lorsque je parviens Ă  traverser le couloir et ouvrir la porte, je dĂ©couvre que mon petit cocon est complĂ©tement vide. Il n’y a plus rien et mon frĂšre a dĂ©jĂ  dĂ©poser ses guitares sur le parquet vernis.

Ils veulent me dégager rapidement de cette maison ou ça se passe comment ?

Comme une furie, je descends des escaliers presque Ă  rater des marches et de tomber.

— Non mais vous ĂȘtes sĂ©rieux ou quoi ? Vous voulez que je me tire le plus possible d’ici ?

Monica, outrĂ©e par mon franc-parler, penche la tĂȘte pour me juger du regard, et ses mots s’échappent :

— Je croyais que ta fille Ă©tait devenue une vraie femme
 J’ai bien peur que ce ne soit pas le cas. Pauvre Andrew, j’ai peur pour toi et Blossom.

— Alors vous, je ne vous permets pas de me juger ! Moi, je n’ai pas dĂ©truit ma famille au point de ne plus voir un de mes fils. Avant de juger les autres, il faudrait dĂ©jĂ  balayer devant sa propre porte, madame !

De quel droit ose-t-elle me dicter ce que je dois faire ou ne pas faire ? J’ai toujours tout donnĂ© pour ĂȘtre la meilleure dans tout, juste pour que ma famille soit fiĂšre de moi. Ce n’est pas une femme qui ne sait mĂȘme pas ce qu’elle veut dans la vie qui va me donner des ordres !

Adam se lĂšve de son tabouret puis me ramĂšne hors du restaurant pour me calmer.

Une fois en dehors, nous faisons le tour du pĂątĂ© de maison et je m’assoie sur le banc.

La brise d’air fraüche du vent caresse avec douceur ma peau et fait virevolter quelques mùches de mes cheveux.

— Mon dieu, tu as tout dit ce que je voulais avouer à ma mùre quand elle pleurait dans mes bras de ne pas me voir comme elle le voudrait. Depuis quand, tu as pris cette assurance, Sun ?

— De ma mĂšre ! rĂ©ponds-je sincĂšrement. Elle ne se laissait jamais faire et avant de mourir, elle m’a dit de toujours avoir confiance en moi et garder la tĂȘte haute dans chaque Ă©preuve que je vais vivre.

Je dĂ©teste surtout les gens qui me critiquent ou qui me jugent alors qu’ils ne me connaissent pas.

Ensuite, je sors une cigarette de ma poche. Jagger arrive au mĂȘme moment et s’approche de nous. Il demande Ă  Adam de s’éclipser quelques instants pour pouvoir me parler, mais celui-ci refuse de partir, encore tendu Ă  cause de l’altercation entre Bethany et le reste de la fratrie.

— Je ne vais pas frapper ta princesse, laisse-moi juste quelques minutes avec elle, aprùs je te la rends.

Adam s’en va et s’installe sur la carrosserie de sa voiture. Il jette des coups d’Ɠil mĂ©fiants Ă  Jagger, qui vient s’asseoir Ă  cĂŽtĂ© de moi.

— J’aurai jamais cru que quelqu’un comme toi puisse parler comme ça Ă  ma mĂšre ou Ă  une autre personne de maniĂšre gĂ©nĂ©rale.

— En quoi ça te choque ? Je ne laisserai pas les gens me juger ou me dĂ©truire par leurs actes.

— Tu parles de dĂ©truire, mais t’as dĂ©jĂ  bien bousillĂ© la vie de quelqu’un.

Les yeux rivĂ©s sur le ciel, je tourne lentement la tĂȘte vers Jagger, qui me fixe avec cette froideur lisible dans ses pupilles marrons.

Je cherche au fond de ma mĂ©moire, mais je ne vois pas qui j’aurais pu dĂ©truire.

— Laisse tomber, Sun. Le jour oĂč tu t’en rappelleras, il sera dĂ©jĂ  trop tard
 enfin, bien que ce soit dĂ©jĂ  trop tard.

— Alors si je m’en souviens un jour, donne-moi juste une mĂ©daille pour m’ĂȘtre rappelĂ©e d’une chose que j’ai oubliĂ©.

Ma rĂ©partie est franchement nulle ce soir. Je ne sais mĂȘme plus quoi lui rĂ©pondre.

Quand j’essaie de me relever, ma main se pose sur la jambe de Jagger pour m’appuyer dessus et me redresser. La raideur de ma nuque et de mon dos commence Ă  se faire ressentir. J'avais oubliĂ© que les douleurs des entraĂźnements m’avaient complĂštement broyĂ© le dos. Je vais devoir porter ma ceinture pendant un moment.

— Tu veux que je te porte aussi, non ? lance Jagger qui s’avachit sur le banc, croisant les bras sur sa poitrine, un rictus sur les lùvres.

— Sans façon ! À ce rythme, je prĂ©fĂšre encore qu’un camion me percute.

Mes propres mots m’arrĂȘtent dans mon Ă©lan, me faisant repenser Ă  ce souvenir que j’essaie d’enfouir loin de ma conscience, loin de mon esprit.

Si jamais, je n'avais pas Ă©tĂ© cette fille qui voulait aller Ă  cette maudite foire, ma mĂšre serait toujours en vie et je serais toujours avec elle. J'ai survĂ©cu Ă  ce drame, mais pas elle, qui est morte sur le coup. Je n’oublierai jamais ce camion qui s’est dĂ©portĂ© sur notre voix et en une fraction, la voiture a fait de nombreux tonneaux. Au pire, j’aurais aimĂ© mourir avec elle. Ça aurait Ă©tĂ© moins dur Ă  supporter que toutes ces annĂ©es chez le psychologue, voire si cela ne m'a jamais vraiment affectĂ©e psychologiquement. Bien sĂ»r que oui, j'en Ă©tais dĂ©truite, mais ma famille Ă©tait lĂ  pour moi et Cameron m'a tendu la main quand elle a appris mon histoire.

— Jagger
 oublie ce que tu viens d’entendre. Je suis juste fatiguĂ©e !

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