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Hikana
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CHAPITRE HUIT

SUN

Ses Ă©paules sont tendues, sa mĂąchoire est crispĂ©e, et ses yeux sont rivĂ©s sur le tapis vert qui nous conduit vers l’universitĂ©.

Les cheveux attachĂ©s, une mĂšche chatouillant mon nez, je suis concentrĂ©e sur la lecture de mon cours d’introduction Ă  la thĂ©orie des graphes. Les prunelles rivĂ©es sur les pages de mon manuel et de mon livre de rĂ©fĂ©rence, je les tourne l’une aprĂšs l’autre sans lever les yeux, au point de heurter quelqu’un sans mĂȘme m’en rendre compte.

D’un regard en coin, je quitte des yeux ma lecture et j’évalue la silhouette plantĂ©e juste devant moi.

Les bras croisĂ©s sur son torse musclĂ©, Jagger me transperce d’une lueur glaciale qui se reflĂšte dans ses pupilles.

— Je veux bien faire la route avec toi pendant qu’Adam se remet de sa grippe, s’exclame Jagger. Mais au moins, parle un peu avec moi. J’ai plus l’impression d’ĂȘtre devenu ton garde du corps, que ton coloc !

— Ce n’est pas ce que tu as signĂ© avec mon pĂšre pour garantir ta place sur le trĂŽne des Sullivan ? Franchement mĂȘme un abruti n’aurait pas acceptĂ© ce chantage !

— DĂ©trompe-toi, je ne l’ai pas fait pour sĂ©curiser ma place, mais pour te tenir loin des Suan, me lance-t-il en retirant mes livres pour les mettre dans mon sac.

Je roule des yeux au ciel. HonnĂȘtement, les Sullivan, je ne comprends pas leur obsession pour cette famille. Elle n’est rien comme ils aiment la dĂ©peindre. Carter et Angelo sont loin d’ĂȘtre des tyrans. Angelo m’a fait rĂ©aliser que j’étais capable d’aller loin dans la vie. Ses mots m’ont reboostĂ©e Ă  bloc. Je vais rĂ©ussir et j’y arriverai quoi qu’il arrive !

Cette histoire avec Angelo s’est produite il y a deux semaines. Son numĂ©ro est inscrit dans le rĂ©pertoire de mon tĂ©lĂ©phone, mais je ne me tournerai vers lui que si j’ai un vrai souci et que mon pĂšre ne peut pas m’aider. Sinon, pas avant.

Au lieu d’aborder le sujet de la famille Suan, je prĂ©fĂšre dĂ©tourner la conversation par une question tout en reprenant ma marche :

— Dois-je vraiment encore t’accompagner Ă  tes entraĂźnements ? lui demandĂ©-je, irritĂ©e de venir le voir jouer sur la glace.

Ses souvenirs avec ma mĂšre, je les ai oubliĂ©s, et je ne veux plus repenser Ă  elle. J’en ai assez souffert, et je refuse qu’ils me hantent Ă  nouveau, maintenant qu’elle n’est plus Ă  mes cĂŽtĂ©s.

— Pas nĂ©gociable, jolie blonde. Tu vas devoir encore supporter ça jusqu’à ce ton pĂšre revienne de Bali.

Un soupir bruyant s’échappe entre la commissure de ma bouche et mes incisives mordent la peau rosĂ©e de mes lĂšvres charnues.

— Sinon, tu voulais parler de quoi avant que tu m’interrompes dans mes rĂ©visions ?

— Tu ne devrais pas te bourrer le crĂąne avec ses conneries, tu n’es pas la premiĂšre de l’universitĂ©, Sun.

— Je suis la meilleure Ă©lĂšve de cette fac ! lui affirmĂ©-je. Je ne laisserai personne voler cette place. On m’a dĂ©jĂ  arrachĂ© le rĂŽle capitaine des Cheerleaders avant les grandes vacances, mais on me prendra jamais ma dignitĂ©, ni ma victoire !

DĂšs que nous approchons du campus, Jagger a juste le temps de m’intercepter. Au mĂȘme moment, je remarque que plusieurs regards se tournent vers nous tandis qu’il prend ma main dans la sienne pour m’arrĂȘter.

— Ça faisait combien de temps que tu Ă©tais la capitaine des pom-pom girls, Sun ? s'enquiert Jagger.

— Ça aurait fait trois ans cette annĂ©e, lui rĂ©ponds-je avec honnĂȘtetĂ©. Mais je vois qu’on m’a dĂ©jĂ  devancĂ©e
 avec un coup bien tordu, comme cadeau de dĂ©part.

Quand je lui rĂ©ponds, je remarque qu’il ne me calcule mĂȘme pas, trop concentrĂ© sur son mobile.

Depuis que son attention a été attirée par la notification reçue sur l'écran de son smartphone, il me demande d'aller en cours. Soi-disant, il a une urgence à gérer.

C’est moi ou il a tirĂ© une drĂŽle de gueule avant de partir ?

*

* *

Assise sur le siĂšge de l’amphithéùtre, je reste captivĂ©e par la confĂ©rence de monsieur Muñoz. Mais trĂšs vite, nous sommes interrompus par des bruits incessants qui rĂ©sonnent dans le couloir et la porte d’entrĂ©e se fracasse contre le mur. Tous les Ă©tudiants se retournent, tandis que je relis mes notes, imperturbable face au vacarme qui se profile derriĂšre moi.

Il suffit d’un seul bruit pour que le poing de monsieur Muñoz atterrisse sur le bureau. Il a horreur des fauteurs de troubles, surtout lorsqu’il est en plein dĂ©bat et qu’il dĂ©fend des idĂ©es qui lui tiennent Ă  cƓur.

À grandes enjambĂ©es, il se rĂ©sout Ă  remonter les escaliers pour faire taire les bruits incessants qui perturbent le dĂ©roulement du cours. Il s’apprĂȘte Ă  passer la tĂȘte dans l’encadrement de la porte pour voir qui fout le bordel. Une silhouette se plante devant lui, lui arrachant un cri.

Pour ma part, je perçois qu'une chose a effrayé le professeur, avant que sa voix rauque ne résonne fortement dans la salle.

— Encore en retard Ă  ce que je vois ! Vous vous ĂȘtes encore perdu dans la patinoire, comme la premiĂšre fois, Monsieur Sullivan ? Je vous prie de vous installer rapidement, cela m’évitera de perdre du temps !

Ne me dites pas qu’il a osĂ© lui balancer ce genre de connerie ?

Le nez toujours plongĂ© dans les documents, je lĂšve lĂ©gĂšrement la tĂȘte et cherche une place libre, autre que celle Ă  cĂŽtĂ© de moi.

C’est la seule chaise disponible.

Un souffle s’échappe de ma bouche, mes paumes pressent mes joues, les yeux toujours fixĂ©s sur les copies, tandis que ma tĂȘte devient de plus en plus lourde.

Par pitiĂ©, le destin s’acharne sur moi, mĂȘme en cours ?

Jagger descend rapidement les escaliers, s’installe Ă  cĂŽtĂ© de moi et jette son sac avec nonchalance, comme un vulgaire mouchoir. Il s’avachit sur le siĂšge et secoue sa jambe avec force, ce qui fait trembler les deux tables fixes.

— Tu peux arrĂȘter de secouer ta jambe, ça me dĂ©concentre ! chuchotĂ©-je doucement.

Pour simple rĂ©ponse, il arrĂȘte de jouer avec son pied et jette une Ɠillade Ă  tous les Ă©tudiants qui ont le regard figĂ© sur l’écran de leur ordinateur, avant de glisser quelques mots aux creux de mon oreille.

— À vos ordres, mademoiselle Miller.

*

* *

AprĂšs que mes cours Ă  moi sont finis, je reste bĂȘtement assise sur un gradin pour entendre que Jagger finisse aussi sa derniĂšre heure de son emploi du temps.

Dans la petite poche de ma combinaison fleurie, je sens mon tĂ©lĂ©phone Ă©mettre de lĂ©gĂšres vibrations. AussitĂŽt, je l’extirpe et constate qu’Adam m’a laissĂ© un message.

Sur la notification est assez floue parce qu’elle est coupĂ©e par des petits points et je ne suis pas en mesure de dĂ©chiffrer la suite, mais le dĂ©but m’intrigue. Pour lire l’intĂ©gralitĂ© de son texte, je quitte des yeux les gars qui s’entraĂźnent pour regarder ce qu’il m’a Ă©crit.

[Ça va ? Alors comme ça,

j’ai interdiction d’aller te

chercher tous les matins

pour aller à la fac ?

MĂȘme si, je suis guĂ©ris. A]

Mais qu’est-ce qu’il est en train de me raconter ?

[Non pas du tout ! Quand

tu reviens Ă  la fac, je

veux passer du temps

avec mon meilleur ami !

Ton frùre m’a dit que

tu avais chopé la grippe. S]

Je n’attends pas longtemps pour avoir une rĂ©ponse de sa part :

[En plus, tu crois aux

conneries de mon frÚre ?

J’ai juste une angine !

Cet enfoiré est tellement jaloux

qu’il pourrait m’inventer

une maladie incurable

parce que toi et moi sommes

amis. Je reviens demain. A]

Quoi ? Jagger est jaloux de l’amitiĂ© que j’ai pour Adam ?

Il faut que je fasse quelque chose. Je ne peux pas laisser Jagger dĂ©truire la complicitĂ© que j’ai avec Adam. Adam m’a toujours soutenue, depuis des annĂ©es, et je sais qu’il serait impensable de briser ce lien pour quelqu’un d’autre. Ce ne serait pas digne d’une Miller, de trahir la loyautĂ© qui nous unit.

Pour faire comprendre Ă  Adam, je lui renvoie un autre sms.

[Trop hĂąte

d’ĂȘtre Ă  demain. S]

C’est inhumain de la part de mon pĂšre de demander Ă  Jagger de me surveiller et que je sois obligĂ©e d’assister Ă  ses entraĂźnements alors que cela fait onze ans que je ne suis pas revenue dans une patinoire. Ça me rappelle Ă  quel point, autrefois, il ne savait mĂȘme pas tenir une crosse correctement.

Et maintenant, je dois bien l’admettre, ce mec a vraiment grandi. J’ai l’impression de revoir ma mùre, nous apprendre les bases de ce sport que je convoitais tant.

Mon regard est restĂ© figĂ© sur les mouvements synchronisĂ©s de Jagger pendant quelques secondes, avant que la porte d’entrĂ©e ne grince et n’attire mon attention.

Au moment oĂč je tourne la tĂȘte vers la porte blindĂ©e, j’aperçois Bethany qui entre dans la patinoire. Suivie de prĂšs par sa clique, incapables d’enchaĂźner une chorĂ©graphie sans envoyer deux ou trois filles Ă  l’infirmerie.

Elles descendent toutes vers le bas des tribunes pour fĂ©liciter les gars essoufflĂ©s, alors qu’elles n’ont mĂȘme pas assistĂ© Ă  l’entraĂźnement.

Moi, je suis bien la seule à avoir une vraie raison de les applaudir !

Sans comprendre pourquoi, mon intĂ©rĂȘt se porte soudainement sur Jagger, qui patine en direction des tribunes. Mais au lieu de m’accorder la moindre attention, il presse violemment ses lĂšvres contre celles de Bethany.

Cette derniùre tourne les talons vers moi, affichant un rictus triomphant sur le visage. Elle est tout simplement fiùre que son ex soit revenu auprùs d’elle. Elle est juste venue ici pour que j’assiste au grand retour de leur couple.

VoilĂ  la vraie raison pour laquelle je ne peux pas ĂȘtre ami avec cet abruti.

Sa meuf, Bethany.

Je comprends mieux pourquoi je n'avais pas envie de faire d'efforts, il ne l'avait jamais quittée. Mais s'il est jaloux de l'amitié entre son frÚre et moi, c'est son problÚme, plus le mien.

S'il est bien avec elle, je ne vois pas en quoi me surveiller pourrait m'ĂȘtre bĂ©nĂ©fique. Je me vois dĂ©jĂ  en train de me bagarrer avec elle, ou pire, l'entendre balancer encore plus de conneries sur ma gueule qu'elle ne le fait dĂ©jĂ .

D'un mouvement rapide, je sors mon autre téléphone, l'écran fissuré en haut, et compose le numéro d'Andrew. Je veux qu'il mette fin aux conditions qu'il a imposées à Jagger. AprÚs plusieurs tonalités, il ne répond clairement pas.

Je pourrais ĂȘtre en train de me battre, crever dans un coin, il n'en a rien Ă  foutre, ce pĂšre !

Le rire de Bethany me vrille les tympans. Je fais volte-face et hausse un sourcil en voyant Jagger la prendre par derriĂšre, lui parsemant le cou de baisers, comme si ça faisait une Ă©ternitĂ© qu’il ne l’avait pas embrassĂ©e. À cet instant, il m’est impossible de comprendre leur dĂ©lire.

— On m’a dit que tu voulais mon mec. Sache que tu ne l’auras jamais, Sun. Il est Ă  moi, dit-elle en se retournant pour mieux Ă©pouser Jagger. ChĂ©ri, je suis bien plus mieux que cette salope de Sun.

En comptant tous les mecs qu’elle s’est tapĂ©e Ă  la sororitĂ©, tandis que moi, j’ai eu qu’un seul gars qui est passĂ© sur moi. On dĂ©couvre rapidement qui est la salope dans l’histoire.

Une hilarité me prend de court et résonne dans toute la patinoire, si bien que tout le monde croit que je deviens folle.

Jagger joue juste le clebs d’Andrew pour ne pas perdre son petit statut de successeur. Elle croit vraiment que je veux son mec ?

— DĂ©solĂ©e ma chĂ©rie, mais tes poubelles ne m'intĂ©ressent vraiment pas, et choper des maladies aprĂšs ton passage, ce n'est vraiment pas le but que j’ai donnĂ© Ă  ma vie.

— Ouais, meuf arrĂȘte de faire genre. Tout le monde sait que tu as voulu coucher avec Jagger et lui, il t'a rejetĂ©. Il nous a dit que tu n’arrĂȘtais pas de le coller en espĂ©rant de te prendre un coup par lui.

D’un seul coup, mon regard meurtrier se pose sur Jagger, qui lui fait face :

— Est-ce que c’est vrai que tu es allĂ© dire des choses pareilles sur ma gueule ?

— Pourquoi tu me colles depuis deux semaines alors ? Si tu veux pas ma queue, je vois pas ce que tu veux à part à me suivre partout. Les voleuses comme toi, ça m’attire pas.

Et en plus, il est sérieux !

— Quand j’étais petite, je t’ai repoussĂ© pour Ă©viter d’ĂȘtre ton amie, parce que t’étais le rejetĂ© de ta famille. T’as cru qu’aprĂšs toutes ces annĂ©es, je voulais coucher avec toi ? MĂȘme pas en rĂȘve. MĂȘme Adam est largement plus sexy que toi.

Prise d’une colĂšre monstrueuse, j’ai envie de descendre les escaliers pour le massacrer. Mais je me retiens quand mon deuxiĂšme tĂ©lĂ©phone se met Ă  sonner.

J'extraie le mobile de mon sac Ă  dos. J'arque un sourcil en voyant le texto de cette personne qui vient de m’envoyer l’adresse oĂč il est, pour boire un verre.

— De toute façon, nous, on croit Jagger. Depuis deux semaines, la voleuse de Princeton colle ses baskets comme si c’était sa petite chienne. Elle est devenue voleuse d’hommes aussi ?

Sans faire attention Ă  eux, car j’ai mieux Ă  faire ailleurs, je rĂ©cupĂšre mes affaires, prĂȘte Ă  partir, quand Jagger traverse les gradins avec ses patins et me rattrape par le bras.

— Sun


Je rejette brutalement sa main puis je tourne les yeux vers Bethany, dont le regard trahit l'incompréhension et la jalousie.

— Je suis pire que mon pĂšre. PrĂ©pare-toi Ă  en baver, Jagger Sullivan !

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