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LylliaBrume
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Chapitre 10

On éclata tous de rire, un peu trop fort pour la salle de repas presque silencieuse. Quelques élèves des autres classes nous jetèrent des regards curieux, mais personne ne dit rien. À cette table, on formait un petit cocon. Un endroit hors du temps, hors de l’école, hors des pressions.

Juste nous.

Lou reprit une bouchée de pâtes, puis me lança un regard complice.

— T’as remarqué ? Depuis qu’il est arrivé, t’as rigolé au moins trois fois. C’est un record personnel depuis… genre, des mois.

Je haussai les épaules, faussement blasée.

— C’est pas lui. C’est vous. Le groupe.

— Mais il en fait partie, ajouta Maë en plantant sa cuillère dans son dessert.

Je ne répondis pas. Mais je sentis Kay m’observer du coin de l’œil. Et cette fois, son regard ne me gênait pas. Il ne m’intimidait pas.
Il me réchauffait, en silence.

On termina nos assiettes tranquillement. Une fois les plateaux rangés, personne n’eut envie de se lever tout de suite. L’ambiance était simple, naturelle. On parlait de tout et de rien : des chaussons qui glissent trop, d’un prof de contemporain complètement déjanté, des petits détails de nos vies.

Et moi, j’écoutais.

Souvent silencieuse, mais plus ouverte qu’avant.
Je me sentais... bien.
Peut-être même légère.

— Vous savez ce que je propose ? lança soudain Maë en se levant. Ce soir, on fait une soirée chill dans votre chambre les filles. Pas de danse. Pas de stress. Juste des coussins, des gâteaux et un film débile.

— Je suis partante, dit Lou en souriant.

— Si on regarde pas d’amour à l’eau de rose, je viens, ajouta Kay.

Lou lui lança un regard faussement outré.

— C’est exactement ce qu’on va regarder, et tu vas aimer ça.

Kay leva les mains, rieur.

— D’accord, d’accord. Tant qu’il y a des gâteaux…

— Elina ? demanda Léo, doucement. T’en es ?

Je relevai les yeux. Ils m’attendaient. Tous.

Et pour une fois, je ne cherchai pas d’excuse.

— Oui, soufflai-je. Pourquoi pas.

Lou tapa dans ses mains, trop contente.

— On va lui faire aimer les soirées normales, j’y crois !

Je souris doucement, un peu embarrassée par l’attention, mais touchée malgré tout.

Kay, lui, tourna soudain la tête vers l’horloge suspendue au mur, ses yeux s’élargissant en une expression paniquée.

— Mince, Elina… on doit y aller ! Allez, bouge-toi !

Je clignai des yeux, complètement perdue.

— Hein ? Aller où ?

Il me lança un regard à mi-chemin entre l’exaspération et le désespoir, se passant une main dans les cheveux comme pour se convaincre que je n’avais pas vraiment oublié.

— Je te rappelle que si je suis ici à la base, c’est pas pour écouter Lou parler de films niais.
— C’est pour danser avec toi pour le spectacle de mi-saison, tu te souviens ? Le projet principal ? L’objectif de notre duo ?

Il insista, me fixant avec des yeux grands ouverts.

— Et là, on est en retard pour la séance avec Madame Farnier et le chorégraphe de la compagnie. Studio 3. Tu sais, ce petit endroit lumineux où tu as failli t’enfuir la première fois qu’on s’est touchés ?

Je sentis le rouge me monter aux joues.
Lou étouffa un rire derrière sa main.

Oh non... je murmurai, me levant d’un bond.

Oh si, confirma Kay avec une fausse gravité théâtrale.
— Alors, dépêche-toi, ballerine. Ou c’est moi qui choisis la musique aujourd’hui.

— Tu serais capable de nous faire danser sur du rap, râlai-je en attrapant mon sac.

— J’ai déjà une playlist. Et elle est glorieuse, affirma-t-il en ouvrant la porte avec un geste grandiose.

Je suivis Kay dans les couloirs, mon cœur battant un peu plus vite qu’il ne l’aurait dû. Était-ce le stress ? L’envie de bien faire ? Ou… juste le fait qu’il soit là, à côté de moi, et qu’il me donne l’impression d’avoir quelqu’un sur qui m’appuyer ?

On arriva devant la porte du studio 3. Kay s’arrêta net et se tourna vers moi, un instant plus sérieux.

— Prête ? demanda-t-il.

Je pris une grande inspiration, regardant la poignée comme si elle allait me juger. Puis je hochai la tête.

— Prête.

Il ouvrit doucement la porte.


La salle était baignée d’une lumière douce. Les grandes fenêtres laissaient entrer un ciel légèrement nuageux, parfait pour une répétition concentrée. Madame Farnier se tenait bras croisés près du miroir, et à ses côtés, Monsieur Ravel feuilletait un carnet en cuir noir, comme à son habitude.

Ils levèrent les yeux en nous voyant entrer.

— Enfin, dit Madame Farnier. Vous êtes pile à l’heure. Une minute de plus et je vous aurais envoyé Léo vous tirer par les cheveux.

— J’ai fait de mon mieux, lança Kay avec un sourire. Mais elle voulait rester à papoter avec ses fans-club.

Je lui lançai un regard noir, et Ravel sourit discrètement.

— Aujourd’hui, dit-il, nous allons retravailler ce que vous avez esquissé l’autre jour. Mais cette fois, on va monter jusqu’au porté.

Je sentis mon cœur rater un battement.

Kay ne fit aucun commentaire. Il se contenta de me regarder, attentif, sans pression.

— Rien ne sera imposé, ajouta Madame Farnier. Vous irez à votre rythme. Mais l’objectif est clair : commencer à créer une véritable chorégraphie de duo. Pas une succession de gestes.

Elle fit un geste vers la sono.

— La musique est prête. Quand vous voulez.

Je posai mon sac, fis quelques battements de jambes, étirai ma nuque, puis me tournai vers Kay.

Je pris sa main, comme une sorte de réflexe pour me rassurer que tout se passerait bien .

Ses doigts étaient chauds, légèrement calleux.
Ce contact, pourtant si simple, déclencha comme un écho dans mon ventre.
Pas un frisson de peur cette fois…
Un frisson d’attente.

Nos mains restèrent liées un instant, sans qu’on commence à bouger.
Ni lui, ni moi.
Comme si on attendait que l’air autour de nous se calme, que nos corps se règlent l’un sur l’autre, en silence.

— Respirez, souffla Monsieur Ravel. Pas pour danser. Pour vous retrouver.

Je fermai les yeux un instant.

J’entendis le froissement discret des pages de son carnet, et le léger grincement de la chaise sur laquelle Madame Farnier s’était installée.

Le studio 3 était presque silencieux, hormis le bruit de nos respirations, lentes, hésitantes, qui se croisaient dans l’espace.

Kay me lâcha doucement, juste un peu, puis posa sa main dans le creux de mes omoplates, à l’endroit exact où ma peau frissonnait.

Je sursautai légèrement.

Pas de peur. De surprise.
Parce qu’il avait su. Il avait trouvé l’endroit juste, celui qui soutient sans dominer, celui que Julien n’avait jamais vraiment appris à respecter.

Il me regarda dans les yeux. Pas un mot.

Je sentis que ses doigts, légers, attendaient mon feu vert.

Mais mon corps... hésitait.
Pas à cause de lui. À cause de moi.
De ce que je devais laisser tomber pour avancer.

Et c’est là que Monsieur Ravel intervint, sa voix calme brisant le silence comme une brise fraîche :

— Elina. Kay. Je vois une tension entre vous, c’est normal.
Mais ce qui fait un bon duo, ce n’est pas l’effort de se faire confiance.
C’est l’acceptation que l’autre puisse vous porter… même si vous doutez encore.

Je le regardai, surprise.

Il posa son carnet.

— Ce n’est pas à toi, Elina, de porter cette danse seule.
— Laisse Kay te porter. Laisse-le essayer. Même si c’est bancal au début. Même si ça fait peur.
— Une danse à deux, ce n’est pas deux corps parfaits. C’est deux imperfections qui se cherchent. Qui s’ajustent. Et qui parfois se tiennent debout, rien qu’en essayant.

Je baissai les yeux.

Et Kay, lui, ne dit rien.
Il ne bougea pas.
Il me laissa digérer. Il attendit.

Je sentis un poids glisser doucement de mes épaules.
Pas complètement. Mais assez pour que je me redresse un peu.

J’inspirai.
Lentement.

Puis je hochai la tête.

— On peut essayer.

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