Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
LylliaBrume
Share the book

Chapitre 4

Les couloirs étaient encore un peu vides quand on arriva dans la salle de maths, mais quelques filles étaient déjà installées, leurs carnets ouverts, leurs cheveux impeccablement attachés. L’odeur du papier neuf et de la craie mêlée à celle du café que certaines avaient réussi à se faire en douce créait une atmosphère à la fois studieuse et familière.

Lou et moi nous installâmes à notre place habituelle, tout au fond, près de la fenêtre. De là, on pouvait voir le jardin intérieur de l’Opéra, calme et couvert d’ombres encore fraîches du matin.

— Bon. Objectif de la journée, murmura Lou en sortant sa trousse : survivre aux équations, ignorer Camille, et ne pas rêver de Kay avant 16h.

Je levai un sourcil.

— C’est drôle, je crois que c’est exactement ce que j’ai noté dans mon agenda.

Elle me sourit, puis l’arrivée de notre professeur fit instantanément retomber le bavardage général.

Le cours se déroula tranquillement pendant une bonne vingtaine de minutes, jusqu’à ce qu’une voix sèche, tranchante, vienne troubler le calme.

M’sieur, Elina s’est trompée dans sa ligne !

Je me raidis. Cette voix... pas besoin de me retourner pour savoir qui venait de me balancer.

Camille.

Elle était assise deux rangs devant, de biais, juste assez pour pouvoir me surveiller discrètement. Ses cheveux blonds parfaitement lissés retombaient sur ses épaules comme des fils d’or soigneusement posés. Elle se tenait droite, le menton haut, un petit sourire satisfait aux lèvres, le genre de sourire qui te pousse à vouloir écraser quelque chose.

Le professeur leva à peine les yeux.

— Vérifie d’abord ta propre copie, Camille. Elina ne s’est pas trompée.

Lou gloussa doucement à côté de moi, assez bas pour que seul mon oreiller auditif le perçoive.

— Raté, murmura-t-elle.

Je restai concentrée sur mon cahier, mais mon cœur battait un peu plus vite. Camille ne faisait jamais rien au hasard. Si elle avait tenté de m’humilier devant tout le monde, c’était pour une raison.

Et je ne mis pas longtemps à la comprendre.

À la pause, alors que nous étions dans le couloir en train de discuter, Camille s’approcha comme un félin bien habillé, un flyer roulé dans la main.

— Tiens, Elina, dit-elle d’une voix mielleuse. Tu sais que Kay a déjà dansé avec de vraies compagnies urbaines ? Des scènes pro, pas des petits galas pour ados sur pointes...

Je la regardai, les sourcils froncés.

— Tu le connais, maintenant ?

— J’ai fait mes recherches, dit-elle avec un sourire trop large. Et puis... j’ai peut-être échangé quelques mots avec lui ce matin, en salle de musique.

Elle ajouta, presque en chuchotant :

— Il est charmant. Très... tactile.

Puis elle s’éloigna avec un mouvement de hanche exagéré, laissant derrière elle une traînée de parfum et de venin.

Lou siffla doucement.

Si ça, c’est pas une tentative de marquage de territoire, alors je ne sais pas ce que c’est, lança Lou en croquant dans une barre aux amandes, les yeux toujours rivés sur Camille qui s’éloignait avec le sourire d’un serpent en tutu.

Je ne répondis pas tout de suite. Mon regard restait fixé sur le couloir vide, là où Camille venait de disparaître. Une part de moi bouillait — pas de jalousie, non, mais d’agacement. Elle n’avait même pas attendu vingt-quatre heures pour venir poser ses griffes sur mon duo. Et ce ton... cette façon de prononcer “tactile”... Elle avait voulu me provoquer. Et elle avait réussi.

— Elle croit peut-être que ça va me faire peur ? dis-je enfin, la voix plus basse que je ne le voulais.

Lou haussa les épaules.

— Elle croit surtout que tout le monde lui appartient d’avance. Les projecteurs, les profs, les rôles… et maintenant Kay.

Je la regardai.

— Elle n’aura pas ce duo. Je vais me donner à fond. Peu importe qui est en face de moi.

— Voilà l’Elina que j’aime, répondit Lou avec un clin d’œil.

Le reste de la matinée passa plus lentement. En anglais, je compris à peine le sens du texte qu’on analysait. Et en histoire de l’art, j’écrivis une phrase entière sur la Renaissance avant de réaliser que j’avais dessiné, machinalement, le profil d’un garçon aux cheveux en bataille dans la marge de ma feuille.

Je la griffonnai avec rage et fermai mon cahier un peu trop brusquement.

Lou me lança un regard en coin, sans rien dire, mais son petit sourire en coin parlait pour elle.

À midi, on se retrouva toutes à la cantine, une salle au plafond haut, bordée de longues baies vitrées. La lumière d’hiver baignait les tables dans une clarté pâle. Je pris un plateau sans conviction : pâtes, légumes vapeur, un fruit. Rien ne me faisait envie.

On s’installa avec Lou à notre place habituelle, près de la grande horloge murale. D’habitude, on rigolait, on se racontait nos rêves étranges ou les gaffes du cours du matin. Mais aujourd’hui, j’étais ailleurs.

Je jouais avec mes pâtes sans les manger, les enroulant lentement autour de ma fourchette.

— Tu stresses, pas vrai ? demanda Lou après un long silence.

Je ne répondis pas tout de suite.

— Un peu, avouai-je.
— Pas à cause de lui. Juste... parce que je sais que je dois être au top. Si je me rate, je ne pourrais m’en prendre qu’à moi-même.

— Tu ne vas pas te rater. Tu es Elina Duarte, danseuse de feu et de glace, rappelle-toi ?

Je souris malgré moi. Lou avait ce talent : elle savait trouver les mots justes, ceux qui réconfortent sans être mous. Elle me connaissait par cœur.

Je pris enfin une bouchée.

— Et puis, poursuivit-elle, si jamais il est insupportable ou pas du tout pro, je serai là ce soir pour critiquer sa posture, ses choix artistiques, son manque de brushing ou que sais-je encore.

Je ris doucement, et le nœud dans mon ventre se détendit un tout petit peu.

Mais malgré les blagues de Lou, malgré son soutien, malgré ma concentration... une seule chose restait au centre de toutes mes pensées :

Dans quelques heures, je serai seule dans un studio avec lui. Kay..

Comment this paragraph

Comment

No comment yet