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Mademoiselle_Didi
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Chapitre 12

L’air est frais mais supportable. Quelques étudiants sont encore dehors, profitant des derniers instants du week-end. Assise seule à une table en bois, Nora a installé son ordinateur portable. Les écouteurs posés à côté, elle fait défiler un document sur l’écran mais ses yeux n’y sont pas vraiment.

Elle soupire, fait une tentative d’écriture, puis s’interrompt sa concentration étant ailleurs. Elle pensait que travailler à l’exterieur allait etre plus productif que dans les quatres murs de sa chambre mais ce n’était pas le cas.

Une silhouette s’approche doucement derrière elle et une voix familière la tire de sa bulle.

- Nora ? Salut… je t’avais pas vue depuis un moment, tu travailles encore à cette heure ?

Elle lève les yeux un peu surprise

- Léon… Salut j’ai pris un peu de retard sur un projet.

- Tu travailles trop. il sourit legerement. Tu permets ?

Il désigne la place vide en face d’elle. Nora hésite un instant avant d’hocher la tête. Il s’assied en pose ses coudes sur la table légèrement penché vers elle.

- Ça me fait plaisir de te revoir, j‘étais à la fête tout à l’heure et je pensais te voir là-bas.

- J’ai préféré rester tranquille ce soir. La semaine a été… intense.

Il a un sourire au coin et un air taquin

- Dommage que tu n’aies pas été là. avec toi, ça aurait été plus intéressant.

Nora baisse les yeux sur son écran feignant de lire.

Je suis sûre que vous avez très bien su vous amuser sans moi.

Peut-être… mais bon ce n’est pas pareil. Tu sais, j’ai toujours trouvé que tu avais une présence… différente. Tu n’es pas comme les autres ici.

- Tu veux dire… que je suis sérieuse et toujours collée à mon ordi ?

- Non, je veux dire que tu es vraie et que c’est rare ici.

Nora referme doucement son ordinateur, un geste calme mais volontaire.

-  Merci… C’est gentil mais j’ai vraiment besoin de finir ce que je faisais et je crois que j’ai plus de facilité à me concentrer seule.

Elle rassemble ses affaires sans précipitation. Léon la regarde faire, son sourire s’adoucit un peu mais ne disparaît pas.

Je comprends, mais… si jamais tu as envie de changer d’air ou juste de parler tu sais où me trouver.

Nora se redresse tranquillement de sa chaise

- Bonne soirée Léon.

Elle lui adresse un sourire poli puis s’éloigne d’un pas mesuré. Derrière elle, Léon la suit du regard le menton dans la main.

Le soleil filtrait timidement à travers les stores de la fenêtre de l’infirmerie. Lucas, adossé contre l’oreiller profitait du calme de la pièce une tasse d’eau chaude entre les mains.

Son teint avait retrouvé un peu de couleur même si ses traits trahissaient encore la fatigue.

Assis sur la chaise à côté du lit, Matteo terminait un croissant qu’il avait récupéré à la cafétéria.

- Alors ? demanda Lucas un sourire en coin. Comment était la fête hier soir ? Raconte un peu, tu es resté jusqu’à quelle heure ?

Matteo haussa les épaules, une expression mi-amusée, mi-fatiguée sur le visage.

-  Franchement pas mal du tout, il y’avait du monde, de la musique correcte et... j’ai passé quasiment toute la soirée avec Lucy.

Lucas arqua un sourcil.

- Lucy ? Lucy la coloc de Nora ?

- Ouais elle-même, répondit Matteo avec un petit sourire. On a beaucoup discuté, elle est marrante… piquante mais marrante. Elle m’a mis la misère au beer-pong au passage.

Un silence intrigué flotta, puis Lucas reprit avec une fausse innocence

- Hmm… donc tu l’aimes bien ?

Matteo fronça les sourcils, pris de court.

- Hein ? Non… Enfin… elle est cool mais c’est pas… c’est pas comme ça. On a juste accroché en tant qu’amis. C’est tout.

Lucas le fixa un moment, perplexe. Dans son esprit, il repensait à la première version de sa vie, Matteo n’avait jamais réellement approché Lucy. Il s’était mis en couple avec Emily juste après l’obtention de leur diplôme, une relation qui avait duré trois ans… jusqu’à l’inévitable rupture. Voir aujourd’hui ce début de complicité avec Lucy remettait en question l’ordre des évenements. Le futur pouvait vraiment changer.

- Tu es sûr ? dit-il doucement, un brin pensif. Parce qu’on dirait que… je sais pas…. Mais tu as l’air différent quand tu parles d’elle… Tu es plus détendu.

Matteo haussa les épaules sans relever la remarque.

- C’est peut-être parce que je t’ai pas vu claquer sur un lit d’hôpital depuis longtemps, ça me rend philosophique ou alors, c’est juste que j’essaie de pas m’attacher à une fille parce que j’aime pas l’inconnu.

Ils échangèrent un rire discret interrompu par l’entrée du médecin. Une femme d’âge moyen, lunettes sur le nez, vint vérifier les constantes de Lucas sur sa tablette.

- Bonne nouvelle lancaster, je suis le docteur Prescott, je remplace Laurin. annonça-t-elle après un rapide examen. Vos résultats sont bons et vous pouvez quitter l’infirmerie ce matin mais je veux que vous restiez au calme au moins jusqu’à demain et hydratez-vous bien. J’ai laissé une ordonnance à la réception pour ce qui reste de votre fièvre.

Lucas hocha la tête.
- Merci docteur.

Matteo se leva aussitôt.

- Allez soldat, je te ramène à la caserne.

Lucas remit doucement ses pieds au sol se levant prudemment, il attrapa son sweat sur le dossier de la chaise tandis que Matteo l’aidait à marcher.

Dans le couloir, Lucas jeta un dernier regard à l’infirmerie. Il avait la sensation d’avoir traversé plus qu’une simple fièvre.

- Je te laisse à la chambre, annonça Matteo une fois arrivés devant leur porte. Faut que je file en cours sinon la prof de gestion d’entreprise va me coller une dissertation sur l’éthique des personnels.

Lucas sourit.

- C’est bon, je gère.

Matteo leva une main déjà en train de reculer.

- Repose-toi et surtout bouge pas trop, tu es encore tout cassé.

Quand la porte se referma, Lucas resta un instant seul dans la pièce silencieuse. Il alla s’asseoir sur son lit, jetant un regard par la fenêtre.

Le calme revenu dans la chambre laissait entendre chaque craquement du vieux parquet, chaque souffle de vent contre les vitres.

Allongé sur son lit, Lucas fixait le plafond le bras posé sur le front, Il détestait cette sensation d’impuissance. Même s’il n’était plus à l’infirmerie, il se sentait toujours comme un malade en convalescence, figé entre quatre murs.

Au bout de quelques minutes, l’ennui devint insupportable. Il repoussa doucement les draps, se leva avec lenteur, sa respiration légèrement saccadée par l’effort.

Il mit un sweat à capuche par-dessus son t-shirt, glissa ses pieds dans ses baskets et s’approcha prudemment de la baie vitrée menant au petit balcon de leur chambre.

La poignée lui sembla plus lourde que d’habitude mais il réussit à l’abaisser. L’air frais de la fin de matinée le frappa doucement, éveillant ses sens engourdis. Il sortit sur le balcon étroit, s’agrippant à la rambarde, son souffle encore fragile.

De là, il avait une vue panoramique sur une partie du campus. Les étudiants allaient et venaient entre les bâtiments, certains seuls, d'autres en petits groupes. Des rires flottaient dans l’air, mêlés aux bruits lointains des voitures et au chant timide des oiseaux.

Et c’est là qu’il l’aperçut Nora.

Elle était assise seule sur un banc, à une certaine distance du bâtiment. Son téléphone plaqué contre l’oreille, elle avait le visage tourné vers le sol, la main libre jouant nerveusement avec un pli de sa jupe. Même de loin, Lucas devinait son trouble. Elle paraissait préoccupée, presque tendue. Il la voyait faire de petits gestes discrets comme si elle tentait d’expliquer quelque chose difficilement.

Il plissa légèrement les yeux, essayant de capter plus mais la distance empêchait d’entendre quoi que ce soit, Il resta ainsi quelques minutes silencieux la main serrée autour de la rambarde rouillée.

- À qui pouvait-elle bien parler ? Pourquoi cet air si… lourd ?

Il aurait voulu pouvoir la rejoindre, descendre, traverser la cour, s’asseoir à côté d’elle et lui demander si tout allait bien mais il n’en avait pas le courage, en plus il était encore trop faible.

Il se contenta alors de rester là, immobile, l’observant de loin avec cette étrange sensation d’être à la fois proche… et totalement impuissant.

Assise sur le banc en contrebas de la résidence universitaire, Nora serrait son téléphone entre les doigts.

Le ciel couvert d’un voile pâle diffusait une lumière froide sur les bâtiments. Le murmure des voix étudiantes, plus loin, ne parvenait pas à la distraire, elle était concentrée et tendue.

Oui, je confirme ma présence pour les ateliers du mercredi… Bien sûr, je suis toujours disponible. 

La voix à l’autre bout du fil était calme, presque mécanique, celle d’un agent habitué aux échanges formels. Nora acquiesçait en silence les yeux fixés sur un point invisible, quelque part entre ses pensées et l’asphalte craquelé sous ses pieds.

- En fait… je voulais savoir s’il serait possible d’ajouter quelques heures de cours ou s’il existe d’autres besoins dans les modules à venir ? 

Elle prononça cette phrase comme si elle venait d’y penser, l’air détaché, presque curieux mais ses doigts se crispèrent un peu plus autour du téléphone.

- Oui, même si c’est en soirée je peux m’adapter. 

Une brève pause suivit. L’agent répondit avec la prudence administrative habituelle.

D’accord, merci je reste à l’écoute. 

Elle raccrocha doucement, l’écran de son téléphone noirci dans sa main et un long soupir s’échappa de ses lèvres.

Elle resta là, silencieuse, le regard perdu. Pas triste, juste… ailleurs…Pensant, calculant.

Elle se leva après un moment, lissa doucement sa jupe et remit son sac sur son épaule. Le vent frais balaya une mèche de ses cheveux qu’elle repoussa mécaniquement et sans qu’elle ne le sache à quelques étages au-dessus, un regard la suivait silencieusement depuis un balcon… Un regard fatigué, curieux mais surtout inquiet.

Matteo entra dans la bibliothèque avec l’énergie d’un condamné marchant vers la potence. Il s’était promis de ne pas sécher les cours et le projet du professeur Davis n’allait pas se faire tout seul, alors il s’était traîné jusqu’ici, le sac en bandoulière, les écouteurs encore autour du cou et la tête ailleurs.

Il jeta un rapide coup d’œil autour de lui non par habitude mais par curiosité et c’est là qu’il la vit.

Lucy était installée à une table du fond, le nez penché sur son écran, elle tapait à vive allure, quelques feuilles griffonnées étaient étalées autour d’elle avec cette organisation chaotique qui dégageait une certaine logique... artistique.

Matteo détourna les yeux immédiatement. Elle t’a peut-être vue, lui souffla une voix intérieure mais il préféra ignorer.

Il dévia sur la droite, tentant de s’installer plus loin. Il sortit un carnet, quelques feuilles, fit semblant de s’y mettre, pourtant son regard revenait toujours vers elle. Puis, sans qu’il ait le temps d’analyser sa réaction, une deuxième silhouette entra dans son champ de vision.

Emily.

Elle vint rejoindre Lucy, naturellement comme si c’était prévu. Elle tira une chaise, posa son sac avec désinvolture et salua Lucy avec un sourire franc. Un sourire qu’il connaissait par cœur.

Il se figea.

Il avait savait qu’Emily était en littérature mais n’avait jamais su que Lucy aussi y était. Quel drôle de hasard, ou pas.

Matteo les observa à distance. Elles discutaient tranquillement sans remarquer sa présence. Il y avait dans leur dynamique quelque chose de fluide, de léger. Emily riait à une remarque de Lucy alors qu’elle haussait les épaules avec un air joueur et pendant ce temps, lui, restait là, immobile, le stylo suspendu entre ses doigts.

Il repensa à ce que Lucas lui avait dit. Sur Lucy, sur ce qu’il pensait ressentir, sur ce qu’il ne voulait pas ressentir par peur et pour ce qu’il ressentait deja et à ce moment étrange, presque flou, où il s’était senti… bien, durant la soirée à côté d’elle.

Mais voilà qu’en la revoyant aux côtés d’Emily, d’un coup, tout se mélangeait ses souvenirs, ses sentiments et cette impression persistante qu’il était en train de changer quelque chose sans le vouloir.

Emily, celle avec qui il avait partagé des années de familiarité et pour qui il avait clairement une forte attirance et maintenant Lucy qui surgissait dans son quotidien avec cette spontanéité désarmante, cet humour malicieux et cette façon de le regarder comme s’il n’était pas aussi compliqué qu’il pensait l’être.

Matteo rangea ses affaires d’un geste brusque, Il ne savait même pas ce qu’il faisait encore ici.

Il passa à côté de leur table en partant. Lucy leva brièvement les yeux vers lui, Il lui sembla voir une étincelle de surprise mais il ne s’arrêta pas, Il murmura un vague “ salut “ en passant, auquel ni l’une ni l’autre ne répondit immédiatement et il sortit de ce batiment totalement perdu.

L’italien referma doucement la porte de leur chambre. Il lança son sac au pied de son lit se laissa tomber dessus et poussa un long soupir.

Lucas allongé sur le sien, releva les yeux de son carnet.

- Tu as l’air d’un mec qui vient de se faire recaler par la vie entière.

- J’aurais préféré, murmura Matteo.

- Mauvaise journée ?

Matteo fixa le plafond un instant avant de tourner la tête vers Lucas.

- Mec je suis paumé, complètement. C’est comme si j’étais dans un épisode de ma vie… que j’avais jamais regardé, tu vois ce que je veux dire ?
Lucas hocha la tête lentement.

- Carrément, moi aussi justement je voulais te parler d’un truc. Je l’ai vu aujourd’hui par hasard depuis le balcon. Et… je crois que ça m’a retourné.

- Wow! ouais… Pareil pour moi mec, souffla Matteo.

- Elle avait l’air préoccupée tu vois, elle parlait au téléphone… mais son visage… c’était pas le genre de soucis qu’on partage facilement.

- Ouais… Elle ausii.... répondit Matteo d’un ton sincère, pensant à Lucy et à Emily en même temps.

Lucas fronça les sourcils.

- Elle ?

- Bah ouais Lucy…

- Lucy ? Moi je te parle de Nora.

Un silence. Les deux se figèrent puis Matteo explosa

- Attends, QUOI ?! On n’est pas DU TOUT sur la même longueur d’onde là !

Lucas leva les mains, confus.

- Depuis quand tu parles de Lucy ?

- Bah…

Ils se regardèrent un instant et éclatèrent de rire un peu nerveux et un peu gênés.

- On est bons pour écrire un sitcom, lança Matteo en secouant la tête.

- Je crois que j’ai trop de trucs dans la tête.

- C’est pas souvent qu’on se retrouve tous les deux paumés en même temps hein ?

Lucas laissa échapper un petit rire sans joie.

- C’est clair, en général y en a un qui joue les philosophes pendant que l’autre se prend les pieds dans la vie.

Matteo se redressa et s’assit sur le lit en croisa les bras sur ses genoux.

- C’est bon je t’écoute, docteur love est là.

Lucas tourna lentement la tête vers lui, puis soupira.

- Nora était dehors, seule, assise sur un banc au téléphone et elle avait l’air… préoccupée.

Matteo resta immobile.

- Oh, Tu es allé lui parler ?

- Non j’ai pas osé. Elle avait l’air… fermée et en même temps fragile. Je ne sais pas…

Il se frotta la nuque visiblement frustré.

- Je me suis dit que j’avais envie de faire un geste, un petit truc pour la remercier d’avoir été là pour moi à l’infirmerie et pour… je sais pas, lui montrer que je suis là aussi si elle a besoin.

Matteo acquiesça lentement baissant les yeux.

- Mec… tu es sûr que c’est juste de la reconnaissance ? ou tu le fais par amour ?

Lucas détourna légèrement les yeux, l’air pris au piège.

- Bon, reprit-il , tu as une idée de ce que je pourrais lui offrir ?

- Hmmm… une bougie.

Lucas leva un sourcil.

- Une bougie ? Sérieux ?

- Ou une fleur,  ou un carnet, ou… mec je sais pas, fais un truc qui vient de toi… tu as toujours su écrire les bons mots, peut-être qu’un petit mot suffirait.

Lucas réfléchit.

- Ouais peut-être que je vais écrire quelque chose.

Matteo hocha la tête.

- Si tu lui écris un mot, je veux une copie.

Lucas éclata de rire.

- T’inquiète, je t’enseignerai le Lucas style. Bon maintenant dis-moi ce qui se passe avec Lucy, je pensais que vous n’etiez que des “amis“

Matteo soupira en se laissant à nouveau tomber sur le lit.

- J’étais à la bibliothèque.

- Tu deviens studieux d’un coup ?

- C’est Davis… son projet commence à me coller à la peau.

Un nouveau silence, Matteo prit une grande inspiration, hésita puis lâcha

- J’ai croisé Lucy à la bibliothèque… avec Emily.

Lucas bougea lentement la tête intrigué.

- Lucy est en littérature ?

- Apparemment, du coup elles se connaissent.

- Et ? Tu as parlé avec elles ?

- Non, enfin j’ai fait genre je les avais pas vues meme si elles m’ont vues entrain de partir pressé comme un lâche.

Lucas fronça les sourcils.

- Pourquoi ? avec Emily vous flirter de temps à autre et Lucy est ta nouvelle “amie“

Matteo hésita, cherchant ses mots.

- Oui mais… j’ai ressenti un truc bizarre. Lucy… elle me fait sourire, et avec Emily on s’entend bien… Je ne sais pas si tu vois...

Lucas acquiesça doucement.

- Je crois que je comprends.

Matteo lui lança un regard en coin.

- Je crois que j’arrive même pas à savoir vers qui mon cœur va… et là j’ai l’impression que tout est en train de s’inverser.

Lucas sourit amusé.

- Et moi qui croyais être le roi des histoires compliquées.

- Mec, on est juste deux crétins sentimentaux dans une série universitaire.

- On est vraiment à côté de la plaque, mec.

- À ce rythme on va finir par s’écrire des lettres d’amour entre nous.

- Tu signes ton mot "avec tendresse" je te renie. plaisanta Lucas.

- Allez va écrire ton mot Casanova et moi je vais… je sais pas… M’isoler dans une cabane en forêt jusqu’à ce que mes sentiments soient clairs.

Ils rirent encore un peu plus légers, plus franchement cette fois. Le poids de la journée semblait s’être un peu allégé.

La lumière du plafonnier baignait la petite chambre dans une ambiance feutrée. Nora était installée sur son lit, son ordinateur portable à moitié refermé, tandis que Lucy entrait avec un grand soupir et son éternel tote bag sur l’épaule.

- Tu as survécu à ta journée ? demanda Nora sans lever les yeux, un sourire au coin des lèvres.

- À peine… Les lundis devraient être interdits surtout après la soirée d’hier, répondit Lucy en laissant tomber son sac au sol.

Elle se laissa tomber en travers de son propre lit, les bras écartés comme une étoile de mer fixant le plafond avec un air épuisé mais satisfait.

- Alors ? raconta Nora en refermant son ordinateur. Tu m’as pas tout raconté de ta soirée, je sais juste que tu étais avec Matteo.

Lucy se redressa sur un coude et un sourire énigmatique aux lèvres.

- Tu es trop curieuse tu le sais ça ? Mais ouais, on a passé la soirée ensemble. Enfin, surtout à parler, il était… plus sympa que je m’y attendais. il est très drôle aussi et un peu maladroit mais c’était mignon.

-  Mignon ? répéta Nora, les sourcils haussés. Attends, tu es en train de me dire que tu l’as trouvé "mignon" ?

- Pas comme ça, nuance Lucy avec un petit rire. Je veux dire... c’est rare les mecs qui savent tenir une conversation sans essayer de briller à tout prix. Il m’a raconté des trucs sur son enfance même ses bêtises au collège, je crois qu’il essayait de me détendre et... ça a marché.

Nora l’observa un instant, attentive.

- Et tu as aimé passer du temps avec lui ?

Lucy haussa une épaule.

- J’ai pas vu le temps passer en tout cas, cest plutôt bon signe non ? Après... c’est pas comme si j’avais un crush ou quoi mais je crois qu’il est plus intéressant que ce que je pensais et puis il m’a pas laissée toute seule, il aurait pu filer à tout moment.

Nora sourit avant de détourner doucement le regard.

- C’est fou, je ne pensais pas que toi et Matteo... enfin, vous avez l’air de bien vous trouver maintenant.

Lucy s’étira un peu puis se redressa complètement.

- Et c’est pas tout, tu sais qui j’ai vu à la bibliothèque cet aprèm ?

- Qui ? demanda Nora.

- Matteo, au début je pensais qu’il faisait juste semblant de pas m’avoir vue mais je crois qu’il a été vraiment surpris..

- Tu lui as parlé ?

- Pas vraiment, il a tourné les talons assez vite mais... je sais pas. J’ai vu un truc dans son regard comme s’il réfléchissait trop d’un coup et Il m’a fait penser à Lucas avec son air de mec qui se pose mille questions en silence.

Nora sourit doucement sans rien dire mais ses pensées semblaient ailleurs.


Alors que Lucy s’allonger sur son lit, Nora sentit une vibration discrète contre sa cuisse, elle attrapa son portable et ouvrit l’application mail, les sourcils légèrement froncés. Un nouveau message, signé de l’agent de formation de l’organisation avec qui elle collaborait.

Ses yeux glissèrent rapidement sur le texte et son souffle s’arrêta une seconde.

- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Lucy en remarquant le changement sur le visage de son amie.

Nora ne répondit pas immédiatement. Elle relut le message une deuxième fois, un mélange d’émotion et d’appréhension dans le regard.

- Ils m’ont trouvé des créneaux mardi, jeudi et samedi en plus de mes cours du mercredi.

Lucy la regarda bouche entrouverte.

- Attends… quoi ? Tu veux dire que tu vas donner cours quatre jours par semaine, en plus des cours à la fac ?

Nora acquiesça lentement la gorge un peu nouée.

- Je leur avais demandé s’il y avait moyen d’avoir plus d’heures et voilà…

Lucy s’assit un peu plus droite comme si une alarme intérieure venait de se déclencher.

- Nora… tu fais déjà plus que ce que la majorité d’entre nous supporterait entre la fac, les projets, la formation du mercredi et les trajets, tu dors quand ? Tu manges quand ? Tu vis quand ?

Nora tenta un sourire mais ses yeux brillaient d’un éclat fragile.

- Je peux gérer, j’ai juste besoin de m’organiser mieux et puis… j’ai mes raisons.

- Tu n’as pas besoin de me les dire, je les connais, répondit Lucy avec douceur mais là, c’est pas une question de volonté, c’est de santé. Tu vas t’épuiser et tu risques le burn-out, tu sais ce que c’est non ?

Nora baissa les yeux, triturant la couverture de son lit du bout des doigts.

- J’ai pas le choix… Ma mère... elle fait tout ce qu’elle peut Et moi? je suis ici à étudier, pendant qu’elle essaye de sauver une boulangerie qui s’écroule. Je me sens inutile Lucy alors si je peux faire ça... juste un peu plus d’argent, je pourrais vraiment l’aider.

Lucy se rapprocha d’elle et posa doucement une main sur sa jambe.

- Tu n’es pas inutile, tu es une fille brillante, bosseuse, et surtout... pas toute seule. On trouvera une solution d’accord ? Je ne te laisserai pas couler toute seule sous une montagne de responsabilités.

Nora releva les yeux vers elle émue.

- Merci… mais je veux pas te faire porter ça.

- Trop tard, fit Lucy en souriant doucement. Tu as signé un contrat d’amitié à durée illimitée ma vieille, tu es coincée avec moi.

Nora rit doucement essuyant du bout des doigts le coin de ses yeux.

- Ok mais tu promets de pas me juger si je deviens une zombie dans trois semaines ?

- Promis mais à la moindre trace de cernes surnaturelles, je t’oblige à dormir trois jours d’affilée, deal ?

- Deal.

Le réveil de Lucas vibra doucement à 8h, il ouvrit un œil le visage encore empreint de fatigue. À sa gauche, le lit de Matteo était déjà vide, sans doute reparti très tôt pour un cours matinal. Il s’étira lentement, ressentant encore la raideur dans ses muscles. Il n’était plus malade mais il n’était pas encore totalement à l’aise dans son corps. Chaque mouvement lui rappelait les quelques jours passés à l’infirmerie.

Il se leva doucement, enfilant un sweat à capuche trop large et marcha jusqu’à la fenêtre. La cour du campus s’animait peu à peu : des étudiants marchaient rapidement, sac sur l’épaule, gobelet de café à la main. Lucas observa, son regard sautant d’un visage à l’autre comme à la recherche d’un repère et son esprit restait accroché à une silhouette bien précise, celle de Nora.

Depuis dimanche matin… silence radio. Il n’avait pas vu sa silhouette franchir la porte, pas reçu de message, pas même un petit “ comment tu vas ? “ en passant, alors qu’elle avait été si présente les heures précédentes.

Il prit son téléphone et regarda une fois de plus sa conversation avec elle. Les derniers messages dataient de samedi il hésita le pouce suspendu au-dessus du clavier tactile.

Juste à ce moment-là la porte s’ouvrit avec un petit grincement. Matteo entra un livre à la main et un croissant à moitié mangé dans l’autre.

- Tu es debout ? lança-t-il surpris. Je pensais que tu dormirais encore.

Lucas haussa les épaules.

- Je me réveille tôt maintenant, faut croire que l’infirmerie m’a discipliné.

Matteo laissa échapper un léger rire et posa son sac sur son lit.

- Je te ramène un croissant, il en restait un et j’ai pensé que tu en aurais marre du thé fade et des biscuits secs.

- Mon héros…

Lucas attrapa le croissant avec un sourire sincère.

- Toujours là pour mon malade préféré, fit Matteo en s’asseyant au bord de son lit. Tu as l’air pensif.

Lucas prit une bouchée avant de répondre, il hésita à parler de Nora. Finalement, il soupira et posa son croissant sur la table.

- Tu sais… Nora n’est pas passée depuis dimanche matin même pas un mot, je n’ai rien.

Matteo leva un sourcil intrigué.

- Elle doit être débordée, elle avait l’air déjà épuisée ce dimanche là et tu as pas oublié votre  projet, elle doit tout faire la pauvre ?

Lucas acquiesça lentement.

- Je sais… C’est peut-être ça et je m’en veux.

Il ouvrit enfin la messagerie et commença à taper.

Salut Nora, J’espère que tu vas bien, je voulais savoir si tu serais dispo aujourd’hui pour qu’on puisse avancer sur notre projet. Je suis encore dispensé de cours aujourd’hui mais je me sens bien mieux. “

Il hésita à rajouter une phrase. Il voulait écrire : “Tu me manques un peu.” mais à la place, il ajouta un simple

“ Je t’attendrerai à la bibliothèque, toujours à la même heure. “ Et il appuya sur “ envoyer “.

Matteo qui l’observait du coin de l’œil lança avec un sourire narquois 

- Alors ? Tu as joué la carte sentimentale ou tu es resté gentleman ?

- Gentleman, répondit Lucas, un peu trop vite.

- Menteur. Tu as envie qu’elle t’écrive dans les dix minutes qui suivent.

- Peut-être…

Lucas se laissa tomber en arrière sur son lit, le regard fixé au plafond. Matteo tout en rangeant son livre dans son sac, ajouta doucement.

- Si ça peut te rassurer ça se voit que Nora n’est pas le genre à ignorer les gens, elle doit vraiment être sous l’eau mais je suis sûr qu’elle va répondre.

Lucas hocha la tête sans vraiment y croire. Il attrapa le carnet qu’il avait préparé en guise de cadeau pour Nora et le caressa du bout des doigts.

- Tu sais ce que tu pourrais faire ? proposa Matteo en lui lançant un regard complice. L’inviter à un moment de détente, genre un café ou une balade, pas forcément un rendez-vous mais un temps à vous. Histoire de sortir du cadre projet.

Lucas sourit touché par l’idée mais il savait qu’il devrait d’abord attendre… sa réponse et elle ne venait toujours pas.

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