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Mademoiselle_Didi
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Chapitre 3

Il faisait encore nuit noire mais Lucas ne parvenait pas à fermer l’œil.

Le salon baignait dans une lumière bleu pâle, reflet discret des lampadaires extérieurs. Étendu sur le canapé les yeux grands ouverts, il n’avait même pas pris la peine de bien se couvrir.

Le téléphone reposait sur la table basse, écran éteint mais encore brûlant.

Nora est morte.

Ces trois mots tournaient sans fin dans sa tête, obsédants… Inconcevables.

Il ferma les yeux, Il voulait se souvenir mais les images surgissaient de façon irrégulière, brumeuses, déformées par le temps et les regrets.

Il la revoyait sous le porche de la bibliothèque, carnet serré contre elle. Parfois elle levait furtivement les yeux quand il passait mais Ils ne s’étaient jamais vraiment parlé.

Quelques regards, un mot échangé lors d’un séminaire et cette impression lancinante d’avoir laissé filer quelque chose qu’il n’avait jamais eu le courage de saisir.

Il se redressa lentement, ses pieds nus effleurèrent le parquet froid. Dans la cuisine, il se versa un verre de whisky. Il n’en buvait presque jamais mais cette nuit-là il en avait besoin.

Assis à la table seul, il serrait le verre entre ses mains tremblantes.

- Pourquoi maintenant... 

Il ne s’était jamais rendu compte à quel point elle occupait une place dans son esprit et dans son coeur comme une mélodie qu’on n’écoute plus mais qui continue de jouer et maintenant qu’elle était partie quelque chose en lui s’était éteint.

Il retourna sur le groupe Facebook. Il lut chaque commentaire, cliqua sur le profil de Dana, parcourut les photos partagées : un gala, un anniversaire… Puis il tomba sur une publication vieille de dix mois :

Nous nous battons pour Nora, Elle a reçu un diagnostic difficile mais elle se bat comme toujours. Si elle a compté pour vous, laissez un message. Elle les lit. 

Son souffle se coupa, Il aurait pu écrire, Il aurait pu dire quelque chose mais il ne l’avait pas fait.

Il baissa la tête entre ses mains, le silence l’engloutit entierement. Il voulait crier mais aucun son ne sortit, à peine un murmure adressé à une ombre invisible

- J’aurais voulu… te dire que je t’aimais.

Mais il s’adressait à une morte et c’était trop tard.


Plus tard dans la journée, Lucas appela Matteo. La voix de son ami flotta dans l’air suspendue entre l’incrédulité et la tristesse.

- Matt… j’arrive pas à croire que c’est vrai.

- Je sais mec. Je suis là. Je passe te voir et si tu veux assister à la cérémonie… je me renseigne et on y va ensemble.

Lucas répondit sans hésiter. Il hocha la tête même si Matteo ne pouvait pas le voir.

- Oui je veux y aller.

Une part de lui se sentit allégée mais son cœur lui restait lourd.


Les nuits suivantes furent agitées, remplies de rêves flous où Nora souriait et semblait lointaine.

Matteo avait envoyé un message la veille, précisant l’heure et le lieu de la cérémonie. Lucas s’habilla lentement, choisissant un costume sombre, Non par habitude mais par respect.

Il n’aimait pas les enterrements mais celui-ci n’était pas comme les autres : c’était un rendez-vous avec son passé, un face-à-face avec tout ce qu’il avait laissé enfoui.

La salle du crématorium baignait dans une lumière douce filtrée par des rideaux translucides. L’odeur mêlée de cire et de fleurs emplissait l’air, les invités assis en silence formaient une mer de visages tendus, certains familiers, d’autres inconnus.

Lucas et Matteo prirent place au fond, discrets. Autour d’eux d’anciens camarades, quelques connaissances et les membres de la famille.

Le prêtre prit la parole d’une voix calme, solennelle. Il parla de la fragilité de l’existence, du combat de Nora et de l’importance de garder sa mémoire.

Il ferma les yeux et l’image de Nora s’imposa à lui : ses yeux sincères, son sourire timide, cette force tranquille qu’elle avait toujours dégagée, Il se demanda combien de fois elle avait souffert en silence.

Puis une jeune femme s’avança à la tribune, sa voix tremblante résonna dans la salle

- Nora était ma meilleure amie. Elle rêvait grand mais la vie ne lui a laissé aucun répit. On s’était promis de rester amies pour toujours; on se disait Nora et Lucy pour toujours et aujourd’hui mon cœur est brise. Tu me manques déjà ma puce, je t’aime.  Repose en paix et j’aimerais que chacun ici se souvienne d’elle comme de la femme forte et lumineuse qu’elle a toujours été. Merci.

Chaque mot transperça Lucas comme une lame, Matteo posa une main sur son épaule.

- Je sais ce qu’elle représentait pour toi, murmura-t-il.

Lucas hocha la tête, Il ne parvenait pas à parler. Un voile de regrets obscurcissait son regard.

La cérémonie se conclut sur une prière, les gens se levèrent lentement, certains les yeux rouges d’autres crispés  luttant pour garder contenance.

Lucas resta assis, immobile avant de suivre Matteo vers la sortie. Il savait que ce moment marquait une fin mais aussi le début d’un long chemin pour se réconcilier avec lui-même.


Le cortège s’ébranla lentement en direction du cimetière, à quelques minutes de là.

Le ciel, lourd et gris, semblait refléter la gravité du moment. Le vent frais agitait les branches des arbres dépouillés comme une respiration lente et douloureuse de la nature elle-même.

Lucas marchait à côté de Matteo le pas lourd, le froissement des feuilles mortes et les murmures étouffés accompagnaient les pas des proches.

Les invités se dispersèrent peu à peu apres l’enterrement, le vent emporta les derniers mots chuchotés.

Lucas resta seul face à la pierre. Au loin, Matteo s’éloignait respectant son besoin de silence, Il lui lança un regard avant de monter dans la voiture.

Le silence du cimetière semblait suspendu au souffle de ses mots, le ciel s’était assombri menaçant comme s’il pleurait lui aussi une absence.

Le cortège avait quitté les lieux depuis plusieurs minutes laissant derrière lui le silence des morts et le frisson d’un vent froid qui s’infiltrait entre les pierres.

Lucas n’avait pas bougé. Droit, figé devant la tombe fraîchement refermée, il fixait la terre retournée recouverte de fleurs perlées de rosée, le nom de Nora Benette y était gravé avec une élégance discrète.

Ses mains enfoncées dans les poches de son manteau se crispèrent. Il n’avait plus rien à lui offrir, sinon ces mots qu’il n’avait jamais eu le courage de lui dire de son vivant.

Il s’agenouilla lentement, posant une main tremblante sur la pierre glacée, ses yeux rougis par la fatigue et les larmes restaient fixés sur sa face.

Son cœur battait douloureusement comme s’il refusait de lâcher prise.

- Je suis venu Nora…

Sa voix vacilla.

- Je suis venu mais trop tard…

Il ferma les yeux, la gorge nouée puis il laissa tomber les derniers remparts.

- Je t’aime… je t’aimais depuis ce premier jour où je t’ai vue concentrée sur ce manuel les cheveux tirés, les sourcils froncés. Tu mordillais ton crayon et moi… moi, je me contentais de t’observer de loin comme un imbécile.

Un rire nerveux, étranglé lui échappa.

- J’ai tout enfoui par peur, par lâcheté. Je croyais que je n’avais pas ma place dans ta vie, qu’on appartenait à deux mondes différents mais la vérité, c’est que je n’ai jamais osé t’inviter dans le mien alors que j’aurais dû bâtir un pont entre nous mais je ne l’ai jamais fait…

Il posa son front contre la pierre.

- Et maintenant… il ne reste plus que cette tombe et cette douleur que rien n’apaisera.

Le vent souffla plus fort et Lucas frissonna mais ne bougea pas comme s’il espérait encore… un miracle, qu’elle apparaisse, qu’elle lui parle.

- Je suis marié à une femme que je n’arrive pas à aimer, j’ai hérité d’une existence qui ne m’appartient pas mais toi… tu étais la seule chose que j’aie vraiment désirée et je ne t’ai jamais eue, pas même un regard vrai, pas même une minute volée. Tu m’avais sans doute deja oublié… ou peut-être pas, peut-être que tu savais, peut-être que tu attendais que je dise enfin quelque chose et maintenant c’est trop tard.

Les larmes coulèrent, libres.

- Je suis tellement désolé… pardonne moi Nora… s’il te plait…

Un silence.

Puis dans un souffle 

- Si je pouvais revenir en arrière… je t’aimerais à voix haute, je me battrais pour toi, je t’épouserais. On aura une petite maison, un chien peut-être, du rire, des disputes, des matins ordinaires et des nuits extraordinaires. Juste nous deux, rien d’autre ne compterait…. Tu me manques, Tu m’as toujours manquer.

Il resta là recroquevillé contre la stèle, le corps secoué de sanglots comme un enfant perdu.

À quelques mètres dans la voiture Matteo observait sans intervenir, Il savait. Certaines douleurs ne se partagent pas, elles se vivent, seules.

Lucas resta longtemps ainsi puis lentement il se releva. Son visage trahissait l’épuisement, Il jeta un dernier regard à la tombe.

- Au revoir Nora.

Le chemin du retour se fit dans un silence pesant. Matteo concentré sur la route respectait le mutisme de son ami.

Le moteur ronronnait doucement, seul bruit couvrant le chagrin qui se rependait dans la voiture. Lucas fixait la fenêtre, les lumières de la ville défilaient comme des souvenirs flous, inaccessibles.

Il avait un regard vide, c’est comme si il avait tout laissé là-bas, au pied de cette pierre froide.

Dans sa grande maison tout semblait plus froid que d’habitude. Il entra, déposa ses clés sans bruit et resta figé dans l’entrée incapable d’avancer.

Clara apparut dans le couloir vêtue d’une robe pâle. Elle n’avait pas assisté aux obsèques, elle ne connaissait pas Nora et n’avait posé aucune question.

- Tu es rentré tard. dit-elle simplement.

Lucas ne répondit pas, il ôta sa veste d’un geste las, son regard évitait le sien.

- C’était quelqu’un de proche ? demanda-t-elle, incertaine.

Il haussa les épaules puis secoua la tête.

- Elle comptait. murmura-t-il, la voix rauque.

Clara resta silencieuse. Elle le suivit des yeux tandis qu’il s’enfonçait dans le salon, Il s’effondra dans un fauteuil le dos voûté et le visage enfoui dans ses mains.

Elle ne dit rien de plus et monta à l’étage.

- N’oublies pas de prendre une douche, ajouta-t-elle sans émotion. Et essaie de dormir.

Il ne dit rien epuisé par la longue journée qu’il avait subit.

Sous l’eau brûlante, Lucas s’adossa au carrelage. Les larmes revinrent plus profondes, plus muettes. Son visage ruisselait d’eau et de peine, Il resta là longtemps jusqu’à en perdre la notion du temps.

En sortant il évita la chambre conjugale, Il prit une couverture dans le placard du couloir et descendit au salon. Il n’avait pas envie d’entendre la respiration de Clara à côté de lui, n’ayant pas envie de sentir ce vide déguisé en intimité.

Allongé sur le canapé, il alluma son téléphone par réflexe.

Une notification, un message de Matteo :

'J’ai retrouvé cette vidéo de Stanford. Il s’agit du  jour où Nora a chanté pour une levée de fonds, peut-être que ça te fera du bien. 

Lucas cliqua, l’écran s’éclaira et la vidéo démarra.

Nora apparut vivante sur une petite scène improvisée micro à la main, cheveux libres, sourire éclatant.

Son rire résonna avant même la première note, il plaqua une main sur sa bouche, ses épaules tremblaient. Le monde s’effondrait à nouveau et pleura à chaude larme.

- Nora…. murmura-t-il à l’écran.

Il resta là, les yeux rivés à ce morceau de passé, Il ne voulait pas dormir, Il voulait la revoir.

Encore et encore.

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2 Comments

13 days
Je suis un peu perturbée sur le fait qu'ils n'ont pas l'air d'avoir partagé quelque chose, à part peut-être des regards... j'aimerais en savoir plus lol
Le pitch est vraiment bien et il me tarde de les voir dans le retour en arrière. De plus tu écris très bien !
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13 days
Merci beaucoup ça me fait chaud au cœur
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